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 Un petit coup de pouce ?...

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Tyrol
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MessageUn petit coup de pouce ?... EmptyMer 28 Nov 2007 - 22:51

Une silhouette sombre parmi tant d'autres. Des pas légers, silencieux, et une douce odeur de printemps dans l'air. Pourtant ce n'était pas la saison. C'était loin de l'être. Non, ce n'était que Tyrol, qui filait discrètement dans la foule d'Elament.

Enfin… Le mot "foule" paraît soudain peu désigné pour qualifier la dizaine de personnes qui est encore sous la pluie, la tête couverte d'un capuchon ou d'un col de vêtement rabattu à la va-vite. Les quelques gouttes qui s'annonçaient peu menaçantes il y avait à peine deux minutes avaient donné naissance à une véritable averse. La Cité était d'une tristesse sans nom qui se sentait avant même de passer la grande porte et la pluie dramatisait toujours plus son état. Et cet état devait durer depuis un bon moment, à présent...

L'elfe ne demandait son chemin à personne et marchait de manière très assurée, sûr de lui et de sa destination. Il savait où marcher pour éviter les douches froides offertes par des toits trop pentus et sauter gracieusement par-dessus les grandes flaques d'eau sans même regarder le sol. Son chemin, sans encombres, le mena directement à l'école.

Sans doute était-elle déserte elle aussi. Peut-être était-il tard ? Ah… Tyrol n'avait plus beaucoup la notion de temps. Et les jours de pluie, la nuit semblait tomber plus vite que les autres jours. Il ne savait pas s'il était bien l'heure idéale pour se présenter, mais qu'il l'ait été ou non, cela n'aurait rien changé ; se fichant de la terrible règle du temps qui passe, l'elfe en oubliait cependant que certains suivaient encore les pendules magiques et la course du soleil…

Etait-il en retard, en avance, à l'heure ? Dérangerait-il ? Il ne savait pas et ne s'en souciait pas. La tête ailleurs, comme toujours, il traversa la grande allée, puis l'entrée du bâtiment, grimpa les escaliers jusqu'à l'étage où il souhaitait se rendre, traversa le couloir sans s'arrêter devant les autres portes. Il n'y en avait qu'une qui l'intéressait : celle marquée du nom du professeur Archael. Si ses souvenirs étaient bons, il y avait encore un escalier après la porte…

Il frappa donc, délicatement mais avec fermeté malgré tout, et préféra attendre quelques secondes avant d'entrer, prenant l'initiative. C'était ouvert. Par définition logique, il y avait donc quelqu'un ; l'elfe prit le petit passage en escaliers, faisant entrer avec lui dans la pièce une fraîcheur étrange, et, arrivé plus haut, se retrouva dans le fameux bureau d'Archael. L'un des rares endroits qu'il n'ait jamais visité auparavant.


"Le bonjour, sire Archael…", salua-t-il d'une voix douce, presque enfantine, en oubliant toutefois une autre politesse tout aussi importante : celle d'enlever son capuchon.


Dernière édition par le Sam 15 Déc 2007 - 12:05, édité 1 fois
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Archael
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MessageUn petit coup de pouce ?... EmptyJeu 6 Déc 2007 - 10:49


Archael était debout devant le mur manquant qui donnait sur la ville, comme une immense baie dont un sortilège faisait office de vitre. Sauf qu'aujourd'hui, la magie est éteinte. La pluie rentre dans la pièce au sol ed pierre et mouille les deux ou trois mètres qui sont le plus proches de l'extérieur. C'est là que l'Ange se tient, à quelques centimètres du rebord qui surplombe cent vingt mètres de vide. Ce genre de gouffre qui n'effraie pas plus les Aeras qu'un brasier ardent n'est dangereux pour un Igni.

Et la pluie tombe, inerminablement, en longues traînées diagonales. Parfois une rafale fait ondoyer ce rideau, et quelque chose du monde se dévoile. Mais le reste du temps, la grisaille désespérante voile les montagnes et estompe la ville. Les toits luisent sous cette lumière terne, sans couleur, qui semble envelopper les choses et les gens d'une chape de deuil. A peine quelques jours de beau temps depuis la Bataille. Le reste du temps, il pleut ... il pleut encore et toujours ...

