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 Sombre nuit et froide rencontre [Privé]

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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyVen 25 Avr 2008 - 15:06

* Qu’est-ce que je fous là … ? *

La soirée s’était jusque là déroulée comme les autres avant elles. Son travail finit, le forgeron de la Rose d’acier avait fermé boutique et était sortit. Il avait erré un moment, sans grand but, et ses pas l’avaient irrémédiablement mené à une taverne. Comme chaque soir depuis son arrivée à Elament, le jeune homme s’était assit à une table et avait fait fondre une bonne partie de ses bénéfices dans l’alcool.
Surprenant, d’ailleurs, qu’une personne d’aspect si peu imposant puisse supporter la quantité qu’il avait ingurgité. Tout habité de taverne vous dirait qu’il aurait eut de quoi être complètement rond, ou finir dans un coma éthylique. Mais non.

Chaque soir depuis son arrivée, Grayric Gwardow buvait pour oublier. Quand le travail s’arrêtait, il n’avait plus rien pour s’occuper l’esprit, plus rien d’autre que les mêmes remords qui le poursuivaient inlassablement. Sa lâcheté l’avait conduit à s’enivrer pour ne plus y penser, laissant le soin aux volutes d’alcool d’embrumer suffisamment son esprit.


* Bordel, comment j’ai pu venir jusqu’ici ? *

Mais ce soir, il y avait une différence. En temps normal, Gray buvait davantage encore, et se réveillait chez lui le lendemain sans vraiment savoir ce qui était arrivé et comment il était rentré. La gueule de bois était, bien entendu, de la partie, mais il avait apprit à faire avec, comme un maigre coût à payer pour avoir la paix de l’esprit. Seulement, ce soir, il était sortit plus tôt, sans trop y réfléchir.
Dés lors, le nymphe s’était mit à marcher jusqu’à un endroit qu’il ne connaissait que pour l’avoir vu de loin. Le parc de la cité, la place de la fontaine Cryselle. Qu’est-ce qui avait bien pu le pousser à venir ici, cela, il n’en avait strictement aucune idée. Parfois, son propre corps lui jouait des tours.


« Pourquoi je suis venu là ? » Marmonna-t-il.

Ah, si, il y avait peut-être un détail. S’il ne se trompait pas, et il y avait peu de chance qu’il fasse erreur, c’était encore une fois l’anniversaire de sa lâcheté. L’anniversaire du jour où il s’était enfuit en laissa les siens se faire tuer. Sombre journée qui, chaque année, voyait l’humeur de Grayric se dégrader de minute en minute jusqu’à ce qu’il se mette à boire, le soir venu. Mais là, il était encore trop conscient, trop sobre à son goût.

S’asseyant au bord de la fontaine, le jeune homme riva ses yeux sur ses bottes, accoudé à ses genoux. Les images sournoises qui tournaient ne rond à la limite de sa conscience lui prouvaient qu’il n’avait pas assez bu pour être complètement tranquille, tandis que sa bourse, accrochée à son flanc à côté de son épée, lui démontrait qu’il n’aurait pas de quoi finir le travail.
Il était encor tôt, comparé à la durée habituelle de ses soirées alcoolisées, et le forgeron n’avait pas encore envie de rentrer. Que faire ? Les souvenirs, à l’orée de ses pensées, menaçaient déjà de le harceler s’il ne trouvait pas quelque chose pour s’occuper l’esprit.


« Laissez-moi… »

Peine perdue que de tenter d’éloigner les souvenirs douloureux de cette façon. Loin de se dissiper, ceux-ci dérangeaient de plus belle, comme amusés par la détresse du nymphe déjà suffisamment tourmenté par ses propres remords. Mais c’était trop tard.
Il commençait déjà à revoir les passes d’arme, les combats tout autour de lui. Comme s’il était repartit en arrière, les combats se déroulaient de nouveau devant ses yeux. Tous étaient là, tous ses amis, à part Doi qui était mort depuis longtemps déjà.

Le réalisme de la scène, mélangé aux effets de l’alcool, fut sans pitié. Sans rien remarquer, Grayric, redevenu Falinnor, se mit à croire qu’il vivait ces instants, qu’ils étaient réels. Sans réfléchir, il empoigna sa lame et se lança à son tour dans une bataille au déroulement déformé, par rapport à ses souvenirs. Son désir secret de vouloir changer ce qui s’était passé et son esprit à moitié embrumé changèrent les réactions des adversaires, le rythme du combat…
Seul au milieu de la place, épée en main, le forgeron de la Rose d’acier semblaient comme prit d’une transe furieuse. Il se battait - pour les yeux d’un observateur extérieur - contre une horde d’adversaire invisibles avec une hargne et une férocité qu’il était difficile de reconnaître chez lui, pour peu qu’on le connaisse.

Gray ne remarquait plus rien, tout entier prit dans sa propre illusion, dans sa propre rêverie. Il ne distinguait plus la place, ni la fontaine, ni ce qui les entouraient. Tout ce qu’il distingua, ce fut un bruit, dans son dos, quelque chose qu’il n’eut le temps de reconnaître. Seul son instinct répondit, le forçant à se retourner en cherchant à abattre dans le même mouvement son arme dans le flanc de ce qu’il voyait comme un adversaire essayant de le prendre à revers.
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Ruby
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyVen 25 Avr 2008 - 16:00

-> Les Cours

Le signe s'était incarné. Et les promesses faites à elle-même devaient être tenues.
Certes, bien sûr, mais que faire à part rien ? Attendre, en traînant, en visitant encore et encore la cité, jusqu'à ce que la trace de ses pas légers s'imprègnent dans la cité même, jusqu'à ce que sa marque ne s'efface plus... Et l'étoile de givre ne se marquait plus dans le moindre de ses gestes. Même accroupi sur les remparts, si haut, si désinvolte, qui avaient observé sa chute et sa renaissance, même épiant à ces murailles là, Ruby se sentait vide.

Elle avait décidé de partir, faisant aux dernières personnes qu'elle aimait un adieu froid et tranchant, un adieu d'incarnation de l'hiver, un adieu de prédateur, aux baisers de sang et la douleur fugace. Son coeur se pinça. Il se pinça d'autant plus qu'elle avait promis de rester si un signe lui apparaissait. Elle il l'avait fait, conte vents et marées, contre sa volonté. Et la petite jeune femme n'avait plus eu qu'à s'y plier, revenant dans une cité qui la détestait, enseignant de nouveau.

C'était si simple pourtant. Venir, enseigner, vivre. Mais cette façon d'exister lui déplaisait aussi sûrement que la chair la faisait vomir, il y avait des années de cela. N'avait-elle donc plus qu'une chose à faire, devenir humaine, banale, comme ces autres derrière leur étals, comme ces autres derrière les charrues de leurs champs ? Elle grimaça, sautant de toits en toits, essayant de décoller pour ne plus revenir.

Mais qu'est-ce qui la forçait réellement à rester ? si elle voulait partir, elle n'avait qu'à le faire, merde ! Elle n'avait qu'à s'enfuir, accompagnée de sa seule solitude...

La solitude.
Lorsque l'hiver vient, le loup solitaire meurt.

Mais l'hiver était passé. Le printemps coulait vite, et l'été serai de nouveau là. Elle n'avait qu'à partir et se trouver une nouvelle meute.

Sauf que sa meute était ici, malgré tout. sa meute, c'était Shinreï, c'était Archael. Sa meute, c'était Naciniah, et ses louveteaux étaient ses élèves, bien qu'ils puissent pour certain la détester, car elle avait tuer leurs amis. Sous la lune, à cet instant, elle pouvait être la personne la plus seule au monde, si ce n'était ... Lui.

Alors qu'elle approchait de la fontaine, elle avait entendu une voix se parler à elle-même, sans se répondre pourtant, chuintant la solitude et l'abandon... Et, installée au sommet d'un arbre, elle songea que, elle au moins, il lui restait un but. Protéger son territoire qui, en fin de compte, n'était pas le sien. Pour se perdre dans la chasse, encore et encore, et oublier les restes gluants d'une mélancolie qui l'empoisonnait plus sûrement que ne l'aurait fait la cigüe.

