Un temps rayonnant planait sur les Collines depuis quelques jours, beaucoup d'habitants d'Elament s'y étaient donné rendez-vous pour déjeuner sur l'herbe ou encore se promener en tête à tête. Bien loin de là l'idée de Dierebel de croiser tout ce beau monde, abassourdi par quelques rayons de soleil et d'éclats de rire, non, l'étrange fée avait bien une autre quête. Depuis deux jours, elle s'était mise en tête de trouver les ingrédients nécessaires à la composition d'une omelette un peu particulière...
Après avoir arpenté la Forêt Darke sans résultats, ses bases de terra l'avait guidé jusqu'aux verdoyantes Collines Delvëlite.

Le temps était en effet idéal pour une promenade, le vent soufflait doucement faisant danser les herbes hautes. La terre semblait onduler paisiblement. Apaisée par cet environnement familier, la petite fée s'avança sur les sentiers battus. Après avoir croisé plusieurs groupes de créatures regroupées ici et là, elle s'éloigna des routes communes pour emprunter un chemin plus personnel. Pas que cela la dérangeait, non, cela l'agaçait terriblement... Dès que le temps était au beau fixe, les foules semblaient obigées de s'aglutiner dans la nature. Elle qui aimait la tranquilité, c'était raté.
Exaspérée, elle trottait lentement vers un jeune vallon réputé pour ses excellents, vraiment excellents, champignons.

Elle remonta sa besace de cuir sur son épaule droite pour en sortir une serpette bien éguisée. Une fois cachée entre les deux pans de terre que formait cette petite vallée, elle commença son travail avec un peu plus de sérénité. Elle s'accroupissait de temps à autre pour récolter son précieux bien avec un sourire satisfait. Sa longue robe verte bouteille trop longue et informe s'agitait au gré des souffles de l'alizée. Elle remettait sans cesse de longues mèches de cheveux ébènes derrière ses oreilles pointues.

Un soupir lui échappa... De bien-être, de lassitude, qu'importe ? Mais en respirant à nouveau profondément l'air de la plaine, elle sentit quelque chose de changé voire anormal. Ca sentait le brûlé. Poutant le soleil ne cognait pas assez fort sur les Collines pour déclencher un incendie et les vagabonds de passage n'avait pas du faire un feu de camp par ce temps limpide.*
Intriguée, Dierebel suivit cette odeur âcre et épaisse de cendres.
Quelques minutes plus tard, elle réussit à trouver un petit creux sous une grande roche grise où l'herbe autour était noire.
Son visage grimaça... Quel idiot avait enfammé le tour de cette pierre ? Dans quel but ?

Dierebel s'agenouilla pour voir le passage légèrement visible sous la roche. Il semblait que c'était un habitat, une cachette. Des traces de chèvre ou de bouc (elle ne savait pas trop) étaient gravées dans le sol...

" Eh ho ?!" cria t-elle en portant ses deux paumes autour de sa bouche.

Un léger écho lui répondit.

" Ben mince alors !!! " s'exclama t-elle à voix haute.

Assis au fond de sa caverne, Dorim s'affairait autour de l'âtre, aménagé dans une infractuosité de la roche dont les nombreuses fissures aspirait la fumée et la disspait dans les ramures des arbres au-dessus de la tanière, de manière à la rendre imperceptible à l'oeil, même averti.

Et il l'entendit, cette voix de femme. Le plus silencieusement possible, le Satyre se coucha sur le sol de terre cendreuse et rampa vers l'ouverture de la caverne. Une femme était penchée vers lui. Une fée. Plutôt jolie d'ailleurs, et dotée d'une aura où, même de loin, Dorim pouvait sentir l'influence de Terra.

Terra, dieu de sa mère nature, dont l'énergie coulait encore dans ses veines, il le savait, malgré cette malédiction inexplicable...

*Qu'espères-tu donc, vieux bouquetin ?* chercha imperceptiblement à savoir l'autre.

Dorim ne put résister à l'appel de sa nature depuis si longtemps enfouie sous les cendrres de son existence. Indécis, et ne sachant trop ce qu'il faisait, le Satyre attrapa l'anse de sa marmitte où bouillonnait doucement un potage aux champignons, se pencha pour sortir par l'ouverture sous le rocher et se redressa devant la jeune femme de toute la hauteur de son ... mètre soixante-dix... Evidemment, au fond du fossé qui constituait l'entrée de sa grotte, il ne devait pas être très impressionnant.

" Oui ?" répondit-il en remuant son potage avec une grande cuillère en bois. "Je peux faire quelque chose pour vous ?"