Immobile, l'Ange se tient le dos tourné à la porte, face au paysage si peu attirant. Il ne bouge pas plus qu'une pierre, et seuls le vent et la pluie font onduler ses mèches blanches coupées à l'épaule. Son aura est sensible dans la pièce, mais étrangement immobile, comme absente. La pluie le gifle en pleine face, rafale après rafale. Ni l'eau qui ruisselle sur ses vêtements, ni son bureau qui se mouille peu à peu ne semble l'avoir fait réagir. Goutte à goutte, un peu d'eau dégouline du bord de son manteau et tombe à terre, lentement ...

Plic ...Plic ... Plic ...

Et soudain :
Toc .. toc ... toc.

A l'entrée de Tyrol, un léger appel d'air fait s'envoler deux ou trois feuilles posées sur le bureau. Elles volent, légères, virent vers le bord de la pièce, tombent sur la frange de sol mouillée, jute au pieds de l'Ange. Celui-ci ne bouge pas.

Le bonjour ...

C'est seulement quand Tyrol parle que le Trône se retourne et le dévisage comme s'il sortait d'un long rêve. Sur ses traits fins, se lit une profonde tristesse. Et soudain, on se rend compte à quel point cet ange est proche d'un être humain. Les professeurs des Eléments, si réputés dans la Cité, ces demi-dieux qui ont brillé de tous leurs feux au milieu de la sombre bataille, toujours si entraînants, redonnant l'espoir et le courage au coeur ... eux qui détiennent le savoir et la puissance, et la responsabilité qui les accomapgne ... ils ont donc aussi leurs peines secrètes, leurs tristesses tenues cachées? Au fond, ils sont si semblables à nous ...

A quoi pensait-il, l'Ange au doux sourire, lorsque le bruit d'une porte l'a tiré de ses songes? Quels souvenirs voyait-il ressurgir, dans les nappes de pluie mélancoliques qui tombent dehors? Lui seul le sait ...

Ses mèches blanches, trempées, laissent l'eau dégouliner sur le visage. Son regard interrogateur se pose sur ce visiteur qu'il ne connaît pas, mais tandis qu'il parle, sa voix est encore un peu disrtaite, comme s'il n'arrivait pas tout à fait à ressortir d'un rêve né de la pluie.


"Qui êtes-vous?"
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MessageUn petit coup de pouce ?... EmptyJeu 6 Déc 2007 - 15:21

Etrange spectacle. D'autant plus étrange qu'il fallait avouer que Tyrol n'avait jamais vu cela et qu'il n'aurait jamais imaginé voir cela concernant Archael. Enfin… Il ne l'aurait pas imaginé passé un temps, mais depuis, il avait appris que les gens avaient la capacité infinie de surprendre. Lui-même en était le parfait exemple, se disait-il parfois dans quelques élans égocentriques.

Tout le monde changeait, un jour ou l'autre.

Un instant, l'elfe resta aussi immobile que l'Ange, comme s'il cherchait à le regarder dans les yeux depuis l'ombre de son capuchon. Capuchon qu'il finit d'ailleurs par retirer, négligemment, comme lassé de faire durer le mystère. Ses longs cheveux blancs tombèrent sur ses épaules et dans son dos, sagement, lisses comme la neige fraîchement tombée et dans laquelle on n'ose poser le pied de peur de la salir.

La réponse à la question manqua de se faire attendre. En réalité, prenant un temps de réflexion, Tyrol plissa légèrement ses yeux pâles, les plantant dans ceux d'Archael. Comme s'ils connaissaient le chemin jusqu'à l'âme de l'Ange, ils s'y glissèrent furtivement, la percèrent, la sondèrent aussi brièvement et durement qu'un courant d'air.

Tyrol s'inclina alors, gracieusement et avec déférence.


"Si aucun nom ne vous vient en tête pour me nommer, sire Archael, je vous donnerais le nom tout fait de Tyrol."