Alors, en fin de compte, elle errait, et la raison pour laquelle elle faisait cela n'avait pas d'importance.

Comme un flocon, elle descendit de son perchoir, flairant l'air ambiant qui empestait l'alcool et la sueur. Qui empestait derrière tout cela l'humanité. Oublieuse, elle ne fit pas attention et ne cacha pas sa présence comme l'aurait fait naturellement tout prédateur. L'alcool embrumait l'esprit et les réflexes s'en trouvaient diminués. Confiante en sa situation, elle décida de s'approcher encore.

Dans quel but ? Lier dialogue, faire des rencontres... Ah, oui, cela n'est pas très crédible pour un être comme elle.
Alors, comprendre, peut-être, pourquoi réellement, elle restait ici. Comprendre à travers lui.

Néanmoins, il ne devait pas avoir assez bu car il entama un coup circulaire de son épée, taillant vite et bien, presque proprement ... s'il avait pu atteindre sa cible. Car l'arme se stoppa net sur le tranchant de la main de la Cristalléenne, arrêtée par une magie si puissante qu'elle semblait luire dans l'obscurité de la nuit.

Elle n'était pas très grande, Ruby. Et ceux qui la connaissaient la définissaient comme ayant l'apparence d'une jeune fille, presque d'une enfant, avec dans ses yeux, dans ce regard couleur de sang, plus de sagesse qu'il n'était autorisé à une personne d'apparence aussi jeune à en avoir. Vêtue de blanc, car de blanc en dedans, l'hiver, la neige, le froid, tout cela se voyait sur sa peau, sur ses cheveux, d'un blanc plus clair encore que le lait, et infiniment plus satiné.

Pour des créatures magiques dont la beauté est un bibelot que l'on se donne tellement il est banal, elle ressortait pourtant, bestiale, animale. Dangereuse et d'une extrême fragilité. Car sa cruauté à elle seule figeait l'attention sur elle, même si elle n'était qu'un mensonge.

Du tranchant, de la main, donc, elle arrêta l'attaque. Pas de façon gratuite, bien sûr, car toute action à un prix, mais la puissance courrait dans ses veines comme l'eau dans le fleuve. Immense, destructrice.

La glace qu'elle avait invoquée entre l'acier et sa peau reçut le choc en grinçant un peu, la force de l'impact soufflant dans les cheveux longs de cette créature. Ses yeux fixèrent l'être devant elle, qui avait eu l'audace de porter le coup. Grand, brun. Et indéfectiblement beau. Sur ses traits courraient la marque des nymphes, de la nature à l'état brute, végétale, minérale. Mais pas animale. L'air froid, sombre, des traits taillés pour la vie véritable, et une splendeur dégradée, l'étincelle tamisée de ses yeux en était la preuve. L'Or, l'ambre. Le soleil. Derrière les nuages.

Ruby retint sa respiration alors que passait sur elle la brise du coup. Alors, lentement, elle ancra ses yeux dans ceux du nymphe et y lu une solitude profonde, et des blessures que, probablement, seule de nouvelles douleurs pourraient effacer.

Entre ses lèvres exsangue qui avaient embrassé la mort coula un mot, imprimé par la froidure d'une nuit d'hiver :


" Paix. "

Et le temps sembla s'arrêter.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptySam 26 Avr 2008 - 12:17

Un choc, une résistance, un bruit de métal contre la glace… Un fait surréaliste pour l’illusion dans laquelle avait sombré le nymphe. Ce ne pouvait être un démon, ils n’avaient pas ce genre de pouvoirs. Mais alors qui ? Le champ de bataille s’estompa, se dissipa comme une brume sinistre sous les rayons du soleil.
Devant Gray se tenait une personne, aux allures de jeune fille. C’était elle. C’était elle qui avait arrêté le coup, d’une simple main où le forgeron pu distinguer un peu de glace.
Il n’eut pas le réflexe de se recomposer une expression fermée, si bien que son visage reflétait encore la haine et la peur dans lesquelles le plongeaient ses tourments.

Puis, ses yeux se posèrent sur ceux de cette demoiselle, d’un rubis contrastant avec la pâleur extrême de sa peau et de ses cheveux. Quelque chose, l’intensité de son regard peut-être, dissipa les démons intérieurs du jeune homme. Pour une raison qu’il ne comprenait pas, il avait du mal à afficher ce mépris qu’il réservait généralement à ceux qui le dévisageaient. Et cela le dérangeait.

« Paix » avait-elle dit, simplement, doucement, froidement.

Il fallu un moment à Grayric pour bouger. Quelques secondes ? Ou même minutes ? Difficile à dire, le temps s’était comme arrêté entre eux. Quand enfin ses muscles répondirent, le nymphe acheva de se retourner, faisant un petit pas en arrière, et retira son épée de sa cible involontaire. Pourquoi s’était-elle approchée d’un dément qui ferraillait seul dans une nuit sombre, à moitié éméché ? Pourquoi cherchait-elle à le calmer plutôt que de le stopper plus nettement ou d’appeler une quelconque force de l’ordre ?
Cette jeune fille venait à peine d’apparaître qu’elle suscitait déjà trop de questions, ce qui dérangeait Gray plus qu’il ne voulait l’avouer.

Quelque chose l’intriguait davantage, cependant. Comment avait-elle fait pour le calmer si facilement ? Les tourments intérieurs du jeune homme étaient, selon lui, d’une rare intensité, et elle avait pu le stopper comme si de rien n’était, allant jusqu’à le calmer d’un simple mot. Quelle était cette créature d’apparence si jeune et pourtant étrangement attirante, mais semblant dégager une telle puissance ? Rien que cet étrange magnétisme le dérangeait.
Quand enfin il pensa en avoir trouvé la force, le nymphe passa sa main libre sur son visage, et un souffle haché fut la seule chose qui sortit de sa bouche. Il se recomposa un visage, et le Grayric habituel revint. Morne, froid, voir glacial d’aspect… Et pas un mot.

Il prit également conscience de l’arme qu’il avait toujours à la main. Même s’il se fichait pas mal de l’impression que cela donnait, il n’avait pas envie d’être prit pour un agresseur et d’avoir des ennuis. Sans compter cette petite voix, tout au fond de son crâne, qui lui soufflait qu’il n’avait pas tant besoin d’être sur ses gardes, à cet instant. Comment aurait-il pu la baisser ? Il avait devant lui une personne lui évoquant des dizaines de choses, mais aucune dont il ne comprenait l’origine !
Et plus encore, le fait de lui faire ressentir des impressions et des émotions qu’il avait presque oubliées…

Gray ouvrit la bouche, comme pour parler, mais sembla se raviser. Au lieu de cela, il rengaina son épée, lentement, comme dans un rêve. Ses yeux se détachèrent enfin de ceux de cette personne à la présence si dérangeante et pourtant étrangement agréable.


* Mon pauvre Gray, sur qui, ou quoi, t’es encore tombé… *

Le tableau était quelque peu bizarre, dans sa tête. Deux êtres se regardant en chiens de faïence, apparemment tout aussi solitaires l’un que l’autre. L’un tourmenté par ses démons, l’autre les ayant, momentanément, dissipés en un mot…

« Mes démons intérieurs… »

L’explication lui était venue aux lèvres par une volonté indépendante. Immédiatement, le nymphe le regretta. Il n’aimait déjà pas se lier, le risque de perdre un être cher ravivant ses tourments, mais il aimait encore moins se dévoiler, se révéler. Comme si son impression de malaise n’était déjà pas assez grande…
Bien qu’il luttait, il se sentait presque nu sous le regard fixe de cette demoiselle. Comme si elle comprenait sa situation, sa solitude, qu’elle connaissait une partie de ce qu’il ressentait. C’était l’impression qu’elle lui donnait, impression qu’il n’appréciait pas.
Il ne voulait pas être comprit, mais paradoxalement, il se demandait jusqu’où elle pouvait le comprendre…
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Ruby
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptySam 26 Avr 2008 - 14:59

Plus de peur, plus de haine.
Il était nouveau, dans cette cité, ou ne la connaissait pas. Il n'avait probablement pas participé à la Bataille, pas vu les tripes et le sang versés d'égales mesures. Il connaissait peut-être la mort, mais pas celle et douloureuse des guerres. Il connaissait pas cela. Il ne la connaissait pas.

