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| L'almohane et la lune [Privé] | |
| | Invité | |
| Ven 18 Jan 2008 - 22:18 | |
| L’entrée avait été assez aisée. Comme elle l’avait lu sur les notes, Eve avait touché un symbole correspondant à son don et avait pénétré en Elament. À peine arrivée derrière les portes, elle avait été frappée par l’endroit en lui-même. Alors que jusqu’ici les seules villes qu’elle avait croisées étaient plutôt de petits villages et hameaux de pêcheurs, l’almohane s’émerveillait devant les maisons de la citée. Le style était radicalement différent de ce qu’elle avait rencontré jusque là, plus solide, plus stylisé… La première chose qu’elle fit fut donc de déambuler dans les rues en regardant maisons, boutiques et bâtiments. Le temps passait à mesure que l’étrange créature errait dans les rues d’Elament, curieuse de tout ce qu’elle pouvait voir et rencontrer.
Quelques personnes qui la croisèrent eurent des murmures étonnés, quelques femmes cachèrent les yeux de leurs enfants devant la créature nue qui déambulait dans les rues… Après tout, Eve n’avait aucune connaissance des mœurs des gens de la surface, et ne savait pas ce qu’étaient des vêtements, dans le principe. Étonnée des réactions des gens, elle mit leurs divers chuchotement et éclats de voix sur le compte du fait qu’ils n’avaient peut-être jamais vu de créature comme elle. Après tout, peu d’almohane naissait, et encore moins montaient se balader sur les terres. Comment, alors, pouvait-elle concevoir le sens du mot « pudeur », alors que les siens n’étaient pas du genre à s’habiller le plus possible pour cacher un maximum de leur corps ?
Elle était habituée à vivre ainsi et n’avait de loin pas tout apprit sur ce monde. Elle était jeune, et foulait la terre depuis peu. Il lui restait tant de choses, de concepts à découvrir, qu’elle ne parvenait pas à saisir la complexité de toutes les réactions de ces gens vivant hors de l’eau. Eve n’y mettait aucune mauvaise volonté, bien entendu, mais étant donné qu’elle n’avait pas apprit à parler leur langage, pouvoir poser certaines questions était difficile, très difficile. Pour certaines choses, elle pouvait mimer ou montrer, mais pour demander quelque chose d’aussi complexe que des concepts, il lui faudrait obligatoirement des mots. Mais maintenant qu’Eckan était mort, qui pourrait lui apprendre ce genre de choses ? Elle n’avait plus personne, hormis elle-même, en ce monde. Avec ses voyages, l’almohane ne savait même plus où étaient les eaux dont elle était originaire, où vivaient les créatures marines que les gens de la terre appelaient les « Ariade ».
D’un autre côté, elle n’avait pas vraiment envie de déjà retourner dans son monde. Il y avait tant de choses à découvrir, tant de curiosités à voir, de choses à apprendre, d’endroits à visiter, qu’elle ne pouvait tout simplement pas concevoir, ne serait-ce qu’une seconde, d’abandonner tout cela pour retourner vivre dans les eaux profondes. D’ailleurs, elle ne savait même pas quand elle rentrerait. En tant qu’orpheline, la petite créature marine n’avait pas vraiment d’attaches là-bas, ce qui lui avait permit de partir visiter le monde aussi facilement. Pas d’adieux déchirants, personne pour l’empêcher d’assouvir sa curiosité… Elle ne le regrettait pas.
Au bout d’un moment, les pas d’Eve la conduirent devant un lac. La nuit était tombée, la lune éclairait l’eau en faisant miroiter des milliers d’éclats argentés, et l’air dégagé par le lac lui-même emplit les narines. Le cadre était familier et lui plaisait grandement, et elle n’avait pas vraiment envie de partir pour le moment. Longeant le bord de l’eau, l’almohane trouva un gros rocher, mi-allongé sur le sable, mi-baignant dans l’eau. Le dessus était plat et formait une sorte de goûte, la pointe vers le lac. Après être montée dessus, la créature marine leva les yeux vers la lune. L’éclat argenté se reflétait dans ses pupilles rubis. L’ambiance lui donna envie de chanter, et elle ne s’en priva pas.
Dans sa langue natale, incompréhensible pour la plupart mais d’une beauté étonnante, elle commença son chant pour la lune. Elle y parlait de son voyage, des choses qu’elle avait vu au cours de son parcours et de ce qu’elle en pensait. Comme si elle récapitulait les dernières semaines de sa vie. De temps en temps, quand elle évoquait Eckan, son ton se faisait plus triste, plus mélancolique. Il y transparaissait une certaine douleur et une envie de retourner en arrière. Cependant, dés qu’elle évoquait ses découvertes sur les étrangetés du monde de la surface, son chant devenait plus gai et rythmé.
