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Ruby
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyVen 27 Oct 2006 - 15:30

Arrow Les Marais de l'Oubli

Elle pouvait se présenter comme étant l'incarnation de la folie.
C'était une petite silhouette, comme une enfant avec l'esquisse des formes d'une adulte, une ébauche de poitrine et des hanches, des bras minces, des doigts fins comme ceux des fins, portant peut-être en leur pouvoir la même puissance de destruction, ainsi que les serres d'un corbeau, et aux ongles de verre ou de glace, tout aussi meurtrier. Et cette apparente faiblesse et jeunesse ne la rendait pas peu attirante. Elle avait la peau blanche, blanche comme le lait, comme l'opale taillée, comme l'os poli par les éléments, criant aux lèvres pures de la toucher. Ses cheveux étaient des fils de lune, de lumière pâle venant caresser le sol de leurs pointes délicates, appelant la main à la caresse, sentant la neige et le cuivre. Elle ne portant qu'une robe de lin ou de coton légère, de la même couleur que son corps, à peine salie par la boue extérieure et une vie sauvage. Et à la limite transparente, lui laissant les épaules nues où, parjure, ne se trouvait plus un loup d'argent, à l'oeil émeraude, mais un symbole étrange de couleur noire.
Autrefois, était-ce dans une vie antérieure ?, elle possédait un diadème d'argent à son front, métal oni pour sa peau, marque de sa naissance, mais maintenant, elle en était dépouillée, ainsi qu'un serpent de sa mue. Pouvait-on dire que cela était une bonne chose ? Non, je ne pense pas...

Elle allait pieds nus, comme un fantôme d'un temps passé, apportant derrière lui les maux et la mort. Et c'était dans son regard d'un noir absolu qu'était visible la mort et les maux. Le reste n'était plus qu'une formalité. Et son air étrangement détaché donnait à sa tache un air de comodité absurde, sans réel impact.
Poupée de porcelaine à la force d'une montagne, son coeur était vide. La tempête était passée, plus rien ne pouvait l'arrêter maintenant. Et, sur son visage qui autrefois ne laissait transparaître qu'une peine incommensurable, la haine et la volonté de destruction étaient comme un soleil sombre sur son front, trop brillant, trop présent. Effrayant. Elle ne semblait accorder aucune importance aux éléments extérieurs. Les branches s'accrochaient à ses cheveux, la terre collait la peau de ses chevilles, l'herbe mouillat son talon. Et, malgré le pouvoir qu'elle possédait, pas une seconde elle ne s'en servait, sa colère l'ayant submergée, amputant sa capacité à user sa magie.

Puis elle devait avoir une conversation avec quelqu'un.

Ainsi, même si rien ne semblait lui faire peur, elle gardait un fond de raison qui parvenait à laisser dépasser ses anciennes connaissances, et sa capacité à être un tant soit peu prudente. Son ancienne magie l'avait fuis. Plus jamais, plus jamais elle ne pourrait être de nouveau louve. Plus jamais ses crocs déchiquèteraient une gorge, plus jamais ses griffes ne zébrerèrent des flancs, ne tremperait dans un sang ennemi, ou dans un sang nourrisant. Elle avait mentit, avait renié sa race et sa déïté pour lui, à cause de lui. Un jour, se promettait-elle, un jour, elle le tuerai sans se servir d'aucune magie, comblant sa honte en se montant comme elle l'était : une jeune femme, fille de l'équivalent d'une Reine. Et elle l'écraserait, avec l'aide ou non de la meute qu'elle allait sauver.

Ses pieds et son instinct seuls trouvèrent le chemin jusqu'à la tanière de l'ennemi. C'était une bouche béante cachée dans des montagnes, une bouche qu'elle irait vite noyer, les flots de sa colère innonderaient les poumons de ce lieu. Aujourd'hui ou demain. Ou même plus tard, qu'importe le moment à partir du fait que la promesse est tenue.
C'était le bébut de la nuit, l'activité commençait à peine. Elle se cacha dans ses buissons, ne prenant pas la peine de masquer une odeur d'humain qu'elle ne possédait pas. Elle avait été une louve, non ? Son odeur était celle de la forêt, celle des feuilles, celle de la neige et de la pluie. Une odeur de bête : ennivrante et véritable. Puis celle qui fut autrefois une représentante du Peuple de Cristal attendit, sa patience se nourrissant de sa haine. Et lorsque le moment fut le bon, elle entra, tuant au passage avec la rapidité et la férocité du mal incarné, les deux démons qui tenaient l'entrée, commandant à l'eau de détruire leurs restes dont il ne resta que quelques morceaux de chair gelée sur le sol.

Et le passage fut libre. Puis, comme un appel ou un réconfort, le vent s'engouffra dans la gueule du lieu, la poussant d'avantage, l'invitant peut-être. Ses pas continuèrent.
Elle se fit ombre, vapeur, nuage de goutelettes qui voletèrent seules vers le lieu de sa destination, parmis les tunnels tortueux de l'antre des Démons. Elle ne mit pas un long moment pour trouver l'Entrée. Mais il lui fallut descendre, comme les renards vers leur nid, là où la terre les protégeaient... Un signe de plus. Elle descendit encore et encore, semblant bientôt atteindre les Enfers même, poussée par la faible brise qui venait jsuqu'ici. Puis plus rien ne plus la pousser et elle préféra reprendre sa forme première, femme-enfant, et marcher là où l'air était aussi dense que la terre dans ses poumons, ses oreilles taisant les chuchotement que son esprit voulait prendre en compte.
Enfin, l'être de glace arriva dans une première pièce. Elle n'accorda pas un regard aux murs, attachée seule à la porte simple du bout. Et elle marcha encore, les derniers mètres ne lui donnant l'impression que d'être. Lorsqu'elle se dressa face à la sévérité même, elle tendit la main et le bout de ses doigts frôla le bois qui sembla essayer de la fuir. Un sourire de satisfaction apparut sur les lèvres de la Parjure.

Elle recula d'un pas et laissa à la porte le loisir de s'ouvrir d'elle-même. Ainsi, la seule barrière du Royaume d'Iblîs acceptait la présence de son ennemi ? C'aurait presque pu être risible. Mais le moment n'était pas aux rires. Et, alors qu'elle franchissait le seuil de la réalité, Ruby ferma les yeux, espérant que cette intrusion sur son territoire éveillerait la curiosité du Démon qu'elle venait voir. Et, alors que sa peau entrait en contact avec les ténèbres, elle sut qu'elle était une lumière blanche à la source de noirceur dans ce monde parfaitement imparfait...


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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyLun 6 Nov 2006 - 8:14

Six jours.

Six jours que la Caverne Démoniaque se trouvait sans chef. Apharez avait disparu avec sa fille, partie pour régler une affaire qui toucherait de près l'avenir des démons. Erkios, sans dire un mot, avait délaissé temporairement ses fonctions et nul ne savait où il errait. Quand au dernier des trois chefs, il avait clos les portes de son royaume obscur, dans les abysses de la Caverne, et n'avait plus reparu. Les Portes Noires ne s'ouvraient plus sur leur infini sombre et les sphères démoniaques de communication restaient muettes. Le silence était retombé sur dans le repaire des êtres infernaux. On aurait dit que la Caverne toute entière s'était figée, attentive, vigilante, comme si elle attendait ... quoi?

Nul ne le sait, mais s'il y avait bien une chose à laquelle elle ne paraissait pas s'attendre, c'est l'arrivée de ce nouveau personnage. La meilleure preuve en fut la facilité avec laquelle la silhouette blanche traversa tout le repaire démoniaque, semant la mort sur son passage. Elle franchit les lignes de défenses extérieures, traversa les salles d'entraînement désertes, pass devant les portes fermées du royaume particulier de la Maîtresse des Enfers, ignora le quartier général d'Erkios, et poursuivit sa route, comme guidée par un instinct sûr. Et bientôt, froid météore blanc fendant les ténèbres grandissantes, elle parvint devant le portail du Sanctuaire des Ombres...

Les grands battants s'écartèrent silencieusement, dans un mouvement presque fantômatique. Jamais ils n'empêchaient d'entrer ceux qui réussissaient à parvenir jusque là. Mais derrière eux, il n'y avait que le noir, un rideau d'obscurité qui formait une seconde porte. Celle-ci ne pouvait être franchie que par deux types de personnes : ceux qui avaient l'Ombre dans leur coeur, ou ceux qui étaient asez forts pour la repousser. Tout autre, en franchissant la barrière, était dévoré et condamné à errer sans fin sur une mer d'encre sans rivage.

Derrière ce rideau s'étendait le domaine d'Iblîs, ce monde hors du monde qui prenait parfois les apparences les plus diverses. La véritable forme de ce monde était une mer de ténèbres qui semblait sans limite, au sol semblable à une plaque de verre s'étendant vers l'infini.. réalité ou illusion? Tout était né du Néant et tout pouvait encore y naître... Parfois, en y entrant, on se trouvait face à un temple dépouillé, taillé dans une pierre aux reflets de jais. Parfois, c'était un paysage de montagnes qui s'offrait au regard, une Terre désolée et aride sous les feux d'un soleil qui avait viré au noir. Parfois encore, c'était une salle de magie où les pentacles tracés sur les murs luisaient d'un élat maléfique... à partir de l'imagination du maître des lieux, le sanctuaire pouvait s'emplir d'illusions presques infinies.

Aujourd'hui, derrière ce voile, c'était un spectacle innatendu. Ce qu'on y voyait aurait pu passer pour un tableau suréaliste... en effet, quelques colonnes se dressaient devant la porte. Disposées en vague demi-cercle, elles se perdaient dans les ténèbres quand on levait la tête. Elles délimitaient une sorte de patio, comme les kiosques de jardins dans les anciens palais romantiques, petites constructions rondes en pierre qui donnaient sur un étang ou un jardin. Mais le paysage qui se voyait entre les colonnes n'était que le noir désespérant d'une nuit à jamais sans étoiles.

Et à l'extrémité du demi-cerle, à l'opposé de la porte, se dressaient trois objets posés sur le sol de verre noir. Un siège très simple en fome de trône romain, un guéridon supportant deux verres de vin, et un peu plus loin un immense orgue noir. C'était à son clavier que se trouvait le propriétaire des lieux. Ses longs cheveux descendaient en cascade le lon de son dos, se déversant jusqu'en bas du banc pour frôler le sol. A la place de son hanituel manteau de cuir, il portait une longue robe qui acentuait son aspect androgyne. Les yeux fermés, immobile et comme statufié, la seule chose qui bougeait était ses mains dansant sur le clavier... mains ensorcelantes et mortelles, créant au rythme de leurs pas une musique que l'on aurait cru écrite par le diable.

Car ce qui frappait quand on franchissait la barrière d'ombre pour entrer dans ce monde étrange, c'était cette musique. Elle qui venait parfois faire entendre des échos lointains dans les étages supérieurs de la caverne, effrayant même ses habitants. Certs, aucun démon n'était mélomane, mais ce son méritait-il le nom de musique? Les harmoniques étaient celles d'un orgue normal, mais il y avait en elle un pouvoir et une malice effrayants. Tout le morceau était fait de notes graves et basses, qui vibraient dans l'air et semblait venir se lover au creux des entrailles avec la lenteur d'un venin. C'était une symphonie d'outre-monde, un hommage à la nuit, au froid et à la mort.

Les mains pâles couraient sur les touches comme des araignées blanches, éveillant des envolées d'accords étranges. Parfois y passaient, comme chochotées par des voix spectrales, des mots étranges d'un langage oublié. Pourtant, au coeur de ce Requiem démoniaque, il y avait peut-être plus de tristesse que de n'importe quoi d'autre... non la tristesse bénéfique des larmes qui coulent pour soulager un coeur. Non! Oh non! C'était la tristesse, l'amertume et la haine des Ténèbres, haïssant le monde entier et elles-mêmes plus que le reste. Un tourbillon qui voulait emporter toute chose vivante avec lui, dans sa chute au fond de l'abîme. Un mélange de tous les sentiments négatifs qui se mêlaient pour donner cet hymne noir. La nuit maudissait la lumière dont elle était privée, le froid, la chaleur dont il avait soif.

Les voix dans l'air passaient également, grinçantes. Elles étaient semblables, d'un certain côté, à celles qui jadis escortaient Ruby. Mais leur son n'avait rien de comparable, car elles étaient à la fois discordantes comme une fausse note dans la partition du monde, et aussi chuchotantes que le son du vent à l'orée des grands gouffres. Leurs mots mêlaient les langages anciens, les dialectes démoniaques et la langue d'Elament. En fermant les yeux, on pouvait presque s'imaginer les voir tourner autour d'Iblîs comme de longs serpents noirs et chuchotants, comme d'éternelles et froides compagnes, aux lèvres distillant des mots de colère et de peine.


Kel liirsk ... Maudit... Dzurg lictenn golr! Ash!

Parfois elles paraissaient s'enfler, grandissant comme si elles voulaient dominer le Requiem joué par le démon. Mais alors une note plus sombre et plus puissante que les autres les repoussait de sa vibration maléfique. Pendant ce temps, le visage du fils de l'abîme restait de pierre, comme un dieu déchu, statufié et condamné à jouer pour l'éternité une marche funèbre au milieu du néant.

Pourtant, au bout d'un dernier accord empreint de maléfices, il laissa ses mains retomber sur sa robe noire. D'un mouvement de tête, il fit onduler sa longue chevelure noire et ouvrit les yeux. Il ne se retourna par pour s'adresser à son interlocutrice. Lui tournant le dos, il laissait son regard se perdre quelque part dans l'infini obscur devant lui.


"Ainsi vous êtes venue?"


Dernière édition par le Mer 15 Nov 2006 - 18:22, édité 1 fois
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptySam 11 Nov 2006 - 0:10

Elle n'aimait pas ce lieu.
Les portes s'en étaient pourtant ouverte, froides figures austères, bouche d'une antre qui aurait pu faire fuir n'importe quel guerrier. Mais elle avançait, passant au travers d'un voile de ténèbre, perçant de sa personne le portail d'une dimension. Et elle sentit l'enveloppe de son monde céder sous son pas pour la laisser pénétrer dans un autre, à la fois si proche et si lointain.
Le voile passa sur elle, passa en elle, la tiraillant de toute ses forces, examinant son coeur, l'arrachant presque de sa poitrine, parcourant la moindre de ses formes, l'explorant en dedans et en dehord. La créature d'opale soupira mais continua d'avancer. Qu'était cette seconde porte ? Un obstacle de plus ? Elle haït cela, haït peut-être ce que son passage signifiait : elle était forte ou mauvaise. Ou peut-être tout simplement assez folle pour oser se battre ainsi. Mais lorsqu'elle le dépassait, c'est l'ivresse de la victoire qui la noya. Une ivresse et une euphorie stupide, baignée de mépris. Un mélange total de sentiment reflettant ce qu'elle était, qui disparut aussi vite qu'apparu, ne laissant d'un vide.

Son pied se posa sur ce qui semblait être une surface dure, polie. Elle fut encerclée de colonnes, tels des crocs ou les barres d'une cage, la dominant de haut et se perdant dans les ténèbres d'un ciel invisible. La nausée la prit, elle la réprima, sourit et avanca.
Son pas la portait sûr, car son instint était sans faille et sans faille son obstination. Elle dépassa les piliers et avança dans leur ombre, se guidant d'une musique qui la rendait nostalgique.

La Tristesse en son, puis la colère et la haine déchaînées contre les faibles et les forts. La Soif du Sang et les larmes de cristal sur des joues d'opales. L'hurlement d'agonie et la douleur d'un enfant mutilé. La rage de ses parents. Le poignant d'un papilon brûlant sur une bougie. La vengeance...
Pourquoi essayer de différencier la tristesse de la colère et de la haine ? Tous deux étaient deux sentiments mêlés, aussi innextricables que des ronces et piquants qu'une rose...
Ses pieds frôlaient à peine le sol, prédatrice qu'elle était. Elle était une ombre dans les ténèbres, mais une ombre blanche, vive, piquante et froide. Une brise de paillette de glace. Mais elle était silencieuse et se dût être sa nature qui la trahit. Son ancienne race, l'odeur d'eau et de froid qui était collée à sa personne, les pulsation de son âme et de son esprit. Sa folie et son indifférence à son sort.

D'un regard, elle engloba la scène : architecture étrange, stupide et laide, sans raison apparente dans son organisation, aux lignes rigides et trop parfaites. Le mobilier aussi étranger, tout autant inutile. La musique qui la prenait au coeur et qui lui aurait fait couler une larme si elle n'avait pas été folle, ou sur le point de le devenir. L'instrument de musique immence que des mains habiles semblaient à peine caresser pour en faire surgir cette musique qu'elle s'étonna de trouver belle. Des Voix mauvaises dont elle ne connaissait pas encore l'origine et dont elle se moquait. Leur accent de pierre, qui se rapprochait trop de sa langue clanique pour être un hazarre.


"Irchu nhar zorglish." prononça-t-elle pour l'air autour d'elle, menaçant par cette formule la moindre entité de l'approcher. Et les Voix parlèrent moins fort, ou elle ne les entendit plus, fixant la silhouette installée sur un banc bas.

De dos, on ne voyait que sa chevelure noire là où celle de Ruby était blanche. On voyait la longueur de ses cheveux et on retenait son souffle devant l'éclat de lumière qu'ils ne renvoyaient pas, comme l'absorbant pour n'en faire ressurgir que ténèbre. Et, trouvant dans cela une chose trop familière de sa personne, l'ancienne Cristalléenne commanda à une tresse de se faire, et ses cheveux se mêlèrent, docile, poussés par la magie qu'elle possédait.
Celle qui avait été une professeure ne répondit pas tout de suite à la question muette de la personne devant elle, la jugeant sans pudeur aucune, avançant pour avoir son profil en vue, sans prendre garde à rester à une distance nécessaire, sachant que celui non loin d'elle avait de l'honneur, même si le mal coulait dans ses veines.
Et elle vit la peau blanche, les paupières rabaissées sur les prunelles, les gemmes de ténèbres sur son front opalin, la bourbe de sa machoire, les mains qui semblaient être deux colombes. Elle y vit une pureté trop vraie pour être véritable et préfèra ranger le charme qu'aurait pu avoir cet homme - car il sentait l'homme, malgré son apparence d'androgyne - si son innexpression n'était pas si synonyme de cruauté.
Puis, lorsque les yeux s'ouvrirent, la créature diaphane y vit une source de démence. Et, si elle n'avait pas été elle-même folle ou trop proche de cet état, elle aurait probablement fléchit et saisit ses cheveux par poignées, criant comme une possédée. Rendue à un état pire que l'humanité qui pour elle était le summum du rabaissement...

