[Pendant la journée, je suis passée à l'infirmerie donc je vais très bien quand j'arrive le soir en cours]

Aylwin éprouva un frisson en marchant sur le dallage froid des couloirs à cette heure tardive. Le sommeil était inexistant dans son corps d'humaine. Son esprit était clair, elle était prête à apprendre, prête à écouter de longues heures encore un professeur lui enseigner.

L'excitation la fit frissonner de plus belle. Oui, elle était prête. Enfin, sa nouvelle vie avait un sens, enfin elle avait un but. Et cette idée la comblait. Elle avait une soif d'apprendre, une faim insatiable de savoir et de connaissances. Elle n'attendait plus que de remplir ce vide, cette lacune. Elle allait réussir, elle en était convaincue. Peut-être pas du premier coup, mais elle allait y arriver. Elle aperçu enfin la porte de la salle d'étude.

Respectueusement, elle cogna avant d'entrer. Mais avant même d'ouvrir la porte, d'avoir la main sur la poignée, elle perçut la musique. Douce, mélodieuse, une musique qu'elle ne connaissait pas mais qui la fascina dès les premières notes. Se pouvait-il que... Elle entra.

Dans la pièce, il ne restait plus que deux banc dont l'un était occupé par Archael. Ses grandes ailes avaient disparues, mais, malgré tout, le professeur avait encore une stature et une prestance incroyable. C'est lui qui joue cete musique divine avec une lyre étrange faite d'un matériau qu'elle ne pouvait identifier. Elle alla s'asseoir sur le deuxième banc sans dire un mot. Parler aurait gâché le moment, brisé l'harmonie de la mélodie. Elle ferma les yeux, prise par les notes, prise par le coeur.

Et elle resta muette d'admiration, envolée, emmerveillée...

Aylwin ne se réveilla qu'au son de la voix de son professeur, ele n'avait pas eu conscience que la musique s'était arrêtée. Ensorcelée par les notes vibrantes, elle s'était laissée emportée par la mélodie jusqu'au plus profondes méandres de son esprit. Elle ne dormait pas pourtant. Son côté nymphique avait profité de la musique pour resurgir en elle, le fait que Archael ait parlé avait en fait été une bonne chose, sa couverture humaine n'avait pas eu le temps de se dissiper et ses origines raciales restaient masquées par son apparence et son camouflage mental.

Ouvrant ses paupières lentement, elle laissa un sourire fleurir sur ses lèvres alors que son enseignant faisait remarquer son état de santé. Oui, dans l'après-midi, elle était passée à l'infirmerie. Ils l'avaient soignée. Elle était donc en pleine forme pour son cours. Prëte à tout, sa volonté toujours au rendez-vous. Aucune fatigue, aucun épuisement. Elle était radieuse.

- Les infirmières de l'école font en effet un travail remarquable. Comment avez-vous dit que cet instrument s'appelait? Je n'ai pas bien compris. C'est d'ailleurs la premire fois que j'en vois un semblable.

Elle avait répondu avec une aisance calme, une tranquilité absolue, surement due à la musique de l'instrument étrange. Ses yeux rouges brillaient d'une lueur spectrale alors qu'elle reprenait conscience. Lentement, très lentement, elle reprenait contact avec la réalité.

Mais son esprit était encore tout engourdi, perdu dans un univers de souvenirs. Lucide et pourtant si confuse. Ses deux natures lutterais encore deux ou trois minutes avant qu'elle n'ait tout à fait quitté la douce mélodie et les effets anormaux qu'ils avaient sur elle.

- Il chantera seulement si tu utilises la magie du vent pour le faire vibrer. Ses effets sont différents sur chaque personne, et ils sont toujours étranges. Si tu veux l'essayer avant de commencer à travailler, tu peux. Quand tu auras fini, rejoins-moi.

Aywin venait de s'éveiller totalement et ce qu'elle désirait plus que tout s'offrait à elle. Cependant, la tentation de manier cet instrument était grande, immense. Elle ne savait même pas si elle arriverait à produire un son. Elle observa le ChantePierre un moment et le prit entre ses mains.

Archael observait le sol, dos à elle. Elle n'osait pas jouer. Et soudain, une pensée lui traversa l'esprit, un souvenir effaçé des sa mémoire, une berceuse qu'elle avait déjà entendue, mais elle ne savait où. Une berceuse guerrière. Cela lui revenait par bribes. Elle ferma les yeux pour retrouver les lambeaux de mémoires qui lui échappaient. Elle revoyait les yeux verts d'une femme penchée sur elle, une nymphe des bois, Violaine, un nom sortit des méandres de son passé troublé. Ça avait été sa nourrice jusqu'à ses cinq ans. C'était une berceuse qu'elle lui chantait tous les soirs avant de la mettre au lit.

Soudain, alors que les souvenirs lui revenaient, la musique surgit. C'était une mélodie nymphique, douce et sauvage à la fois, comme si le son indompté ne se laissait manier que pour tromper son créateur. Les notes résonnaient en écho. Plus légères que l'air qui les créaient. Le vent qu'Aylwin produisait sans s'en rendre compte allait produire cette mélodie sans qu'elle ne le sache, elle était en transe. Son corps au repos, elle s'était étendue sur le dos sur le long banc, ses cheveux lâches frôlant le sol.