Il devait voir comme tout le monde une gamine. Ou voir, par delà les traits, l'adulte faite chair. Race habile, race surprenante. Mais son défaut à elle, à elle seule. Dans ses cheveux blancs, dans cette peau blanche, dans ces yeux rouge, il ne devait voir rien de connu mais pourtant reconnaître, comme on reconnait un reflet, la créature animale, brute. La Créature pure.

Un instant, la Louve, la Chasseresse, la Cristalléenne, ... Ruby, fut soulagée. Qu'on la prenne vierge de tout acte, c'était bien. On pouvait ainsi la juger, à la façon sale des humains, sur ce qu'elle paraissait être. Mais là encore, son image ne plaidait pas en sa faveur.

Aussi ignora-t-elle tout cela, son innocence, sa nouveauté, et le coup d'épée. Avec l'assurance des prédateurs ou des êtres certains de leur puissance, elle avait prononcé un mot unique, synonyme de tant et tant de choses qu'on ne pouvait plus que plier. Et, de toute façon, face à elle, il ne devait y avoir que deux ou trois personnes au monde susceptibles de ne pas plier et de s'en sortir vivantes.

Tout s'effaça sur lui. La folie, la colère, la peur. Le trouble s'ancra fermement, dissipé derrière la barrière froide d'une attitude hautaine. Les yeux du nymphe se voilèrent et un murmure d'acier s'éleva lorsque l'arme revint au fourreau.

Ainsi se firent-ils face.

Qui était-il ?
Il était lui, ici, et maintenant, un être alcoolisé, puant la bière et d'autres choses. Il était lui, près d'une fontaine. Son arme à la taille traduisait d'un besoin de s'en servir. Ce n'était pas un objet de parade, ni une arme ancienne. Et quoi que n'y connaissait rien, Ruby lut la beauté du travail. Il était lui, et face à elle, et seul cela comptait.
Que faisait-il ?
Il vaquait à ses occupations, comme le font tout être. Les animaux se laissent aller aux choses essentielles : boire, manger, défendre son territoire, se reproduire. En un mot, vivre. Mais les humains étaient plus complexes. Trouver l'amour, trouver les réponses à leur questions, avoir de l'argent, fuir, fuir, et oublier.

Les raisons comptent pour rien, dans un monde pareil, pour un être comme elle. Les raisons... Mais en cette nuit, elle en avait peut-être plus besoin qu'elle n'avait eu toute sa vie besoin de toute autre chose. Besoin de raison, de rester, et ne pas s'entêter tout court à rester ici sur le seul gage d'une promesse.

Lorsqu'il parla, elle pencha sa tête de côté, comme un animal sauvage, baissa sa main que plus aucune glace ne recouvrait.

Démons intérieurs.
Oui.
Elle connaissait. Elle en avait eu, autrefois. Elle en avait eu et les avait combattu. Puis elle était morte, et ils étaient revenu. Et elle était morte de nouveau. Mais ils n'étaient pas réapparu depuis. Son Oncle, sa famille, son clan, son passé. Sa puissance, les morts sur sa conscience, sa nature. Tout cela avait été ses démons, et elle s'était accordée à se dire que, de toute façon, le passé était le passé, et l'on ne pouvait plus revenir dessus.

Aujourd'hui, il ne lui restait qu'un but à trouver, une raison de vivre. Aujourd'hui, elle avait exorcisé à coup de traques, de chasses, de mises à mort, elle avait exterminé ses démons, enterré, loin, profond, sous des tonnes et des tonnes d'ignorance et d'acceptation. Elle avait purgé la moindre goutte de douleur en elle et l'avait pissé et craché comme on aspire un poison vers l'extérieur. Aujourd'hui, tout était fini pour elle. Mais pas pour lui.

Les démons intérieurs. Elle connaissait.


« Pour tuer des démons intérieurs avec une épée, il faut retourner l'arme contre soi-même. » maxima-t-elle « Ou pouvoir les rendre solides. »

C'était la solution extrême, contre nature, qui demandait tellement de courage et qui pour les autres étaient tellement lâche, qu'au final, il valait mieux partir, disparaître, et se tuer, seul, loin de ses origines.

Ruby tourna le visage vers la Fontaine, vers ses eaux saunâtres. Les jets ne fonctionnaient pas, certains soirs. Mais celui-ci s'en voyait béni. En moins d'un clin d'oeil, juste le temps qu'aurai mis le nymphe pour regarder l'architecture aquatique et fixer de nouveau ses yeux sur Ruby, juste en ce temps là et moins encore, l'Aqua s'incarna en flocon et voltigea vers la surface lisse des eaux. Ses pieds, en la touchant, n'éveillèrent pas de rides. Son corps ne s'y enfonça pas lorsqu'elle reprit forme.

Elle croisa ses bras sur sa poitrine, puis baissa son visage et regarda son reflet.


« Nos peurs sont le reflet de notre propre faiblesse. » susurra La Cristalléenne, de glace. « Mais un homme qui porte à son flanc une épée usée par les batailles ne peut être faible. »

Ruby n'ajouta rien d'autre, espérant en silence, priant comme le font les êtres comme elle, sans destinataire ni sujet véritable, que ses mots aient frappé, avec force et efficacité.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptySam 10 Mai 2008 - 1:18

Elle parlait avec sagesse et maturité, comme si elle connaissait déjà le sujet. Chacun de ses mots semblaient mesurés pour avoir un impact sur le nymphe, et chacun atteignit probablement sa cible. Elle lui donna à réfléchir avant même d’avoir finit.

Il avait succombé à l’illusion de ses propres tourments, donnant vie à ses regrets et ses douleurs. Vie, mais pas consistance. Les coups d’épées n’avaient eut aucun effet, et les ombres tapies au fond de son cœur s’y terraient encore en riant se jouant de lui et le consumant encore et toujours à petit feu jusqu’au jour où il craquerait complètement. L’incident de ce soir en était la preuve : il pouvait craquer.
Si son épée devait pourfendre les créatures de l’esprit qui hantaient le jeune homme, celui-ci devrait retourner l’arme contre son propre sœur, comme l’avait dit la demoiselle. Par se seul moyen, en s’ôtant la vie en même temps que celle de ses démons, il pourrait se libérer. Mais le prix à payer n’était-il pas trop lourd, trop ultime ?

Certains l’auraient qualifié de lâche, mais ceux-ci ne sont probablement que des fous sans sens des réalité ni conception des valeurs. Payer de sa propre vie pour regagner une existence sans démons intérieurs est un prix bien ridicule pour celui qui le paie, car il ne lui reste au final plus rien, pas même de quoi s’en rendre compte.
Cela, Grayric le comprit dans l’instant, et l’idée de retourner son arme contre son cœur ne lui effleura même pas l’esprit.