Sans quitter des yeux le visage de l'Ange, il ajouta avec calme et clarté :

"Il m'a semblé comprendre que vous avez besoin d'un assistant. Que ce soit pour vos cours ou pour des recherches, je suis prêt à vous aider, si personne n'a encore daigné se proposer. J'ai étudié dans la Cité il y a près de cent ans, j'y ai vécu par périodes. Je connais donc ses lieux, ses règles, ses enseignements et ses méthodes. Entre-temps, j'ai aussi beaucoup voyagé et je pense que les connaissances accumulées durant ces pérégrinations suffiront pour vous apporter toute l'aide dont vous avez besoin."

L'elfe mit une main sur sa hanche. Le temps d'un soupir et son expression froide et officielle disparut : dans ses grands yeux verts, Archael aurait pu voir sans peine le reflet de son propre visage comme dans un miroir, un miroir empreint d'une tristesse sans nom et sans fin.

Tyrol détourna finalement les yeux vers le bureau quelques secondes et considéra ensuite la vue donnée sur la Cité maussade noyée de pluie. Puis il revint sur l'Ange, lui-même abandonné à une triste douche. Décidément...

Sans qu'il n'ait à parler ni à faire de geste, un vent se leva soudain sur la position de l'elfe, soulevant sa cape et ses cheveux. Puis, à une vitesse fulgurante, le vent se dirigea vers Archael, l'entoura de bas en haut en séchant vêtements, cheveux et visage, fila ensuite vers les papiers tombés au sol, les sécha eux aussi et les ramena sur le bureau, lui-même déjà sec. Et le vent disparut comme il était venu, laissant derrière lui une légère odeur de forêt en fleur aux premiers jours du printemps. Une saison qui semblait bien loin, pour l'instant.


"Par ailleurs, vu votre état, je crois qu'un peu d'aide ne serait pas superflue."

Tyrol leva un bras en l'air, la main mise à plat. Rien de matériel n'apparut, mais lorsque l'elfe s'approcha d'Archael, à quelques centimètres à peine de lui, l'Ange put sentir que la pluie ne l'atteignait plus : elle s'écrasait sur une barrière invisible et ruisselait le long de celle-ci sans mouiller les deux hommes.

"Vous voir ainsi m'attriste", dit l'elfe avec un sourire franc et tranquille et son petit accent presque indécelable. "Mais si je vous ai dérangé, je m'en excuse. Je vous laisserai reprendre votre méditation lorsque nous nous serons mis d'accord, sire Archael."

Il garda la tête levée vers l'Ange, posant sur lui un regard empreint d'une chaleur peu commune.
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Archael
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MessageUn petit coup de pouce ?... EmptyJeu 20 Déc 2007 - 10:28

Ils étaient étranges, ces yeux. Verts sous les boucles décolorées, qui venaient de ruisseller en cascade. D'un vert si lointain et si pâle qu'il semblait n'être que le souvenir de la nuance des feuilles, une fois le printemps évanoui. D'un vert trop pâle, à la foi lumineux et sans substance. Tranquillement, ils rencontrèrent ces autres yeux, ces célèbres yeux bleus, si profonds, aux nuance de dur saphir. Jusqu'où les sondèrent-ils, ces puits ouverts sur le ciel? Qui sait ... car l'âme d'un Trône a des méandres que nul ne peut percer sans sombrer dans la folie - et pourtant, les prunelles vertes avaient lu en lui un peu plus profondément que la plupart des gens ne pouvaient le faire. Une seule autre personne avait été plus loin, mais ces yeux-là étaient rouges, et ceci est une autre histoire.

Sans rien dire, le professeur laissa Tÿrol réparer les dégâts de l'eau sur son bureau et sa personne. Sans s'étonner. De telles choses étaient si naturelles chez les Aeras, que cela en devenait aussi insignifiant que de tendre une serviette. Cependant, là où une lueur d'intérêt passa dans ses prunelles, ce fut lorsque l'Elfe recréa le champ immatériel qui isolait la pièce de la pluie. Si n'importe quel Aera un peu doué pouvait maîtriser le vent et la télékinésie, il était rare de voir quelqu'un manier les barrières d'air avec autant d'aisance.