C'est au moment où la mélodie prit un rythme défini, enfin apprivoisée, que la jeune fille y trempa sa voix. Mais ce n'était pas sa voix pourtant qui se mariait à la musique, c'était celle de la nymphe qu'ele était en train de redevenir. Ses cheveux blonds se teintinrent d'un blanc satiné tandis que son corps s'affinait. Ses vêtement ajustés en fonction de son corps d'humaine devinrent amples, sa peau prit une couleur laiteuse, ses oreilles s'allongèrent légèrement et ses yeux sous ses paupières closes pâlirent jusqu'à un rose si pâle qu'il semblaient blanc. Pour clore la transformation, des ailes cristallines mais tout à fait différentes de celles d'Archael s'ouvrirent dans son dos, des ailes d'un blanc translucide et d'une forme volatile.

Et sa voix telle une musique elle-même s'élevait en entonnant la mélodie:

"Viens avec moi
Au pays merveilleux où il y a de la musique.
La chevelure y est comme la couronne de la primevère ;
le corps lisse y est de la couleur de la neige.
Là, il n'y a plus rien à moi ni à toi,
Les dents sont blanches et les sourcils noirs ;
La foule nombreuse est le plaisir des yeux,
Chaque joue a la couleur de la digitale,
Le cou de chacun a le pourpre de a giroflée ;
C'est d'un pays merveilleux que je parle.
La jeunesse ne s'en va pas vant la vieillesse.
Des fleuves tièdes coulent à travers le ays,
Avec l'hydromel et les vins les plus choisis.
L'être y es beau et sans défaut ;
On y conçoit sans péché et sans faute.
Nous voyons chacun et partout,
Et personne ne nous voit."

Sa voix en un souffle s'éteignit et la musique flotta encore un instant dans l'atmosphère avant de partir comme la brise matinale de l'été tardif, comme l'arôme fugace d'une fleur trop vite coupée.

[Le chant est tiréé du livre "L'heure des elfes"]

Quand les premiers tintements critallins s'étaient faits entendre, Archael s'était relevé. Le dos tourné, ses cheveux de lune flottants dans la brise, il avait écouté sans mot dire l'air porter sa berceuse. Quand il jouait du Chantepierre, les accords longs et vibrants racontaient le passé et le crépuscule du monde, cette paix douce et sereine qu'on ne connaît qu'au soir d'une très longue vie. Doucement, s'y mêlait alors la mélancolie d'une voix déjà ancienne, qui a vu et connu la souffrance et la beauté. Les chants du ciel et de l'antique peuple des anges, ultimes reflets d'un passé que le cours incessant du temps a laissé derrière lui.

Mais sous les doigts d'Aylwin, la musique était différente. Elle était douce et insaisissable, presque sauvage. Et pourtant, elle était tintante, joyeuse et légère comme une source de forêt. Elle contenait en elle l'innocence du monde à son enfance, quand les Nymphes, les Fées et les Dryades dansaient encore au milieu des fleurs, sous les rayons du soleil levant. Quand l'avenir était encore sans nuages. Quand l'obscurité sous les étoiles était douce et sans appréhension, avant que la douleur et l'ombre n'apparaissent. Si l'ange savait les vieux chants sereins du soir, il entendait à présent la joie et l'innocence de l'aube. C'était les notes du peuple nymphique, les sons d'une terre encore jeune et emplie d'espérance. Si sa musique à lui disait le crépuscule du temps, sa musique à elle chantait le matin du monde.

Tout en écoutant, l'ange aux cheveux blancs s'était approché d'une fenêtre. Le front appuyé contre la vitre, silencieux, il laissait les notes fraîches glisser sur lui comme les gouttes rafraîchissantes de la rosée. Mais déjà la musique s'éteignait peu à peu, comme s'évaporent les diamants sur l'herbe au lever du soleil.

"Sur les routes du passé et du futur" murmura l'ange doucement, comme pour lui-même, "seule la musique indique celui qui mène au paradis perdu, car la musique, c'est l'espace et le temps rendus sensibles au coeur."

Tandis que le silence revenait enfin dans la salle, Archael se retourna. Il ne parut pas étonné de voir la transformation physique de la jeune fille. Ses yeux semblaient voir au-delà d'elle, contemplant quelque chose bien loin de ce monde. Que voyait-il derrière ses pupilles de saphir, qui semblaient lire au-delà de la réalité? Quel monde disparu contemplait-il, réveillé pour le temps d'un songe par la musique d'Aylwin? Qui sait...

Avec un dernier tintement de cristal, le Chantepierre se tut et l'enchantement s'envola...

[Tu as très bien interprété, j'adore!]

Aylwin s'était arrêtée de jouer mais elle ne pouvait s'éveiller. Le chant et la musique l'avait apaisée et fait entrer dans une transe profonde. Son coeur battait au rythme des notes éteintes. Elle respirait calmement et sous ses paupières flottaient encore ces yeux d'un autre temps. Elle ne savait pas qu'elle venait de chanter, ignorait qu'elle était arrivée à jouer du ChantePierre. Ce qu'elle savait c'est que l'état de paix qu'elle ressentait à présent était une bénédiction, un don indescriptible qu'on lui avait offert.

Après un temps qu'elle n'aurait su estimer, elle ouvrit lentement les yeux. La lumière y pénétra trop rapidement, lui arrachant un faible gémissement. Elle finit par s'y habituer et se leva sans remarquer son propre changement. Elle regarda autour d'elle et vit qu'Archael l'observait. Son regard profond avait l'air perdu dans un univers de pensées complexes, de réflexions songées. Elle même ne savait pourquoi, mais elle percevait dans le silence lourd une onde de mystère qu'elle ne comprenait pas.

Elle se retourna et prit son sac du sol pour l'élever sur le banc et elle brisa le silence de sa voix cristalisée :

- Pardon, j'ai été distraite. Par quoi commence-t-on?