Enfin, étant assez proche pour pouvoir s'appuyer sur la surface sombre de l'instrument, elle soupira, braquant son regard de jais sur celui devant elle. Ses yeux à elle était deux orbes de ténèbres pures, mais elle ne le savait pas. Ou préfèrait ne pas le savoir. La folie y couvait autant que la démence dans le regard du propriétaire des lieux. Il n'y avait que la flamme d'imcompréhension innocente qui, y flottant, cheangeait tout.


"Il m'a profondément chagriné que se ne fut pas vous." Et sa voix était un son pur mais d'une neutralité telle qu'elle n'en semblait plus humaine. "Mais je reconnais que ce fut pour moi un honneur qu'Iblîs Nemrodus lui-même s'abaisse à s'attaquer indirectement à une professeure de la Cité d'Elament." Elle pencha la tête sur le côté, montrant le questionnement qu'elle allait formuler mais que son ton ne permettait pas de saisir. "Et en quoi ais-je mérité un tel honneur, Iblîs le Sombre ?"

Et, alors qu'elle parlait, sa main glissa le long des courbes de l'instrument, caressant sa surface, retrouvant les touches. Elles étaient blanches, comme l'os et même plus. Brillantes. Et tellement pures que les ténèbres autour d'elles n'en semblaient que plus profondes. Ses doigts de fée glissèrent sur leur poli, s'arrêtèrent. Puis, alors qu'elle prononcait le mot 'sombre', ses doigts s'activèrent, pressant une, puis deux, puis cinq ou six notes de suite, recomposant un extrait de la musique qu'elle avait entendu, un moment précis de vide et de néant, où la tristesse et la haine retombaient pour laisser place de nouveau à leurs traces. Un moment qui avait presque l'air appaisant, si son son n'était pas aussi dénué de profondeur...
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMer 15 Nov 2006 - 18:20

[Je passe au violet pour faire parler Iblîs, finalement je préfère ^^]

La dernière vibration de l'accord qui avait ponctué la symphonie de l'ombre se perdit dans l'espace, entre les colonnes d'obsidienne. Avalé par l'infini du désespoir, le son mourut et disparut dans ce gouffre plus dangereux que lui-même, absorbé et dévoré comme l'est la lumère du jour, à l'instant où le soleil meurt derrière l'horizon. Pourtant, même le silence de catédrale qui suivit n'était pas suffisant pour que l'oreille puisse percevoir le moinde bruit de pas de la part de celle qui arrivait. La neige fait-elle le moindre bruit en étendant son blanc manteau sur le monde? Le temps d'un clin d'oeil à l'échelle des dieux, et elle est là, comme apparue de nulle part, don mystérieux et fragile d'un mois de novembre qui s'achève.

Telle était-elle, celle qui avait pénétré l'Ombre jusqu'à son coeur, cette comète blanche et froide qui laissait derrière elle une chevelure, non pas d'étoiles, mais de givre. Plus silencieuse encore peut-être, que cette neige tombante ; plus rapide et mortelle, pourtant, que la glace qui gèle impitoyablement la surface d'un fleuve et pétrifie pour l'éternité ceux qui ont eu la folie de défier le règne éternel du Grand Froid. La seule raison pour laquelle elle avait été mise à nu, c'est qu'elle n'appartenait pas plus à ce monde de ténèbres que les Démons n'étaient une part de l'univers de la surface. Elle était une fausse note, par sa nature et sa présence elles-mêmes, au milieu de la partition d'un monde... attirant la haine des Voix de l'Ombre, ces fantômes perdus au coeur rongé par la haine et incapables de mourir enfin. Mais de la part de Celle De Glace, un Maître-Mot avait suffi, un mot de commandement dont la puissance n'égalait que la menace, pour les tenir plus que sûrement à distance. C'était un ordre auxquels ces spectres ne povaient qu'obéir, dominés par une volonté plus forte que la leur, renforcée par un pouvoir ancien et sauvage. Ainsi avaient-ils reculés, comme reculent les chiens devant le grondement du Loup. Ils se tenaient à distance, se contentant de murmurer de leurs voix chuchotantes... attendant on ne savait quoi, leur heure peut-être, avec la patience désespérée et sinistre des charognards.

Et ainsi elle avança, presque jusqu'à toucher celui qui était assis à l'orgue noir. Depuis qu'il avait cessé de faire chanter à son instrument le cantique de Ténèbres, au moment où sa visiteuse entrait dans la salle, ses mains étaient posées sur ses genoux, oisives, comme blasées. Subtil mélange de réflexion et de lassitude, d'un être aussi difficile à cerner que la couleur de ses yeux étaient difficiles à définir. Noirs, sombres, profonds, mais changeants, pouvant passer du rire à la tristesse, caricaturant les expressions humaines sans vraiment les sentir. Elles étaient seulement reflétés dans les miroirs d'onyx de ses yeux sans pupilles. Et c'était ce sceau que l'on nommait Démence. Démence et non folie, en effet : cette démence qui pouvait cohabiter avec l'intelligence, et qui définissait littéralement un esprit qui ne fonctionnait pas selon les règles "normales". Mais qu'est-ce qu'était la normalité? En ces lieux, ce mot lui-même perdait son sens...

Il avait écouté les mots de son interlocutrice sans un geste, sans un mot. Sans mépris ni ironie. Les lois classiques d'une conversation n'avaient pas cours entre ces deux êtres. Même sans jamais s'être rencontrés directement, chacun savait que l'autre se trouvait bien au-delà des enfantillages qui caractérisaient tant d'autres, démons ou non... enfantillages comme vouloir impressionner l'interlocuteur, enfantillages comme chercher à tout prix à vouloir remporter un échange d'arguments... c'était peut-être en cela que commençait la sagesse, même pour deux entités aux routes diamétralement opposées. Malheureusement, rares étaient ceux qui étaient assez subtils pour comprendre ces nuages, et il était désolant pour le Démon Noir de constater que certains des démons les plus puissants qu'il aie rencontré en étaient restés au stade infantile qui vient d'être décrit. Mais ne nous égarons pas : que la plume des mondes, qui s'est égarée un instant, revienne sur son sujet...

Aux premiers mots qui lui furent adressés, d'une voix à peine plus humaine que le chant du vent d'hiver entre les stalactites d'une cascade gelée, Iblîs abaissa un instant les paupières, seul signe d'acquiescement au milieu de son visage de pierre. Pourquoi, en effet, n'était-il pas venu se rendre compte des résultats de ce qu'il avait commencé? Répondre qu'il état incapable de franchir les Boucliers de la Cité aurait été quelque chose de si lamentablement primaire que c'aurait été une insulte. Depuis quand les professeur restaient-ils barricadés dans leur forteresse? Non, pour peu qu'on aie de la patience - ce qui ne manquait pas à ceux qui comptaient leur existence en millénaires - il était possible, et même certain, de finir par les croiser à l'extérieur d'Element. Alors pourquoi? Il avait souhaité, sans trop y croire, que celle qu'il avait tenté de marquer de son sceau vienne à lui, guidée par les fils du destin. C'était pour cela qu'il avait attendu si longtemps, cloîtré dans son antre, s'absorbant dans ses sinistres symphonies. Et à l'instant où il avait failli renoncer, il avait senti le Rideau se déchirer, devant celle qu'il attendait. Pourtant il ne dit rien, toujours immobile, acceptant sans chercher à le retourner le poids de la discrète accusation, ne répondant àqu'à la seconde remarque.

Sous les légers doigts de fée, retentirent doucement quelques trilles. Elles étaient étranges, ces notes, à la fois ressemblantes et dfférentes à la mélodie jouée quelques instants auparavant. Mais elles si elles en avaient l'apparence, elles étaient d'une essence radicalement différente. Encore quelques secondes où le maître des ombres resta immobile, puis la statue vivante revint à la vie, sortie de l'extase empoisonnée. Il se redressa, et tourna enfin la tête, acceptant enfin, de plein fouet, ce regard qui lui était offert sans la moindre crainte au fond des yeux. Non, il n'y avait pas de crainte dans les prunelles transparentes qui le regardaient en face, au milieu de ce visage opalin de divinité glaciaire.

Que disaient les légendes? Que la glace refroidie à l'extrême, passé une limite scellée par l'interdit, pouvait échanger ses tons d'étoiles bleu-blanc contre le noir de l'éternité... gelant même la lumière autour d'elle, l'empêchant de renvoyer son pur éclat, elle se revêtait de reflets sombres, mais différents de ceux des Ténèbres : le noir absolu, mais pourtant si clair et transparent, d'un ciel d'hiver au sommet d'un pic dominant les glaciers. Comme toute chose au monde, le Noir n'était pas en lui-même quelque chose de mauvais : il pouvait être le symbole du silence et de la stabilité, cette paix absolue qui régnait pendant les nuits du commencement, quand le monde à peine éveillé, était encore sans appréhension. Si cette légende était vraie, alors c'était un morceau de cette glace divine qui était venue se planter au fond des yeux de la Chasseresse. Et s'affrontèrent alors les deux couleurs qui n'en formaient qu'une, au fond des deux regards...


"Pourquoi?" répondit enfin l'organiste de sa voix emplie d'échos. "Mais le simple fait que vous soyez dans ces lieux, que votre regard soutienne le mien, et que la mort vous suive partout sur votre passage... n'est-ce pas une raison suffisante?"

Là encore, les mots étaient réduits à leur plus simple expression, car leur destinataire saurait lire leurs implications. Un professeur d'Elament qui parcourait la nuit telle une louve en chasse, qui teintait ses doigts du sang incarnat des démons sans chercher à dissimuler l'étincelle de plaisir qui dansait follement au fond de ses prunelles, et qui enfin se rendait au plus profond de la Caverne Démoniaque pour entamer non un combat, mais une discussion avec l'un des démons les plus abjects... peut-être, pour celui qui veillait au fond des ombres, était-ce bien plus plaisant qu'une jeune fille au coeur empli d'amour et enseignant paisiblement le vrai sens de la magie à une classe...

Iblîs se leva, délaissant le banc bas, et s'approcha du guéridon. D'un geste d'une douceur étonnante, il cueillit au creux de ses paumes les deux coupes de verre où le vin faisait danser un reflet d'escarboucle dans la faible lumière des lieux. L'une fut déposée sur l'orgue, devant la jeune femme - si on pouvait encore lui donner ce nom. L'autre demeura dans la main d'Iblîs pendant qu'il allait s'assoir sur le siège juste à côté du guéridon. Il leva son verre et le fit jouer à hauteur de regard, fixant à la fois la boisson et à travers elle, le visage de sa visiteuse, qui n'avait pas encore esquissé le moindre geste.

Pourtant, dans cette coupe ne reposait pas l'un des habituels breuvages empoisonnés par les Ténèbres et dont Sélène avait constaté à ses dépens la nocivité. Il avait même pris soin d'intégrer au cristal un élément qui isolait son contenu de l'élément mortel qui les entourait. Non, c'était le même breuvage qu'un oréade au regard d'écarlate conservait dans ses bouteilles les plus précieuses, derrière le comptoir d'un certain établissement de la Cité. Pas de poison, seulement l'alcool et ses dangers habituels, faciles à déjouer. De toute manière, même si Iblîs avait eu l'intention de recourir à une méthode si peu élégante, quel poison aurait pu être mortel ou même gênant pour une Maîtresse des Eaux?

Sans se presser, il absorba une gorgée d'alcool, laissant les arômes inonder ses sens, sans pourtant que cela ne lui procure de satisfaction : cet arôme n'était pour lui qu'une information, pas un plaisir. Dommage... c'était la première fois depuis des siècles qu'il buvait à nouveau du vin, et il avait vaguement espéré y trouver une quelconque sensation. Mais ô illusion! Son corps de Ténèbres n'en connaissait qu'une seule : la souffrance, les rares fois où elle se présentait. Pour le reste, ce n'étaient que des supplices de Tantale, des mirages incessants qui s'évaporaient quand il tentait de s'en saisir, tandis que le plus misérable des mortels y avait droit. Un instant, un reflet dangereux passa dans les puits d'ombre entre les paupières du démon. Juste un instant, avant de s'enfuir, c'était la haine à l'état pur qui y avait flamboyé. Mais rapidement, revint dans ses yeux le calme de sépulcre qui les caractérisait.


"Je ne m'intéresse qu'à ceux qui le méritent. Les autres, ceux qui n'ont pas un poids suffisant pour influencer le cours des évènements, ne sont que fumée qui passe et disparaît. Mais vous, vous êtes différente, Ruby d'Elament - ou Chasseresse de Glace comme vous nomment les miens."

Une Voix de l'Ombre vint s'enrouler autour du bras d'Iblîs, comme un serpent flottant silencieusement dans l'air. Quand on s'habituait à ce lieu, on avait parfois l'impression de voir leurs silhouettes fantômatiques parcourir l'air. L'être étrange vint sussurer son chant de folie à l'oreille du démon. Le regard de celui-ci pivota soudain, et vint se poser sur elle, olympien, dominateur. Vaincue, elle se rejeta vivement en arrière, en direction de la jeune femme. Prise entre deux pointes de pouvoir qui la repoussaient, elle hésita un instant, frénétique, proférant malédictions et mots incompréhensibles, puis finit par se décider à s'enfuir vers le haut, s'évanouissant à son tour entre les hautes colonnes d'obsidienne. Mais avant de disparaître, elle se retourna et cracha un dernier chuchotement à l'intention du démon. Le masque de cire de celui-ci cilla un instant avant qu'il ne hausse les épaules.

"Vous êtes venue jusqu'ici" fit-il avec une infime trace de lassitude dans la voix. "Qu'êtes-vous venue y chercher?"
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMar 21 Nov 2006 - 14:54

[J'aime le petit clin d'oeil de l'argumentation.. xD]


Pourquoi, oui...
C'était la réponse à cette question qu'elle était venue chercher. Pourquoi avait-il transmis un message à Archael pour elle. Pourquoi ses mots prononcés avaient-ils eu pour but de blesser. Mais on pouvait revenir bien plus loin. Pourquoi s'était lié avec Sélène. Pourquoi sa soeur s'était-elle fait capturée. Pourquoi Apharez était-elle venue en personne dans la cité annoncée la bataille prochaine. Pourquoi avait-il fallut que ce soit Ruby qui aille à la porte, receuille cette mèche de cheveux et en identifie l'odeur. Pourquoi s'était-elle mis en tête de libérer sa meute. Pourquoi ne pas laisser faire le destin ?

Le Destin. Existait-il réellement ? Pouvait-on lui donnait une véritable identité, une véritable action ? Pour l'ancienne Cristalléenne, le Destin n'existait pas. C'était des choix que l'on faisait. Car on avait toujours le choix. C'était elle qui avait choisi de revenir dans son corps, résussitant ainsi. C'était elle qui avait choisit de sotir du sommeil pour venir répondreà Lilionne lorsque celle-ci était venue dans le couloir des professeurs pour chercher de l'aide. C'était Ruby qui avait demandé une preuve de l'existence d'un élève captif dans le Royaume des Enfers... Le destin n'existait pas, c'était la répercution des choix fait qui consituait la vie. Et c'était contre cette vie que Ruby se battait, se battait pour faire des choix qui conduirait le futur sur la voie qu'elle avait choisi. Mais elle avait échoué.

Pourquoi, donc, être devenue folle ? Car elle était bien folle. Qu'était l'intelligence pour un être elle, qui fonctionnait à l'instinct ? L'intelligence n'était rien. Elle était donc folle, et se moquait de l'être. Et le pourquoi obtint une réponse. Mais pour être comme nous voyons ! Faire en sorte qu'elle devienne meurtrière, obéisse aux instincts de sa nature d'humain, et non à ceux de sa nature de louve. Qu'elle tue, encore et encore, se noyant dans le sang de ses victimes. Qu'elle devienne ce qu'elle avait toujours répugner à imaginer cotoyer. Qu'elle vienne, ombre blanche, et affronte les ténèbres de prunelles sombres. Qu'elle devienne forte ? Ne l'avait donc jamais été ?

Elle avait fait preuve de force morale et de force physique, malgré la faiblesse apparente de son corps. Elle avait lutté contre les dogmes de sa race, contre les tabous de sa culture, elle avait lutté contre sa famille, contre elle-même, contre sa nature. Elle avait fuit son passé, devenant une reine en exil. Oui, car personne ne savait que Ruby Filiendë, fille de la chef du clan de l'Aigle, avait un sang que l'on aurait pû qualifier de noble. Mais il importe peu au loup que le sang soit fort si le corps ne l'est pas, et l'esprit non plus. Et on lui avait clairement dit dès sa naissance que son corps et son esprit était faible.

Faiblesse, force... Stupidité que tout cela. La force n'était pas une chose devinable au premier coup d'oeil. Quant à la faiblesse, on l'imaginait sûrement plus souvent qu'elle n'était réelle. Ruby, donc, professeure de l'Ecole de la Cité d'Elament, était-elle une image de la force ? Rien n'était moins sur.

Une coupe de vin fut posée à côté de Ruby. De l'alcool. N'y avait-il donc pas de poison moins insidueux ? L'alcool... Ruby s'était fait une promesse après sa première beuverie. La première et la dernière. Ne plus jamais boire d'alcool. Elle prit le verre, y trempa le doigt et le flaira. Une bonne cuvée, même si elle n'y connaissait rien. Mais elle ne le sucota pas. Pas d'alcool. A la place, sa main se posa sur le dessus de la coupe, la couvrant ainsi. Et son pouvoir opéra.
L'alcool ? Les aquas ne le maîtrisait pas. L'eau n'était pas de l'alcool, les étaient deux choses différentes. Et la professeure de l'Eau était maîtresse de son art. L'Eau se sépara de l'alcool, montant, touchant la peau, y resta. Ruby leva sa main, la boule d'eau faisant comme partie de son être. Et son corps l'absorba. C'était toujours de l'énergie en plus.