Archael se détourna, et avant toute autre chose, se dirigea vers son bureau. L'imposante pile d'écrits qui l'encombraient disaient les longues nuits passées à travailler, déchiffrant d'anciens textes ou retranscrivant ses propres observations sur tel ou tel sortilège curieux qu'il était en train d'étudier. Mais ce fouillis devait receler un ordre caché, car l'Ange ne mit pas longtemps à trouver ce qu'il cherchait : une sorte d'épais cahier, relié de cuir brun, et couverts d'annotations écrits en minuscules caractères. Avec un demi-sourire, il le tendit au nouveau venu, et sa premère paroles fut :


"Ce Tyrol-ci, n'est-ce pas..."

Le titre du grimoire était "Les Aeras guérisseurs - par Tyrol". Le propre mémoire de fin d'études de l'Elfe, rédigé il y avait plus d'un siècle et conservé à la Bibliothèque. Un recueil de recherches minutieuses menées pendant des années, sur cet art si étrange et si peu utilisé chez les Aeras. Il était écrit dans une langue peu commune, et ses notions complexes le rendaient trop difficile à ppréhrnder pour qu'il aie été beaucoup utilisé. Il avait dormi pendant assez longtemps dans les étagères de la Bibliothèque. Mais vu les feuilles de notes qui couvraient le bureau d'Archael, le professeur semblait s'être intéressé longtemps à ce sujet, lui aussi.

La guérison ...

Contrairement à la plupart des arts magiques, celui-ci nécessitait un don inné, une empathie particulière avec le vent, plutôt qu'un partage de conscience avec l'athmosphère toute entière. L'Ange était du second type - de façon naturelle, il percevait le vent de façon plus intense et plus vaste que la plupart des gens. Mais d'autres choses étaient alors plus difficiles à concevoir, et le soin par la magie en faisait partie. Il avait été obligé de contourner le problème en utilisant la Lumière et le Son, mais ce n'était que des pis-aller.

Tÿrol, lui, était comme Lén Tannier. A Petit-Elfe, il avait enseigné la base du soin, et celui-ci avait immédiatement compris tout ce qui échappait à son aîné - le laissant sur place. Tout comme lui, l'elfe aux cheveux blancs avait l'aura de ces Aeras particuliers, qui entendaient le vent de façon moins étendue, mais plus proche et plus intime. Dans certains domaines, il le dépassait probablement, et ils se complétaient. Y avait-il meilleure recommandation?


"En effet, j'ai actuellement besoin d'une aide pour l'enseignement des deux premières années. Votre démonstration ne fait que confirmer ce que vos écrits laissaient à penser - que vous êtes probablement le plus indiqué pour ce poste. La Directrice m'ayant laissé la décision du nouvel Assistant, veuillez désormais considérer ce bureau comme le nôtre. Je vous communiquerai les horaires et les programmes des cours dans les prochains jours."

Etait-ce aussi simple que cela ? Pour les mortels, sans doute que non. Il leur fallait apprendre à connaître l'autre, s'assurer de garanties, de preuves et de tant d'autres choses ... les Immortels jugeaient les choses de façon subtilement différente, et ainsi se conclut cet entretien d'emploi, expéditif et précis. Toutefoi, quand Tÿrol avait parlé de se retirer, la main de l'Ange s'était levée en geste d'attente.

"Attendez un instant, Tÿrol. Vous avez parcouru les routes aussi, ces dernières années. Dites-moi ... qu'avez-vous vu?"

Dans les prunelles bleues, c'est comme si la simple évocation du mot "voyage" avait rallumé quelque chose. Une soif ardente, celle que seuls connaissent les voyageurs. deux errants se reconnaissent instinctivement, même s'ils ne se sont jamais croisés dans le vaste monde. Qu'avez-vous vu? était la question universelle parmi leur communauté sans lois, sans liens et sans maître. Le mot magique qui demandait des nouvelles de tout et de rien, le désir de connaître à nouveau l'Ailleurs.

Ces quelques années qu'il avait passées dans le Cité avaient été riches en expériences, mais obscurément, il aspirait de plus en plus à reprendre son errance interrompue, ces quatre siècles où il ne s'était jamais arrêté plus de quelques jours au même endroit ...

Il l'avait presque oubliée, cette soif qui vous parcourait les veines, sans cesse ... cet appel puissant des chemins de la terre et du ciel, cette aiguille au doux venin distillant la nostalgie. Dans cette Cité encore pleine des odeurs de la guerre, la fragance douce qui entourait Tyrol était comme un souffle d'air pur, un parfum de ces forêts immenses qu'il ne parcourait plus ...