Malgré ces paroles, l'atmosphère étrange ne se dissipa pas. Elle attendait une réponse, dos au professeur, effrayée par la situation. Elle ne savait pas ce qui s'était passé, mais elle sentait le poids de l'évènement. Elle resta là, suspendu à travers le temps alors que la lueur de l'aube pénétrait dans la pièce par la fenêtre.

[Merki ^^]

Portée sur les ailes de la musique, la nuit s'était écoulée sans que l'on s'en rende compte, et déjà le soleil reparaissait à l'horizon. Il était temps de laisser les routes du rêve et de reprendre celle de la réalité. S'arrachant avec effort de ses pensées, l'nge revint près du cercle de pierre, sur le sol, et s'assit au bord, indiquant d'un geste à Aylwin de prendre place au centre.

"La magie que tu souhaites apprendre" commença-t-il sur un ton aussi calme que s'ils venaient d'arriver, "se nomme la Parole du Vent. Une fois maîtrisée, elle permet de demander à l'air de porter tes pensées vers la personne que tu souhaites, même si elle se trouve de l'autre côté du monde. A condition bien sûr de disposer d'un objet qu'il ait touché."

Archael posa la paume de sa main sur le sol, et l'Air s'illumina autour de lui. Les inscriptions sur le sol brillèrent d'une lumière blanche, et la lumière sembla disparaître. Pour toute personne située dans le cercle de pierre, le plafond et les murs de la pièce était remplacés par une sorte de firmament bleu sombre, comme un ciel par une nuit sans lune. Archael lui-même était devenu invisible, puisqu'il se trouvait à l'extérieur. Cependant, sa voix continuait à se faire entendre, comme sortant de nulle part.

"Ce que je te montre n'est pas quelque chose que tu peux voir avec tes yeux. Ton cerveau interprète ce qu'il perçoit, et te montre ce qui lui paraît le plus proche, en utilisant ton sens principal, c'est-à-dire la vue. Mais c'est insuffisant. Tous les magiciens disposent d'un sixième sens en plus de leurs sens normaux. En apprenant à l'utiliser, on peut percevoir la magie autour de soi, même les yeux fermés. C'est la première chose à comprendre."

C'était, en quelques mots, les bases de la magie de l'esprit, mais généralement, on ne l'apprenait qu'en 2e année, car il était référable d'avoir d'abord maîtrisé tout ce qui relevait de la magie d'air physique, comme par exemple le vent ou la lévitation, avant de passer au domaine plus complexe et difficile de l'esprit. Il fallait en outre être capable d'éveiller son 6e sens, pour pouvoir continuer à avancer dans la pratique de la magie. Tous les magiciens l'avaient à l'état latent, sans quoi manipuler la magie était imposible. C'était ce sens qui permettait de voir les auras des gens, de détecter la présences de formes de vie, d'entrevoir parfois le monde de l'invisible. Le sens de la vue permettait de voir la lumière, le 6e sens permettait de ressentir la magie.

Ce que les élémentalistes nommaient en général "magie", avait d'autres noms dans le monde. On pouvait la nommer énergie vitale, flux mental, courant ESP, visions de médiums... mai c'tait toujours la même chose. C'était le courant universel, qui existait dans chaque chose au monde depuis que les Dieux d'autrefois s'étaient fondus au sein de chaque atome de l'univers.

"Détends-toi" vint résonner la voix d'Archael. "Utilise tes cinq sens à la fois. Trouve la magie qui coule dans l'air autour de toi. Ecoute-la, goûte-la, touche-la, vois-la, sens-la. Quand tu sentiras tout cela à la fois, tu verras qu'il reste un autre et dernier moyen de détecter la magie, une sensation qui ne se décrit pas avec les mots. Concentre-toi alors sur "cela", oublie tes 5 autres sens et ouvre lentement les yeux de ton âme."

Les yeux du corps en effet, ne voyaient rien d'autre dans la zone de sortilège que ce crépuscule bleuté et sans fond. Mais ceux de l'esprit, si on réussissait à les ouvrir, naissaient alors à la magie et voyaient l'Autre Côté des choses. Le monde de l'invisible semblait alors se peupler de milliers de filaments. Chacun avait une nuance unique et subtile, qui lui étaient propre, et tous dansaient très lentement, comme s'ils étaient portés par un courant immatériel. Ils peuplaient l'espace tout entier, dans tous les sens, et pourtant ils ne bouchaient pas la vue de ce ciel étrange...

L'ange s'était tu, mais son silence semblait interroger...

Dès qu'il sentit l'effluve magique sortir du cercle enchanté, Archael passa au second point de la leçon. En effet, quand un élève s'ouvrait au sens de la magie, il se produisait une pulsation caractéristique, facile à reconnaître.

A l'intérieur du cercle, dans l'univers de l'invisible où Aylwin flottait, la lumière bleue de la magie se dissipa totalement. On ne voyait plus que le noir. Seuls, les innombrables filaments ondulaient doucement dans l'air, éclairés d'une lueur pâle.

"Bien" commenta la voix de l'ange. "A présent, je filtre la majorité de la magie, c'est-à-dire le courant principal, pour que tu puisses voir ce qui nous intéresse. Vois-tu tous ces espèces de petits rubans? Chacun d'entre eux symbolise la piste ou la trace magique d'une personne qui a passé ici. Ils peuvent aussi avoir comme point de départ un objet ou une partie du corps d'une personne. Par exemple, fais bien attention à ceci."