Les mains jointes au niveau de sa poitrine, les yeux levés sur la lune, la silhouette d’Eve se découpait sur le fond de la nuit éclairée d’argent. Debout sur son rocher, avec le bruit de l’eau pour seul accompagnement, elle racontait sa vie à l’astre nocturne. Un petit courant d’air frais faisait voleter ses cheveux, emportant son chant à travers les rues d’Elament. Peu à peu, elle perdit la conscience de ce qui l’entourait. Il n’y avait plus qu’elle, l’odeur du lac, la lune, son chant, et sa mémoire. |
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| Mer 23 Jan 2008 - 17:51 | |
| Le froid le froid --- l’eau bleuit le ciel se rétrécit
Natsume Sôseki
Dans un océan de larmes de joie et de tristesse, où s’épanchent toutes les cascades et les rivières du monde, il aurait voulu se laisser tomber, apprécié la texture caressante du liquide clair et pur sur sa joue et fermer les yeux. Ne plus rien voir, mais cela, c’était déjà le cas. Alors, ne plus rien sentir, juste sombrer, dans un remous mélancolique, semblable à une vieille berceuse oubliée. A l’intérieur de son cœur meurtri et raccommodé par le temps et la chaleur de ces lieux qu’il chérissait tant, il avait, il y a longtemps de ça, émis un souhait, petite tâche minuscule et attendrissante sur le drap blanc de son enfance, rejointe bien vite par le sang et la souillure noire et gluante, puis recouverte, jusqu’à n’être plus que poussière. Être serré dans des bras, avec un murmure réconfortant à l’oreille. S’endormir sans crainte du lendemain et avec la certitude d’être aimé au fond de soi. Que c’est beau les espoirs enfantins et les premiers jours glorieux de la vie…
Il ne les avait jamais connus. C’est peut-être pour ça que maintenant, il n’avait aucun remord et ne regrettait en rien son ancienne existence, si ce n’était que l’insouciance et l’insuffisance dont il avait fait preuve. Toutes les erreurs qu’il avait commis, il s’en souvenait parfaitement jusqu’au détail le plus infime dont personne ne se serait soucié. Oui, il avait cadenassé les vœux un peu trop fous et était devenu réaliste, sans pour autant se détourner de la lumière, que de toute façon il n’atteindrait jamais, car comment aurait-il pu, lui qui en avait été privé lorsqu’il l’avait souhaité pour la première fois ? Le sort est bien ironique, ne sommes-nous pas les pantins dont on tire les ficelles ? J’aimerais croire que non des fois… Mais je ne le peux. Les yeux fermés aux douces illusions, il avançait avec sureté, écrasant son bâton dans la terre ferme pour mieux aller de l’avant. C’était ça, son but si minuscule dans l’intégralité du monde : marche, encore et encore, et un jour, tu te retrouveras devant lui, et tu pourras alors tout libérer. Tout ce qui sommeille en toi.
Il n’y avait pas besoin de tendres sentiments et d’utopies pour ce genre de chose. Cette chose froide qui apportait la satisfaction. Ce sentiment malpropre, mais peu lui importait, que l’on appelle la haine et la vengeance, et qui résidait, ancré dans son être, inscrit dans chacune de ses cellules. Cet objectif ne nécessitait pas la douceur et la tolérance, et pour l’atteindre il devait devenir fort, toujours plus, un peu plus chaque jour. Etait-ce une force de laisser ses genoux tomber et fouler le sable fin ? De sentir cette eau salée sur des joues que l’on n’a jamais vu connaître les pleurs ? Ai-je le droit de me montrer faible, rien qu’un peu, rien qu’un instant ? Cela m’est permis ? Oui, juste pour cette fois… Car en cette seconde qui s’envolera bien vite, beaucoup trop vite, dans le sablier du temps, je les hais plus que jamais. Alors, laissons-le s’abandonner au chagrin et à la douleur, à la rage dévorante de tout son être. Laissons-le détester un peu plus les démons et ceux qui ont causé la guerre d’Elament. Et au centre de toutes ces visions de fin du monde, laissons-le entrapercevoir le visage de celui dont il a juré la mort. Détruis-le. Hais-le. Il n’y a que cela à faire si tu veux survivre…
Et cette douce mélodie Qui plane dans les airs Et vogue sur l’eau limpide Pourquoi me fait-elle si mal ?
Le nymphe se figea, la tête courbée et le corps prostré, les mains dans le sable, les mèches blondes épart autour du visage aux traits fins. Dwenyös Way, pleurant comme le moindre des enfants, se voyait découvert, horrifié et fasciné par la beauté de ce chant au cœur de la nuit sans nuage. Ce chant qui contait tant de choses inconnues de lui, des hommes, de tous les êtres en ce monde, sauf de celle qui avait vécu cette vie dont chaque note résonnait et le faisait frissonner, sans pour autant qu’il en comprenne le sens. Aucun des mots traversant le ciel jusqu’à ses tympans n’avait de sens, mais il résonnait comme mille clochettes dans le paisible vent de printemps, s’éparpillant avec une volée d’oiseaux entre les arbres bordant l’étendue de la plage. Et cela le ravissait, sans qu’il sache réellement pourquoi, sans qu’il ne s’aperçoive que quelque part en lui, une petite étincelle de ce vieux rêve qu’il avait longuement caressé s’épanouissait dans l’immensité de son cœur. Il aurait voulu l’entendre indéfiniment cette musique qui faisait tellement de bien et tellement de mal.