Pendant que son corps faisait ça naturellent, ses oreilles écoutaient ce que disait l'androgyne. Ainsi, elle était une personne interessante. Etait-ce un compliment ? Ruby le prit ainsi. Elle était interessante et différente parce qu'elle était venue. Etait-ce interessant de faire preuve de folie ? Ou de curiosité ? Quant à ce qu'elle était venue chercher, si seulement elle-même le savait...

Dans son esprit, elle avait l'ébauche des buts qu'elle visait. L'esquisse de la volonté de résultat de ses actions. Liberer Sélène était la seule chose qui avait animé ses gestes ces derniers jours. La liberer, récupérer sa meute, rendre à Mercure sa maîtresse, la chef de sa meute à lui. Elle devait rendre sa dette : Sélène lui avait sauvé la vie, elle devait faire de même. Puis, peu à peu, c'était la volonté de faire pencher la balance dans la future Bataille d'Elament. Mais il fallait l'avouer : en quoi la mort d'une trentaine de démons mineurs pouvait influencer une guerre ? Ce n'était que des éclaireurs pour la plupart, même pas gradé, et avec probablement peu de enseignements sur le terrain.


*La Chasseresse de Glace* C'était flatteur. Chasseresse... Mais pas Louve, ce qui auait été le summum du compliment. Et en même temps de l'insulte vu qu'elle avait été obligé de renier sa religion.

Sur son épaule nue, on ne voyait plus de tatouage de loup, il n'y avait que l'ivoire de sa peau, sa couleur claire, comme le lait. Il n'y avait plus de marque si ce n'était un symbole étrange qu'elle ne voulait pas identifier, ne voulait pas voir. Elle avait sentit, en mentant, son tatouage de loup fondre en elle, elle n'avait sentit disparaître pour ne laisser place qu'à cette cuisante insulte.

Mais bon, il voulait connâître les raisons de sa présence ? La première était claire, la seconde, il venait de lui en donner la réponse. Elle voulait Sélène
.

"Je suis venue ici pour trois choses." Elle marqua une pause, s'animant enfin. Sa main saisit la coupe de vin, ses pas l'amenèrent vers la table d'aspect étrange. Elle déposa le récipient en resta debout, peut-être menacante sans vouloir réellement l'être. Elle braqua ses yeux dans ceux qui démon, sans ressentir la moindre sensation. "Je veux Sélène. Libre, dehord, sans poison dans les veines, sans blessures, entière." Elle se tut le temps d'une respiration. Avec un être comme lui, on pouvait jouer sur les mots - ou ne pas le faire, et elle préféra ne pas prendre le risque. "De préférence aux portes de la Cité, aussi intacte que lorsqu'elle a été capturé, avec la promesse de la laisser tranquille. A jamais. Elle et sa meute."

Puis elle se retourna, les bras le long du corps, et se dirigea lentement vers l'orgue immence. Avec souplesse, elle passa par dessus le banc et y prit place. Ses doigts caressèrent de nouveau les touches d'os.
Sans savoir pourquoi, Ruby se sentait attirée par cet instrument. Il était grand, beau et complexe, mais d'une apparente telle simplicité quand il s'agissait de quelqu'un qui en jouait. Mais l'ancienne cristalléenne n'y toucha pas, bissa son visage neutre vers le clavier.


"La deuxième chose, je voulais une explication. Je ne suis pas quelqu'un d'exeptionnel. Me complimenter ne servira à rien. Je ne suis qu'une professeure de la Cité d'Elament, peut-être l'unique représentante de sa race dans cette région. Mais cela ne change rien."

Mais là, elle ne voulait plus d'explication. Dire qu'elle se sentait seule parce qu'elle était unque ? Cela ne servat à rien, car c'était faux. La solitude était une compagne, comme les étoiles, le ciel et la lune. La forêt. Elle se moquait de la présence d'autres êtres, ayant dès la naissance appris à se contenter de sa propre présence. Néanmoins, elle n'exposa pas immédiatement la troisième raison de sa présence.

C'était trop dure de montrer ses faiblesses...
Ruby se leva, passa par dessus le banc, et revint vers le Démon. Marcher, elle ne pouvait pas se résigner à ne pas le faire maintenant qu'elle se trouvait dans la tanière de l'ennemi. C'était pire qu'une cage ici, c'était la bouche même de l'ennemi. Ici, il détenait toute la puissance, toute les capacités de la faire taire. Il avait tous les pouvoirs.
La main de fée de la jeune femme, qui avait été maintenant tâchée parle sang, remonta lentement, et s'arrêta sur sa clavicule, là où la peau était nue. Ruby baissa le visage, regardant le sol. Et si ses yeux avaient pû exprimer quelque chose, s'aurait probablement été un déchirement total car, même si Ruby n'avait pas réellement de fierté, elle n'en restait pas moins humaine.

Elle prit sa décision. Le demander ? C'était si simple et à la fois si compliquer ! C'était avaler la terre, toucher du feu... Cela pouvait se faire, mais à quel prix... Etait-elle réellement prête à le payer, elle qui avait déjà tant fait ?
Oui, car ce n'était pas que pour elle-même. Et sa vengeance attendait toujours.


"Et la troisième chose c'est..." Elle releva le visage, indécise. Parle ! se disait-elle... "La troisième chose, c'est votre aide que je demande."
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyLun 27 Nov 2006 - 17:07

[^^ Surtout qu'il a été compris complètement de travers... Quelqu'un a cru bon de le prendre pour lui, et semble avoir compris qu'il s'agissait d'une allusion à ses pouvoirs ou à sa compréhension des Ténèbres (???) La personne a dû mal interpréter le mot "nuages", je parie. Bon, pour Sélène, je t'envoie un MP d'explication vu que le topic "Prisonnière" ne s'est jamais fini. ^^]

Le verre vide fut reposé sur la table avec un léger tintement, pendant que son propriétaire le contemplait longuement. Qu'y avait-il de si fascinant dans une simple coupe? Rien. Tout. Au fond, la seule chose importante, c'était la façon dont l'esprit perçoit ce qu'il voit. Et si rien n'était plus variable entre deux êtres normaux, combien plus pour un démon comme celui-là. Ses pensées, ses raisonnements, ses centres d'intérêts... semblables et dissemblables, sans dissimulation, et pourtant sans aucune signification pour un être qui ne partageait pas la même nature. Mais tout comme son interlocutrice, il était l'unique représentant de sa race - et le dernier. Seul parmi les Ténèbres... et, dans un certain sens, immortel. Un esprit incapable de mourir normalement, et conscient de son éternité, peut-il résister longtemps à la folie? Seuls les dieux sont faits pour défier le temps...

Relevant un instant la tête, il regarda rêveusement la jeune femme vider son verre. L'Eau disparaissait peu à peu, semblait intégrer son corps. Au fond de la coupe restait seulement un résidu rouge sombre : alcool pur et arômes. Sourire intérieur... n'était-ce pas un peu semblable, quand il extrayait la vie d'une victime? Quand la dernière parcelle de vie, ultime pétale blanche d'un cerisier qui meurt, s'envolait pour aller se fondre au creux de sa paume, ne demeuraient alors sur le sol que le rouge et le noir. Les mêmes couleurs que le fond du verre que la Chasseresse déposait sur la table, à côté du sien.

Acceptant son regard, il écouta calmement ce qui suivit. A l'exigence concernant Sélène, le masque de cire resta impassible. A la demande d'explication, seules les paupières cillèrent un instant. Mais en revanche, l'appel qui concluait les trois requêtes occasionna un haussement de sourcils traduisant un étonnement sincère. Il y avait de quoi, remarquez. Admettons qu'il ait fait de son mieux pour perturber l'esprit de celle qu'il considérait comme le principal danger sur son chemin. Mais à ce point, c'était à se demander si elle n'était pas réellement devenue folle. Pourtant, cette pensée ne s'était même pas encore formée qu'elle était déjà sans objet. Folie? Qu'importe? Elle caractérisait le monde en général. Et la sagesse se trouvait souvent au plus profond de la démence. La seule différence entre un fou et un sage, c'est que le fou croit qu'il sait, alors que le sage sait qu'il croit.

Et cette hésitation, cette répugnance visible à parler... même si cette femme était au fond indéchiffrable aux yeux du démon, elle n'avait pas cherché à dissimuler cela. Faiblesse... dévoiler un point faible. Mais était-ce quelque chose de fou? Peut-être pour des affrontements de bas niveau, qu'ils soient physiques ou intellectuels. Mais à leur échelle, les choses se retournaient souvent. Chez des êtres comme la Chasseresse qui lui faisait face, une faiblesse n'est exploitable que si on la trouve soi-même. Si on l'expose soi-même, qu'on la laisse sciemment connaître, elle devient davantage un handicap pour l'adversaire que pour soi-même. Car s'il ne l'a pas prévue et trouvée lui-même, elle ne vient que déranger son action. Le mépris n'était pas de mise pour lui, face à cette demande inattendue. Bien au contraire. Folle ou sage, celle qui avait osé l'exprimer était plus complexe, donc plus dangereuse que jamais.

Lentement, Iblis posa la main sur la table. Il trempa le doigt dans le liquide restant, et se mit à tracer des lignes parallèles sur la surface du bois. Quand il eut obtenu un grand quadrillage, pointa vers les verres l'obsidienne incrustée dans sa paume. Ceux-ci éclatèrent en milliers de morceaux de verre noir et blanc, qui restèrent un lévitation avant de se recondenser en plusieurs formes plus petites, légèrement stylisées. Emergèrent successivement deux silhouettes couronnées, légèrement différentes, un cylindre rond surmonté de crénaux, une esquisse de cheval, et ainsi de suite. Quand les statuettes furent toutes formées, noires et blanches, elles se posèrent sur la table, formant des pièces d'échecs, simples mais d'une certaine élégance.


"Ce monde est à la fois simple et complexe" murmura l'être sombre sans répondre directement. "Rien ne saurait représenter toutes les possibilités de la situaton actuelle. Mais elle peut pourtant se résumer à quelque chose d'aussi basique qu'un jeu."

Un jeu, et plus qu'un jeu. Divertissement mathématique, passe-temps universel, roi des jeux, jeu des rois, outil de magie... en tant que symbole des implications les plus mystérieuses, les échecs étaient l'une des clés qui pouvaient ouvrir les portes du monde. D'un doigt, le démon souleva plusieurs pièces et les plaça sur le plateau, en murmurant à chaque fois un nom.

Le roi blanc vint prendre place derrière les remparts formés par ses pions. Layna.
Le roi noir occupa l'entrée de son camp, à la fois sentinelle et guerrier. Apharez.
Plusieurs pièces blanches vinrent se placer en rang devant leurs alliés. Elémentalistes divers.
Un cavalier noir se mit à rôder entre les deux camps. Erkios.
Une tour blanche s'installa à côté de son roi, sans intervenir. Naciniah.
Un cavalier noir accompagné de plusieurs pions apparut dans l'armée qui leur faisait face. Alouqua.
Dans un coin peu occupé, un fou blanc occupa une place à l'écart de la bataille. Archael.
Un fou noir, plus petit que toutes les autres pièces, apparut au coeur du camp adverse. Le démon ne cita pas son nom.
Un cavalier blanc sembla se mettre à errer sans raison, renversant toutes les pièces qui tentèrent de l'arrêter. Eäl.
Le second fou noir, tacheté de blanc, alla tenir compagnie au cavalier. Féline.
Un simple pion blanc fut déposé au coeur des territoires ennemis, en compagnie d'un cavalier de la même couleur. Sélène et Lay-Ing.
La reine noire, qui curieusement ne portait pas de couronne, prit position sur leur chemin, bloquant toute sortie. Iblîs.
Alors la main du démon déposa soudain le second fou blanc à côté de lui, sorti de nulle part et bousculant plusieurs pions sur son passage. Ruby.


"Si je suppose que le plateau est le pays au-dessus de nos têtes" commenta Iblîs en regardant fixement son interlocutrice, "alors je dois supposer que ce jeu n'a aucune règle. Donc, que le déplacement est libre selon la position et que la taille du plateau est variable au cours de la partie. Que le nombre des pièces ne soit pas fixé et qu'en prendre une ne signifie pas forcément la mettre hors-jeu. Que s'attaquer à un seul pion peut signifier être détruit soi-même et que les pièces faibles peuvent bloquer les puissantes. Que plusieurs fous ont le droit de bouger en même temps et que prendre la couronne adverse n'apporte pas forcément la victoire. Que la couleur d'une pièce puisse brusquement changer et même que deux parties d'un même camp en viennent parfois à s'affronter. Mais surtout, que les cavaliers peuvent devenir des tours et les pions des rois..."

Un geste, et une couronne apparut sur le fou blanc, le changeant en Reine par le simple fait de sa position. Mais la couronne était d'un reflet changeant, hésitant entre le noir et le blanc. Les deux reines temporaires se firent face sans entamer de combat, dans une confrontation incertaine.

"Le critère dans un jeu aussi variable n'est pas la puissance de la pièce, mais ses chances de se retrouver au croisement de plusieurs possibilités. Si le destin n'existe pas, seuls existent le Hasard et le Choix. Je n'ai cherché que les pièces qui par leur choix risquaient de peser sur le hasard, car ce sont elles qui portent le plus d'incertitudes et qui risquent de faire basculer la balance de façon imprévisible. J'avais donc tout intérêt à essayer de soit les détruire, soit les entraver. Et l'une d'entre elles... était vous-même."

L'enfant de l'ombre croisa les mains sous son menton et considéra Ruby. En effet... il y avait une hypothèse, qui était le dogme "Si le destin n'existait pas". Sinon, tout ce raisonnement n'avait aucun sens. Alors, Hasard ou Destin? Choix ou Influence d'entités supérieures? Cette question, l'avait-il tranchée au bout de six mille ans de vie? Allons donc: il devait bien admettre qu'il n'en savait absolument, totalement et foutrement rien! Il avait choisi l'une des deux hypothèses absolument au hasard - ce qui était déjà significatif en soi - et avait bâti son raisonnement dessus.

"Ne croyez pas que je vous complimente. Je n'expose que ce qui me semble vrai, et peut-être me suis-je trompé. Mais que j'aie vu juste ou faux, voilà mes raisons d'avoir agi ainsi. Par une série de conséquences que j'avoue ne pas avoir prévues au départ, cela vous a amenée à me demander deux choses : Sélène et mon aide. Voici ma réponse : trouvez-moi simplement une raison de vous les donner. J'ignore ce qu'elle vaut à vos yeux, mais vous avez ma parole que si vous m'en montrez une seule, je vous donnerai ce que vous demandez."

<Désolé, peu de temps en ce moment : j'ai tapé à fond de train avant d'aller prendre mon train, et je n'ai pas trouvé mieux que cette bizarre histoire d'échecs... j'éditerai si tu trouves trop strange ^^ >
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptySam 9 Déc 2006 - 17:26

Il ne rit pas et cela fut une victoire pour elle.
Elle resta coie devant la stabilité du démon. La demande qu'elle venait de faire avait à peine provoqué un haussement de sourcil, là où elle s'attendait aux cinglures de l'ironie profonde et blessante des plus forts. Mais, l'ayant vu avant, l'ayant observé marcher, ayant admirer sa souplesse et sa neutralité, elle sut que c'était là plus que ce qu'elle n'aurait jamais pu imaginer. Plus que ce que lui-même, aussi, s'attendait à laisser deviner.

Iblîs le Sombre fit un mouvement mais Ruby n'y réagit pas. Il aurait déjà pu cent fois la tuer s'il l'avait désiré, cent fois la capturer et la soumettre à l'esclavage, cent fois, aussi, la faire disparaître dans son antre. D'une certaine façon, elle lui faisait confiance. Mais, attention ; Elle ne lui faisait pas confiance comme elle avait confiance en elle-même, elle le faisait car elle pouvait imaginer sa valeur, et son intelligence. Et le danger que représentait les deux.
Le bout de son doigt blanc comme l'os - si proche d'elle, si blanc, comme ceux d'une fée ou d'une nymphe meurtrière, comme ceux du squelette abandonné - se teinta de rouge sombre, couleur de l'ichor sanguin. Une goutte tomba, faisant naître des ondes dans ce qui restait d'alcool au fond de la coupe. Et cette teinture traca sur la pierre des sillons, comme ceux des larmes sur une joue éclaboussée. Il traca un quadrillage parfais.

Et l'intérieure de sa main explosa.
Sur sa paume, Ruby n'avait pas vu le morceau de ténèbre qui ne brillait pas. Etait-ce là une source de magie ou une pierre à l'éclat parfait ? Si c'était le premier, était-ce une force ou une faiblesse du démon ? D'où cela venait-il ? Quels en étaient les pouvoirs ? Et, si cela n'était qu'un ajout humain, qu'une source de souffrance mise là à jamais dans sa chair, était-ce douloureux ? Dans tout les cas, c'était trop étrange pour paraître normal. Et c'est avec des yeux suspects que l'ancienne Cristalléenne regarda les éclats se transformer.

Le jeu ressemblait étrangement à la Chasse. C'était un plateau quadrillé sur lequel on posait des morceaux d'ivoire teint de différentes couleurs. Certaines étaient le couple dominant de la meute, d'autres les autres, chacunes ayant une place spéciale car, même si les loups n'ont pas de chef, ils ont quand même une place spéciale dans la meute en fonction de leur force. Et, alors qu'Iblîs placait les pièces, Ruby se rendit compte qu'elle aurait pu étrangement s'énerver.

Mais elle était folle. Ou démente. Ou les deux. On la comparait à un pion, une simple pièce, un morceau de bois, une chose sans importance ! On la maîtrisait, prédisait chacun de ses gestes, essayait tout du moins de le faire et de les faire agir dans le sens de sa volonté. Elle était sur le plateau d'un jeu à l'échelle mondiale un simple fou, une chouette à la face tournante. Et cela l'étonna un peu. Pas qu'on eu pu croire ainsi parvenir à faire d'elle ce que l'on aurait voulu, mais qu'elle ne s'en soit pas vraiment rendue compte.

S'en suivit alors les explications d'Iblis qui embrouillèrent passablement la jeune femme. Il possédait une logique et un aspect de la réalité, ainsi qu'un sens stratégique que la nature propre de la professeure ne lui permettait pas d'avoir. Ruby fronça un peu les sourcils. Ce n'était pas qu'elle n'était pas intelligente, c'était simplement que sa conception des choses n'était pas la même - et était très différente - de celle du genre humain, et encore plus que cet être qui ne l'était pas. Alors, elle articula son esprit et le tortionna. C'était une chasse, simplement une chasse ! Ne l'appelait-il pas la Chasseresse, après tout ?
C'était une chasse, donc, où la meute suivait la proie avec discrêtion - une chasse de renard - et que le risque de se faire repérer signifiait la mort et l'affaiblissement de la meute. Une chasse où le loupiau non sevré pouvait tuer un cerf et où la plaine se transformait en forêt. Pour le reste, c'était pareil : un loup peut devenir une proie et se faire attaquer, ou prendre la tête de la meute et la conduire vers une autre voie.