Sur ces mots, deux boucles de cheveux, lancées depuis l'extérieur, vinrent tomber à côté de la jeune fille. Dans ce monde, la couleur que voient les yeux n'avait pas d'importance, et il était donc impossible de les différencier à la couleur : dans la réalité, elle auraient pu être blondes, noires, blanches, rousses ou vertes à rayures, elles n'avaient pour l'esprit que les même nuances grisâtres.

Cependant, de chacune d'entre elles partaient deux nouveaux filaments, invisibles à l'oeil nu, mais que le sixième sens discernait nettement. Tous deux étaient blancs. L'un avait des reflets glacés de neige, comme une guirlande de givre dans la nuit. Il en émanait quelque chose de sauvage. Le sens de la magie, qui percevait autant d'informations que les 5 autres réunis, y décelait comme une "odeur" de sang. Non pas une senteur à proprement parler, mais une information précise et unique, qui rapellait à la fois la douleur, la colère, la jouissance et la violence. Pour la décrire, c'était le mot "odeur de sang" qui convenait le mieux.

L'autre filament était blanc également. Mais son reflet était plus doux, plus chaud, comme la lumière des étoiles ou la clarté de la pleine lune. La sensation magique qui en émanait, cette fois, ne rapellait pas une odeur, mais un son: le chant infiniment doux qui avait peuplé la nuit, ce cantique de cristal venu du Chantepierre.

"Vois-tu la différence entre ces deux traces magiques?" interrogea Archael, toujours invisible. "A ton avis, laquelle est la mienne?"

Aëlys ne réagit pas lorsque des changement apparurent dans son décor. Ses yeux toujours fermés, elle percevait la magie de façon soumise, elle ne la contrôlait pas, elle lui obéissait. Elle voyait d'une façon toute particulière les filaments de lumières caractéristiques de la magie. Elle en frôla un du bout du doigt, une onde a parcourut, comme un léger choc. Loin d'être douloureux, c'était agréable à ressentir et elle se prit au jeu jusqu'à ce que la voix de son mentor vienne interrompre son amusement.

- Bien" commenta la voix de l'ange. "A présent, je filtre la majorité de la magie, c'est-à-dire le courant principal, pour que tu puisses voir ce qui nous intéresse. Vois-tu tous ces espèces de petits rubans? Chacun d'entre eux symbolise la piste ou la trace magique d'une personne qui a passé ici. Ils peuvent aussi avoir comme point de départ un objet ou une partie du corps d'une personne. Par exemple, fais bien attention à ceci.

Sur les derniers mots, deux mèches de cheveux qu'elle ne remarqua qu'à leur lumière blanche de magie tombèrent près de ses genoux. La première portait les traces d'une impression de brutalité, d'agressivité. Si elle rencontrait la personne qui portait cette aura, elle ne s'en approcherait surement pas. Le goût du sang imprégnait la magie blanche et filamenteuse qui s'en échappait.

La seconde était douce, duveteuse, légère comme la neige poudreuse, la première de la saison froide. Calme, pacifique, tranquille, elle laissait présumer que son propriétaire avait un caractère calme, réservé, doux.
Elle sut avant meme qu'Archael pose la fatadique question que ces cheveux lui appartenaient.

- Vois-tu la différence entre ces deux traces magiques? À ton avis, laquelle est la mienne?

Au moment où la nymphe ouvrait les lèvres pour prononcer les mots "la deuxième qui est tombée", sa voix de cristal résonna dans l'esprit de son professeur.

Elle s'en rendit compte en un instant et sursauta, toujours entourée de la magie maintenant familière de sa bulle sans fin.

** C'est juste ** confirma la voix d'Archael. ** Ce ruban invisible n'est une piste qui est reliée à mon esprit.**

Si jamais il avait eu des doutes, le simple fait d'entendre la réponse d'Aylwin aurait suffi à les dissiper. La transmission de pensée était la preuve qu'elle s'était éveillée au sixième sens.... même si cela ne voulait pas dire qu'elle avait acquis le pouvoir de la télépathie. En fait, tous les 3e année (sinon les 2e) d'Elament s'étaient éveillés au sens de la magie. Mais transmettre ses pensées au milieu d'un Cercle d'Amplification, avec en plus un professeur pour filtrer toute perturbation, était une chose. Y réussir de façon autonome, à l'extérieur, au milieu du brouillard magique qui emplissait Elament, c'était autre chose. En fait, rares étaient les vrais télépathes. Il fallait avoir des prédispositions et s'y être entraîné. Il s'agissait le plus souvent d'habitants, de professeurs ou de 3e années en fin d'apprentissage.

** A présent, je veux que tu prennes dans ta main le cheveu qui m'est relié, et que tu te concentres sur le filament qui en sort. J'ouvre une partie de mon esprit. Exerce-toi jusqu'à ce que tu puisses lire le mot, le son ou l'image qui y est gravé. **

Le silence revint. Archael se concentra sur lui-même et débloqua une partie de ses barrages mentaux. Tout télépathe entraîné, comme lui, possédait en permanence des verrous dans son esprit, pour empêcher toute intrusion magique. Dans son cas, c'était encore plus indispensable, à cause des milliers de mémoires d'Anges stockées dans sa mémoire. Pour ne pas devenir fou, il devait les garder enfermés. Il venait d'ouvrir une minuscule fenêtre sur ce gouffre sans fond de souvenirs qui lui-même ne connaissait qu'en partie. Aylwin était censée réussir à regarder parmi cette brèche.