Elle tourna les yeux, et le forgeron suivit machinalement son regard. Le temps qu’il revienne à elle, elle s’était envolée. Ne restait à sa place qu’un flocon au comportement défiant la logique, qui flotta de lui-même jusqu’à la fontaine. Une ombre d’émotion passa dans les yeux du nymphe. Ce simple petit cristal de neige était à ses yeux d’une beauté saisissante. Une pureté sans égal, un ravissement pour les yeux, une sérénité apaisante.
Tout simplement…


« Parfait… »

Arrivé à l’eau, Gray trahit une nouvelle émotion : la surprise. Il avait pensé la blanche demoiselle disparue, et découvrait avec un étonnement teinté d’admiration qu’elle était ce flocon, ce parfait spectacle qui s’était offert à ses yeux d’or. Ce simple fait éveilla en lui une curiosité qu’il n’avait plus connu depuis le jour sombre qui avait vu la naissance de ses tourments.
Elle semblait ne pas peser le moindre pour, sur la surface calme des eaux de la fontaines. Pas même une ride ni la moindre agitation, la sérénité parfaite. Encore. Comme le flocon quelle était encore une seconde plus tôt. Cette image plus que tout lui faisait dégager cette aura calme, d’une pureté et d’une beauté saisissante.

Elle parla encore, toujours aussi calmement, froidement peut-être. Et encore une fois, chacune des flèches qu’elle décocha de ses lèvres filèrent tout droit jusqu’à leur cible. Accepter la mort d’une famille était une chose difficile, bien entendu. Mais que craignait-il, tant de temps après ? De représailles ? Ni les démons qui avaient taillés les siens en pièces ni ces derniers n’étaient revenus réclamer quelque vengeance que ce soit. Eux-mêmes avaient ordonnés au jeune nymphe de fuir. Eux-mêmes avaient choisit de se battre pour permettre à l’un des leurs de survivre. Un choix délibéré

En fin de compte, ces années de tourmentes noyées dans l’alcool n’étaient qu’une faille dans la cuirasse, une fissure dans la muraille qu’il avait dressé autour de son cœur pour le rendre inaccessible. Il avait fallu des années pour qu’une personne ne parvienne à s’y engouffrer pour toucher le centre de toute cette protection.

Alors que la blanche demoiselle restait silencieuse, les yeux rivés sur son reflet, une larme coula le long de la joue du jeune homme. Il eut tôt fait de l’essuyer, d’inspirer profondément, et de se reprendre. Sa main, portée à sa tunique, serra le médaillon doré qui ne le quittait jamais, et Grayric eut une pensée pour celle qui l’avait élevé. Où plutôt Falinnor eut une pensée pour elle, car c’était lui et lui seul qui avait été touché par les mots de l’inconnue. Grayric, lui, le forgeron de la Rose d’acier, le taciturne individu qui s’enivrait presque tout les soirs, étaient dissociés de cela, comme un masque cachant une vieille balafre.

Il aurait pu la remercier, ne serait-ce que murmurer, mais il n’était pas dit qu’elle en comprendrait la raison. Et dans ce cas, il n’aurait ni le cœur ni l’envie de lui expliquer. Au lieu de cela, il se contenta de la regarde, belle, sereine, posée sur l’eau comme si elle ne faisait partie. Elle avait ouvert une brèche dans les illusions du nymphe, qui avait pu l’élargir pour voir la vérité cachée dessous. Elle était sage, malgré son âge apparent. Mais, malgré tout cela, Gray ne savait strictement pas de qui il s’agissait, alors que cette curiosité lui fouaillait le ventre.


« Vous êtes sage, blanche demoiselle. Plus que l’on ne le pourrait soupçonner. Vous parlez avec les mots de celle qui déjà a connu semblable expérience. En avoir tiré leçons est tout à votre honneur. »

Le lyrisme avait touché le jeune homme, qui se surprenait lui-même des mots qu’il employait. Les heures de lectures n’avaient finalement pas été inutiles, loin de là.
Que son interlocutrice puisse le voir où non, et jetant aux orties le ridicule, Gray se fendit d’une référence tout aussi lyrique que ses paroles.


« Je me nomme Grayric Gwardow, et suis l’humble nymphe forgeron de la Rose d’acier. »

Il se redressa, et ses pupilles d’or se fixèrent sur le visage de la demoiselle. Elle n’avait plus l’air de glace, et le mépris y était désormais absent. À la place se trouvaient une énergie, une vie même, qu’elles ne contenaient pas habituellement.

« Puis-je vous demander votre nom, blanche dame-flocon dont la grâce ne trouble pas l’eau d’une seule ride ? »

Voilà qu’il s’improvisait poète, maintenant. De mieux en mieux, et de plus en plus décalé avec le Grayric habituel. L’alcool n’y était pour rien, ou presque rien, cependant : cela faisait déjà un moment que les brumes s’étaient dissipées au profit des prises de conscience.
Néanmoins, cette verve ne lui était de loin pas coutumière. Peut-être serait-ce là un fait digne d’être inscrit dans le vieux grimoire d’Hireloth…
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyDim 25 Mai 2008 - 17:19

[ Damien Saez - Jeunesse Lève Toi ]

Il manquait un blizzard, ici, une sempiternelle chute de neige, tellement belle, tellement formidable. Poignante et douloureuse. La neige, pour elle, ce parfum d'absolution, de douleur. La douleur ? Une purgation.
Elle s'inclina devant le jeune homme, saisissant entre ses longs doigts fins d'harpiste ou de meurtrière un morceau du pâle vêtement qui faisait sa toilette, textile d'araignée, voile de mariée. Elle était promise à la chute, de toute façon, à la peine, à la mort, promise à la destruction et de meurtre en dedans. Sa beauté, sa blancheur, tout cela relevait du miracle.

Faite de meurtre et de miracle, donc, sans que l'un ne le souille ou que l'autre ne le sanctifie. Elle sourit d'une façon si triste devant cette marque de mondanité qu'un roi aurait pleuré pour son bonheur. Ange, nymphe. véritable chimère, fantôme d'un autre âge. Elle avait cru ses cicatrices soignées, réparées, cautérisées à l'acier chauffé à blanc. Blanc. Mais il n'en était rien, au fond. Il suffisait de gratter la mince couche de verglas sur le verre pour voir la transparence.


" Je me nomme Ruby, Cristalléenne, fille du clan du Loup, Aigle par Nature. "


Et Parjure, Blasphématrice, Menteuse. Elle avait survécu plus de fois à la mort que n'importe quel mortel sur cette planète et dans son poing, la puissance. Plus forte que la nature elle-même, incarnation pure du froid. Sous ses pieds, l'eau gela. La jeune femme releva son buste, plantant dans l'or ses prunelles faite de sang, de rubis, de feu incandescant.

Simplement, elle tendit la main. Du bout de ses doigts des filaments d'eau s'échappèrent et se dirigèrent vers l'épée qui sortit de son fourreau dans un piaulement de fée agonisante, un chant de nymphe, un murmure d'acier. L'arme allait aussi bien à sa carrure qu'un stylet dans la main d'un troll.

La détesterait-il pour avoir touché l'un des biens qui lui semblait le plus précieux au monde ? Elle s'en moquait. De toute façon, il avait à peine assez de puissance pour la décoiffer. Sa force lui arrivait aux genoux, pour ne pas l'insulter.

devait-elle grâce au froid de ses mains graver des roses dans l'acier ? Faire des larmes, donner naissance à des arabesques de douleur, des runes de sa langue ? Non. Elle n'avait pas à apposer sa marque sur lui, ni même à le souiller d'une façon quelconque. Il était déjà assez impur sans qu'en plus, elle y ajoute sa part de saleté.

Ruby remit l'arme en place de la même façon qu'elle l'avait prise, inversant seulement le rhapsody musical. L'acier laissa sa marque dans sa peau qui ne supportait que l'argent. Une vive brûlure, qui, luisante, rouge, disparût dans la lueur bleutée de la guérison des Aquas. Cette douleur là n'avait été qu'une caresse à côté de celle qu'elle avait connu au fond de la terre, ou au coeur de la Bataille.

La Louve remit en place une de ses mèches de cheveux, s'avança du rebord de la fontaine et s'accroupit dessus, flairant profondément l'air, ses cheveux de lait traînant malencontreusement sur le sol. Intactes.