Détruire ou entraver.
Tuer ou blesser, laisser à l'arrière. Pourtant, elle n'était ni blessée ni morte. Mais elle avait été morte et avait été blessée. Quant au Hasard, il n'était qu'un brin d'herbe ou une pierre sur la piste et un bond ou un pas mal dirigé. Il n'était rien et n'avait d'influence que pour ceux qui ne l'avait pas entraperçut derrière les buissons. Ruby ne croyait qu'en les choix. Eux seuls sont les charnières des actes. Et c'étaient d'eux qu'elle devait se méfier maintenant.

Elle était fixe, droite comme un I, comme un tronc d'arbre que le vent ne touche pas. Et sa main s'avanca vers le pion et le prit. Elle serra son poing autour, ce petit poing si fragile qui ne blessait pas ses soeurs qui avait le pouvoir de détruire les falaises. Elle ferma les yeux et esaya de sentir les pulsations à l'intérieur de celle-ci, tendant ses pouvoirs vers cell-ci, essaya de sentir les variations d'inclinations des forces. Mais elle ne sentit rien. Elle ouvrit les yeux et sa main et observa la pièce. Elle vit sous sa carapace les mouvements changeant des couleurs, comme la vapeur des visions d'une bohémienne dans sa boule de cristal. Elle l'observa et vit peu à peu les ténèbres ronger la lumière, s'en nourir, et n'en devenir que plus sombre encore.

Puis elle la reposa, ses yeux de nuit brillant d'un éclat nouveau.

Ce n'était qu'une chasse, donc. Et, loin, plus loin encore que les règles du jeu de La Chasse, il y avait une réalité sérieuse qu'elle ne pouvait pas ignorer. Ses choix avient-ils donc un poid si important ? Non, il ne la complimentait pas, avait-il dit. Mais une chasse était une chasse, et c'était elle le prédateur, elle la louve qui trempait ses crocs et son pelage dans le sang de ses proies.


"Pourquoi ?" Son index toucha le sommet du fou devenu Reine, en chef de la meute. "Mais pour plusieurs raisons." Le noir dominait maintenant, ayant rongé le blanc, ayant dévoré la lumière. La nuit ayant survécu au jour. "Car un chasseur reste un chasseur, qu'importe sa meute. Et que ma présence ici prouve que je n'appartiens plus réellement à celle à laquelle j'étais avant." Elle se mordit la langue. "Et qu'un chasseur peut avoir plusieurs rôles."

Elle fit un pas sur le côté, s'alignant parfaitement avec le plateau de jeu, puis s'accroupit pour se mettre à son niveau. Ruby ferma un oeil et observa les pions ainsi, durant quelques secondes. Et elle se releva, soupirant.
Grâce à son pouvoir de la glace, elle fit se déplacer seul le pion. L'eau nacquit sous la chasseuse, gelant doucement pour la faire glisser, puis la laisser prendre le cadet. Eal.


"J'ai appaisé ses instincts de chasseur en lui faisant boire du sang. J'ai participé à sa chasse. Il n'y a plus à craindre de lui qu'une chose : son instabilité. Il n'appartient ni aux proies ni aux chasseurs. C'est un solitaire. Il n'a rien à faire ici."

La pièce s'envola, atterrissant durement sur le sol où elle se fendilla lentement, prenant comme couleur l'argent, le gris.
A la place de ce Cadet prit place un autre, de glace scintillante, transparent comme du cristal. Ruby lui adressa un regard mauvais, plus froid qu'elle ne pouvait apparaître l'être, plus terrifiant que sa chasse. Shinreï Suiton.


"Ma proie. Un être à redouter, non par sa puissance mais par ses techniques." Un autre pion se déplaca. Le second fou - le Rabatteur -, non couronné, traversa le plateau, rejoignant les côtés de Ruby. "Il est moi, je suis lui, il ne fera rien contre vous si je le lui ordonne. Je pense." Les doigts de l'Ancienne Cristalléenne se déplacèrent vers un Rabatteur Noir. Iblis n'avait pas prononcé son nom. Mais, elle, elle lui donna le nom qu'elle voulait lui donner. Kaho Long. "Il me cherche, il me fait suivre. Je ne suis qu'une Chasseresse et pas une espionne, mais le prédateur sait lorsqu'on le suit. Je ne les repérais pas mais je sentais leurs présences. Il me veut, j'irais le voir."

Et, alors elle touchait de l'index le pion qui l'incarnait, une onde nacquit de la pièce noire. Elle balaya Shinreï, Eal et Kaho Long. Elle resta seule sur un plateau aux pièces regroupées - la meilleure façon d'attraper du gibier pour toute la meute...

"Pourquoi, donc. Certains prometteraient un combat magnifique, je pourrais le faire si c'était ce que vous désiriez. Mais le pourquoi, c'est de faire d'une chasse plusieurs lunes de nourriture. Une pierre trois coups. C'est s'attirer mes services. C'est avoir un remboursement de dette et servir mes volontés à votre avantage. Et liberer la Fée ne fera que resserrer l'étau des chasseurs autour de la proie." Une nouvelle onde nacquit, gelant les pièces des élémentalistes divers et les transformant en paillette de glace qui, lentement, s'effritèrent pour ne rien laisser que des cases vides. Le pion représentant Naciniah recula jusqu'aux dernières lignes. "Ca aussi, qui sait. Enfin, dans l'hypothétique cas où je ne vous trahirais pas."

Ruby prit dans sa main le pion qui la représentait. La Reine, la chef de la meute. A quoi sert une femelle si elle n'a pas de mâle ? Elle soupira et serra le poing. Oui, ce poing qui ne blessait pas ses soeurs lorsqu'elles se battaient pour montrer qu'elle était digne de son clan. La pièce craqua et se brisa, tombant en pluie de pouissère sur le sol, tracant la route évanescente de possibilité dans sa chute.

"Car en m'aidant vous servez vos interêt."

[Pas de problème pour l'histoire des Echecs, je l'ai tourné pour en faire un truc pas trop mal, j'espère ^^]
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMar 12 Déc 2006 - 15:37

<Ne change rien, c'est génial! ^^ L'idée de la Chasse rend super bien le caractère froid, mais chaotique de Ruby. Ca fait plaisir de faire à nouveau ce genre de RP, ça faisait longtemps ^^>

Les doigts croisés devant son visage, "ce qui n'était pas humain" n'avait pas détaché une seconde son regard des yeux de la Cristalléenne. Hormis, reconnaissons-le, quand il avait suivi les mouvements des pièces, sous la main ou le pouvoir de celle qui était comme lui à la fois joueur et pièce. Il n'avait fait aucun commentaire, impassible, lisse et froid comme une inébranlable muraille de granit. Mais derrière son front d'os, les réflexions tournaient régulièrement, à la manière d'un infernal automate inventé, par le cerveau délirant d'un Deus Ex Machina venu d'un autre monde.

Leur conception du jeu différait légèrement. C'était quelque chose de très subtil. Les Echecs d'Iblîs étaient un jeu changeant, mais qui restait d'une rigueur froide et mathématique, empreinte d'un calme glacé. Quelque soit le côté qui prenne l'avantage, le jeu se déroulait avec la lenteur implacable de la mélodie qui résonnait dans l'immense pièce. Mais le jeu de Chasse que faisait évoluer Celle-De-Glace était légèrement différent. Les règles ne changeaient pas, mais le rythme du jeu était plus endiablé, plus violent, plus sauvage. Plus imprévisible, en fait. Cela évoquait quelque chose de très différent de la mélodie sombre du démon. Si on fermait les yeux en entendant le bref claquement des pièces sur le bois, on avait l'impression de percevoir le trot rapide des griffes sur la glace, et de voir défiler derrière ses paupières le paysage blanc d'une nuit de pleine lune, une nuit où se jouait l'éternel jeu de la vie et de la mort.

Différence minime? Subtilité à peine perceptible? Sans doute. Mais elle avait deux implications graves. Premièrement, chacun maîtrisait sa façon de jouer, mais ne pouvait pas, par nature s'adapter totalement à l'autre. Si Ruby n'avait sans doute pas tout compris du sens des gestes et paroles de son interlocuteur lorsqu'il manipulait les pièce, l'inverse était tout aussi vrai. Malgré toute son intelligence, il n'était pas capable de "lire" en celle qui lui faisait face. Ce masque de sauvagerie - non, cette férocité réelle, était pour elle le bouclier le plus absolu face à un esprit calme et calculateur qui tentait de la déchiffrer. Il ne pouvait la percer à jour, en aucune manière. Aucun autre démon, à l'exception d'Apharez elle-même, ne pouvait s'en vanter à ce point. C'était pour cela qu'il l'estimait et la redoutait. Et aussi pour cela, au fond, que le sourire revint peu à peu sur ses lèvres. Y avait-il quelque chose de plus excitant que cela? D'un certain côté, lui aussi aimait la chasse, pour une raison différente, plus abstraite. La mise à mort elle-même n'était pas ce qui l'intéressait. Il prférait une chasse entre deux prédateurs de force égale, un loup et un lynx, par exemple. Ce jeu de cache-cache où chacun tente de surprendre l'autre, en sachant pertinemment qu'il est aussi redoutable que soi-même... là, était l'une des dernières choses qui pouvaient lui faire ressentir de l'excitation. Une chasse qui ne traque pas une proie effrayée, mais un égal qui vous chasse également, ou le jeu n'avait aucun intérêt.

Car entre deux prédateurs en chasse sur cet éternelle jungle nommée la Vie, aucun ne peut jamais contrôler l'autre. La Fée des Glaces et le Démon des Ombres avaient assez de maturité intellectuelle pour s'en rendre compte. Ceux qui pensent naïvement pouvoir tout lire, tout prévoir, tout analyser du comportement et des pensées deux autres... ceux-là sont les fous et non les sages, malgré la haute opinion qu'il peuvent avoir d'eux-mêmes. Même une âme de simplet est par nature indéchiffrable et imprévisible, et un esprit immense lui-même ne saurait le comprendre, ne saurait appréhender toutes les facettes du diamant noir ou blanc qui se nomme "l'autre". Mais Ruby n'était pas de ceux-là, et c'était la raison pour laquelle parler avec elle était un plaisir et non une corvée. Mais ironie du destin, ils se trouvaient dans des camps opposés. Semblables, mais dissemblables, proches mais ennemis. Cependant, même entre ennemis, les trêves existent. Voire les alliances, tout en gardant à l'esprit bien sûr, qu'une alliance est faite pour être rompue. En gardant également à l'esprit que votre adveraire le sait aussi. Qu'il sait que vous savez. Que vous savez qu'il sait que vous savez. Qu'il sait que vous savez qu'il sait que vous savez : ainsi de suite, mais surtout, que malgré tout cela, ni l'un ni l'autre d'entre vous ne sait ce que son vis-à-vis pense à ce sujet. Là est tout le plaisir de gourmet que procurait ce jeu d'équilibre, ce funambulisme à deux sur une corde raide.

Quand la jeune femme fut arrivée au bout de ses mots, Iblîs n'avait toujours pas dit une seule parole. A quelques instants, noms ou sous-entendus, il avait seulement cillé, tandis que son sourire s'élargissait ou se rétrécissait aussi dangereusement que ses yeux. Quand elle eut fini, il se renversa en arrière sur son siège, la tête orientée vers le ciel sans étoiles, offrant sa gorge d'ivoire à un bien improbable coup. Mais il sentait que la jeune femme ne fera pas de geste agressif s'il n'est pas le premier à le faire. Et inversement. L'image de deux personnes sur une corde raide était bien choisie, d'ailleurs. Si elles commencent à échanger des horions, ils n'ont aucune chance de rester en équilibre. Mais tant que tous deux savent qu'il n'est pas dans leur intérêt de lever le poing le premier, l'étroit fil est un endroit aussi sûr qu'un autre.


"Très improbable cas, dirais-je même" commenta-t-il enfin, sans que son ton contienne la moindre once d'insulte. "Mais les promesses de ce genre sont sans signification. La règle même de cette partie implique que la confiance n'existe pas. Dans ce cas, si j'accepte votre marché, j'y trouve mon intérêt personnel mais la Caverne n'est pas certaine d'en retirer un bénéfice réel. Mais vous avez bel et bien trouvé au moins une raison valable. Par conséquent..."

Iblîs se redressa. Sous le toucher de sa main froide, le plateau de jeu s'effaça peu à peu.

"Eh bien, j'accepte le risque."

Son sourire eut quelque chose d'étrange. Presque amical, et pourtant ne cherchant pas à cacher qu'il n'avait rien de cela. Changeant, ondulant... si dans chaque geste de Ruby, affleurait quelque chose de sauvage, dans les expressions du démon apparaissait parfois quelque chose de reptilien.

Face au pelage, les écailles ; face à la dureté, la souplesse ; face à la férocité, la patience ; face à la force, la ruse ; face à la violence, la magie ; face à la jeunesse, l'ancienneté ; face à la menace, la fascination ; face aux griffes, le poison...

...face à la Louve, le Serpent.


"Vous vouliez d'abord Sélène libre? Vous l'aurez." reprit Iblîs en se levant, retournant s'assoir sur le banc de l'orgue. "D'ailleurs, vous l'avez déjà. Moi-même je ne peux plus retirer le poison qui court dans ses veines, sauf si votre jeune amie était devant moi. Mais sa captivité et le poison ne servaient qu'à une chose : assurer à Apharez la certitude que la directrice d'Elament viendrait à sa rencontre, ne serait-ce que pour sauver la vie d'une élève. Cependant, si je n'ai jamais vu Layna Timerta, tout ce que j'en ai entendu la dit le contraire d'une lâche. Elle viendra, je le sais. Le poison en Sélène était suffisamment impressionnant pour faire croire à une menace sur sa vie, mais il n'est pas mortel."

Tout en posant les doigts sur les touches du clavier, l'être sombre joua silencieusement les notes d'une nouvelle mélodie, sans enfoncer les touches. Non, Sélène ne mourrait pas, mais pourquoi? Pourquoi, quand il avait introduit les Ténèbres en elle, n'en avait-il fait qu'une feinte? Eprouvant peut-être, mais le venin du serpent noir disparaîtrait au bout de quelques jours, sans laisser ni trace ni séquelles. Il aurait facilement pu la tuer, ou laisser une empreinte suffisante pour la posséder. A vrai dire, c'est ce que tout démon aurait fait, et aussi ce qu'il aurait fait lui-même s'il avait suivi ses méthodes habituelles. Mais non, rien de tout cela, alors pourquoi?

La réponse en vint presque naturellement, dès qu'il se fut posé cette question. Jusqu'à présent, il avait évité de s'interroger à ce sujet, mais la réponse était logique. Il avait été impressionné par la jeune fée. Non qu'il ait été ébranlé par ses arguments ou par son courage. Mais au fond d'elle, il avait senti quelque chose qui brillait. D'un foudroyant dard d'ombre, ou de la lente morsure du poison, il aurait pu éteindre la flamme de sa vie. Mais jamais, jamais il n'aurait réussi à souffler cette étoile au fond de son âme. C'était quelque chose qu'il haïssait mais qu'il n'aurait pu se résoudre à saccager, comme on hait le tableau peint par un artiste du pays ennem, mais qu'on laisse soigneusement à sa place, seul épargné au milieu d'un musée dévasté par les bombes. Il ne sentait pas la même chose en Ruby ou Lay-Ing. Elles étaient plus fortes, plus semblables à lui d'une certaine façon. Mais il y avait en Sélène quelque chose que nul d'entre eux n'avait ; quelque chose que la jeune fée possédait et qu'il ne connaîtrait jamais. Il ne lui était pas même permis de le comprendre ou de le nommer, et quand il y pensait, c'était un goût de cendres qui lui montait aux lèvres.

Pivotant sur son banc, le démon appuya un coude sur son genou et fixa la jeune femme. Le problème Sélène était réglé - il s'était davantage agi d'un problème fantôme que d'autre chose. Mais il en restait un autre. La troisième demande de Ruby. Il ne dit rien. Ne posa pas de question, mais son attitude ne pouvait avoir qu'une signification. Le Serpent restait lové sur lui-même, silencieux, muet, attendant de la Louve devant lui, qu'elle pose la question qui infamait...
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyDim 17 Déc 2006 - 18:17

C'était être fou que de penser le loup moins fort que le lièvre.
La nature est ainsi faite, dira-t-on, mais ces paroles sont fausses et ceux qui les prononces ne méritent pas l'attention des gens de bonne foi. Le loup chasse le lièvre, le renard aussi. Pourtant, les deux sont-ils aussi fort ? Le lièvre peut se révéler l'être, lui par-contre. Car, le prédateur attrape-t-il toutes ses proies ? ... C'est là mensonge que dire oui, sauf si le prédateur en question est le Temps, mais ceci n'a rien à voir ici. Le lièvre peut être plus rapide que le lynx, que le loup ou que le renard. Et donc être plus fort. Prédateurs et proies ne dépendent que de 'qui mange qui'... Prédateurs et proies sont égaux... Prédateurs et proies ne veulent rien dire.

Une chasse, donc... Cela se répétait dans l'esprit de la Cristalléenne jusqu'à en devenir euphorisant. Une vraie chasse... Elle n'en avait plus fait depuis longtemps et son ventre criait famine. Elle ne connaissait plus ces derniers temps que la chasse jouissive, que la chasse transformant le sang en bouillons, répendant celui de la proie sur le sol, l'éclaboussant sur la peau pour en sentir les gouttes caressantes dans le creux des seins... La chasse... sentir les os craquer sous ses crocs, sentir les chairs se déchirer sous ses griffes... sentir l'oubli prendre peu à peu sa place dans l'esprit, transformer chaque seconde en heures dans la valse des corps, valse qui pouvait se révéler plus exitante que la reproduction puisque la valse était l'exitation...