Tout d'un coup ça remue là-dessous ! Dierebel sursaute, s'écarte avec vivacité de la roche et toute dressée de son immense mètre soixante féerique, s'apprête à toute éventualité...

Ses pupilles se dilatent lorsqu'elle voit ce drôle d'être, à peine plus grand qu'elle, mi-homme mi-bouc, avec sa marmite qui empeste la soupe. A quoi ça rime ça ? Est-ce un piège ? Une moue décontenancée fige le visage de la sombre fée.

Un long silence se passe durant lequel elle perd totalement l'usage de la parole, d'ailleurs a t-elle vraiment entendu la drôle de créature parler ? Elle finit par ouvrir la bouche pour n'en sortir aucun son... Se rendant compte de l'absurdité de la situation et comprennant qu'à la manière dont elle dévisage cet inconnu il pourrait bien finir par mal le prendre, elle se ressaisit peu à peu.
Elle incline son visage vers le sol, cherchant sûrement quelque chose à dire d'un peu censé, secoue la tête et finit par réussir à bafouiller :

" Vous... Euh... Je... Désolée je ne voulais pas déranger. Je cherchait des champignons... Et puis, eh bien, et puis je suis tombée sur votre... Refuge ?! Oui, disons, refuge. Mais j'étais loin de penser qu'il puisse être... Habité. Enfin, vous devez sûrement comprendre... "

Champignons... Champignons ? Champignons ! Mais oui, il prépare une soupe de champignons. Pourquoi n'a-t-elle pas réaliser tout de suite ? Ses deux iris argents scrutent soudain la marmite avec attention et ses ailes cuivrées frémissent dans son dos...

* De l'amanite ? Il a de l'amanite on dirait bien ! *

" Hum, des champignons, hein?... Si vous vouliez en chercher là dessous, il n'y en a pas. Enfin à part..." Dorim regarda sa marmite, puis la jeune fée, pour repasser enfin à la marmite, dans laquelle glougloutait son potage de champignons.
*Y en aura deux fois trop pour nous seuls...*
Alors, le Satyre pris sa décision :
" Vous voulez, euh, manger avec moi ? l'intérieur est ...un peu petit mais j'ai aménagé une plateforme un peu plus loin, là-bas, entre les arbres."
Dorim montra distraitement à sa visiteuse les trois arbres entre lesquels était tendue une passerelle de corde et de bois sur laquelle il avait l'habitude de s'installer pour profiter du soleil, les après midi où il ne chassait pas, ou observer les alentours. Un petit escalier était aménagé dans le tronc d'un des arbres et permettait d'y grimper facilement.
Ne sachant trop que faire, il avança d'un pas, vers la plateforme, ce qui le rapprocha de la jeune femme.

Dierebel recula d'un pas au moment ou ce dernier avançait, elle était méfiante. Elle se demandait pourquoi cet inconnu voulait lui offrir le couvert sans même savoir qui elle était. Elle ne savait pas trop si cela la dérangeait ou l'arrangeait...

Pourtant l'odeur du potage de champignons la tentait bien... Elle s'interdisit de réfléchir et acquiéça simplement pour accepter l'invitation.

* Il n'a pas l'air bien méchant... Même s'il ne sent pas très bon ! *

Elle scruta son visage, ses cornes, ses yeux et toute cette fourrure de poils qui recouvrait son corps. C'était un satyre, quelque chose du genre. Elle ne connaissait pas très bien cette espèce, ni même si elle était fourbe ou dangeureuse.
Au moins, elle ne l'avait pas contrarié pour l'invitation et c'était déjà un bon point pour elle. Ses ailes s'ouvrirent et se refermèrent en une seconde de temps, faisant voler un léger nuage de poussière au sol. Etait-ce un avertissement ? Un réflexe ? Même elle ignorait pourquoi ses ailes parlaient à sa place.

" J'ai glané quelques amanites et autres choses si vous voulez... " proposa t-elle à tous hasards.

Elle lui montra son précieux gain, ouvrant en large sa besace, elle dévoila une belle collecte de champignons vénéneux et halucinogènes... Fée peu innocente apparement.

[EDIT] Il fallait bien engager la conversation après tout. Et même si elle avait habituellement horreur de faire connaissance, une petite voix intérieure lui suggéra qu'un satyre qui jouait aux ermites au beau milieu de la nature, gourmand de champignons et pas très bavard visiblement non plus ne serait pas un effort monumental à faire. Surtout s'il connaissait bien l'endroit, probabement pourrait-il lui enseigner deux ou trois cachettes où se dissimule aisément les chapignions vénéneux tant aimés par cette dernière.