Devant ses yeux éteints repassaient une myriade d’images et de couleurs, tandis qu’à ses oreilles s’évanouissaient les sons pour mieux en engendrer d’autres, plus émouvant encore que les précédents, remuant un sentiment, une goutte dans son océan, bien infime et dont il découvrait l’existence aujourd’hui, se rendant compte à quel point elle pouvait être belle. La forêt qui défilait autour de lui, elle, ses cheveux pareils aux siens, volants au gré des branches. Elle ne l’avait jamais aimé ni considéré, alors pourquoi cette nostalgie se réveillait-elle dans son esprit qu’il croyait avoir grandi ? Peut-être parce qu’elle avait jamais été que son unique génitrice, et que la vie en ces bois avait été préférable au monde des humains égoïstes et pitoyables dans leur ignorance. Elle aurait pu le réconforter et déposer sa tête sur ses genoux. Elle ne l’avait pas fait. Et peut-être, pour la première fois, en éprouvait-il une certaine tristesse mêlée au regret. Cela l’étonna. Qui donc avait su percer l’écorce pour atteindre le cœur de l’arbre par de simples phrases s’entremêlant et n’ayant aucun sens pour lui ?
Le fils de l’oréade se redressa, tâtonnant au passage autour de lui pour saisir entre ses doigts agiles son compagnon de bois et s’en servir d’appui, mais il n’en avait pas besoin pour se repérer cette fois-ci. En effet, il connaissait les lieux par cœur, aussi sûr que s’il était né ici. Il se remémorait les moments vécus ici, à une époque où il lui semblait que la Cité était infranchissable et impénétrable pour n’importe quel ennemi. Dwen se laissa guider par la charmante voix qui se mêlait toujours aux vagues et aux rochers, gambadant dans les flots avec les créatures marines. Ses pieds nus s’enfoncèrent entre les grains minuscules qui caressèrent sa peau tandis qu’il marchait lentement, ne souhaitant pas troubler ce chant si magnifique, ni cet instant si irréel, comme Elament savait si bien les faire. Et alors qu’il avançait, voguant entre les notes, entre ses pensées envolées s’inséraient déjà plusieurs questions, résumées en une unique : qui donc était-ce, qui donc offrait à cette heure sa voix à l’astre lunaire, voix aux sonorités étranges et pourtant tellement harmonieuses, capable de renverser le cœur du plus fier des hommes ?
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| Dim 10 Fév 2008 - 0:46 | |
| Le récital aurait pu se poursuivre. La lune aurait pu continuer d’écouter la mélodieuse et pourtant si étrangère voix de l’almohane, mais il n’en fut rien. Eve s’arrêta de chanter sur une dernière note, qu’elle maintint magnifiquement, l’intensité et le volume décroissant à mesure que les secondes s’égrenaient. Puis, enfin, le silence retomba sur le lac. Derrière la petite créature, un léger bruit se fit entendre. L’ouïe étrangement exacerbée par la soudaine absence du moindre bruit, elle se retourna pour voir ce que c’était, tout en sachant d’instinct que cela ressemblait fort à l’avancée de quelqu’un, qui avait projeté un peu de sable en marchant. Cependant, en pivotant, l’almohane posa le pied sur un bord lisse et glissant de la pierre. La suite coule de source.
Avec un « plouf » magistrale accompagné d’un petit cri de surprise, Eve fit une chute dans l’eau certes peu profonde mais néanmoins assez pour qu’elle s’y trempe totalement. Une créature terrestre en aurait sûrement été fort gênée, mais pas elle. Pourquoi ? Parce que c’était tout autant son élément bien sur. Néanmoins, cette soudaine immersion ne fut pas tant à son goût, si bien qu’elle ressortit rapidement la tête de l’eau. Émettant une légère plainte, elle retourna vers le bord en ayant totalement oublié la présence étrangère. Telle un petit animal, l’almohane s’ébroua pour retirer la majeure partie de l’eau qui la recouvrait avant de se rendre compte du jeune homme devant elle.
Était-ce lui qui s’était approché ? Probablement. Avait-il aussi entendu la chanson qu’elle avait chantée à la lune ? Si tel était le cas, il n’avait probablement rien comprit, sans quoi elle pensait que l’inconnu se serait annoncé ou aurait dit quelque chose. Au lieu de cela, il avait gardé le silence. Et de toute façon il ne ressemblait pas à une créature marine. En fait, il avait tout de la créature terrestre typique, avec sa peau et l’absence apparente de pénétration dans l’eau que devait avoir son corps. Il n’avait cependant pas l’air méchant, mais le bâton qu’il tenait à la main pouvait être une arme. Comme il ne la tenait pas comme telle, cela ne devait pas être le cas…
Ce qu’il y avait d’étrange au goût d’Eve, c’était qu’il ne la fixait pas en la détaillant comme l’aurait fait une autre créature terrestre. Non, lui semblait en fait la regarder sans la voir. Curieuse, la créature marine s’approcha doucement, lentement, comme si elle craignait que ce qui l’intriguait ne s’éveille pour la mordre. Avec la même lenteur, elle passa sa main devant les yeux du garçon, sans grand résultat. Jamais l’almohane n’avait apprit ce qu’était la cécité, et elle n’arrivait donc pas à saisir ce que c’était que ces yeux qui ne réagissaient pas à sa présence. Quand bien même ses pupilles de rubis plongeaient dans ces deux pierres d’obsidienne, elle ne voyait aucune réaction. Le tableau était assez étrange, voir comique au dépends du jeune homme. L’étrange petite créature était dressée sur la pointe des pieds, dans le sable, essayant de garder l’équilibre pour pouvoir regarder l’inconnu droit dans les yeux, arborant une expression à mi-chemin entre un grand sérieux et une curiosité toute enfantine.