L'entraînement (car le vrai commençait à présent), comportait trois parties. La première était le Contact. La jeune fille devait obliger son esprit à suivre le lien magique pour entrer en communication avec un autre esprit. La seconde allait avec elle : celle de la Réception. Elle devrait lire dans son esprit quelque chose de compréhensible. Les deux premières leçons étaiet contenues dans l'exercice qu'il venait de lui donner. La troisième leçon viendrait seulement après, car c'était la plus difficile. C'était celle de l'Emission. Apprendre, comme elle le désirait, à envoyer ses pensées à l'esprit d'une personne située à distance.

Une question le traversa, pendant un instant. Que verrait Aylwin en regardant en lui? C'était l'inconvénient d'être un Trône, avec toutes ces mémoires d'anciennes vies en lui. Même dans son propre esprit, il y avait des choses qu'on ne connaissait pas. Il avait pris soin de laisser la plupart des Barrières, pour laisser endormis toute vision trop agressive pour leurs esprits à tous les deux (ou tout souvenir trop personnel). Mais malgré cela, il y avait une telle quantité d'informations... des visions d'Otulin, la grane cité des anges... des souvenirs de sa vie à Elament... des images et des sons de ses décennies d'errance... ou encore, les milliers de souvenirs qui remontaient d'avant sa naissance. C'était comme piocher un hasard dans une bibliothèque de la taille d'un océan.

Tout ceci à condition, bien sûr, qu'elle réussisse à établir le Contact, puis à lire dans un esprit qui n'était pas le sien...

[HJ: XD en gros, Archa est une bibliothèque à souvenirs... tu décides de ce que tu vois :p ]

[Je sais, elle a l'air surdouée pour une première année, mais je vais équilibre en faisant en sorte qu'elle se débrouille moins bien avec le pouvoir physique de l'air. Sur ce point là, elle maîtrise bien, mais sa puissance est moindre. C'est quand même pas une déesse!]

Aylwin prit le cheveu d'Archael. Immédiatement, elle sentit la même onde de magie la traverser. Elle fixa son troisième oeil sur le cheveu, ou plutôt sur la magie qui y était relié. Presque immédiatement, elle se sentit partir, comme si une tornade l'avait aspiré, mais elle ne fut pas le moins du monde étourdie. Elle percut au loin une ouverture dans un mur de magie identique à celle qu'Elle avait infiltrée. Elle pénétra la brêche d'une seule pensée.

À l'intérieur, cependant, elle ne vit plus du tout que de la magie. Il y avait des images maintenant qui entraient dans sa tête à une vitesse hallucinante. Elle n'avait pas le temps de saisir le sens de ce qu'elle voyait, déjà la scène était remplacée par une autre.

"Aaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhhhhhhhhhh"

Elle venait de pousser un cri mental qui se répercuta en écho dans son esprit. Mais la frustration de la jeune fille avait eu raison de la mémoire d'Archael puisqu'à présent, les images s'étaient toutes arrêtées, fixes. Elle s'approcha de l'une d'entre elle. Sur la photo, souvenir d'un passé lointait, elle voyait une jeune ange d'une grande beauté. Elle volait à travers les nuages, figée dans son vol. Aylwin frôla l'image du doigt pour lui faire reprendre vie.

Puis elle se tourna vers un autre cliché. Plus sombre, on y voyait des démons portant à la main des flambeaux. Rien d'autre, mais ils semblaient tous aller au même endroit. Elle anima la scène. Elle les voyait maintenant hurler de rage en brandissant les flammes. Enfin elle vit leur destination. Un bucher sur lequel était attaché un ange. Ils mirent feu aux buches et à la paille. Aylwin ne pouvait supporter le spectacle ni les cris du pauvre condamné.

Elle se retourna vers le vol de la jeune fille. Une flèche l'atteint à l'ile droite et elle piqua vers le sol.

Désespérée, Aylwin se tourna vers une autre image innanimée. Elle souffrait. Plus elle visionnait les images, plus elle souffrait. Elle ressentait les émotions, les sensations de tous ces gens en même temps. Et c'était impossible de contrôler ces douleurs car elle les ressentait à travers l'esprit d'un autre. Son propre esprit tomba à genoux quand l'image du brasier où se consumait l'ange déjà décédé s'imposa. Elle ne pouvait plus supporter ces scènes. Elle repéra la brèche et sortit de l'esprit d'Archael, tremblante. Elle envoya ses pensées par la brèche, comme pour répondre de ce qu'elle avait vu.

"Archael, ce que j'ai vu, c'était bien la guerre contre les anges qui s'est déroulé il y a environ deux siècles maintenant. Comment j'ai pu voir ça, dis-moi?"

Elle ne put empêcher son corps physique de verser une larme.

[OK.. Par contre, par rapport à l'histoire d'Elament, il serait plus juste de dire que les adversaires des anges étaient les démons et non les humains.]

A vrai dire, la chose qui l'avait le plus surpris était la rapidité avec laquelle la jeune fille était entrée dans son esprit. Il avait eu à peine le temps de sentir sa présence remonter tout au long du fil mental, qu'elle faisait déjà irruption dans son champ psychique. L'effet fut celui d'une bombe, et l'une des barrières qu'il avait levées vola en éclats : celle qui retenait une partie de la Grande Mémoire inscrite en lui.