" Mais mes noms ne sont rien. Ni les tiens. Et mes épreuves, je les ai balayées du revers de la main, du mieux que j'ai pu. " Elle marqua une courte pause, laissant les échos de sa voix aux consonances de métal s'étouffer contre la pierre " Mais l'alcool n'efface pas la douleur, ni n'occulte la mémoire. "

Elle le savait bien, elle qui avait une seule fois dans sa vie. parfois, au fond de sa gorge, le goût amer de l'eau de vie revenait, piquant, amer. L'oubli qu'il avait apporté n'avait été que de courte durée, et, avant même qu'elle n'ait pu profiter du sommeil flottant de l'alcool, elle s'était battu contre un ange démon. Les cicatrices n'étaient pour cela que des souvenirs. Souvenirs de loup.

" As-tu des tombes à fleurirent ? Des Cairns à désherber ? Tu sens l'humus, contrôleur de la terre. N'entends-tu pas le chant désespéré du sol qui hurle qu'il se noie dans le sang ? "

Ruby se leva, tourna autour de lui à une distance respectable en se transportant par l'air, en flocon. Hypnotique, oublieuse. C'était de l'ivresse pur, ce sort. De l'ivresse, mieux que l'alcool, mieux que la chasse, mieux que le froid réconfort de la vengeance. Et alors qu'elle tournait, sa voix murmurait des questions sans but. Folle.

... Pourquoi ne murmures-tu pas aux arbres ? Pourquoi les racines ne te réconfortent pas ? Pourquoi tu vas jusqu'à en oublier ta nature ? Où est la maison d'écorce de ceux de ta race ? ...

Puis elle s'arrêta devant lui, baissant la tête, pleine d'excuses, prête à recevoir un coup que, de toute façon, elle esquiverait. Mais avant de se voir rosser, elle murmura une dernière question, coulante comme un serpent.


" Qu'est-ce qui, dans cette vie, t'apporte la joie, porteur du printemps ? " Et elle le va sur lui des yeux plus perçant que le meilleur des métal.

[ désolée pour le message de dépressif, tu sais comment je vais, bref. ]
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyMar 22 Juil 2008 - 1:05

Le silence se fit du côté du nymphe. Ses yeux d’or ne quittèrent pas la demoiselle pour autant. De sa réponse, il ne pût comprendre que son nom. Bien que pas totalement inculte, Grayric n’était pas pour autant assez instruit pour savoir ce quoi elle parla par la suite. Cristalléenne, clan du Loup, Aigle, tout cela ne lui disait rien.
Une raideur s’ajouta au silence. Celle d’un homme sur ses gardes. Et pour cause, puisque l’étrange demoiselle se servit de ce que, par ses maigres connaissances en la matière, Gray identifia comme la manipulation de l’eau pour saisir son épée directement au fourreau. Les yeux du forgeron s’étrécirent un peu, chaque muscle près à réagir au moins signe agressif.

Cette épée était un souvenir cher à son cœur, de même que le médaillon qu’il sentait contre sa peau. Il aurait pu se sentir offensé, dépouiller, et réagir à la plus simple façon d’un rustre, mais il n’en fit rien. Malgré sa froide beauté et le mystère entourant le tout, la jeune fille paraissait particulière au nymphe. Comme une sensation glacée peut nouer les entrailles d’un homme à l’approche d’un évènement douloureux, le forgeron sentait, au fond de lui, quelque chose lui faisait comprendre que s’attaquer à elle ne lui garantirait que la tombe. Une forme de suicide, chose qu’il n’avait jamais eut le courage de tenter dans ses heures les plus noires.
Quand son épée réintégra sa place, Grayric relâcha sa respiration au moment même où il remarqua qu’il avait retenu son souffle.

Le silence perdura encore quelques instants, durant lesquels le jeune homme eut le loisir d’observer, sans crainte de dévisager, les yeux de l’inconnue. Ruby, avait-elle dit s’appeler. Il fallait qu’il garde cela à l’esprit. Ses yeux firent apparaître de brèves images dans l’esprit du nymphe. Le sang de ses défunts compagnons, les pierreries ornant certaines armes que son ancien maître avait forgées, le feu même de sa propre forge…
Puis vint une autre vérité qui frappa Grayric aussi sûrement qu’un gourdin. Non, l’alcool n’arrangeait rien. Il avait cru, au début, que cela l’aiderait à oublier. Outre la gueule de bois, il n’avait finalement rien gagné dans l’opération. Pourtant, cela ne l’empêcha pas de recommencer, jusqu’à ne plus pouvoir se passer de cette manie. Il n’était pas alcoolique, puisqu’il ne buvait pas sans arrêt, mais ne concevait pas les soirées sans un peu d’alcool.

Les tirades suivantes portèrent ensuite leur coup sous forme d’incompréhension. Ou du moins se déguisèrent-elles ainsi. « Contrôleur de la terre », avait-elle dit. Pourquoi ? Quel était le lien ? Pourquoi disait-elle qu’il sentait l’humus ?
Avant qu’il ne puisse formuler une seule question, la jeune fille se remit à flotter comme un flocon, dans son spectacle d'une perfection absolue. Incrédulité, incompréhension, questionnement intérieur, tout cela se lisait sur le visage du nymphe alors qu’il tournait pour suivre des yeux son interlocutrice.

Quand elle revint devant lui, sa nouvelle question le déstabilisa une fois encore. Ce qui lui apportait de la joie…
Marteler le fer ? Non, tout simplement de quoi vivre et des choses sur lesquelles se concentrer. L’alcool ? Non plus, cela ne lui offrait qu’un oublie passager de ses tourments. Que pouvait-il bien y avoir, dans sa vie, qui lui apporta un tant soit peu de joie ?
Le constat vu irrévocable, brutal et dérangeant. Rien. Il n’y avait plus rien, depuis son arrivée dans cette cité, qui apportait une réelle joie de vivre à Grayric.


« Il n’y a rien, plus rien. »

Les mots, de leur propre chef, avaient franchit sa bouche. L’un en entraînant un autre, il déclenchèrent tout une phrase, en entraînant elle-même une autre.

« Plus aucune joie depuis ce jour qui a causé mes tourments, il y a bien des années. Il n’y a plus que des souvenirs douloureux, des regrets sur des évènements qui ne peuvent plus être changés, et des doutes sur ce qui advient et adviendra.
Ainsi que des questions, maintenant. Depuis que vous m’avez dit certaines choses que je ne comprends pas. « Tu sens l’humus, contrôleur de la terre. » , « porteur du printemps. » … »


Bien qu’il ait dit le contraire, Grayric comprenait en réalité une partie au moins de ce qu’elle lui avait dit. Il avait eut le temps, en plusieurs années, d’apprendre quelques détails sur ce qu’était le contrôle des éléments d’une quasi-totalité des habitants de cette citée. En toute logique, elle le définissait comme l’un d’eux. Pourtant, jamais il n’avait montré, selon lui du moins, un quelconque talent à utiliser un de ces éléments, encore moins celui de la terre.
Elle en savait plus long sur lui que le nymphe lui-même, et il se surprit à vouloir en savoir plus.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyVen 25 Juil 2008 - 17:25

Un silence total flotta, quelques secondes, une poignée d'instant dispercés dans le vent.

Rien, comme il l'avait dit. Nombreuses sont les personnes qui passent leur vie à chercher un but à leur existence et ne se trouvent plus alors, à l'orée de la mort, qu'appaisés par le savoir que leur quête est enfin terminée. De là dire que le but de la vie est de mourir, il n'y a qu'un pas. Les nymphes n'en étaient-elle pas l'exemple parfait ? Mères-fille ou suicidées, toutes bercées dans les bras d'un ruisseau, toutes étant passée d'humaine à Roussalka.

Dans l'incompréhension qui suivit les paroles du nymphe, Ruby écarquilla les yeux. De tout temps, elle avait toujours pensé s'exprimer clairement. Il ne lui était jamais venu à l'esprit qu'il se pouvait qu'on ne la comprenne pas ou qu'on se méprenne sur ses paroles. Alors, elle éclata de rire. Un rire bref, certes, mais assez carnassier pour faire reculer un balrok. Avec l'ivoire des crocs par dessus la blancheur laiteuse de la peau. Un rire pourtant d'enfant sage, de joies printanières.