Dites-moi, compagnon qui pouvez encore arpenter le monde, quelles sont les nouvelles du Vent?
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MessageUn petit coup de pouce ?... EmptySam 29 Déc 2007 - 23:06

Les grands yeux pâles de l'elfe avaient suivi Archael, ne le quittant pas un seul instant depuis le moment où il s'était détourné pour rejoindre son bureau jusqu'à celui où il revenait, tendant un manuscrit.

Tyrol se saisit du cahier sans mot dire et l'ouvrit aussitôt, avec la délicatesse qu'il réservait d'ordinaire aux plus grands ouvrages connus sur cette Terre, ces ouvrages millénaires dont la valeur n'avait d'égal que la fragilité. L'étonnement qui éclairait ses yeux se transforma alors en douce nostalgie, et, avec un petit sourire, il relut quelques lignes de son propre ouvrage. Ah, le temps des devoirs d'écolier, l'odeur de l'encre et le bruit léger de la plume grattant le parchemin, les longues soirées dans le silence de la bibliothèque, perdu dans un océan de livres tous plus volumineux et secrets les uns que les autres…

Ses doigts fins suivirent les lignes comme si toucher les mots ferait revivre les souvenirs dont ils étaient issus.


"Ainsi, ils l'avaient gardé tout ce temps", dit-il à mi-voix, d'abord pour lui-même, puis redressant la tête pour regarder Archael. "Avec un siècle de recul, je me rends compte à quel point il est incomplet. Je vais en rédiger un nouveau – tout en gardant à l'esprit que dans un siècle il sera de nouveau obsolète – mais en attendant, je compléterai rapidement celui-ci si cela peut vous aider, vous avez l'air de travailler dessus. Depuis le temps, j'ai eu l'occasion de développer maintes autres remarques et théories farfelues."

Tout en parlant, l'elfe devenait distant, autant dans le ton de sa voix que dans son regard, signe que ses pensées s'éloignaient d'Archael pour rejoindre des idées de projets futurs. Il parlait sans vouloir réellement de réponse, réfléchissant à haute voix comme s'il avait été seul dans la pièce. Quelques paroles le tirèrent soudain de sa réflexion, prononcées par la voix de l'Ange lui-même : gardant le livre ouvert à plat dans une main, l'autre toujours posée sur les pages couvertes d'écriture, Tyrol écouta. Il sentit son sourire s'élargir au fil du discours de son interlocuteur.

"Très bien. Merci pour tout, sire Archael, je ferai de mon mieux."

Il inclina poliment la tête pour appuyer sa phrase, attestant de sa sincérité. Puis il se tourna légèrement, dans l'idée de partir comme il l'avait proposé, distraitement cependant puisque son regard et son attention restaient centrés sur le cahier. Alors Archael l'arrêta.

Qu'avait-il vu. La question était vaste… Tyrol planta à nouveau ses yeux dans ceux de l'Ange, cherchant en lui non pas la raison de la question, mais la réponse qu'elle espérait : Les saphirs semblaient briller d'envie, dans l'attente des nouvelles du monde. Avait-il changé ? Que s'était-il passé "à l'extérieur" durant son long séjour dans la Cité ?


"Que cherchez-vous réellement à me faire dire avec cette question ?",
questionna l'elfe avec douceur, sans attendre vraiment de réponse. "Si je devais vous parler des faits, j'ai surtout vu des bains de sang. Des batailles, des guerres et leurs morts, les blessés que personne n'était capable de sauver, des pauvres, des malades. J'ai vu l'intolérance sous toutes ses formes, les violences et la tristesse qu'elle engendrait, l'incompréhension entre les peuples. J'ai vu qui sont réellement les démons et les monstres, bien loin de l'image que nous nous en faisons."

L'elfe semblait réciter distraitement une leçon, tout en tournant les pages de son manuscrit avec lenteur et délicatesse. Les pages sur lesquelles il était tombé au hasard traitaient des acquis nécessaires pour appréhender les soins par magie de l'Air.