C'était celle de l'une des mauvaises époques de l'histoire des anges: la dernière des Grandes Guerres qu'ils avaient menés contre les démons, et qui s'était soldée par une défaite retentissante. Les clans démoniaques étaient tombés sur la dernière cité importante que les anges avaient encore sur terre. Ils l'avaient rasée en entier et avaient massacré la population entière. Otulin, la capitale volante des anges, était trop loin pour venir lui porter secours. Quand la Cité des Cieux arriva sur les lieux du drame, n'y demeuraient que le sang et la mort. Alors, lassée jusqu'au dégoût de cette guerre infinie, la majorité du peuple angélique repartit définitivement dans leur capitale, et celle-ci, reprenant son vol, disparut de la surface du monde. Depuis cette époque, les anges se sont faits plus rares. La majorité de ceux qui se voient encore de nos jours viennent d'établissements plus petits, implantés çà et là, ou sont de nouveaux anges, c'est-à-dire d'anciens humains qui s'éveillent à leur mort. Mais de l'ancienne race angélique, des grands anges du passé, rares sont ceux qui s'attardent encore sur ce monde. Otulin, la Ville Céleste, ne reviendra jamais...

Les Anges tiennent des livres et écrivent des chants sur le passé. Mais ils n'ont pas besoin de cela pour garder le souvenir de jadis: ils avaient mieux, et pire à la fois. Les Trônes, cette caste mystérieuse sur qui le mystère planait, gardaient en eux les souvenirs des membres décédés de leur peuple. A la mort de chaque ange, tous ses souvenirs s'inscrivaient dans l'esprit du prochain Trône qui naissait. Y compris s'il s'agissait justement d'un autre Trône : au bout de quelques millénaires de ce processus, leur mémoire remontait presque jusqu'à l'aube du monde.

Tel était leur rôle, leur pouvoir... et leur fardeau. Car ils portaient sur leurs épaules tout le passé du monde... adultes avant d'être enfants, ils savaient sa beauté, mais aussi sa souffrance et ses larmes.

Sous le choc de ce raz-de-marée de souvenirs, l'esprit d'Archael se contracta sur lui-même pour se protéger, coupant toute communication avec le monde extérieur. Quand Aylwin en ressortit, toute la magie autour d'eux s'évanouit. Au moment où la larme roula sur le visage de la jeune fille et tomba sur le sol, la bulle de magie s'évapora. Retour dans la réalité... face à elle, le professeur se massait les tempes.

"Tu l'as vu parce que je l'ai vu. La trace mémorielle d'un ange qui a péri pendant la guerre, et dont les souvenirs se sont transmis jusqu'à moi..."

Quand il rouvrit les yeux, des paillettes d'or pâle menaient une sarabande déchaînée au fond de ses iris de saphir. Dur reflet d'amertume, qui remplaçait pour quelques instants la mélancolie au fond de ses yeux. Comme un ciel bleu d'été, qui semble paisible et calme, mais que traversent parfois la violente rafale de l'orage. Assombri, le regard bleu passa sur la larme d'Aylwin sur le sol, et jeta un éclair.

"Douloureux?" ajouta-t-il, une pointe de dureté au fond de la voix. "Rien ne s'apprend gratuitement. Remercie le ciel de ne pas avoir à les porter ta vie entière !!"

Les paroles étaient sorties malgré lui, cinglant l'air comme une mèche de fouet. Inutilement sévères, envers quelqu'un qui n'avait au fond rien fait pour le mériter. Mais Colère est fille de Peine, disent les vieillards... D'un bond, il se leva et alla appuyer son front à la fenêtre. A contre-jour, le soleil levant l'inondait de lumière et se reflétait dans ses cheveux blancs. En frappant de face les pupilles d'Aylwin, la clarté aveuglante faisait de lui une silhouette indistincte.

Pourtant, l'impression de colère qui émanait de lui ne dura pas, car elle ne cadrait pas avec son caractère. Peu à peu, son aura perdit sa dureté pour ne refléter qu'une lassitude immense, habituellement dissimulée derrière un calme apparent. Les joues de l'ange restaient sèches, mais l'air entier autour de lui respirait la tristesse. Radouci, il se tourna vers Aylwin, à peine visible dans l'éclat du soleil derrière son dos.

"Comprends-tu pourquoi" fit-il d'un ton las, "le ChantePierre pleure parfois, quand je le tiens entre mes mains?"

Aux paroles d'Aylwin, il n'y eut pas de réponse. Pourtant, l'air autour du Trône s'apaisa peu à peu. Là-haut, dans le ciel, un nuage voilà la clarté aveuglante du soleil, adoucissant la luminosité et dévoilant le visage d'Archael. Un sourire y flottait, un sourire sans joie qui n'éclairait pas ses yeux où continuaient de flamboyer ces dangereux éclairs d'or. Mais un sourire quand même.

"M'apitoyer sur moi-même? J'ai dépassé ce stade depuis longtemps, Aylwin. Tu as souffert, dis-tu... mais tu es encore jeune..."

Il n'y avait pas de mépris dans les mots. Plus de rancoeur non plus. Peu à peu, les durs éclats de soleil couchant s'effaçaient pour rendre la douceur aux iris couleur de rêve.

Cependant, les mots étaient justes. Qu'avait-elle vu de son esprit? Juste les souvenirs, ni le coeur ni l'âme. Penser qu'il ne comprenait pas la souffrance des autres était une grande erreur : aucun des souvenirs qu'il portait ne lui appartenait en propre. La douleur n'était pas la sienne, la colère non plus, ce sentiment qui différait trop de son caractère. En réalité, quand l'or pâle s'allumait dans ses yeux, c'était la peine de tout un peuple qui parlait, non la sienne. Toute l'amertume des esprits gravés en lui s'exprimait alors par sa bouche. Mais au fond du propre coeur d'Archael, ne brûlaient ni amertume ni colère : la couleur de son âme était le bleu paisible, et non l'or en fusion...