Un vague souvenir lui revint en mémoire. Un jour, elle avait seize ans à peine à l'époque, elle avait réussit à faire naître différents champignons hallucinogènes de terre. Aussitôt poussés, aussitôt engloutis. Elle était rentrée dans un état lamentable au coeur de sa communauté et sa mère lui avait donné la pire soufflante de sa vie.
"Il n'y a que les porcs pour manger ce qui se trouve au sol !"
Bêtement, elle avait éclaté de rire à cette insulte. Le rire saugrenu d'une fille défoncée par les chaleurs montantes de sa drogue. Irrespect calmé illico par une gifle. Effrontée jusqu'au bout, Dierebel avait fixé sa mère d'un regard hautain et grisé en déclamant avec un air presque trop sérieux :
"Il n'y a que les truies pour couiner autant à si peu de choses !"
Avec sa petite mine satisfaite, elle s'était retirée pendant plusieurs jours dans la forêt prolonger les déicats effets de son euphorisme soudain.

A cette pensée, la fée eu un sourire malicieux en jettant un oeil à son petit butin, logé là, précautionneusement dans sa besace. Son sourire fendit son visage et ses yeux s'emplirent de malice.
Redressant son minois pâle vers le satyre, elle conserva cet étrange expression nuancée de joie et de haine.

Oui, cet après-midi c'était décidé, sa tête allait tourner comme les astres autour d'Elament en compagnie de cet inconnu...

"Je pense que l'amanite s'impose." déclara t-elle toute décidée en fixant de ses yeux d'acier le satyre, comme prête à éclater de rire.

Dorim regarda au fond du sac. Fin connaisseur des fruits des sous-bois, le satyre en reconnut certains pour leurs vertus peu recommandables. Vertus dont ils avait lui-même usées, et parfois abusées, durant sa jeunesse, alors qu'avec ses frères, il cherchait le meilleur moyen de faire rire les jeunes nymphes de la source qui l'avait vu grandir.
" Vous devriez jeter celle-là" dit-il à la jeune femme en lui montrant un champignon à chapeau vert et rayures bleutées. Puis ill ajouta avec un petit sourire :"Un seul, plongé dans la soupe d'un régiment, suffirait à endormir la caserne entière."
*C'est bien, épates-la, fais-la rire...*
"Je pense que ce que j'ai là nous suffira pour un simple repas" Finit-il par lâcher avant de se diriger tranquillement vers la plateforme de branches et de feuilles.
Mais, après quelques pas, le Satyre se rendit compte d'un oubli. Il posa son chaudron sur une souche, sur laquelle il avait l'habitude de couper les bûches pour le feu, et se retourna vers la grotte en annonçant :
" J'ai oublié les assiettes et les couverts. Je vous en prie, allez vous installer, je reviens tout de suite."

Puis il courut vers l'entrée de son abri, s'y engouffra et parti dans une quêtes désespérée pour trouver une deuxième assiettes ainsi qu'une cuillière propre. Il n'avait décidément pas la fibre ménagère, et il n'était même pas certain d'avoir les ustensiles nécessaire pour accueillir des visiteurs.

*Tu vis seul depuis bien trop longtemps.*

[ Réponse entre deux trains ^^ ]

La petite fée, intriguée et charmée de tout ce mystère, alla s'installer tranquillement dans le petit repaire aérien de son hôte. Un battement d'ailes pour s'élever doucement jusqu'à une branche où elle pose son postérieur avec entendement.
Dierebel savait bien que les champignons qu'elle avait cueillis avaient des vertues peu orthodoxes. Cependant, elle fit mine d'acquiécer aux paroles de Dorim, comme s'il venait de lui apprendre quelque chose. Après tout il n'était pas censé savoir ce qu'elle mijotait avec tout son petit attirail d'apprentie sorcière.
Paisiblement, elle contemplait le paysage en humant avec delectation l'odeur de la soupe qui flottait dans l'air. Marmite posée sur la souche en face d'elle, la jeune femme attendait patiemment pour se servir, bien que son instinct gloutonnier lui ordonnait de se ruer sur le mets fumant sans vergogne.

* Sympathique journée qui ne fait que commencer, il y a vraiment des avantages à sortir en plein jour... *

Ses pieds se balançaient d'avant en arrière dans le vide, avec aisance. Son équilibre ne faisait pas de mines...
Elle était charmante, presque enfantine, à patienter là, sur sa fine branche.