"Si je devais vous parler du décor… Oh, j'ai vu des pays merveilleux. Des montagnes rouges où de puissants torrents d'eau claire coulent entre les hautes herbes, des îles mystérieuses où les maisons sont taillées à même le roc des falaises, des forêts magiques où les créatures magiques se cachent pour mieux taquiner les visiteurs, les elfes vivant entre la cime et le sol, dans le bois ou le verre, des nécropoles, des sommets enneigés où règnent les dresseurs d'ours, des mines, l'océan et ses milles et un dangers, le désert aux jours brûlants et aux nuits glaciales, ses oasis et ses mirages, les châteaux fortifiés au sommet des collines et les palais impériaux aux formes élancées, dominant des cités dont les rues étriquées et si animées de jour se transforment en coupe-gorges la nuit venue, les modestes chaumières paysannes, les champs de blé et d'orge au bord des routes..."

Quelques pages plus loin dans le cahier se trouvait tout ce qu'il y avait à savoir concernant les pouvoirs de guérison que possédaient les Aeras, ce qu'il se passait dans le corps sous leurs actions et les limites de leur magie dans le domaine. Tyrol parcourut les lignes des yeux, ses sourcils légèrement levés lui donnant une expression à la fois surprise et intéressée.

"J'ai vu des élémentalistes étranges et passionnants, de toutes les races possibles et imaginables, de tous les rangs, de toutes les couleurs, de tous les goûts… Des gens parfois bons, parfois mauvais, mais toujours les deux à la fois, tous autant qu'ils étaient."

Tout au long de cette phrase, l'elfe s'était rapproché du bureau d'Archael, et, dans un geste à la grâce royale, avait soigneusement reposé le manuscrit près des autres, en vue dans un coin, bien calé pour ne pas gêner la recherche d'autres documents. Pour la première fois depuis plusieurs minutes, il regarda l'Ange avec un large sourire.

"Est-ce bien ce que vous souhaitiez savoir, sire Archael ? Je ne vous apprends pourtant rien de très exceptionnel. Ce que j'ai vu ressemble quelque peu à Elament et ses alentours à une plus grande échelle… Partout l'on trouve des choses bonnes et mauvaises, tout ne dépend que d'un point de vue purement subjectif. Je peux ?"

Il montra du doigt les autres parchemins sur le bureau, et, sans même attendre l'approbation de l'Ange, il se saisit d'un document dont le titre dépassait de dessous les autres papiers. Il n'y porta cependant pas tout de suite son attention, souriant en levant son regard vers son interlocuteur.

"Les aventures vécues sont palpitantes pour la quantité de choses vues et apprises en peu de temps et pour l'étendue des conséquences que peuvent avoir des actes paraissant des plus anodins", reprit-t-il avant de poser ses yeux sur le document. "Mais après tout, toutes les grandes péripéties sont faites de petites anecdotes, comme l'océan n'est qu'un amas de petites gouttelettes. Tenez, par exemple, pour aider des amis à s'enfuir de mon propre pays où on les retenait prisonniers, j'ai dû me faire passer pour la statue de la fée Urgania dans un temple réservé aux femmes : ce fut une journée passionnante ! Ils purent prendre le passage secret que je gardais et gagnèrent l'extérieur dans la soirée ; un an plus tard, ils empêchaient une guerre d'éclater. C'est tout de même fou, non ?"

Tyrol posa cette question d'un ton incroyablement détaché, haussant les sourcils comme si sa question le surprenait lui-même. En tout cas, elle semblait clore son long monologue. Quant à son attention, elle se détourna presque aussitôt du papier.

"Les Aeras du Vent Intérieur ?"

Il haussa les sourcils, puis reposa le parchemin sur les autres.

"Sujet intéressant mais délicat," commenta-t-il pensivement en hochant la tête, la relevant pour fixer l'Ange avec ce même sourire tranquille et amical qui ornait ses lèvres depuis le début. "Ma foi, vous semblez faire beaucoup de choses à la fois, être très occupé… Heureusement le Vent est votre allié, il est capable de vous faire voyager plus loin en quelques heures que moi en plusieurs années avec mes pieds. Et si vous souhaitez de réelles nouvelles du monde, c'est bien lui qu'il faut interroger et non moi."

Il appuya ces deux dernières phrases par un nouveau hochement de tête discret, sans détourner son regard de celui d'Archael.
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