Après peut-être une ou deux petites secondes d’examen, Eve sembla prendre un peu plus courage. Preuve en fut qu’elle approcha son doigt, lentement, de la joue de cet être terrestre jusqu’à la toucher du bout du doigt, espérant une réaction comme un enfant qui touche une méduse échouée sur la plage avec un bâton. Elle s’était attendu à ce que, soudainement, les yeux de l’inconnu se braquent sur elle avec une intensité à la faire reculer, mais non… Cependant, elle fut un peu lente à retirer sa main… |
| | | Invité | |
| Dim 24 Fév 2008 - 19:56 | |
| Theme musical Et la nuit s'étendait autour d'eux, immuable, paisible comme un doux soir d'été où nous nous serions assis et aurions regardé sereinement les étoiles, au lieu de nous intéresser à ce qu'il pourrait bien se passer en-dessous d'elles. De quelle importance aurait relevé une telle rencontre ? Celui ayant traversé les terres et les monts des hommes, rejeté puis vaincu par son propre orgueil, et celle extraite des eaux, plus pure que l'onde parcourait les racines du monde, tellement plus innocente que lui, qui dans toute son ancienne noirceur ne pouvait la contempler, ruisselante devant le disque d'albâtre. Il est de ceux qui se sont plongés trop profondément dans les ténèbres et toute leur folie pour en ressortir indemme et s'en soustraire, il leur appartient, son coeur rongé par la rouille de la rancoeur qui ne s'est pas encore tarit.
D'une bien grande en vérité. Car qui donc, parmi ceux présents en ces lieux toutefois, a entrevu l'avenir, que ce soit dans la glace ou dans les flammes ? Je ne sais. Tout comme je ne sais quelle sera leur destinée à eux qui se contemplent autant qu'il est possible de se dévisager. Je ne sais si ce contact entre deux destinées opposées aura des répercutions dans les infinis couloirs du temps. Je ne sais, et pourtant... Moi, je crois. Je crois en la tendre chaleur qui s'est emparé de son coeur à lui, quand il l'a entendu tomber tellement naïvement, cette enfant. Je crois à la stupeur qui l'a saisi, tout comme l'amusement l'a surpris devant une telle candeur qu'il n'avait jusqu'alors jamais croisé. Je crois au léger sursaut qui a parcouru son échine à la couleur de miel brun lorsque son doigt s'est posé, trempé, sur sa joue.
Il aurait voulu savoir qui elle était. C'est cette pensée là, précise, qui s'imposa d'elle-même entre l'étonnement et la ravissement qui l'habitaient. Etait-elle une nymphe ? Une de ses ondines au chant s'élevant vers le ciel couleur d'encre à la nuit tombée, grimpant parmi les nuages et charmant les oiseaux nocturnes ? Pourtant, elle ne parlait pas, le savait-elle d'ailleurs ? Le toucher lui apprenait qu'elle avait forme humaine, mais son langage ne suivait pas, le sien était celui mélancolique et merveilleux, celui qu'elle avait adressé à la lune, avant qu'il ne vienne la troubler, interrompant la mélodie sans nom. Dwen regretta, parmi de multiples moments antérieurs à celui dont ils jouissaient à présent, de ne pas pouvoir lui donner de visage, et dut se résoudre à lui imposer un masque, comme à tous les autres. Ultime mascarade régissant son existence.
Et dans ce singulier spectacle, il fit ce que l'on attendait de lui. Naturel ou acteur, rôle dans lequel il avait tellement excellé par le passé ? Quel besoin avait-il de lui mentir ? Quels profits tirerait-il d'abuser d'un être aquatique ? Oui, cela furent ses premiers réflexes, car après tout, c'est ainsi qu'il était fait, c'était son âme. Mais son âme ruisselait de tant de choses, n'était-il pas comédien ? En tout cas, toujours est-il que sa main à lui se leva et rencontra, par le doux fruit du hasard, la sienne. Et quand son visage sourit, son sourire était sincère. Il la voyait dans une nappe obscure devant ses paupières. Une jeune créature, un tant soit peu effrayée, fine car son doigt l'avait été, qui l'observait avec des yeux dépourvus de toute malveillance, car elle ne portait pas de mal en elle pour être venu si naturellement vers lui.
C'était dommage. C'était dommage, d'avoir une telle noirceur en lui-même face à une telle blancheur, se dit-il. Mais c'était bien. Il voulait juste profiter de cet instant volé, en dehors de ses larmes versées pour celle qui était tombée au combat, en dehors de sa vengeance contre le démon qui lui avait tout pris. Avoir un moment volé où il pourrait se qualifier de bon. C'est pour cela qu'il la regarda, de ses yeux sans fond d'onix, tout en souriant, tendre et amusé, voulant connaître celle qui avait su charmer ses sens par son seul chant et qui s'était ainsi, subitlement, approprié son ouïe. « Désolé de t'avoir dérangé, je ne comptais pas t'effrayer. »Une étrange lueur parcourut son regard fixe, une sorte de tristesse mêlée de remord de ce qu'il aurait pu être, ou de ce qu'il croyait ne pas être. Etait-il vraiment ce garçon enjoué lui parlant ? Il s'accorda le droit de l'être. Parce que ça faisait du bien. Dans sa mémoire inépuisable naquit le souvenir d'une femme chantant entre les branches et les animaux, ses yeux où avait logé la folie fermés, et irradiant d'un charme passé qui mettait au grand jour ce qu'elle avait été autrefois. Avant de croiser la route des hommes. Qu'avait-il été, lui, avant de croiser les yeux impotoyables des seigneurs qui se protégeaient, ou croyaient se protéger, de tout à travers leurs armures et leurs casques ? Non, il n'avait pas été l'innoncence propre aux jeunes enfants. Ou plutôt, si, comme un drap fin, elle l'avait recouverte à sa naissance, faisant surgir en lui la peur et l'admiration envers sa génitrice, glissant un peu plus lors des preuves de sa non affection pour lui.