Mais cela échappait aux regards de ceux qui n'avaient pas la compréhension instinctive que seul le temps peut donner. La souffrance ne suffisait pas pour atteindre la maturité, il fallait aussi la sagesse qui ne s'obtient que par les années. Aussi n'en voulait-il pas à la jeune fille pour son reproche immérité.

"Ne parlons plus de cela" fit l'Ange en se rapprochant du cercle de magie. "Des trois leçons de la magie que tu désires, il en reste une et la plus difficile. Veux-tu la faire maintenant ou plus tard?"

"Fort bien."

D'un geste de la main, Archael dissipa les restes de magie qui vibraient encore dans la pièce, entre autres autour du cercle d'amplification. Puis il se rassit au bord, dans la même position qu'il avait auparavant. Du doigt, il esquissa une vague forme dans l'air, ondulée, qui devait probablement symboliser l'un des "rubans" qu'avait vu Aylwin dans la zone de magie.

"Maintenant que tu as ouvert ton sixième sens et que tu ascompris comment suivre une Trace, il te reste à découvrir comment envoyer tes pensées le long de cette trace magique, pour que le vent porte tes mots jusqu'au destinataire. Je te préviens quand même que c'est quelque chose d'extrêmement difficile, que moi-même je ne maîtrise pas de façon absolue."

Il fallait dire aussi que ce n'était pas sa spécialité. La magie ed l'air était si vaste que les Aeras se concentraient souvent sur un ou deux de ses aspects pour ne pas disperser leurs pouvoirs. En tant que professeur, Archael touchait à de nombreux domaines, plus nombreux que les élémentalistes normaux. Mais ses domaines préférés restaient le Son, la Lumière et la magie de lévitation. Ses pouvoirs mentaux étaient relativement développés, comme la plupart des anges, mais il ne serait jamais un télépathe de génie.

Archael leva la main droite et ferma les yeux. Une sphère de lumière apparut au creux de sa paume. Tendant l'autre main, il y inscrivit un mot magique et la fit léviter jusqu'à un mètre au-dessus du centre du cercle... un peu au-dessus de la tête de la jeune fille.

"Pour éviter de rencontrer à nouveau des interférences mémorielles, nous allons travailler sur cette boule que je commanderai à distance. Il s'agit d'un enchantement qui a à peu près les mêmes caractéristiques qu'un esprit pris au hasard. Sa Trace est brillante et il est tout proche, alors tu n'auras pas de mal à le voir même si tu ne possèdes pas de cheveu ou quelque chose dans le genre. Maintenant attention, je réactive le cercle d'amplification."

Sur ces mots, le mur bleu et blanc de la magie se referma autour de la jeune fille, la propulsant à nouveau dans le monde étrange qu'elle avait visité une fois. En plus des dizaines, des centaines de Traces normales, en plus de celle argentée de l'ange, il y avait à présent une sorte de ruban arc-en-ciel qui scintillait doucement. Son aspect était différent des autres filaments, prouvant qu'il s'agissait de quelque chose d'artificiel.

** Pour commencer ** émit la voix mentale d'Archael, ** établis le contact avec l'enchantement. Pour attirer à toi sa Trace, comme tu n'as pas de cheveu, prends-toi y de la même façon que tu le ferais pour faire léviter un objet. Mais fais attention : si tu y vas trop fort, tu peux casser le filament que tu cherches à faire bouger. **

[Mon dieu, tu ne me facilite pas la tâche toi! Comme je te l'ai déjà écris, elle maîtrise facilement la magie mentale, immatérielle, mais a plus de difficulté avec tout ce qui est physique, a une consistance réelle. Son sixième sens et son élément sont très développés, mais sescinq autres sens ne se fondent pas aussi bien avec ses pouvoirs. La lévitation lui pose problème par exemple, mais aussitôt qu'elle doit user de son esprit et de son sixième sens, c'est un jeu d'enfant.]

Elle repéra immédiatement à travers les mailles du filet de filaments la petite source d'énergie magique artificielle. Plus colorée que les autres, elle déployait autour d'elle une gamme de luminosités colorées et attrayantes pour la vision de la jeune fille. "Chouette" se dit-elle en souriant intérieurement. Elle continua à s'intéresser aux couleurs qui dansaient en tourbillonnant.

** Pour commencer ** émit la voix mentale d'Archael, ** établis le contact avec l'enchantement. Pour attirer à toi sa Trace, comme tu n'as pas de cheveu, prends-toi y de la même façon que tu le ferais pour faire léviter un objet. Mais fais attention : si tu y vas trop fort, tu peux casser le filament que tu cherches à faire bouger. **

Elle tendit une main (pas sa vrai main!) vers le ruban irisé. Elle du écarter doucement les filaments moins clairs qui lui bloquait la route, mais ce fut aisé. C'était comme un rideau de roseaux que l'on écarte avec un souffle de vent. Elle atteignit sans difficulté, du bout de sa chaîne d'énergie pure la lumière arc-en-ciel qui se jouait d'elle. Elle entoura celle-ci de la corde tendue et la tira calmement vers elle. Elle l'atteignit enfin et pu y toucher du regard plus profondément encore. La magie y était si présente puisqu'elle en était faite qu'il en émanait une perpétuelle chaleur, une douce tiédeur. Elle en Écouta la douce musique, la musique d'un passé de trop courte durée et d'un avenir tout aussi limité.

Elle entra dans la mélodie, se mit à jouer avec ce ruban comme avec une plume que l'on s'amuse à faire voleter. Mais le jeu, c'était son esprit qui le créait. À partir de rien.

** Ensuite Archael, que dois-je faire? **

Elle attendit calmement uen réponse, flottant dans cet univers bleu marine, éclairée detoute part par la lumière brumeuse des millions de filaments de magie.