Ce n'était pourtant pas de la moquerie, juste un je-ne-sais-quoi nerveux, ou à cause d'un étonnement si vaste que sa profondeur ne peut-être comblée que par l'éclat éphémère d'une voix. Aussi se reprit-elle rapidement, effaçant de ses traits le bonheur creux que son coeur ne pouvait pas ressentir. Si impromptu. Et qu'importe si cela ne rassérénait pas le nymphe.


" Comment crois-tu que tu as pu pousser la grande porte de la vaste cité que voici ? Par la seule force de tes muscles ? Non non... " Elle marqua une courte pose, effaçant du coin de ses lèvres le tiraillement incessant de l'ironie. Ruby ne voulait pas être cruelle, ni méchante, et de ce fait, ne l'était pas, sauf si la susceptibilité de quelqu'un prenait de trop plein fouet la moquerie inexistante. " C'est la magie qui coule dans tes veines qui l'a poussée. La magie de la terre. "

Elle s'approcha encore de lui. La Cristalléenne était plus petite, mais il se dégageait d'elle un quelque chose qui écrasait. Sa présence était comme un brasier, un phare dans la nuit pour qui ne serait pas aveugle. Et malgré le fait qu'elle ne lui arrivait qu'à la poitrine (elle avait grandit, ces derniers temps), elle recelait plus que grandeur.

Ruby leva sa main, paume vers le ciel, et là, dans cette voûte de neige naquit la sphère bleue de l'eau pure. Elle joua un instant avec, la transformant, lui donnant pour image les choses qui lui passaient par la tête. Un moment loup galopant derrière un cerf, un autre démon infantile aux crocs et aux griffes acérées tapit sous un lit, puis un autre papillon magique voletant, voletant... avant de tomber sur le sol et de se briser en milliers d'esquilles de matières.


" Je détiens l'eau. Toi, il me semble que tu es un possesseur de la Terre, un porteur du printemps... Eh bien quoi ? Tu ne le savais pas ? "
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptySam 2 Aoû 2008 - 0:35

Dans un premier temps, Grayric ne répondit pas. Quelques secondes à peine, durant lesquelles il put cependant fouiller sa mémoire sans trouver trace d’un quelconque indice. Possédait-il vraiment le don de la terre ? La cristalléenne lui faisait une petite démonstration.
Comme si la réponse y était inscrite, le nymphe leva la main à hauteur de ses yeux. Lentement, dans un geste fluide quoique quelque peu marqué par les gestes répétitifs d’un forgeron. Aussi profondément que ses yeux aient pu scruter sa paume, il n’y trouva aucune réponse, aucun indice. Ses yeux revinrent à la jeune demoiselle, apparemment seule détentrice de ces réponses.


« Je… Non, je n’ai jamais su semblable chose. Jamais un tel don ne s’est manifesté, où du moins pas de façon assez claire pour que j’en aie connaissance. »

Un gloussement échappa au jeune homme alors qu’il se remémorait ceux qui avaient formé sa famille, et plus particulièrement sa mère adoptive.

« Et dire que ma mère manipulait l’eau, et qu’elle n’a jamais rien suspecté… »

Un léger sourire flotta sur les lèvres du nymphe au souvenir de quelque vieux jour heureux. Et comme ses yeux étaient restés sur la pâle jeune fille, on aurait pu croire que ce petit sourire d’affection et de douceur mêlées lui était adressé. Puis, il revint au présent, et baissa sa main.
Il avait peut-être entendu parler des particularités de la porte de la cité, il n’en étant plus très sûr, mais Grayric n’avait jamais fait le rapprochement avec lui-même. Et quand bien même, aurait-il déduit qu’il possédait un don quelconque ?
Il avait fallu des années de remords, de vie presque austère dans cette cité, et l’apparition d’une dame blanche pour que la lumière se fasse sur une facette de sa personne. Il était probable, se dit Gray, qu’il n’eut jamais eut connaissance de son don s’il n’avait pas rencontré la cristalléenne en cette sombre nuit, devant la fontaine. Ainsi s’était-elle, le voulant ou non, placé dans le rôle de celle qui détenait peut-être la clé d’un possible changement de vie pour le forgeron.

Depuis combien d’années, combien de décennies même, n’avait-il pas ressentit ces émotions ? Depuis combien de temps n’avait-il pas eut envie d’en apprendre plus sur quelque chose dont il ne savait strictement rien et qui apparaissait comme complexe ? Et ressentit de la gratitude envers une inconnue, mêlée d’une envie d’en apprendre plus grâce à cette personne ?
Cela cachait-il autre chose ?


« Jusqu’à ce soir, je n’avais aucune conscience de mon don. Et si cela est vrai, je ne peux que vous en remercier, Dame Ruby. J’ose presque espérer que vous puissiez m’en apprendre plus, autant que je n’ose pas embrasser cette nouvelle découverte de peur d’en briser les promesses… »

Gray sourit en s’entendant. Ces mots ne venaient pas vraiment de Grayric, le taciturne forgeron, mais plutôt de Falinnor, le jeune nymphe qui, de part sa mère et son précepteur, avait apprit certaines manières, quand bien même il n’était alors pas sûr que cela lui serve un jour.
Du coup, pourquoi les utilisait-il ? Peut-être l’impression d’importance et de puissance émanant de la jeune fille, devant lui. Physiquement, il aurait sans doute pu avoir le dessus. Mais il savait à l’instinct qu’elle l’emportait en puissance, et sentait qu’elle lui était supérieure en terme de connaissances et de sagesse. Après tout, c’était lui-même qui s’était voilé la face avec de l’alcool durant trois décennies.


« Ainsi, Dame Ruby, je vous dis merci. »

Sans même réfléchir clairement à ce qu’il faisait, avec les manières d’un homme de haute naissance peut-être, Gray glissa sa main sous celle de la cristalléenne en la levant, et se pencha pour y déposer un baiser en gage de sa gratitude.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyDim 3 Aoû 2008 - 22:53

Il y avait eu des choses avant ce geste.

Des choses. Probablement des paroles, des murmures, des mouvements de ces corps de bipèdes tellement disgracieux. Puis il devait également y avoir eu des regards, empli de profondeur, de mots non-prononcés, de promesses aussi, peut-être. Des jugements, au travers de ces pupilles colorés, et des remerciements. De la sagesse ? Boah. Il peut y avoir de tout, dans les yeux, pour qui sait y lire, y déchiffrer les mystères. Et cela est très simple, parfois.

Il y avait donc eu tout cela, puis il l'avait touché.

Ce n'était rien : un geste de politesse, de remerciement, une main dans l'autre, une peau contre l'eau, la chaleur de deux corps qui se touchent. Un contact chair contre chair, avec le partage de sensation que cela confère. Ce contact que Dame-Flocon avait observé une ou deux secondes, les yeux écarquillés face à une horreur telle que son souffle s'en trouvait bloqué dans sa poitrine. Car, naturellement, il avait continué ce mouvement, remontant la main, tirant le bras, faisant jouer les muscles de l'épaule, du dos, du cou et de la poitrine. Le Porteur du Printemps avait tiré sans insistance aucune, et tout dans sa position exprimait la reconnaissance et non l'insulte mais, surgit d'un instinct que la Louve pensait profondément enterré, quelque chose hurla en elle sous le coup de la brûlure.

Aussi vive que durant la chasse, aussi leste que durant l'hallali, la professeure se retira de cette poigne, perdant sous l'étonnement le contrôle de son pouvoir. Un mélange de froid intense et de chaleur insoutenable suivit comme un oriflamme son dégagement circulaire, projetant à sa droite un geyjer de magie Aqua pure, d'une puissance qui souleva la pierre des pavés et la fendit en centaine d'éclats. Puis, serrant contre son sein son outil de traque, un gémissement s'échappa de ses lèvres, à la limite entre le sanglot et l'effarement.