Le drap était tombé, mais il en retrouvait la texture au contact de la paume contre la sienne. « Tu chantes magnifiquement. » Lors des nuits sans lune, elle aussi, elle le berçait à sa manière, de chansons sans paroles, trop brutales pour être assoupissantes, trop basses pour être perçues, la musique glissait alors entre ses petits doigts de gosse sans qu'il la saisisse et en comprenne tout le sens, il ne pouvait qu'entrevoir à peine toute la démence qui y était gravée. Jusqu'à ce que soudain, mue d'un instinct bestial, elle le griffe ou le frappe de quelque façon. Pour le réveiller. Ou parce qu'il ne dormait toujours pas. « J'aurais aimé t'écouter encore. » Retour à Elament et à ces deux êtres hors de tout. La morsure des souvenirs est la plus cruelle, laissons la de côté et replongeons nous dans l'instant présent, près d'eux qui s'écoutaient mutuellement, l'un ne pouvant admirer l'autre du fait de sa vue voilée. « Je m'appelle Dwen, je suis un élève de l'école d'Elament. » |
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| Sam 19 Avr 2008 - 23:50 | |
| Il parlait. Il parlait le langage des gens vivant sur la terre ferme, ceux qui jamais ne descendent très loin sous les eaux. Eve comprenait bien sur, elle savait ce que signifiaient ces mots, puisqu’elle avait vécu et apprit des choses d’une personne comme cela. Par contre, elle n’avait jamais apprit à parler. Comment communiquer avec quelqu’un qui ne peut pas comprendre ce que l’on dit ? Malgré la conscience de cet état de fait, l’almohane ne put vraiment s’empêcher de répondre dans sa langue natale. Le résultat était cependant moins musical et rythmique que le chant qu’elle avait entonné à la lune, même si la similitude était nette. Un simple « Merci » et un simple « Je suis Eve », qui furent prononcés en pure perte puisque le garçon ne pouvait pas comprendre.
Il avait prit sa main. Avait-il mal prit le fait qu’elle touche son visage ? Peut-être aurait-elle du s’abstenir, ne rien faire. Eve n’était pas déranger les gens ou les vexer, parce que les gens de la surface faisaient des choses intéressantes, qu’elle n’avait jamais vu ou ne connaissait pas assez. De ce fait, à chaque fois qu’une personne s’était vexée ou énervée à cause d’elle, ou qu’elle avait été outrée ou effrayée en la voyant, elle n’en avait approuvé que du remord et de l’incompréhension. Ces gens étaient si compliqués à comprendre, et il y avait tellement de races avec leurs coutumes, leurs tabous et leurs interdits…
Mais le problème actuel de la petite créature des eaux était la barrière de la langue. Ce garçon ne lui serrait pas la main fort, ne criait pas et ne faisait pas de gestes brusques en cherchant à l’amener où que se soit, il ne devait donc pas être en colère. Eve voulait parler avec lui, mais elle ne savait pas comment faire. Un moment de silence peut-être un peu long passa avant qu’elle ne pense à quelque chose. Elle aurait pu écrire, mais la personne devant elle avait des yeux qui ne marchaient apparemment pas. S’il ne pouvait pas voir, elle pouvait peut-être lui faire sentir ? L’almohane retourna la situation, prenant la main du garçon, Dwen avait-il dit, comme il l’avait fait un instant auparavant. Elle l’amena doucement sur elle, où il pu en passant sentir légèrement les battements du cœur de la créature qu’il venait de rencontrer. Le rythme était quelque peu rapide. Pourquoi ? L’excitation, celle de rencontrer une personne qui ne criait pas, ne fuyait pas ou je se montrait pas agressive, une personne qui n’avait pas de dégoût dans ses yeux. Une personne avec qui elle pouvait parler, si tant était qu’elle trouve un bon moyen. Après cela, Eve lui fit tendre sa main, paume vers le ciel nocturne, et tâcha de se rappeler comment écrire son nom. Le vieil homme lui avait montré, mais san pratique elle avait un peu oublié.
S’ensuivit un petit moment de simple candeur, ou l’almohane commençait à tracer, du bout de son doigt, les lettres qu’elle pensait devoir écrire, avant de remarquer son erreur dans la direction de telle ligne, ou de s’être tout simplement trompé de lettre. Avec un petit mot qui, malgré la barrière de la langue, représentait clairement le mécontentement de sa propre erreur, elle passait sa main sur celle de Dwen, comme un enfant qui efface un message dans le sable en le lissant, avant de recommencer. Toute concentrée qu’elle était, Eve en oublia complètement la situation, entièrement absorbée par l’écriture de son nom. Peut-être dut-elle faire une dizaine d’essais environs avant d’y parvenir. E-V-E. Trois lettres toutes simples, mais qui semblaient déjà lui avoir donné beaucoup de mal.