[Trop court, je sais]

[Désolé, je n'ai absolument pas d'inspiration aujourd'hui alors ça donne rien du tout. Que dalle! Un message trop court!]

Aylwin, dans son univers de néant perpétuel, se concentra au maximum de ses capacités. Elle tendit son esprit vers celui d'Archael. Plutôt que de voir son esprit comme un arc, elle se l'imagina comme un vent sauvage qu'elle devait dompter, un cheval pris dans un enclos, pris au piège qu'elle devait apprivoiser avant de le monter.

Mais avant tout, elle alla chercher le mot en question. Sans aucune difficulté, elle perça la maigre barrière et atteignit le mot. Allahssan! Un mot étrange, mais c'était celui-là. Elle sortit de cette magie pour aller cerner celle vers qui elle devait envoyer le mot. Elle repéra la Trace rapidement et se concentra sur celle-ci. Lumineuse et claire, comment pouvait-elle ne pas réussir. C'était un chemin tout tracé. D'ailleurs, il y avait tant d'autres chemins qu'elle pourrait prendre autre que celui-là pour rejoindre l'esprit de son mentor. Mais elle commencerais par celui-ci. Elle devait suivre les consignes.

Elle vit mentalement un arc, mais l'image lui semblait futile. Elle modifia sa vue magique et fit apparaître un pigeon voyageur. Ce n'était pas représentatif de toute la puissance pure de l'esprit. Un aigle royal. Parfait. Elle lui attacha le mot à la patte tandis qu'elle le berçait trnaquilement de son pouvoir. Puis elle l'envoya à la chasse à travers la Trace d'Archael. Le rapace fondit en piqué, contrôlé par l'esprit vagabond de l'adolescente. Il atteignit l'esprit du professeur à une vitesse incroyable. Et le mot retrouva sa place d'origine. Allahssan! Quel mot dénué de sens.

Allahssan. Dans le langage complexe des Anges, ce mot venu de très loin dans le passé avait une signification puissante. Il n'avait pas de traduction précise en langage commun, mais son sens était celui d'une... libération. "Allahssan" était le mot prononcé au conseil des anges pour relâcher un prisonnier. "Allahssan" le mot magique pour ouvrir les portes de la Cité Celéste quand le soleil se levait. "Allahssan" encore, pour éveiller les sortilèges qui exorcisaient les esprits possédés par des démons. "Allahssan" toujours, pour exprimer l'idée des premiers perce-neige qui sortaient du sol à la fin de l'hiver. "Allahssan" enfin, le mot utilisé souvet comme clef pour interrompre un sortilège.

Et une fois encore, la magie se soumit à l'esprit. Le mot, prononcé par l'esprit de la jeune fille, remonta la Trace jusqu'à son objectif.

Dans le monde réel, à l'extérieur du cercle, la boule de cristal qui émettait le sortilège se volatilisa dans un éclair blanc. Une fois disparue la magie qui servait de barrière (celle qui isolait Aylwin de toute perturbation), tous les courants magiques qui inondaient Elament apparurent tout à coup. Archael avait dit tout à l'heure qu'il était beaucoup plus difficile d'utiliser la magie de l'esprit sans cercle protecteur, et on comprenait rapidement pourquoi. Avez-vous déjà essayé de plonger dans l'eau depuis un rocher en surplomb? Dans la seconde qui suit, vous êtes entouré de milliers de bulles provoquées par le remous, et secoué par des courants relativement lgers, mais qui se croisent dans toutes les directions...

C'était un peu la même chose ici, mais pour l'esprit. Rien de douloureux ou d'agressif, mais le monde bleu et calme d'il y a quelques instants avait disparu. C'était comme se retrouver dans l'eau d'un jacuzzi avec des lunettes de plongée, en essayant de comprendre si on est la tête en haut ou la tête en bas. Des vagues de lumières de toutes les couleurs secouaient les fils-Traces des esprits, parcourues d'éclairs brillants qui passaient dans tous les sens comme des feux d'artifices incessants.
Rouge! Jaune! Vert! Blanc! Bleu! Violet! Noir! Indigo!
Un véritable kaléidoscope de lumières et de sons - ou du moins, c'est ce que l'esprit trouvait de mieux pour symboliser cela. Et c'était au milieu de tout cela que vous étiez censé trouver la Trace que vous cherchiez, puis la remonter sans la perdre...

"Ishitori dès Echiel" résonna soudain une voix.

A la dernière syllabe de cette seconde formule, le monde de l'invisible parut éclater comme un miroir, et en une fraction de seconde, élève et professeur étaient revenus dans leurs corps, au sein de la réalité. Archael s'étira longuement, plissant les yeux dans la lumière ambiante. Le soleil était déjà haut dans le ciel... aparemment, il s'était passé au moins une heure. Dans ce monde immatériel, le temps paraissait ne pas s'écouler normalement...

"Voilà le principe. Tu as appris comment utiliser la Parole du Vent... tout ce qu'il te reste à faire, c'est à t'entraîner jusqu'à ce que tu parvienne à pouvoir le refaire sans Cercle pour te protéger."

En effet, tous les élèves apprenaient au début de leurs études que les Cercles de magie protégeaient des influences extérieures, mais logiquement, ils empêchaient aussi d'utiliser les sorts en-dehors. L'ange passa la main le long des signes inscrits sur le sol, effaçant les dernières parcelles de magie qui y crépitaient encore.

"J'ai encore une dernière chose importante à te dire. Mais avant, as-tu des questions sur ce que nous avons fait?"