De la sauvagerie pure ? De la férocité ou de la bestialité ? De la colère, de la haine... Simplement l'amour de la chasse, l'amour de sentir son corps bouger et se dépenser, sentir les muscles rouler sous la peau, sentir la sueur perler et lui donner un goût salé, sentir le moelleux de la chair lorsqu'elle s'apprête à remplir l'estomac, sentir sa douce chaleur dans le creux du ventre, quand le sommeil prend l'esprit pour reposer le corps, quand le soleil se couche pour permettre une autre chasse et offrir d'autres instants de communion avec la meute...

Ruby avait faim et peut lui importait le moment puisque cela était naturel.
Mais son estomac n'était qu'une voix dans les acclamations que subissait son esprit. Et, maîtresse d'un char dompté, elle resserra les rènes et ignora. Elle pouvait toujours se nourir plus tard.

La Jeune femme n'essayait pas de réfléchir. A quoi cela aurait-il bien pu servir ? Elle écoutait les murmures de ses instincts et toujours leurs voix avaient raison. Pouvait-elle réellement dire qu'écouter ses sens au lieu de son esprit s'était révéler désastreux ? Elle s'était formé petit à petit des alliés, avait réuni sous sa patte une nichée prête à former une véritable meute, aux membres indépendants mais oligatoirement liés par une chose : elle. Etait-ce mal ? ... elle ne pouvait même pas faire la différence entre le bien et le mal tant ses actes ne relevaient ni de l'un ni de l'autre...

La trahison était-il un acte mauvais ou bon ? Elle était probablement les deux. Trahir un pact fait - mauvais - pour aider des personnes dans l'interêt d'un peuple - bien. Alors, elle le trahirait et le ne ferait pas en même temps car, pour rompre le 'pact', elle devrait ne pas vouloir faire ce qu'elle désirait faire. Or, c'était contraire à ses volontés.
Qu'avait-elle promis déjà ? Rien, si l'on écoutait ses paroles, et trop, si on les comprenait. Ce qui faisait une promesse ici, c'était qu'il y en avait justement pas, et que le simple fait d'aider quelqu'un revenait à s'aider soi-même. Magnifique pouvoir que celui des sous-entendus...
Sa victoire en revenait donc simplement à l'éloquence qu'elle avait su faire preuve.

Et Iblîs le Sombre lui sourit.
Des frissons traversèrent son échine, dévorant ses flancs, hérissant le duvet de ses bras. Avait-il gagné ? D'où venait ce parfum d'étrange, cette odeur de risque qui collait aux poils, cette effluve indescriptible... semblable à l'odeur froide et repoussante des sangs froids pour les sangs chauds ? ... Ce ne devait être qu'une impression, ou qu'une seule chose : le fait d'avoir identifié réellement son adversaire.

Puis il se leva et retourna s'assoir face à l'immence instrument d'onix et d'os et ses doigts - crochets d'albâtres - jouèrent de nouveau, reprenant leur dance frénétique sur les notes, sans pour autant enclencher le méchanisme musical. Ruby, elle, se tourna vers l'instrument mais s'assit sur place, en tailleur, son esprit tournant les paroles du démon.

Il ne lui avait pas fait de mal ? Etait-ce normal, cela ? Une garantie, donc... Mais le poison s'était toujours révélé une méthode fourbe que l'on assimilait souvent aux meurtres commis par des femmes. Boah... après tout, le serpent use bien de poison et nombreuses sont les créatures qui possèdent le même pouvoir. Paralyser, puis dévorer lentement, vivant...

Il se retourna lentement, et elle n'offrit à sa posture calme qu'une pâle figure de porcelaine. Maintenant qu'elle s'était trempée dans l'encre de la honte, il ne lui restait plus qu'à laisser la teinture faire des merveilles. Qui sait, c'était peut-être de cette couleur déshonnorante qu'elle pourrait obtenir une force qu'elle ne se pensait pas avoir...


"Je sais l'aide dont j'ai besoin, mais savez-vous ce que je demande ?" Elle changea de place sur le sol, la dureté des dalles de pierre éprouvant les articulations saillantes de ses chevilles. Puis, les jambes sur le côté comme la queue d'une sirène, la blancheur de son vêtement couronnant le tout, elle reprit : "On m'a offert un pouvoir. J'ai souffert pour l'obtenir, plus que certains ne pourraient l'imaginer." Et confier ainsi sa douleur n'était rien comparé à la honte qu'elle avait déjà ressentit. Mais cette honte, elle avait apprit depuis longtemps à l'étouffer, comme l'envie ou l'orgueil. "Et j'ai compris que ce que j'offrais en échange était beaucoup plus élevé car j'offrais la force à un ambitieux. Et je n'apprécie pas de donner du pouvoir à quelqu'un qui ne le mérite pas et le désire trop."

C'était comme si elle crachait ses mots.
Qu'avait-on pu faire pour s'attirer ainsi le mépris d'un être à la base innocent ? Même Iblîs n'avait pas le mépris de Ruby, quoi qu'elle puisse en dire et essayer d'en faire paraître. Il n'y avait peut-être qu'Apharez Sycan, mais c'était pure haine pour une personne qui avait violé son espace, son territoire, qui avait fait souffrir sa meute.
Shinreï Suiton... Même ce nom, elle pouvait parvenir à lui donner une consonnance négative en le prononcant. Il était fort, elle l'était plus et par bien des points. Elle aurait pu le tuer mais elle n'en voyait pas l'interêt. Elle n'en avait pas vu l'interêt.
Maintenant, elle le voulait, le désirait plus ardament encore que n'importe quoi. Pourquoi ? Ah ca...Il avait fait la pire chose que l'on puisse faire au monde : retirer sa dernière part d'innocence à quelqu'un qui n'en a jamais profité. Pire que ça, même. Il s'était attiré les foudres de la seule personne au monde qui pouvait se dire pouvoir maîtriser les océans et les déserts de glace... Qu'y avait-il donc de pire que cela ? Avoir contre soi la maîtresse de l'eau, de la glace et de la vapeur qui, en plus de la force et de la maîtrise possédait la jeunesse et la patience, donc la capacité d'en apprendre encore.

Et il lui avait retiré ce pouvoir, ne songeant peut-être pas qu'elle aurait le culot, le courage - ou la folie ? - d'aller quérir de l'aide face à l'ennemi absolu... C'était bien mal la connaître, ou bien de ne pas essayer. Mais elle était là, un presque-sourire de satisfaction aux lèvres, sachant pertinement que Shin avait lié son acte à un sort, qui se révèlerait d'une cuisante douleur... une douleur pire que la mort, qui la ferai désirer à la Louve.
Elle possédait la volonté et c'était toujours celle-ci qui lui avait permis d'atteindre ce qu'elle voulait.


"J'ai donc fait clore ce pouvoir. Je viens ici le réveiller car nul part ailleurs je ne serai en sécurité pendant cela. Je sais ce qui m'attend dès que vous m'aurez aider à ouvrir le seau. Mais je sais aussi ce que je veux, et je suis prête à souffrir pour l'obtenir."

Sans s'en rendre compte, la main de Ruby qui reposait sur la pierre s'était peu à peu crispée au fur et à mesure de ses pensées. Il y avait toujours au bout de ses doigts ses ongles de verre, de glace, plus durs encore que n'importe quoi. Et ils s'étaient fichés dans le minéral, laissant une marque à 5 points sur sa surface.

"Êtes vous donc toujours prêt à me permettre d'obtenir de la force ?"

Première fois depuis longtemps que Ruby cherche un mot... "Infamer" connaissais pas XD]
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMar 19 Déc 2006 - 21:15

Fais ce qui doit être fait, avaient semblé dire les lèvres closes du Sombre, tout à l'heure. Et la Grande Louve, puissante reine de la nuit et des glaces, avait payé comptant le prix immense qui lui avait été imposé comme condition. Venue jusqu'à l'antre, jusque sous les yeux du serpent, se dépouiller de ce qui avait été exigé par le destin, elle avait prononcé l'infamie. Elle était passée par le chemin le plus difficile, sans faire le moindre détour. A chaque mot qu'elle avait prononcé, c'était comme si elle faisait un nouveau pas sur un chemin pavé de lames de rasoir, laissant à chaque syllabe une trace sanglante et douloureuse. Révélant ce qui avait été inscrit par la vie sur la table de son coeur, comme font les chiens à l'âme basse et au langage rude, quand un Etre-Debout les regarde. Nue sous le regard d'onyx telle une sacrifiée nue sur l'autel, sous les yeux morts d'une statue païenne.

Tel était le prix, non celui du sang, mais le seul prix qui lui était supérieur, celui de la honte.

Tel était aussi, ce dont s'était nourri l'Habitant de l'Ombre, ne la lâchant pas une seconde du regard, aussi fixement que le vampire qui happe le regard de la victime, alors même que le sang de cette dernière emplit lentement sa bouche. Immobiles, aspirant ce prix dont la valeur n'était rien pour les autres, mais qui, pour ceux qui Savaient, avait une valeur impossible à égaler.

Et cependant, les yeux de jaspe noir jetèrent un éclair aux paroles prononcées par l'enfant de glace. Etait-ce la colère ou l'amusement? Probablement aucun des deux... sur les lèvres spectrales, le sourire était toujours aussi dépourvu de la moindre émotion. Ces prunelles avaient autant de vie en elles qu'un golem seulement animé d'une vie qui pour être puissante n'en était pas moins factice et contre nature. Mais elles avaient scintillé, ces perles de Noirmonde, pendant un instant... comme si les ténèbres en eux avaient soudain eu leur propre radiation.


"Ne dit-on pas que plus haute est l'ambition d'une personne, plus dure sera sa chute quand elle rencontrera son destin?"

Et peut-être, en ce moment le démon avait-il été plus honnête que jamais, dévoilant ce qu'il pensait réellement au-delà de tout artifice. Peut-être, pour la première fois au bout de ces milliers de crépuscules, avait-il dit quelque chose de sincère. Quelque chose qui avait rendu à sa voix une infime trace de ce qui s'apellait "chaleur", ce mot qu'il était destiné à ne plus connaître avant que les sables du temps n'aient achevé leur course et que le futur lui-même arrive à sa fin.

Car sans doute étais-tu bien placé pour le savoir, toi que les légendes nommaient autrefois l'étoile rouge, celle qui par son arrogance attira le courroux des huit autres astres maléfiques, et, sa lumière éteinte, fut condamné à errer sur cet océan sans rivage, où nulle clarté ne brillera jamais. Mais ce proverbe était sagesse populaire, et celle-ci est bien souvent folie car elle ne voit que la surface des choses. Ceux qui vivent assez longtemps savent alors que tout proverbe doit être complété par un sens caché, un sens qui varie selon les lieux et les saisons.


"Mais parfois, la laisser tomber d'elle-même serait insuffisant à sa souffrance, si dans sa futile ascension, elle a piétiné ce qui n'aurait jamais dû l'être. Il y a des fautes qui se pardonnent" ajouta le démon. "Elles se nomment offense, vol, blessure et meurtre. Mais parmi beaucoup d'autres noms qu'on peut leur donner, il y a en a un qui ne sera jamais pardonné. Celui-ci se nomme..."

Laissant sa phrase en suspens, la silhouette fantômatique se leva. Fit quelques pas sur la mer d'ombre, comme s'il glissait silencieusement. Se retourna et fixa Ruby. Son sourire, fascinant et morbide comme les yeux fatals du Basilic, était toujours là. Autour de lui, le Noir commençait à s'illuminer à nouveau, comme ses yeux tout-à-l'heure, de cette abjecte contrefaçon de lumière. Dans ces volutes de lumière violette et noire, changeante et chaotique, semblèrent un instant s'esquisser la forme de deux grandes ailes de Ténèbres. Etait-ce une ironie, une allusion à une autre paire d'ailes, de vent et de lumière celle-là, et qu'ils connaissaient tous les deux? Ou seulement un fantasme involontaire? Qui aurait pu le dire... peu à peu, les mèches d'Iblîs se soulevèrent, telle une chevelure féminine. Elle s'allongea et se perdit dans le néant, déesse de ténèbres dont la chevelure enlaçait le monde. En "bas", ce fut la robe noire qui se fondit avec la nuit, révélant la véritable essence de l'entité nommée Iblîs : une aberration, un sacrilège, un...

"...Blasphème."

Les voix qui guettaient là-haut, à l'endroit où les colonnes s'effaçaient dans l'infini, avaient semblé répéter le mot de la Vraie Nature, telle une accusation.

Accusation, contre celui dont l'existence même les avait appelées, jugées et condamnées à l'accompagner au fond de l'abîme.

Accusation contre celui qu'Iblîs ne connaissait pas et n'avait pas envie de connaître, celui qui comme Béllérophon dans une mythologie d'un autre monde, avait commis l'acte le plus impardonnable : l'hubris, porter la main sur la déesse.

Accusation contre celle qui restait leur ennemie, blanche dame de givre qui descendait porter au fond du gouffre la lumière qui brûlait.


"Je ne tiens pas toujours mes promesses" fut à la dernière question, la réponse d'un démon dont le sourire s'étaient enfin effacé. "Mais je suis prêt à te laisser retrouver ta Force, car son prix a été payé... Louve."

Sur ce qui était à la fois un compliment et une insulte, les ténèbres s'entrouvrirent devant la jeune femme. Une voie royale se traça à la surface de l'océan d'ombre. Le démon tendit la main. Ô ironie! Le geste était exactement le même, en apparence, qu'un autre geste, celui des jeunes princes elfes pour tenir la main de leur promise à l'instant de la cérémonie qui les liait. Mais tout était lien en ce monde, liens bénis ou maudits comme celui qui commençait là, au creux d'une main squelettique entourée de l'aura du Pouvoir demandé et désiré. Une main qu'il suffisait d'effleurer...
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMer 27 Déc 2006 - 20:38

Etait-ce dans une autre vie ?
Jeune fille aux cheveux violets que la brise soulevait délicatement pour les faire onduler sur son long vêtements bleu, comme le sont ceux des jeunes filles qui ne sont pas encore femme, elle était assise sur le sol humide, l'eau s'infiltrant dans la trame du tissu, lui mouillant les fesses sans la gêner plus que cela. Combien étaient-ils ? Dix ou douze, assis comme elle, écoutant d'une oreille avide les paroles d'une shamane, vieille et sage parmis les sages ? Elle énoncait à voix haute et claire un enseignement général, et la petite Cristalléenne écoutait, car elle n'avait rien de mieux à faire, au milieu de l'atroupement d'enfants, et que cela était son devoir. Petite fille assise, le vent la caressait, froid comme l'est celui du retour du printemps, mais pas désagréable.

Puis elle se leva. Aujourd'hui, elle ne se rappelait plus pourquoi elle l'avait fait. Lui avait-on demandé ? L'avait-elle fait d'elle-même ? Elle en avait bien le droit, l'argent de son diadème frontal apposé sur sa peau montrant aux yeux de tous les origines de son ascendance, mais s'aurait été là insulté une vieille femme et cela aurait été pire que tout. Ce qu'il en est, c'est qu'elle se leva avec la souplesse d'un chat - ou d'une louve - et avança vers la shamane qui lui faisait dos. Tout était flou, comme dans un songe, la lumière trop vive ou pas assez et les détails absents, les reliefs déformés, les textures trompeuses. Son pied blanc se posa dans la marque que la vieille femme avait fait. Son pied blanc y laissa une trace dans la poussière, evanescente empreinte de son passage. Elle pencha le visage sur le côté et de ses yeux de feu, elle l'observa.

Rapidement, elle ressentit bien vite l'impression de grandeur et d'innaccessibilité de la personne en face d'elle, de sa force qu'elle n'aurait jamais et de son influence. La shamane se retourna et lui mit une claque d'une grande violence, ses mains recouvertent des écailles des volatiles, comme l'Aigle, ses ongles durs et incurvés. Ruby fut projetée en arrière mais s'arqua pour se rattraper sur ses mains. Ses pieds touchèrent le sol en douceur et elle resta droite, ses yeux ne provoquant ni n'accusant, comme ils avaient appris à le faire. Et elle ne comprit pas.

C'était exactement la même chose que la Folie ressentait. Incompréhension, trop grande puissance. L'impression d'être écrasée, d'être faible comme l'est un enfant dont les chaussures de ses parents acceuillent les siennes. La trop grande puissance. Qu'était donc cette entité devant elle ? Blasphème avait-il dit ? Il était l'environnement, il était lui, il était comme la Mère Louve et si différent. Car lui était mortel. Il était une chose étrange, trop étrange pour être décrite par des mots.

Dans son dos, deux ailes brillaient. Ou plutôt, elles ne brillaient pas, la lumière entrant dedans et n'en sortant pas, comme ses prunelles de pierre, d'onix, d'où rien n'est renvoyé. Et Ruby sut, sut qu'il était pareil et si différent. L'exact composé d'un contraire trop puissant pour être réaliste. Une abération.
Sauf que lui accorder cela aurait été oublier une chose. N'était-elle pas elle-même cela ? Une abération de la nature ? De la vie elle-même !? Elle était une figure livide, une algue couleur de craie qui enserrait les chevilles des noyés pour ne pas les rendre à la surface, elle était pire et moins que ça. Il était puissant, avait-elle pensé ? Mais elle l'était aussi. Ou pouvait se dire avoir eu l'occasion de l'être, juste un instant, lorsqu'elle avait franchit la porte de son royaume, d'une autre dimension, et d'avoir eu le courage de le défier.

Elle tendit la main vers le ciel, et prononça à l'envers les mêmes paroles que les voix avaient entendut en l'attaquant une première fois. "Zorglish Nhar Irshu." Incantation ? Serment ? Insulte ? Magie ? Elle seule le savait, ou les créateurs de ces créatures, ce qu'il est sûr, c'est qu'elles vinrent toutes, sous la forme de fumée comme celle qui suit la crémation d'un cadavre. Elles vinrent et dancèrent autour d'elle, dans une valse hypnotique, tandis que la poupée de porcelaine souriait. Elle savait, elle était la créatrice, elle était l'origine.


"Te considérer être ce que tu es serait oublier ce que je suis moi-même..."