D'un bond en arrière, elle recula de quelques pas du pauvre nymphe, probablement attéré par ce qu'il venait de voir.

Ne se rendait-il compte pas de sa folie ? Il avait osé la touché, ignorant ce que cela pouvait induire. Après tout, n'avait-elle pas elle-même cru que la chaleur humaine ne lui faisait plus rien ? Que la douceur d'une peau contre la sienne ne ferait plus jamais revenir à sa mémoire les maltraitances de son Oncle ? ... Et puis, et puis il n'y avait pas que cela. Il y avait aussi la main d'Iblis le Sombre qui se portait à son front lorsqu'elle se remettait du sort que Shin lui avait infligé. La main d'un démon sur sa peau, presque avec affection, tandis que, naturellement, elle percevait toute la puissance de la magie démoniaque qui courrait en les veines de celui-ci...
Ne se rendait-il compte pas de sa chance ? Il était toujours vivant. Ruby avait néanmoins réussi à contrôler une partie de sa puissance, déclenchant le sort une fois que le corps fragile du nymphe fut hors d'atteinte de la force de sa magie.

Essoufflée, Ruby porta ses yeux vers le jeune nymphe.

Que faire ? Reprendre la discussion là où elle s'était arrêtée ? S'excuser et donner des explications ? Non, non... Elle était bien au delà de tout cela. A qui devait-elle exprimer ses regrets si ce n'était à elle-même ? Il n'y était pour rien, certes, mais il n'était pas non plus totalement innocent.


* Rejette de ton crâne ses pensées vaniteuses * s'insurgea-t-elle intérieurement.

La fine poussière qui s'était levée à son appel retomba délicatement. Ruby s'épousseta, tirant légèrement plus qu'il ne le fallait sur le bas du tissu qui lui servait de pagne, soulignant comme par mégarde la minceur de son ventre. Un pas en avant, puis un autre, elle revint aux côtés du nymphe, calmant son essoufflement d'une poignée de battements cardiaques.


" Ne loue ni ne condamne, ne juge ni ne pardonne. Observe seulement. " De cette même main traîtresse qui avait enfoncé profondément un doigt dans les abîmes de sa faiblesse, la jeune femme désigna le sol fracturé. "D'un clignement de paupière, d'un claquement de doigt, tu pourrais réparer ceci. Tel est le don des Terras : la vie. Mais plus que cela encore. Une identité nouvelle. Le Don. Ou, au contraire, l'Accaparation. "[b]

Elle tourna son visage d'enfant vers celui, bronzé, du nymphe lyrique et murmura : [b]" Je ne connais pas tes démons intérieurs. Mais quelqu'un qui ferraille a connu la mort. Ne penses-tu pas, alors, que ton donc soit un cadeau du ciel et non une parfaite ironie céleste ? "


Une lueur de malice sembla s'allumer dans ses yeux. Etait-ce une demande de pardon ou une ignorance totale de ses propres actes ? L'interprétation dépend du traducteur.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyJeu 7 Aoû 2008 - 23:32

Tout se passa bien vite. Trop, en fait, pour que le nymphe ne puisse comprendre. Il lui sembla qu’il était passé de son geste à cette situation tendue et au pavage défoncé. D’ailleurs, il s’était retourné face à cela. Oui, face aux pavés et autres dalles soulevées, éclatées, déplacées. Avec l’effarement et la stupeur peintes sur son visage, aussi clairement qu’avec les couleurs les plus vives.
Pendant quelques instants - combien de temps au juste ? - il resta là, regardant le résultat de son geste sans trop comprendre. Était-ce un avertissement de Ruby pour sa part, une façon de lui signifier qu’il venait de faire une erreur qu’elle ne pardonnerait pas une seconde fois ? En tout cas, cela avait clairement à voir avec son geste, et pas dans le bon sens du terme.
Il aurait pu s’excuser, mais les excuses étaient pour lui preuve de faute, de faiblesse. Autant assumer ses actes. Et ne plus la toucher, si elle devait à chaque fois défoncer quelque chose par la suite.

Le cœur de Gray lui martelait les tempes avec la force de tambours de guerre, mais il parvint tout de même à recomposer son expression. Lentement. Le choc avait été rude, après tout. Elle aurait pu faire cela sur lui, et le changer en bloc de glace, en glaçons éparpillés devant la fontaine, ou tout simplement en charpie méconnaissable.
Dans un premier temps, le jeune homme ne se retourna pas face à son interlocutrice. Après tout, une telle réaction l’avait blessé plus personnellement. Une simple preuve de manières, et voilà que la demoiselle s’emportait ? Quoi, ne s’était-il pas montré agréable, voir charmant, et ne bénéficiait-il pas de la légendaire beauté des nymphes ?
Bah, au diable les raisons, elle avait mal réagit et excessivement.

Quand elle parla, il n’eut pas besoin de suivre son doigt : il regardait encore ce qu’elle désignait, son œuvre. Ses explications, par ailleurs, le laissèrent septique. Était-il vraiment capable, lui qui n’avait jamais eut conscience de son don, de faire un prodige tel que réparer une chaussée défoncée par une jeune fille aux réactions excessives ?
Ah, voilà qu’il y pensait encore. Mieux valait qu’il jugule son amour-propre la prochaine fois. Si prochaine fois il y avait.
Tout ce à quoi il réussissait à donner la vie avec ces mains, c’était au métal entreposé à sa forge, lorsqu’il en faisait des armes et d’autres équipements. Il ne se voyait pas faire pousser des plantes ou reconstituer un pavage.

Grayric se retourna alors que Ruby se rapprochait. Son visage était d’une parfaite neutralité. Un masque, à n’en pas douter, pour cacher la question qui lui brûlait les lèvres, mais qu’il était résigné à ne pas poser. Il n’avait guère envie de finir dans le même état que le pavage, ou de se mettre la demoiselle à dos.
Après les mentions de démons, de mort, de don et d’ironie, les méninges du nymphe changèrent de sens, et tournèrent pour une autre question. Don du ciel ou parfaite ironie ?


« Peut-être est-ce un peu des deux, ma foi. » Le ton, un peu plus sec qu’il ne l’aurait voulu, dérangea Gray qui rajusta immédiatement le tir pour quelque chose de plus neutre, à défaut de plus gentil. « Néanmoins, je n’ai eut aucune instruction quant à mon don. Je ne vois donc pas comment je pourrais m’en servir. Il faut des années pour avoir la maîtrise d’une telle magie, non ? Et j’en ai déjà perdu de nombreuses. »

Le nymphe devint songeur. Il n’avait en effet pas pu s’y prendre avant, puisqu’il ne se savait pas posséder le don de la terre. Compte tenu de son travail à la forge, il se voyait difficilement aller jouer en cours, surtout parmi des gamins bien plus jeunes. Cruels, certains gosses n’hésitent pas à se moquer des personnes comme lui, arrivant tardivement là où ils peuvent apprendre des choses utiles.
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyVen 15 Aoû 2008 - 19:42

Bon, il n'était pas vexé. C'était déjà pas mal qu'il prenne plus ou moins bien la tentative de meurtre sur sa personne de la part de la Cristalléenne. Être toujours aussi sensible à la chaleur corporelle des autres... Cela l'étonna un peu tout de même. Finalement, l'enseignement propre à sa race était resté plus ancré qu'elle ne le pensait. Finalement, la toucher lorsqu'elle dégageait autant de froid 'un glaçon lui faisait mal. Finalement, elle se complaisait peut-être dans son statut de femme intouchable ...

Ruby soupira.
Qui était-elle dans le fond, pour devoir autant enseigner aux gens, alors qu'eux même ne lui apprenait rien si ce n'était la douleur, le rejet et la solitude ? Elle n'était pas comme eux, et cela, elle le pensa sans fausse modestie ou arrogance déplacée.