Fière de sa réussite, la créature marine laissa sa joie transparaître dans une petite exclamation, encore une fois à la manière d’un enfant. Elle n’en était peut-être pas si éloignée par le comportement, elle qui n’était au final qu’une créature étrangère, curieuse de tout, qui découvrait à la même façon qu’un jeune enfant de la surface, avec son lot d’essais et d’erreurs. Malgré sa taille, malgré l’impression d’âge qu’elle dégageait, le reste n’était qu’innocence et candeur, de la façon la plus simple et rafraîchissante qui soit. |
| | | Invité | |
| Sam 26 Avr 2008 - 23:28 | |
| Sa paume contre la sienne. Ses doigts entrelacés avec les siens. Il sentait tout cela, même si l’admirer directement de par ses yeux lui était à tout jamais privé, alors il savourait pleinement le contact, appréciant ce qu’elle lui offrait à lui qui ne pouvait atteindre la lumière du jour. Au creux du monde étoilé, à l’abri des regards indiscrets, dans ce petit espace qui à l’instant n’appartenait qu’à eux seuls. L’almohane et le nymphe. Elle, cette étrange créature qui lui était donné pour la première fois de rencontrer. Lui, celui appuyé d’une main sur son bâton qui ne le quittait que très rarement, l’autre dans celle de l’hybride. Une étoile filante passa au loin dans l’étendue sombre, mais aucun des deux ne la remarqua, trop absorbés par la présence de l’autre à ses côtés.
La première réaction de Dwenyös lorsqu’elle avait saisi sa main pour la retourner vers la voûte céleste avait été tout simplement la surprise, se demandant ce qu’elle souhaitait faire. L’être en face de lui semblait être tout ce qu’il y avait de plus pacifique, cependant, l’aveugle avait toujours été habitué à une certaine méfiance face aux évènements. Elle inspirait l’innocence et la candeur la plus pure, certes, mais cela réveillait un vieil instinct au fond de lui, cette impression désagréable d’être manipulé sans trop comprendre pourquoi. Toutefois, il la laissa faire, sa curiosité de nouveauté l’emportant sur tout le reste. Son toucher était des plus singuliers, et dès que son épiderme fut frôlé il sut immédiatement qu’il pourrait la reconnaître partout. Un frisson le parcourut et, impassible en apparence, il ne bougea en rien, tout à sa curiosité.
Peu à peu, au fur et à mesure que les minutes passaient entre eux, agrémentant le doux clapotis des eaux du lac Yuta, une pensée s’acheminait dans son esprit tandis qu’il comprenait. Sa première idée avait été qu’elle lui dessinait sur la main. En ce cas, pourquoi donc ? Qu’y gagnerait-elle ? La communication, réponse simple et d’une évidence sans bornes. L’hybride voulait lui dire quelque chose, lui transmettre des informations, et ceci le ravit aussitôt, trop heureux de pouvoir nouer des liens avec une telle personne. Un silence encore. Dans son esprit, il visualisait les marques qu’elle traçait, l’une après l’autre, semblable à une jeune enfant apprenait à se servir d’un crayon. Machinalement, il les assemblait pour décrypter le message, mais devant recommencer pourtant à chaque nouvelle reprise. Car oui, il ne lui avait pas fallu longtemps pour saisir le sens de la paume traversant la sienne d’une caresse fugace pour prévenir qu’elle effaçait et recommençait.
L’étincelle se fit au, je dirais, cinquième essai. Jusqu’alors il n’avait pas compris pourquoi elle s’évertuait à dessiner de simples bâtons sur sa peau. Cherchait-elle à lui faire un plan ? La réponse s’était imposée d’elle-même en reconnaissant furtivement la lettre « E ». Ainsi, elle avait appris l’écriture ? Cela n’en restait pas moins une hypothèse car il n’en avait pas vraiment de preuve, mais il testa tout de même cette dernière. A tatillons, tout comme elle essayant de lui parler à l’aide de son doigt, il s’avançait mentalement, donnant un sens aux courbes gravées à même son épiderme. « E », il n’y avait plus de doute possible. Le « V », facile à reconnaître. Puis encore un « E ». « E ». « V ». « E ». EVE. Eve… C’était un prénom issu des croyances des hommes ça. Se nommait-elle ainsi ? Sûrement.
« Eve ? C’est comme ça que tu t’appelles alors… »
Et encore une fois, il lui sourit, amusé par le cri de joie qu’elle poussa. L’atmosphère qu’elle dégagea, si simple et si joyeuse à la fois l’attirait inexorablement, lui qui avait vécu dans un monde des plus cruels qu’on appelait celui des hommes. Elle aussi avait été à leur contact, mais de manière moins poussée apparemment, sinon une telle manifestation de bonheur n’aurait pas pu être chez elle. En elle, après la douleur et le désespoir qu’il avait éprouvé à l’annonce de la bataille et de la mort de Layna, directrice bien aimé, il trouva un certain réconfort, même si la tristesse persistait, elle ne durait qu’un temps, comme la nuit autour d’eux. Sans lâcher sa main pour autant, il lui parla encore. Après tout, c’était la seule manière qu’ils avaient pour s’échanger des choses.