Puis, dans le soupir que fait le métal lorsque l'épée sort du fourreau, elles disparurent toutes, enflant pour exploser et venir mourir sur le sol dans le chuitement que fait la peau que le feu mord. Et l'ancienne Cristalléenne releva le visage vers celu qui allait être son allié. Que voyait-elle dans ses yeux ? De l'étonnement ? De la peur ? Rien de tout cela. Si l'entité pensait ou ressentait, jamais Ruby ne pourait le déchiffrer, et probablement se moquait-elle de savoir ce qui se mettait en place dans cet esprit de métal. Elle ne le vouvait pas et ne le poulait pas. Son instinct le lui disait, comme cela devait être le cas pour le démon envers elle. Puis, elle se baissa pour toucher du bout de ses doigts les restes des compagnes qu'elle avait créé sans le vouloir, qui étaient nées de sa douleur, morceaux de son esprit divagant et comateux. Lorsqu'elle se releva, les ténèbres de ses yeux étaient parties et ses prunelles étaient de sang.

Ruby ne le sut pas, ou s'en moqua et lui tendit la main, sans hésiter malgré ses habitudes, en sachant que ce contact la gênerait au point tel qu'il ne la gênerait plus, posant son pied sur la route de ténèbres. Sa peau toucha ce qui devait en tenir lieu pour l'entité. Sa peau à elle était froide, froide comme l'est la pierre que l'hiver a couvé. Sa surface à lui n'était pas palpable, comme l'air, mais pourtant l'était. Un mélange de contraire..
Ils marchèrent peu. Et ce fut bien. La Louve eut le temps de se préparer. Elle allait souffrir, non ? Et sa raison - ou plutôt ce qui lui en tenait lieu actuellement - savait que cela n'allait pas être rien puisque l'apposeur du seau était celui qu'elle ferait souffrir sous peu.
Ils arrivèrent dans une zone du royaume d'Iblîs probablement sortit de l'imagination du démon pour son invitée. C'était petit et sombre, comme dans une grotte, la copie miniature de l'endroit dans lequel la jeune femme avait passé une semaine dans le coma. Elle sourit encore, ne se rappelant que peu de cette période de sa vie. Parfois, il vaut mieux affronter un monstre dans les ténèbres que dans la lumière, de peur de fuir devant l'importance de sa force.
Gardant toujours la main du démon dans sa main, Ruby enveloppa son corps d'une clarté bleutée qui plongea l'endroit dans une ambiance glauque. Mais elle avait grandit dans la forêt et savait que les monstres n'existaient pas. Il y a de la place pour se cacher dans la forêt, certes, mais les monstres ne sont que des animaux, et tout animal peut être battu quand la meute est forte.

Etait-ce donc si simple, si simple d'aller vers sa fin, ou le début d'autre chose ? Elle savait ce qui l'attendait, savait ce que cela impliquait et n'impliquait pas... Pourtant... pourtant, elle ne regrettait pas, acceptant la fatalité avec un calme plat, comme elle l'avait toujours fait. Mais "fatalité" n'allait pas avec les fondements de sa pensée. Tout est choix, et elle avait simplement choisit de se replier pour mieux frapper, comme le font les loups qui rabattent. Elle n'était rien de tout cela, toujours seule, ayant pourtant survécu à l'hiver qui ordinairement prend la vie des solitaires. Elle était donc une erreur, peu comparable à toute autre chose.

L'ancienne Cristalléenne était maintenant face à Iblîs le Sombre. Son coeur ne battait pas. Elle ne le sentait même pas dans sa poitrine, à vrai dire. Elle était comme morte. Pendant une grande douleur, le corps ne sent rien. En était-il de même pour la peur ? Ou c'était-elle seulement rendue compte que cette soeur marginale ne servait à rien dans pareil cas ? Ruby avait simplement bougé un pion sur le grand échiquier du jeu du démon. Ne restait plus qu'à espérer que la répercution des choix irait dans le sens désiré.
Ruby posa sa main sur son épaule gauche et fit glisser la manche de sa robe, ne dévoilant rien pour autant qu'un morceau supplémentaire de peau couleur de lait. Du bout de son index, elle traca sur sa gorge des signes sanglants dans sa chair. L'ichor perla et coulant sur elle, tracant des lignes incarnates. Et elle finit par un cercle, penchant la tête en arrière.

La pointe de ses cheveux vint caresser le sol. Elle ferma les yeux et dit :

"Tu sais ce que tu as à faire : récupère l'entrave et va-t-en. Je ne pourrais contrôler mes pouvoirs et, tout puissant que tu sois, la folie et la douleur battront toujours les froids calculs des pâles figures de puissance."

Et, sans serrer la machoire, sans se préparer plus que cela, la Parjure attendit, le fil de sa conscience réduit au minimum.
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMer 10 Jan 2007 - 18:49

L'être de nuit scruta attentivement le visage de Ruby, sans prêter aucune attention à l'extinction finale des Voix, avant que la jeune fille ne ferme les yeux.

Et quand tu auras atteint le bout de la folie? semblèrent interroger avec solennité ses prunelles d'obsidienne. Que te restera-t-il?

C'était comme si ces mots étaient chargés d'une force étrange. Ils n'avaient pas été prononcés, même pas à voix basse. Mais un jour... un jour, dans le futur, en pleine bataille, devant le regard d'un ancien ami, lors d'une situation quelconque, ce regard reviendrait devant la Louve. Alors elle y lirait les mots, quelque part au fond des yeux noirs, posant leur terrible question...

Le démon fit onduler sa longue chevelure. Ses ailes de ténèbres, ailes factices qui n'auraient jamais pu connaître la pureté du ciel, s'absorbèrent dans l'ombre tandis que son aura se concentrait autour de son bras droit. Quelque part dans la réalité, une porte magique s'ouvrit, donnant sur la surface de la terre, quelque part dans les Monts Décharnés enneigés, sous les froides étoiles de l'aube.


"Je ne te remercie pas du conseil" rétorqua Iblîs en stabilisant son sortilège. "Mais compte sur moi pour en profiter."

A vrai dire, il n'avait pas vraiment eu l'intention de braver le pouvoir de l'Hiver quand celui-ci se déchaînerait. Même en son sanctuaire où il ne risquait pas grand-chose, c'aurait été un risque inutile. Probablement que la plupart des imbéciles de ce monde auraient choisi de rester sur place, histoire de satisfaire une curiosité inutile, ou de collecter leurs pathétiques "informations" et "analyses" sur quelque chose qui les dépassait. Mais si peut-être, en effet, dans le cas d'une collision entre l'aura de ténèbres et celle de glace, le résultat aurait été incertain, il n'en restait pas moins... qu'avec la meilleure volonté, aucune raison n'était suffisamment valable pour entamer une dépense d'énergie aussi futile, et un danger possible alors que l'on avait rien à y gagner. Oui, le conseil qui lui avait été donné était sage. Ce n'était pas parce qu'il venait d'un ennemi que l'on devait le négliger.

Assez parlé... un prix avait été payé, et il devait à présent remplir sa part du marché. Iblîs leva lentement sa main droite devant son visage... Peau spectrale, peau presque aussi blanche que le pelage de la louve par contraste avec le noir absolu qui l'entourait... Le membre entier semblait brûler au milieu d'une flamme qui anihilait tout. Un rictus de carnassier apparut sur les lèvres du démon tandis qu'il crispait les doigts et que la sorcellerie continuait à s'y concentrer.

Le Pouvoir n'était pas ce que l'on croyait. Aveugles qui ne l'estimez que pour le plaisir de la destruction, simplets qui ne voyez que la domination qu'elle peut procurer, vous n'avez jamais su voir et comprendre que sa perfection se suffit à elle-même. Le Pouvoir n'est ni la violence, ni la force, ni l'autorité, ni la capacité à tuer et à détruire, ni quelquonque utilisation que ce soit. Il est lui-même et rien de plus. Contempler une flamme mauve et noire au creux de sa paume, la voir danser en connaissant sa puissance et ses limites, est une jouissance bien plus raffinée que de l'utiliser pour brûler quelque chose, fût-ce un continent entier! Et tandis qu'enflait le rictus de l'Enfant d'Ombre, dévoilant deux canines de serpent, au fond de ses prunelles se rouvrait le gouffre qui n'avait qu'une seule finalité : aspirer et engloutir dans l'abîme tout ce qui vit et brille à ta surface, monde inutile! De l'Ombre tu es né, à à l'Ombre tu retourneras...

Le rictus disparut aussi vite qu'il était venu. Les yeux d'Iblîs reprirent leur calme glacé, tandis que la magie noire avait enfin terminé de se concentrer au bout de ses doigts. Sans un mot, sans un regard, il plaqua la main sur la peau de lait. De blasphèmes, avait-ils parlé tous deux, un instant plus tôt? Qu'importait alors, un de plus ou un de moins? Déjà le Noir colorait la peau blanche à l'endroit indiqué. Il n'avait pas le pouvoir de durer bien longtemps, avant d'être rejeté par le froid, mais cela serait suffisant pour Voir et pour Faire.

Ou plutôt pour Défaire.

Il ferma les yeux, ressentant directement la magie dans ce qui lui servait d'âme. Oui... là... là. Ce sortilège, ce sceau impie qui n'aurait jamais dû être. Un instant, le démon oublia que c'était un ennem qu'il délivrait, oublia que la magie que ce sceau bloquait, était celle qu'il avait toujours combattu. Au contraire, la grande haine noire se cristallisa sur cette aiguille de glace qui était une insulte à quelque chose qu'il estimait. Oui, si le moment était venu, il aurait tué avec plaisir tous les élémentalistes, à commencer par Ruby. Mais cela ne l'empêchait pas de concevoir de l'estime pour elle. Mais CELA... rien qu'à le voir, par les yeux de l'esprit, cela était un soufflet, un crachat sur la magie. Mieux vaudrait qu'il n'apprenne jamais le nom du propriétaire du sceau. Cette aiguille de glace pour sceller une déesse de glace... il fallait avoir bien peur d'elle, et refuser bien obstinément de se l'avouer, pour en arriver là.


"Méprisable"

Le mot était tombé comme un couperet. Dans un pli de mépris, les lèvres du démon noir l'avaient formulé sans que la voix ne les prononce... telle la vague furieuse d'un océan d'encre, l'aura maudite se rua sous la peau, cautérisant tout sur son passage. Elle entoura cette aiguille de glace qui bloquait les pouvoirs de Ruby. La glace bloquée par la glace, c'aurait pu être amusant en temps normal, mais cela eut l'effet contraire. Cette glace n'était que verre à côté du cristal éternel qui habitait le corps de la jeune femme. Elle sentait différemment. Alors que la glace blanche cette dernière sentait la neige nocturne et le sang frais, celle-ci sentait la corruption des proies que l'on a tué juste pour le plaisir ou pour la prime, sans les dévorer comme c'était dans l'ordre des choses. Mentalement, le Serpent prit bonne note de cette puanteur magique. A partir d'aujourd'hui, sans mauvais jeu de mots, il gardait un... crochet à son propriétaire.

Mais techniquement parlant, c'était un travail complexe. Même s'il n'était peut-être pas parfait, il était retors et difficile à extraire. Ses ramifications avait gagné loin sous la peau avec le temps, comme si le propriétaire avait voulu rendre toute extraction très douloureuse. Pour un maître de la magie comme Iblîs, il n'était pas impossible de faire remonter la sorcellerie le long de tous les tentacules du sceau pour les submerger et retirer délicatement le sceau. Mais il n'avait jamais promis d'aller jusque là. Briser l'entrave et l'extraire. Mais sans douleur? Le coup n'aurait eu aucun intérêt. Il faut parfois pimenter le jeu, même un jeu intellectuel comme les échecs.

Dans un sifflement d'enchantement brisé, la main du démon se retira de la peau de la jeune femme. Enchaînée à sa paume, l'entrave magique déchira les chairs et les nerfs sur son passage, causant probablement aussi des dommages magiques qu'il était difficile d'estimer de l'extérieur. Collée à la paume du démon, l'aiguille de glace, couverte d'ichor, étincela un instant. Puis, comme écrasée par le regard implacble du démon, elle éclata en milliers de fragments qui allèrent s'anihiler dans l'infini.

C'était fait.

L'état physique de la blessure était peut-être inquiétant, mais pas une parcelle de magie étrangère n'était demeurée dans le corps de la femme-louve. Les écluses de son pouvoir venaient de s'ouvrir. Déjà la température pourtant glaciale se mettait à chuter de manière vertigineuse. L'Hiver se réveillait, glacé et terrible... le retour de la Maîtresse de l'Eau et de la Glace. Iblîs ne prit pas le temps d'observer la suite. Il se laissa aller en arrière, et comme poussé par un vent d'onyx qui soulevait ses mèches, glissa dans la déchirure de la réalité qu'il avait créée, se téléportant immédiatement au Monts Décharnés.

Après tout, la nuit était encore longue...
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptySam 13 Jan 2007 - 16:25

Ombre.
L'Ombre n'est que la fille de la Lumière. Sans Lumière, l'Ombre n'existe pas. L'Ombre n'existe pas non plus dans les Ténèbres. Tout comme la neige est l'enfant du froid, et pas l'inverse. Sans froid, la neige ne tient pas à la terre. Sans froid, le flocon fond. Et toute blancheur disparaît. C'est aussi simple que cela.
Dans ce monde d'ombre, donc, Ruby était une perle de lumière. Blanche dans les ténèbres de cette pièce, il n'y avait que la pâleur de la peau du démon qui pouvait se permettre de lui rappeler la sienne. Mais cette blancheur là n'était pas un symbole de pureté.

Il posa sa main sur sa peau, se plaçant dans les symboles sanglants dessinés sur la gorge de la jeune femme. Ce contact la rebiffa, elle essaya de lutter contre son dégout mais n'y parvint pas. Le froid se dégagea de sa peau, juste un peu, puis plus fort alors que son organisme sentait l'intrusion d'une magie ennemie. Ne pas lutter ! C'était ce qu'il fallait faire ! Il l'aidait, non ? Il allait la libérer de cette entrave ! Il ne fallait pas se battre contre cela. Sinon, tout était perdu. Mais...

Mais elle avait peur. Peur de souffrir, peur de pleurer ou d'hurler de douleur. Peur. Il y avait en elle cette sensation répugnante, plus collante que la boue, qui lui plombait les viscères, la clouait à sa place, l'empêchait de se mouver dans ses propres pensées. Avait-elle peur de la mort ? La mort ne l'effrayait pas, mais la douleur si. Elle serra les dents, inspira. Elle ne voulait pas faire preuve de faiblesse ! Ruby était pleine de courage, ou d'assurance. Qu'importait réellement le mot, sauf si c'était de la folie.

Les liens se brisaient les uns après les autres. Et les bras inertes de cette magie fondaient finalement, disparaissait. L'être de glace se calma d'un coup. Tout se passait bien. Tout était calme en fait. Il n'y avait rien, rien de dérangeant là dedans. Il n'y avait pas de bruits, pas de respirations. Pas même un mouvement. Elle sentait juste les ondes magiques qui la traversaient, et une magie la visiter pour défaire une barrière. Pourquoi avait-elle eu peur ? Si la douleur était le prix, plus fort que celui de la honte, elle le payerait. Ou essayerait.

La main s'en alla et le temps se figea.

Une fleur nacquit sur sa gorge, grandissant, fleurissant, s'implantant profond dans son corps, ses racines occupant son organisme, figeant ses sens et ses mouvements, stoppant la marche et la trace de sa pensée. Détruisant tant et rien.

Les aiguilles reprirent leur route.

Et le bouton explosa pour laisser les pétales s'ouvrirent d'eux-même. Puis la douleur fut là. Ses yeux s'ouvrirent grands, ne laissant d'eux qu'une tache de sang sur de l'opale poli. Une tache simplement perdue dans un océan de lait. Ses jambes flageolantes se dérobèrent sous elle et Ruby, la Chasseresse de Glace, Professeure de l'Eau, tomba sur les genoux, mais aucun son ne sortit de sa gorge.

Ses pouvoirs eux-même la trahirent.

Tout d'abord, le froid.
Il vint, puissant, plus puissant que n'importe quel hiver connut sur cette terre, bien plus fort que tout ce que l'Ancienne Cristalléenne n'avait jamais créé. l était du verre tranchant, des lames qu'un seul mouvement rendait tranchante dans cette atmosphère. La vapeur même de l'air gela sur place, faisant tomber du ciel des paillettes de glace semblables à des flocons. Son vêtement se raidit et cassa aux bretelles comme des brindilles séchées par le soleil. Lorsqu'elle perdit la force de ses membres et que son front toucha le sol, ce dernier s'écailla et la pierre se trouva réduite en esquilles de matière. Pour n'importe quel être vivant, sauf peut-être Layna Timberta et quelques rares Aquas d'une grande puissants, ce froid aurait pu être mortel. Il semblait même que l'hiver se rétractait à son contact.

Ruby tomba sur le côté, ses côtes subissement durement la dureté du marbre sombre. Mais cette douleur n'était rien en comparaison de Ca. Elle essaya de crier pour exorciser le mal mais rien ne voulut venir, pas non plus l'envie de vomir qui vient normalement dans ce cas. Pas encore, tout dumoins.

Puis, ce fut la vapeur qui entendit son emprise dans cette salle.
La glace fondit et monta vers les hauteurs du plafond invisible. L'air se fit chaud, brûlant. La peau de Ruby sentit cette chaleur et, même si c'était elle qui l'avait générée, elle en rougis, jurant avec sa pâleur ordinaire. La pierre se mit à fumer. Non, elle n'allait pas se transformer en lave, il fallait une plus grande chaleur mais, après le grand froid, la grande chaleur était pire qu'un coup de burin. Et elle éclata ou se fendilla, formant des lézardes profondes. Dans l'autre salle, l'orgue s'effondra sur lui-même.

Il y eu un répit dans cela, une respiration, un clignement de paupière. La louve s'agita, des spasmes la secouèrent. Sa main essaya de se cripser autour de quelque chose, cherchant peut-être une main amie, mais il n'y avait rien. Ses ongles trouvèrent la pierre et la rayèrent, et la chaleur de celle-ci lui brûla la peau.

Nouvelle douleur, son corps lutta contre, changeant de forme. Glace. Elle devint une statue d'une transparence parfaite, immobile... le temps d'une seconde. Vapeur. On la voyait là, jeune fille que la douleur rendait encore plus infantile et l'instant d'après, il n'y avait qu'un nuage de vapeur dont les contours étaient flous. Eau. Elle se fit saphir, liquide d'une pureté inégalable à la forme exacte de son corps, aux traits tout aussi déformés par la souffrance.