Aussi se permit-elle de ne pas prendre de pincette. La Nature de la race du jeune homme se lisait presque sur lui. Nymphe hurlait son sang. La beauté des anges sans leurs ailes, le parfum de la nature sans les oreilles pointues... Pour le reste, les habitants de cette cité étaient généralement des membres de races magiques et donc, bénis par une longue vie. Qui étaient les maudits, si ce n'était les humains, condamnés à vivre une cinquantaine d'années en bonne santé et le reste malade et perclus de douleur ?


" Il m'étonnerai fort que tu sois au précipice de ta vie, jeune homme. Où sont les rides qui te diraient proche de la mort ? Tu as encore de nombreuses et très longues années pour apprendre. Et je pense que je serai morte et enterrée avant même que tu ne ressentes les premières douleurs dans tes reins... "


Ah oui ! Les cristalléennes vivent plus d'une centaine année, mais ces années ne sont rien à côté des longues promises aux elfes, aux anges et aux nymphes. Mais quitte à choisir, elles sont cents fois plus colorées, parfumées et belles que n'importe laquelle de celles de ces autres races. Des années de loup... Au jour le jour... A sentir al vie pulser doucement dans les veines et l'air enfler les poumons.

" Quant au temps de l'apprentissage... Regarde moi. Je ne suis pas bien vieille et pourtant, maîtresse de mon art. Mais je ne pense pas que tu parviendras à un tel niveau aussi rapidement. Seulement... " la jeune femme eut une moue songeuse. " Seulement, tu y parviendras plus vite que tu ne le penses, si tu acceptes ta nature."
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyLun 18 Aoû 2008 - 16:20

« Peut-être, oui… »

Grayric détourna les yeux et replongea des décennies dans le passé, dans sa toute jeunesse. Un troll avait fait partie de sa « famille », et était mort de vieillesse alors que lui-même n’en était qu’à l’aube de son existence.

« J’ai connu, dans ma jeunesse, quelqu’un qui a terminé sa vie sous mes yeux. Petit à petit. Je l’ai vu vieux et malade en ce qui n’avait paru peu de temps, à moi dont la vie allait encore durer plusieurs siècles. Je n'étais qu'un gamin à l'époque. Ça m’a peut-être plus marqué que je pensais… »

Après la mort du reste de sa « famille », Gray n’avait plus vraiment prêté attention à sa conception du temps. En dehors de son regard toujours braqué sur le passé, il ne vivait qu’au jour le jour, sans prévoir plus loin que ses commandes l’obligeaient. Et cela continuait maintenant avec l’annonce de son don. Il ne se projetait pas assez nettement dans sa longue vie pour arriver à concevoir qu’il avait largement le temps d’apprendre à l’utiliser.
Un soupire, une nouvelle tentative, pas beaucoup plus brillante.


« J’ai le temps, sûrement… »

Il tentait de s’en convaincre plus qu’autre chose.

« Il est plus simple d’accepter ce genre de chose quand on est jeune. Pour moi qui aie plus de deux siècles, c’est déjà plus compliqué… Savez-vous ce que cela fait d’apprendre que l’on possède un don capable de changer votre vie après avoir passé 214 ans dans l’ignorance la plus totale de ce fait et de devoir l’accepter ? C’est assez difficile à concéder avec sa vie. Après le premier siècle, le train-train quotidien est ancré plutôt profondément… »

Le nymphe reporta ses yeux d’or sur la blanche demoiselle devant lui. Il était plus songeur, maintenant. Bien qu’il n’ai aucun moyen de connaître son âge, le forgeron ne doutait pas de ce qu’elle disait. Même si lui paraissait encore jeune, sa vie s’étalait sur une dizaine de siècles au bas mot. Et elle avait elle-même dit qu’elle décèderait avant lui.
Ainsi, en si peu de temps, elle était devenue ce qu’elle avait qualifié de maîtresse de son art. Si lui avait bien plus d’années devant lui, il pouvait y parvenir aussi, non ? L’ennui était sa petite vie qui ne lui demandait rien d’extraordinaire. Elle serait plus que chamboulée par un apprentissage, et son travail à la forge en pâtirait. C’était son seul gagne-pain, ce qui lui permettait de vivre, il ne pouvait pas vraiment prendre sur son temps de travail…

Nouveau soupire. Accepter sa nature, quand elle allait modifier une vie établie depuis plusieurs longues années et devenue relativement confortable. Non seulement l’acceptation était difficile pour une personne ayant déjà vécu, mais ça… D’un côté il voulait accepter, voir ce qu’il pourrait tirer de ces capacités, mais de l’autre côté il avait du mal à le faire en pensant à tous les changements qui allaient survenir dans sa vie.


« Je ne suis plus le jeune homme aventureux et insouciant d’autrefois, on dirait… » Marmonna-t-il, plus pour lui qu’autre chose, dans un soupire.

Quelques décennies auparavant, il aurait sauté sur l’occasion, jetant aux orties prudence et sauvegarde de ses acquis pour se lancer dans l’aventure. Grayric gloussa doucement avec un sourire en coin : il avait l’impression d’être devenu un vieillard avant l’âge, qui ne voulait plus prendre le moindre risque pour ne pas perdre sa petite vie douillette et tranquille.
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Ruby
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MessageSombre nuit et froide rencontre [Privé] EmptyJeu 28 Aoû 2008 - 16:43

Un nouveau soupire de joie féroce déchira le visage de la jeune femme.
Oui, la vie était belle lorsqu'on était jeune, lorsqu'on sentait sous sa peau rouler les muscles dans le moindre accroc, ou que nos articulations ne nous faisaient pas le moins du monde souffrir. La vieillesse était une idée abstraite trop loin pour les jeunes, sauf lorsque, comme elle, on vivait réellement la vie tel qu'elle était. La mort était à chaque coin de forêt, pouvait se trouvait derrière le prochain arbre... A l'apogée de sa puissance, elle pensait peu à sa fin, ou à la fin de ses qualités, mais cela flottait toujours quelque part dans les brumes saunâtres de sa conception du monde. La vieillesse était, comme la mort, inéluctable. Sauf si l'on mourrait jeune, en ayant une vie risquée, ou une vie de prédateur.

Ruby était bien différente de ce jeune homme, mais au fond, peu lui importait. C'était de le voir changer qui était le plus important, voir l'engrenage de sa pensée en mouvement, l'intelligence en action. Ceci lui était, ce soir du moins, joie. Demain serai autre chose, cela en était certain.


" Tu n'es pas non plus un vieillard sénile. Mais si tu ne veux pas apprendre, tu en as le droit, maintenant que tu as vu la vérité en face. "

Elle descendit à geste lent de la fontaine, tournant le dos au Nmphe aux yeux d'or pur pour voir loin dans les méandres obscures des rues. Au loin, un animal hurla, couvrant le doux murmure et de la ville endormie. Quelque part dans la plaine sûrement, un animal avait ce pour quoi il est né : vivre, se nourrir, se reproduire, et ce, aux dépends des autres. Tout en respectant l'ordre des choses.

Une vague de fatigue la pris.
Parasite ? Non, bien sûr. Les parasites en oublie leur nombre, et les chats aussi.
Il lui fallait trouver un coin chaud où s'enrouler sur elle-même, pour dormir, le ventre moins plein que les autres soirs mais pas vide non plus. Dormir du sommeil du juste, peut-être. Ou alors, retourner chasser pour que le plaisir la noie, une dernière fois, peut-être.


" Je dois y aller "
lui souffla-t-elle.

Une nouvelle fois, elle se retourna vers lui pour l'observer.


" Nous nous reverrons sûrement, mon cher. Peut-être aux détours des couloirs de l'école d'Elament dans laquelle j'enseigne. "

Un coup de vent, elle disparût, ombre claire dans la nuit, trop rapide pour des yeux d'un nymphe alcoolisé. Mais peut-être avait-il pu observer son sourire narquoi. Son identité révélée si facilement ? Bah, qui s'en souciait.
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