« Tu dois avoir rencontré des humains pour porter un tel prénom, celui de ta langue natale ne doit pas être prononçable. Et je devine qu’il te reste encore beaucoup de choses à apprendre… » ajouta-t-il d’un ton enjoué. « Dis-moi, Eve, tu viens d’arriver à Elament ? Si tu y es c’est que tu possèdes un don toi aussi, non ? »
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| | | Invité | |
| Sam 7 Juin 2008 - 11:57 | |
| Dwen ne facilitait pas les choses. Il lui posait des questions, mais elle était incapable de lui répondre, du moins pas de façon à ce qu’il comprenne. Elle se sentit une fois encore gênée par ce handicap, cette barrière de langue l’empêchant de se faire comprendre des gens. Elle essaya, bien sur. Elle lui répondit, dans sa langue, mais que pouvait-il y comprendre ? Elle était prête à renoncer. Comment pouvait-elle répondre à ses questions ? Peut-être ne le pourrait-elle tout simple pas. Pas avant d’avoir apprit à parler la langue des gens vivant sur la terre. Son seul semblant de réponse compréhensible concerna son pouvoir, son don. Eve prit la main de son nouvel ami, souhaitant profiter de ses cheveux encore mouillés. Elle amena la paume de Dwen en dessous, et laissa quelques goûtes tomber dessus. C’était tout ce qu’elle pouvait faire pour essayer de lui dire que son don concernait son élément naturel : l’eau.
Puis, comme si tout ce qui avait précédé ne faisait partie que d’un rêve, l’almohane se mit à détailler le nymphe. Elle le regarda, tourna autour, toucha parfois du bout des doigts quelque chose, apparemment curieuse et semblant se parler à elle-même, à en juger par les petites notes marines s’échappant de sa gorge. Elle apprenait. Détaillait Dwen pour découvrir de nouvelles choses. Elle le considérait déjà comme son ami, comme s’ils l’étaient de longue date d’ailleurs, de part sa candeur. Elle se permettait donc ce petit examen curieux sans aucune gêne, jusqu’à enfin revenir devant lui avec un grand sourire.
Eve irradiait la joie. Elle s’était fait un ami, le premier habitant de la terre qui n’avait pas l’air d’avoir de mauvaises intentions envers elle et n’avait pas peur, ne la chassait pas. Peut-être en raison de ses yeux qui ne voyaient pas ? La petite créature repassa sa main devant, espérant une réaction, mais n’eut toujours rien de semblable aux autres gens. Elle ne comprenait pas.
« Tes yeux ne voient pas ? »
Encore une fois, dans sa langue. Qu’aurait-il pu comprendre à ce qu’elle venait de lui demander ? Peut-être un jour remarquerait-il que cela l’intriguait, ou saurait-elle parler sa langue d’ici là. En attendant, l’almohane devrait être patiente…
Malgré elle, elle se lança dans une tirade incompréhensible pour Dwen, ayant plus l’accent d’une personne chantonnant que d’une tentative de communication. Ce qu’elle disait ? Elle le remerciait. Il ne comprenait rien, mais elle le remerciait de ne pas avoir fuit, de ne pas s’en être prit à elle et de ne pas l’avoir chassée. Elle le remerciait d’être resté, de lui avoir parlée, d’avoir été gentil avec elle. Ce qu’elle n’avait plus connu depuis longtemps, trop longtemps. Joignant le geste à la parole, prenant peut-être son ami au dépourvu, Eve glissa ses petits bras autour de lui. Elle avait encore la peau humide de sa chute dans le lac, ce qui la rendait un peu froide en cette nuit. Collée contre lui, la petite créature retrouva un sentiment de chaleur qu’elle avait, semblait-il, oublié. Pas la simple chaleur physique d’un autre être au sang chaud, mais celle de l’affection, la chaleur humaine par les sentiments. Le nymphe, lui, en plus de son affection à elle, pu sentir autre chose… La nudité du petit être qui s’était collé à lui, nudité pourtant sans arrière pensé ni pudeur. Une nudité « normale », comme seules peuvent la vivre les créatures qui ne se soucient pas des détails de ce genre, qui ne se perdent pas dans des pensées plus ou moins morales.
Il n’y avait rien de plus que de la simplicité qui émanait d’elle. Elle l’enlaçait parce qu’elle en avait eut envie, cela se ressentait d’une certaine façon. Elle prouvait son affection, ce qui pouvait plus ou moins se comprendre également. Et elle irradiait la joie.
L’almohane était heureuse. Ce soir, elle était entrée à Elament. Ce soir, elle avait atteint la première partie de ce qu’elle avait promit à son défunt premier ami. Elle avait également chanté à la lune.
Et surtout, ce soir, Eve s’était fait un nouvel ami. |
| | | Invité | |
| Mer 20 Aoû 2008 - 15:51 | |
| Le nymphe ne pouvait s’empêcher d’admirer en silence la si belle langue qu’était celle de son interlocutrice. Les notes mélodieuses qui s’échappaient de sa bouche le ravissait, lui qui était toujours attiré par l’inconnu, par les nouvelles choses à apprendre et découvrir. C’était la première fois qu’il rencontrait quelqu’un de son espèce, et rien que ce fait, mêlé à l’innocence apparente d’Eve, le mettait au comble de la joie. Il se doutait bien que la créature marine faisait tout ce qu’elle pouvait pour se faire comprendre, la tâche étant rendue bien difficile à cause de sa cécité, aussi, de son côté également, il restait attentif au moindre de ses choses, à toutes les intonations de sa voix pure et claire, car même s’il n’y comprenait rien, il espérait pouvoir deviner, envisageant même de l’apprendre un jour prochain, ce langage musicale.