L'Eau de nouveau, mais à une plus grande échelle, et lorsqu'elle eu retrouvé son état normal. Des tentacules aquatiques partirent de son ventre offert au ciel. Puis elle se trouva ancrée dans la pierre tiédit que son dos touchait par la pression de ces bras liquides. Ils frappèrent les murs, saisirent les stalactites de cette imitation et les jetèrent loin pour en briser d'autres.

Et Ruby s'évanouit.

***


Brume, brouillard, vapeur.
Tout était flou, évanescant comme la buée sur du verre qu'un doigt d'enfant suffit à effacer. Elle avait mal partout, et à la fois nulle part tant l'origine du mal n'était pas définissable. La douleur était là. Il n'y avait pas besoin de bouger ou de la chercher pour la trouver, ici, encore, présente, toujours. Etouffante. C'était pire que le feu, qu'une aiguille. Tout ses nerfs semblaient chauffés à blanc. Etait-ce réellement les dégâts physiques de l'aiguille qui faisait ça ? Non, c'était la magie, la magie viciée d'un elfe noir. D'un elfe qu'il fallait détruire.

Mais elle n'y parviendrait pas. Elle avait trop mal, mal partout, comme après une chasse difficile, mais étendue à tout son corps, en plus puissant, et même à son esprit. Réfléchir lui faisait mal. Avait-il gagné, cet être aux oreilles pointues comme les siennes ?

Il y avait le ciel dehord, et la lune, et les étoiles. Des nuages ? Pas dans son esprit en tout cas. Mais il importe peu aux êtres à pattes le ciel quand la forêt nourricière est là. Il y avait des chasses encore, longues, sur des terrains gibboyeux. Il y avait le sang qui réchauffait le ventre quand la viande le remplissait. Et un loup blanc qui pleurait sa maîtresse. Mais le ciel aussi, plus loin, grand, immense, noyant. Les étoiles, le soleil, les nuages, le vent. Les longues heures de vol perdu dans la simple comtemplation de ce grand bleu. Le mouvement berçant des ailes, le bruit que fait la tempête et la beauté de l'orage. La magie du ciel. Il y avait aussi les ténèbres oppressantes, l'acuité du toucher.

Avait-il tout fait échouer, cet elfe ?

Sa haine la fit se réveiller d'un coup.
Non, ça, jamais. Et Ruby se redressa, acceptant tout ce mal comme on accepte le froid pour ne pas s'en faire un ennemi. Elle hurla, hurla plus fort qu'elle ne l'avait jamais fait de toute sa vie, crut vomir sous le choc. Mais son estomac vide ne rendit rien. Et sa voix se cassa. Chacunes des fibres de son organisme étaient épuisées à outrance, avaient dépassé la barrière du supportable. Mais il lui restait encore de la magie. Pas beaucoup, mais assez pour peut-être tenir.

Ses plaies cicatrisèrent et se fut pire. Peut-être. Elle tomba sur le flanc et une nouvelle crise de spasmes la prit. Son nez se mit à saigner de lui même et elle essaya de nouveau de vomir mais de ses lèvres ne s'échappa qu'un filet de sang.

C'était trop ! Avait-elle encore la volonté de continuer ? Continuer à faire quoi ? Lutter contre des chimères !?! Pygmalion avait voulu faire pareil, construire un idéal. Elle, elle voulait seulement vivre, et le prix en semblait trop important. Jamais rien ne pouvait lui venir facilement ? Qu'avait-elle donc fait à la Louve pour que ses choix se révèlent à chaque fois tous aussi terribles.

La crise se calma et Ruby ferma les yeux. Louve... Louve... appelait-elle dans son esprit. Louve... Puis, petit à petit, alors que totalement immobile sur le sol elle semblait ne plus respirer, sa voix se fit entendre au travers de ses lèvres rougies par le sang qui croutait sur sa peau.


"Louve..." C'était un croassement. L'aqua avait été au bout de ses forces, de ses capacités. Avait usé sa magie. La pièce ici en était la preuve incarnée. "Mère Louve. Je t'implore" Les yeux fermés. Les loups se moquent du ciel. Un hurlement retentit loin dans la forêt. Elle le savait, c'était elle qui le poussait. Elle se redressa, leva sa truffe dans le vent et flaira. Il faisait nuit encore. Et elle se mit à trotiner sur une sente, suivant l'odeur d'une proie. Et le lien se coupa. Ruby revint à la réalité. La réalité où le simple fait de vivre était une douleur, où elle puait la peur et la maladie, le sang et la douleur. La réalité où elle était une actuellement une proie dans l'antre d'un prédateur.

"Je t'impl..." et elle s'endormit, encore, roulée en boule.

***


Elle se réveilla de nouveau.
Combien de temps s'était-il passé ? Une nuit tout au plus. Mais elle avait perdue la notion du temps. Dans des ténèbres éclairées par une lumière dont la source semblait être l'environnement, il n'y avait aucun élément de décompte des heures. Combien de chasse cela faisait-il ? Elle ne le savait pas, trop faible.

Ruby ouvrit ses paupières collées par la fièvre. Jamais son corps n'était chaud. Jamais il n'était tiède aussi. C'était mauvais signe. Et pire que tout, elle se trouvait sale. Etait-ce les restes de la peau d'Iblîs contre la sienne ? Elle ne le savait pas. C'était peut-être tout simplement la crasse. L'ancienne Cristalléenne se dégoûta et, faisant chuinter l'eau de son corps, récupéra une bien instable propreté. Mais toujours son corps sentait la neige et le froid, malgré la chaleur qu'il dégageait.

Sur le dos, un bras sur sa poitrine découverte par la déchirure du tissu, l'autre le long de son corps, elle reposait sur le matelas doux de ses cheveux, le sang de son visage ayant disparut par le sort. Mais il l'avait totalement épuisée et elle se rendormit. Jamais elle ne s'en sortirait. Elle était trop faible, perdue loin sous la terre, dans le territoire ennemi. Elle préféra éteindre sa conscience et s'évanouit plus qu'elle ne tomba dans le sommeil, oubliée et abandonnée de tous.
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyDim 14 Jan 2007 - 21:14

Un hiver... c'est ce qu'il avait cru. Glacial et dangereux comme certaines bises de décembre, qu'il vaut mieux éviter en restant chez soi.

...

Ridicule.

Donner ce nom à un cataclysme pareil était une grossière erreur... un hiver? Laissez-moi rire. Jugement dernier fondant du pôle, omnipotence du Septentrion, dernière et ultime Glaciation... Froid inimaginable et mortel pour tous ceux qui n'étaient pas libres citoyens de son royaume. La toute-puissance de la reine des plaines blanches, libérée en instant, plus terrible et destructrice que jamais, transformait tout son environnement en un enfer gelé.

La porte ne s'était pas refermée à temps. La déchirure circulaire dans la trame de la réalité avait laissé passé Iblîs, mais elle n'eut pas l'occasion de s'effacer. Le tsunami glacé la rattrapa et engloutit tout. Frôlant le zéro absolu, gelant jusqu'aux atomes, cette vague se rua dans la passe contre nature qui reliait deux points de l'espace... Là-bas, au Monts Décharnés, le démon noir atterrit légèrement à terre. Lentement, il se retourna pour refermer son passage. En une fraction de seconde, ses yeux toujours à demi-fermés s'écarquillèrent devant l'impossible déferlante qui le suivait. Ses reflexes surhumains furent la seule chose qui lui permit de lever son bras droit et d'y faire apparaître un Ecu de Ténèbres, juste avant l'impact.

Et nombreux furent ceux qui virent, en cette grise journée de janvier, une colonne de lumière s'élever en rugissant au-dessus des Monts Décharnés...

Silhouette emportée comme un fétu de paille.
Vol plané de plusieurs dizaines de mètres.
Bouclier noir se fissurant avec un grésillement.
Un corps qui s'encastre dans la paroi de rocher.
Bruit de chute.
Silence...

***

Deux yeux qui s'ouvrent lentement. Combien de temps s'est-il écoulé? Secondes ou heures, qui sait? Au milieu des rochers pris dans la glace, une silhouette noire se relève lentement. Après une seconde d'immobilité, elle s'éloigne lentement. Derrière elle, une zone circulaire et blanche rapelle les cercles que l'on trouve sur le sol après l'explosion d'un volcan. Et à l'épicentre de ce cataclysme, est visible une chose étrange.

Sous le choc thermique qui a accompagné la libération des pouvoirs de Ruby - chaleur brûlante et froid explosif - la magie elle-même a gelé. Pour plusieurs heures, la porte dans la réalité s'est littéralement vitrifiée, la trame de la réalité est incapable de cicatriser sa plaie béante. Désormais, même si rien n'indique la localisation de la Caverne Démoniaque, un passage vers ses abysses est temporairement ouvert au coeur des Monts Décharnés...

Qu'en pense Iblîs? Difficile à dire. Il n'est pas retourné voir ce qui a pu arriver à Ruby. Il ne s'est pas remis à travailler à ses sombres tâches, n'est pas retourné assurer l'intendance de la Caverne. Debout à quelques centaines de mètres, sa robe noire flotte dans le vent et sa chevelure d'ébène ondule doucement dans la bise du nord. Pour l'instant, silencieux sous la clarté grise des nuages de neige, il contemple le paysage désolé avec une expression inhabituellement sombre.

Après un long moment, sa silhouette s'enveloppe à nouveau de l'aura noire qui déchire l'espace et l'emporte ailleurs. Mais juste avant que la haute silhouette du Démon Majeur se s'estompe, la manche de sa longue tunique se soulève un instant. Alors un hypothétique observateur aurait pu voir une main... une main qui comme le bras droit entier, est prise dans une gangue de glace.

Nul, pas même un prince du Noirmonde, ne brave impunément le froid de l'éternité.
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyVen 19 Jan 2007 - 23:27

De mes griffes, de mes crocs...

Dans le fond de la Caverne d'Iblis le Sombre, une silhouette dormait en boule, agitée parfois de tics nerveux qui traversait son corps par vague, comme voulait soulever une fourure qu'elle ne possédait pas pour impressionner ses adversaires. Tremblements. La fièvre rongeait son organisme taillé pour le froid. Survivre ? Ici ? Maintenant ? Elle en avait pas la force, n'avait même pas la force de pernser faire quelque chose. Faim, soif, fatigue. Et cette douleur... cette douleur...

Je vivrais, enfant libre de mon peuple...

Cette douleur qui l'emprisonnait, l'empêchait à n'importe quel mouvement, la fatigait à mort, l'usant à l'os. Le moindre mouvement lui faisait mal, et, lorsqu'elle ne contrôlait pas ses spasmes, c'était un calvaire, pire que toute chose imaginable. Il faut vivre la douleur pour la connaître, comme la peur. Une onde brûlante la traversait, touchant ses nerfs, ses tendons, ses muscles, sa peau. Elle se découvrait des parties de son corps qu'elle ne pensait pas exister. Et, toujours, l'Ancienne Cristalléenne était prisonnière de son inconscience, juste assez forte pour sentir la morsure.

La Grande Marcheuse comme alliée...

Allongée sur un sol dur et maintenant recouvert d'écaille de pierre, elle ne sentait même pas le sang que faisait couler les petites coupures de ces éclats de matière. Et puis... et puis la chaleur avait fait fondre sa peau sur la pierre, pour l'y souder et la faire souffrir encore plus. Se guerrir elle-mêem lui avait peut-être épargnées des douleur pour lui en faire naître d'autres. Ici, le vent ne venait pas, la forêt ne se faisait pas entendre ni sentir. La professeur de l'eau était déjà une intru en ces lieux, fallait-il en plus qu'il se montre hostile à sa présence ? Son maître ne lui avait-il pas accordé sa permission de circuler en la laissant ici ?

Je foulerais les terres millénaires de ce monde...

Allait-elle donc rester ici ? Oui... elle ne pouvait rien faire d'autre. Commander à sa volonter de la porter dehord pour boire quelque chose ? Sa fièvre la rendait totalement molle et lente. La moindre attaque de démons lui serait fatale. Et puis, sa volonté avait été brûlée comme énergie à sa douleur. Il ne fallait pas lui en demander trop non plus, quand même. Elle était une faible chose, une petite créature roulée en boule sur le sol, ramassée autour de sa pitoyable existence... Merci Fërima d'avoir infusé à son esprit autant de peur...

Ruby, enfant paria, exilée, parjure de sa race et de son culte, se releva d'un mouvement, serrant les dents à s'en faire saigner la machoire. Mais elle était maintenant sur ses deux jambes, ses yeux secs de larmes qui n'auraient servit à rien aux vues de la profondeur du gouffre de la souffrance. Et il n'y avait rien ici, pas d'eau, pas de viande. Elle n'avait pas d'autre choix.

Lentement, retenant sa respiration pour étouffer la douleur, elle approcha son bras de sa bouche. Crocs. Elle mordit sa chair, laissa couler son sang dans sa paume et le but, ne sentant pas la chaleur de sa propre morsure, ne sentant pas pas plus le gout salé de son gout.
L'acidité de son ventre se tu un peu vant de revenir encore plus forte. Et, d'elle-même, la morsure cicatrisa, la régénération poussée par l'instinct de survit.

Il y avait toujours une chose à faire. Laisser l'instinct opérer ! Ruby ferma les yeux et inspira, tremblant sur ses jambes, son corps toujours agité de tics. Et elle absorba l'humidité de l'air, l'humidité qu'elle avait provoqué, reprenant un peu d'eau dans son corps, rendant l'atmosphère sèche mais son corps plus apte à attendre...

Mais à attendre quoi ? Le retour du Sombre ? Reviendrait-il seulement ? Peut-être pensait-il la force de la Cristalléenne telle qu'elle pouvait survivre sans aide, en ce moment, après cette épreuve... Elle n'était pas si puissante que cela. Ni aussi résistante. Mais, maintenant, elle pouvait attendre, se forcer au sommeil.
La matière qui constituait la caverne changea de forme, redevenant lisse, rebouchant les failles, créant deplus une acôlve douillette pour la petite créature qui s'y laissa tomber, de nouveau offerte à l'inconscience.
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMar 6 Mar 2007 - 17:19

Le même endroit.
Beaucoup plus tard.


Souviens-toi, mon vieil ami. tout à l'heure, nous avons quitté ces lieux dans le fracas et le tonerre, en surfant sur un maëlstorm glacé. Et si nous retournions voir ce qui demeure en bas du gouffre sombre? Suis-moi, doucement, et allons...

...


Le Sanctuaire est retombé dans l'ombre. Le passage laissé par Iblîs se centente de jeter une trouble clarté violette, qui l'éclaire que quelques mètres autour de lui. Dans la pénombre qui enveloppe tout, on ne distingue que cratères et fissures laissées par le choc thermique. Le domaine souterrain ressemble à un champ de bataille après un bombardement, où ce qu'il reste d'une arène après un combat entre deux Aquas déchaînés. A l'extérieur, seul le froid est parvenu, changeant les Monts Décharnés en désert polaire, sur plusieurs mètres à la ronde. Mais ici, le chaud, le froid, la pression, se sont données la main pour danser leur sarabande, haute et bleue, la danse qui déchire, qui brise et qui détruit. Elle a dévasté la salle, et les cicatrices qu'il laissent sont partout. Si la porte éclairait davantage ce lieu noir, on ne verrait que le sol labouré, à perte de vue.

Après le hurlement de la tempête, c'est un silence écrasant qui règne dans l'immense salle. Pas celui d'une catédrale, sonore et paisible, où une sorte d'infime bourdonnement semble habiter chaque écho. C'est une absence totale, où un bruit ne trouverait pas de mur où résonner, se perdrait loin dans l'obscurité, dévoré par l'infini.

Silence? En fait, il existe quand même un bruit. Faible, infiniment fragile, mais régulier. Une respiration d'enfant qui dort. D'où vient-il? Tourne-toi, visiteur, et regarde... là-bas, là où le sol est le plus labouré, là où la pierre a fondu et gelé à la fois... le vois-tu, l'épicentre de la nébuleuse, de l'étoile laiteuse qui a hurlé, comme hurle la mère au moment d'enfanter? Et au point précis où tout commence, ne reconnais-tu pas la forme de ce cratère ovale? C'est celle d'un oeuf, ami, c'est l'oeuf que l'étoile glacée a laissé en mourant, comme un souvenir, comme un testament, comme une promesse...


L'Oeuf de l'Ange.


Viens. Ne crains rien, la tourmente s'est apaisée. Viens, approche-toi, contemple... là, l'ange nouveau-né repose. Petite forme fragile, lovée dans ses cheveux blancs qui lui font un manteau. Vois, sa peau est pâle, et fin est le bras replié sur la poitrine, abandonné. Peut-être un dieu a-t-il passé par là, invisible, et a-t-il pris pitié de celle qui souffrait. Peut-être, s'est-il agenouillé et l'a-t-il effleurée, fermant doucement les paupières pour lui permettre - enfin - de se reposer. Car pour la première fois deuis bien longtemps, sur son visage d'enfant trop vite vieilli, on lit quelque chose qui ressemble à de la paix. Oh, bien sûr, la douleur y a laissé sa marque, et sans doute l'instant de grâce ne durera que jusqu'à ce qu'elle s'éveille. Oui, elle est déesse blanche, louve qui vient d'échapper à la mort, folle et sauvage, chasseresse se reposant avant d'aller tuer ... mais dans le silence et le noir, juste pour un instant, elle est fragile enfant qui dort.

Mais à présent viens, visiteur. Il nous faut nous en aller. Le temps n'est pas encore venu pour cette enfant. Il lui reste encore à traverser combat, épreuves, à être encore malmenée par la vie. Nous ne pouvons rien y faire, juste regarder. Nous ne sommes pas de ce monde, après tout. N'entends-tu pas? Ses habitants arrivent, ils vont venir à leur tour la contempler, et la pièce va reprendre. Baisse-toi, effleure doucement la joue de porcelaine, comme un encouragement, puis nous nous éclipserons sur la pointe des pieds...


...


Lumière!

Ce n'est qu'un léger flamboiement mauve, mais dans la noiceur de ces lieux, elle fait figure de phare éblouissant. La porte à demi-gelée s'est soudain mise à onduler en son centre. Réactivée de l'extérieur, elle remplit tant bien que mal sa mission. Dans ses profondeurs violettes, deux silhouettes apparaissent peu à peu. L'une vêtue de noir, un bras figé dans le cristal, l'autre lascive et agile.
Les voilà! Chassés pour un moment, les Démons sont de retour dans leur forteresse.