Usant des gestes, qui étaient à peu près leur seul véritable moyen de communication, il se laissa faire sans opposer de résistance aucune face à ses mains, leur offrant la sienne. Une sensation humide, fugitive, semblable à la pluie se déversant du ciel. Ah oui, une goutte, c’était cela. Dwen avait entendu l’almohane tomber dans l’eau du lac quelques minutes auparavant, et supposait qu’elle était probablement trempée jusqu’aux os. La goutte qui venait de tomber sur la paume de sa main venait donc d’elle, sans aucun doute. Dans les ténèbres qui occupaient constamment son esprit, il fouilla à tâtons, essayant de comprendre ce qu’elle voulait lui dire à travers son chant et ses mouvements. Heureusement, Dwenyös Way était réputé pour faire partie des élèves de troisième année qui avaient le plus vite progresser dans leurs études, de cette manière, il ne mit pas longtemps avant de saisir toute la subtilité du message. « L’eau… C’est cela, n’est-ce pas ? Ton élément… »Il ajouta avec un sourire, se réprimandant de ne pas y avoir pensé plutôt. C’était tellement évident. « Ca ne m’étonne. L’eau, bien sûr. Ca ne pouvait être que ça… » Mais déjà, l’attention d’Eve était ailleurs. La main hâlée du nymphe se retrouva lâchée. Doucement, il la remit le long de son corps, subissant sans broncher l’examen de sa nouvelle amie, même si cela avait tendance à le gêner un peu. Après tout, Dwen ne s’était jamais intéressé au sexe opposé autrement que pour nouer des liens amicaux, rien d’autres. Son existence n’ayant été qu’une suite alternant haine et vengeance, l’amour n’y avait joué qu’un rôle des plus futiles. Le seul amour qu’il eut jamais éprouvé dans sa vie avait été dédié à sa mère, avant de s’apercevoir qu’en réalité, il n’avait été considéré que comme un instrument à ses yeux, instrument de sa rancune envers son père. A ce moment-là, toute idée d’affection envers sa génitrice avait disparu, et n’était plus jamais réapparu. Le nymphe respectait, admirait, s’intéressait… Voire appréciait. Cependant, l’amour réel, celui que l’on pouvait tellement voir dans les livres, lui, non, il l’avait rayé de ses sentiments.
C’était donc la première fois qu’il laissait un individu de catégorie féminine le toucher de la sorte. Certes, cela restait au niveau d’un pur examen destiné à élargir les connaissances de l’almohane, de plus, Dwen portait des vêtements qui lui permettaient de cacher au reste du monde les marques sur son corps, anciens cadeaux d’Iblîs… Cependant, la petite sensation de fraîcheur qui accompagnait chaque geste qu’elle faisait pour le toucher le faisait frissonner, la nuit étant là et étant légèrement froide. Ce frémissement fut encore plus accentué quand il sentit un petit courant d’air devant son visage, comprenant qu’elle agitait sa main devant ses yeux. Un sourire d’excuse se peignit sur son visage. « Désolé, je suis aveugle, incapable de voir quoi que ce soit, et ce depuis deux ans… »A sa réponse s’ensuivit un long discours où, une nouvelle fois encore, il ne pouvait saisir que les notes ascendantes ou descendantes, les différents tons pris par Eve, les différentes tournures peut-être, quant à la signification… Tout lui échappait. Elle semblait joyeuse et surexcitée, heureuse de l’avoir rencontré, mais tout ceci, il ne pouvait que le deviner. Il eut peur un instant qu’elle lui demande un service et qu’il ne puisse y répondre. D’ailleurs, il se demanda si une seule personne dans la Cité pouvait parler le même langage qu’Eve. Si c’était le cas, il n’avait rencontré personne de ce genre.
Puis, le cours de ses pensées fut interrompu. Brutalement.
Quand il sentit le corps d’Eve se presser contre le sien, il bénit la nuit d’être tombée sur Elament car ses joues prirent une magnifique teinte de homard bouilli. Encore plus quand il se rendit compte, malgré son handicap, qu’elle ne portait pas le moindre vêtement. Une partie de son cerveau se mit à lui expliquer que cela était tout à fait compréhensible vu l’espèce à laquelle Eve appartenait, l’autre s’était tout simplement mis hors service. A la sensation de ses vêtements qui commençaient dangereusement à prendre l’eau, il se rendit compte qu’effectivement, Eve était mouillée, et pas qu’un peu. Il bafouilla quelques mots sans cesse et leva péniblement une main dans l’espoir de la repousser, mais à son grand désarroi, ladite main se posa sur le dos de l’almohane. Au fond de lui, sans qu’il le soupçonne, un brin de paix venait de s’éveiller. Il ignorait que la solitude l’avait autant marqué, et, curieusement, ce petit corps ampli de candeur contre le sien, lui faisait plus de bien qu’il n’osait se l’avouer.« Euh… Eve… » parvint-il à articuler au bout d’une bonne minute. « Si tu veux je peux te conduire à l’école… Tu es d’accord ? »
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