Silencieusement, Iblîs sauta sur le sol ravagé, puis s'écarta pour laisser sortir Alouqua. Avant d'ouvrir la bouche, il commença par observer les alentours quelques instants. A quoi bon se presser? A supposer qu'elle soit là, comme ils le supposaient, Ruby n'allait pas s'envoler.


"C'est encore pire qu'à l'extérieur" finit enfin par commenter le Conseiller. "J'ai l'impression qu'un cyclone est passé par là..."
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MessageIncarnat [Privé] EmptyVen 16 Mar 2007 - 21:48

**Ô esprits des Ténébres, vous seuls pouvez percer votre propre corps informe, il nous enfonce en vos entrailles et ceux qui disent que seule la lumière pourra nous libèrer sont des fous et n'ont jamais touché aux Ténébres, car ils sont éternels et forts.**

Voilà la première prière démoniaque, l'une des plus importantes, celle que l'on psalmodie avant la combat, celle qui nous rappelle à nous, démon, que nous sommes les plus forts ! Cette prière rappelle à tous et à toutes que les Ténébres sont invincibles, et que même si les démons sont vaincus aujourd'hui, la flamme de noirceur éternel ne s'éteindra jamais. Et dans la pièce où venait de pénetrer les deux individus, les Ténébres étaient omniprésents. Cette endroit n'était autre que le Sanctuaire d'Iblîs Nemrodus, Conseiller de la Caverne, Marcheur d'Ombre, dont la residence était plus sombre que tout les Ténébres de la caverne reunie, et dont la noirceur de l'âme n'avait pas d'égale. Après une deuxième ondulation violette du portail, la seconde silhouette se matérialisa dans la salle, et Alouqua sauta sur les pierres brisées qui formaient le sol en ces lieux.

On ne voyait pas bien loin devant soi, tant l'obscurité ici-bas était forte. Impossible de dicerner l'espace autour de soi, les murs était sûrement quelque part, à droite, à gauche, et devant, et derrière, à supposer que la salle soit carré ou rectangulaire, elle pouvait tout aussi bien être circulaire. Peut-être que là, devant il y avait une table de pierre, des chaises, et là sur les murs, il devait y avoir des chandeliers, et là, n'était-ce pas le maître en ces lieux, Iblîs ? Cà et là, des debris de roche étaient répandus sur ce qui formait autrefois le sol, les murs, celon le modèle du sol, devaient être plein de fissures, de trous, et de crevasses fraîches. Le spéctacle qui s'offrirait aux yeux des démons si la pièce était éclairé serait sûrement un pyasage de désolation. Voilà donc, le visage de la souffrance de Ruby d'Elament ? Dans ce cas, où était la Professeur d'Eau ?

Alouqua, grâce à la faible lumière progetée par le portail, tenter de dicerner les formes autour d'elle. Etait-ce un mur, là-haut ? Oui, sûrement, et là, ça devait être une table, avant que la tempête ne ravage cet endroit. Après que le Conseiller démoniaque eut lui aussi, observé les alentours, il emit un commentaire, qui comme à son habitude était apodictique, et percutant, bien que simple. Un cyclone... Pouvait-on vraiment definir ce... Carnage comme l'oeuvre d'un "simple" cyclone ? Car, depuis que ses yeux s'étaient habitués à l'obscurité règnante, la succube voyait mieux ce qui l'entourait, elle aurait préféré qu'il en sot autrement. La salle, où ce qu'elle en voyait, était devastée, ravagée, saccagée.


"Un cyclone n'aurait sûrement pas causé autant de degât..."
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyLun 2 Avr 2007 - 20:35

La douleur est purgatrice, disent d'anciens écrits.
Douleur, douleur, douleur, mordant aussi vivement que des crocs la chair, que le froid, que l'acier. L'acier est un rayon de lune, pense certain des Félistias. La lune est-elle donc un croc ? Est-ce pour cela que les loups rêvent d'elle, l'aime et la loue, lui voue leurs chants graves et mélodieux ? Car, les yeux fermés, au-delà du voile rouge de la douleur qui occultait parfois le regard de l'Ancienne Cristalléenne, incrustée dans ses paupières se trouvait l'image rassurante de la Grande Marcheuse. Elle était comme l’œil de sa divinité qui l'observait et la protégeait...

La pupille d'une prunelle obsédante, toujours présente, influente, qui devenait floue, peu à peu, s'étalait comme beurrée par les doigts d’un enfant malhabile. Floue, et qui par vague venait caresser sa tête noyée dans les folies de la fièvre. Puis elle marchait sur cet étalage de lune, doux entre ses orteils, comme une lande enneigée. Elle se mettait à courir, vite, plus vite que le plus rapide des blizzards. C’était lord d’un blizzard qu’elle était née, il y a longtemps. Et les loups courraient de part et d’autre de son corps, comme une meute. Ils se transformaient peu à peu, devenaient bipèdes, abandonnant leur pureté sauvage pour s’entourer du fumet acre de l’odeur des hommes. Du pelage de neige ne resta qu’une longue chevelure blanche sur deux des loups, des yeux bleus aussi. Une étoile sur un front, et le pâle voile de la cécité dans un autre regard. Encore des cheveux blancs, mais un pelage d’une grande noirceur, aussi sombre que l’encre.

Il sauta sur les deux autres, leur mordit la gorge, teignant ses crocs de sang, le faisant gicler tout autour, tâchant la neige pure d’un ichor bouillonnant. Puis il bondit sur elle, l’atteignit au ventre et lui ouvrit les chairs. Malgré la douleur, aucun son ne sortit. Il s’assit à côté d’elle, balayant la neige de sa queue, la langue pendante, en haletant. Il lécha sa joue et s’arrêta à son oreille :

« Memento mori »* susurra une voix rocailleuse.

Souviens-toi que tu es mortelle… Et elle s’éveilla de nouveau à la réalité.

Engluée dans les fièvres et les sueurs de son sommeil, Ruby sentit sa tête lourde et fragile à son réveil. Cela ne l’empêcha pas de se lever d’un bond, sentant près d’elle une présence qu’elle ne connaissait pas avant de tomber sur les genoux, se meurtrissant durement les articulations, à cause de la vague de douleur qui re déferlait sur elle. Elle se cambra en avant, faisant toucher au sol son front, avant de tendre une main menaçante vers les personnes présentes.
Les ? Oui, il y avait deux odeurs. Son estomac affamé rendait ses sens olfactifs plus sensibles.
Malgré l’apparence agressivité dont voulait faire preuve l’ancienne Cristalléenne, il ne sortit de sa main d’un petit jet d’eau avant qu’elle ne s’effondre sur le côté, de nouveau dans une position fœtale.

La fièvre était toujours là, toujours, tandis que sa langue léchait ses lèvres à la recherche d’humidité. Si Ruby prenait la chaleur de l’air et l’eau pour s’en faire de l’énergie, c’était parce qu’elle n’avait rien d’autre, et que si elle devait donner à l’atmosphère autour d’elle une aridité de désert mais le froid des glaciers, elle ne le faisait pas consciemment, mais par pur réflexe de survie.

Soudain, elle se rappela où elle était, chez Iblîs, dans l’antre de l’ennemi, sous sa protection. Sélène était elle dehors ? Oui, il l’avait promit, non ? Tout comme il avait promit de l’aider, ce qu’il avait également fait. Tout ne tenait plus à elle maintenant, à sa résistance et à son endurance, à sa capacité à serrer les dents lorsqu’une vague de douleur viendrait, fulgu…

Elle crispa la mâchoire, et l’air autour d’elle ne se fit que plus glacière, plus irrespirable pour des poumons humain. Une inspiration est c’était l’embolie. Elle se mordit la lange, cracha deux gouttes de sang qui se transformèrent en paillettes glacées et rouge, se roula un peu plus en boule, entourant son mal de sa personne. Son crâne lui sembla exploser tandis que chacun de ses nerfs étaient en feu, parcourut par des frémissements assassin. De rage et de désespoir, elle donna un coup de poing sans la pierre. Elle s’ouvrit la peau, de détendit car la vague passait, et ne redevint plus qu’une toute petite chose dans une grande pièce.

« Noli… Noli me tangere »**
chuchota-t-elle à l’adresse des personnes présentes, puis elle ferma les yeux et se laissa de nouveau aller au sommeil, son corps tiédit par les fièvres.



* Souviens-toi que tu es mortel(le).
** Ne me touchez pas.
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyVen 6 Avr 2007 - 12:45


Le Conseiller ne répondit pas à la remarque d'Alouqua. Il avait déjà terminé son état des lieux, et une seule chose l'intéressait à présent. Car le Sanctuaire des Ombres n'était pas une salle comme une autre. Elle modelait sa forme selon l'imagination du maître des lieux, qui se contentait la plupart du temps de lui faire prendre la forme - plutôt simpliste - d'une étendue apparemment infinie, sans murs ni plafond. Le démon noir n'avait pas de goût pour les décorations chères aux succubes, et dire que sa retraite était plutôt spartiate serait un doux euphémisme. Mais quoi qu'il en soit, cet endroit était une matérialisation des Ténèbres, et en tant que telle, elle était facilement réparable. C'était cette propriété qui lui avait permis de se reformer après l'explosion qui avait conclu le combat contre Roland Zaël, quelques semaines plus tôt.

Cependant, il y avait encore quelque chose en ces lieux - non - il y avait encore quelqu'un. Un corps étranger au sein de cet univers d'Ombre.


"Elle est ici, quelque part" murmura Iblîs.

Comme en réponse à la phrase, il se fit un mouvement à quelques mètres de là. En quelques pas, il fut à portée de vue. Que vois-je, dit le Sombre? Silhouette d'ivoire dans la pénombre. Respiration haletante, épuisée. Lueur vacillante au coin de l'ombre. La lueur de la magie blanche, l'essence des Quatre Eclats qui composaient le miroir universel. Parmi ces quatre éclats, ce reflet blanc et bleu a l'éclat liquide des perles qui centuraient le front du dieu Aqua, des millliers d'années plus tôt. Comment pourrais-je m'y tromper? Je porte la main à ma gorge. Là, sous les vêtements, une cicatrice est gravée sur ma gorge. La seule sur mon corps tissé de Ténèbres. Même l'acier tranchant ne pourrait y laisser de trace, aussitôt résorbée. Mais celle-ci, infligée par magie pure, faillit signifier ma fin. Pour l'éternité, elle réapparaîtra chaque fois que je prendrai un corps. Tant que durera cette vie maudite, ma chair portera la marque de la lame d'Aqua. Pensez-vous, mortels, que je pourrais l'oublier?

Mais... est-ce tout? Tout ce que peut faire en cette heure la Maîtresse des Eaux et de la Glace? Elle fut, entre tous les elémentalistes que j'ai rencontré en six mille ans, la seule chez qui j'ai cru revoir cette magie et ces traits que j'avais connu autrefois. Tout comme moi, pour elle la magie était plus qu'un outil, plus qu'une arme ou un pouvoir. Elle ne maniait pas l'Eau. Elle était l'Eau, tout comme je suis la Ténèbre. C'était ce qui faisait cette différence fondamentale entre les professeurs et les autres elémentalistes. Elle ne l'était pas au même point qu'Aqua, car il y avait aussi en elle cette autre nature, cette odeur de fauve et de sang. Mais le grand océan lui avait obéi, les glaces du septentrion courbaient devant elle et même l'impalpable vapeur se soumettait à son empire ... Et à présent, seul un filet d'eau jaillissait de sa paume, faible relique des déluges de jadis, ultime note d'une mélodie qui s'est arrêtée.

Impossible de me décider. Source tarie, pouvoir aquatique noyé dans la souffrance. Cette faiblesse, cette vie qu'il serait si facile de couper... Ruby de l'Eau impuissante, est-ce quelque chose dont je dois sourire? Je pense que si cette situation avait pris place quelque part dans la passé, dans mon passé, alors j'aurais éclaté de rire et clamé ma victoire à la surface du monde. L'ivresse de ma victoire aurait rempli mes veines de feu. Mais à présent, au fond de moi, il n'y a que ce grand abîme, ce vide que rien ne peut combler. Mon coeur ne ressent ni colère, ni triomphe. Même si le pacte tacite conclu avec cette femme n'existait pas, je ne saurais pas quoi faire. Au fond, plus grand-chose ne compte, plus grand-chose n'est réel pour moi en ce moment. Juste ce goût amer qui me monte aux lèvres.

Encore et encore.
Bis repetita.

Ainsi pense le Sombre, tandis que Ruby s'effondre à nouveau. Alors, quand la lumière enchantée a disparu à nouveau, les yeux noirs se durcissent, reprenant leur tons d'obsidienne. Le doute n'y a passé qu'un instant.


"On dirait bien que l'oeil du cyclone n'était pas à l'abri" annonçe-t-il simplement.

Quelques pas encore, et il parvint au cratère où se recroquevillait la femme-enfant. De la main, il fit signe à Alouqua de s'arrêter, car le froid devenait dangereux même pour les démons. L'organisme d'Iblîs ne respirait pas, et ce fut la seule raison pour laquelle il put entrer dans le cratère. Là, il s'arrêta, dominant celle qui reposait. Il ne fit pas un geste pour la toucher, se contentant de la regarder.

"Alouqua, dans les Monts Décharnés à l'extérieur de la porte, sais-tu ou trouver de l'eau? Celle que boivent les elémentalistes, pas la nôtre?"
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MessageIncarnat [Privé] EmptyJeu 12 Avr 2007 - 20:08

Un bruissement,
un deplacement d'air,
un chuchotement,
un bruit étouffé,
... Puis plus rien.

Une suite d'évènements logiques sans interré immédiat, mais en réalité, ils révélaient bien des choses. Déjà, le fait que Ruby d'Elament soit vivante, et qu'elle soit ici. Elle était là. Malgré que la pièce reflète les ténébres profonds, sans fin ni debut, on resentait sa présence, la présence d'un être aquatique, et glacial. Parce que dire que l'air était froid aurait été un doux euphémisme, que dire que la chaleur baissait aurait été une litote ? Peut-être aussi parce que sa respiration irrégulière et presque inaudible emplissait la salle d'un rythme etrange et envoûtant ? Dans tout les cas, l'Eau residait ici. La Glace habitait ces lieux. La Brume enveloppait cette pièce. Et le temps, bourreau du jugement dernier auquel tous passe, semblait se figer... Dans la glace. Tout ces phénomène étaient-ils l'oeuvre d'une seule et même personne ? Un professeur d'Elament aurait ces pouvoirs ? Qui sait... Et de toute manière, lors de la bataille, les pouvoirs de tous seront révélés.

Le Marcheur d'Ombre s'était rapproché de la fille... Une fille ? Ou bien une femme ? Son air semblait enfantin, sa taille petite, son corps mince, tout montrait une belle jeune fille... Non, pas tout. Son expression semblait empreinte de lassitude, de rigueur, de douleur. Elle était déjà en âge de regarder son passé avec un semblant de regret.
Donc, Iblîs s'approchait de l'oeil du cyclone, de la tempête, commentant d'une phrase ce qu'il voyait. Alouqua avançait à ses côtés jusqu'à ce qu'il lui fasse signe de s'arrêter... L'air inspiré pourrait provoquer la mort... A compter que l'on était vivant. Ce qui n'était pas le cas d'une vampire. Iblîs l'avait-il oublié ? Un être de la nuit n'a guère besoin d'air, cela lui ait égal. Mais le moment n'était pas aux discusion, et Alouqua passa cette innatention de la part du démon.

Question innatendue. De l'eau ? De l'eau de la surface ? Dans les monts Décharnés ? Pendant un instant, la succube pensa repondre avec véhémence, mais un coup à Iblîs la persuada que ce n'était pas pour la rabaisser, mais que c'était une tache importante. Cependant, elle n'allait pas laisser passer l'occasion de repondre avec impétuosité à son superieur, et donc, légérement ironique, elle dit :


"C'est bien possible... Mais nôtre eau ne conviendrait-elle pas à notre hôte ? Elle qui possède le pouvoir de l'eau, ne serait-elle capable d'en extraire son poison, à moins que son pouvoir ait... disparu ?"

Un sourire amusé se dessina sur son visage pâle. Qu'il pouvait être "drôle" de jouer avec les sentiments d'une personne qui n'en avait pas...
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Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyJeu 19 Avr 2007 - 21:15

Dans tous les cas, la plaisanterie ne l'était pas. Du moins, visiblement pas au goût d'Iblîs. A la phrase de la succube, il se retourna à demi, les traits totalement inexpressifs.

"Je suppose que ceci était de l'humour. Alouqua, tu es parfois aussi désagréable que l'était ta mère."

Une sorte d'impatience passa au coin des lèvres livides. Au risque de se répéter : telle mère, telle fille... Les trois généraux qu'il commandait jadis avaient la réputation d'être parmi les plus insupportables de tous les démons. Il fallait d'ailleurs avouer qu'ils la méritaient tout à fait. Le mot "intimidé" ne faisait pas partie de leur vocabulaire. En dehors de leur élément naturel, c'est-à-dire le champ de bataille, ce trio infernal décourageait toute tentative de direction. Avant de devenir Généraux sous les ordres d'Iblîs, ils avaient épuisé nombre de chefs.

Baal était loin d'être stupide, mais il était malheureux qu'il employât ses capacités cognitives à faire ce qu'il voulait, quand il voulait. Rien ne pouvait l'empêcher de foncer dans la bagarre quand il l'avait décidé, pas même un ordre direct de ses supérieurs. Généralement, sa seule réponse était un beuglement dont la traduction devait se situer à mi-chemin entre l'insulte et le cri de guerre. Les approches silencieuses qu'il avait ruiné se comptaient par dizaines, et le pire était qu'il s'en sortait invariablement sans la moindre égratinure (ce qui était rarement le cas de ses troupes). Quand à Seth, il avait une méthode simple : tout faire à l'envers. Il obéissait aux ordres avec bonne volonté, puis décidait de modifier les objectifs et le déroulement quand l'envie l'en prenait, c'est-à-dire le plus souvent en plein milieu de la mission. Perpétuellement absent, surtout quand on avait besoin de lui, il surgissait de nulle part précisément au moment où sa présence était la plus gênante. Toutes les fois où on l'enfermait pour éviter qu'il parte en solitaire, il se téléportait hors des murs. Il ne pipait pas un mot, sauf quand c'était le moment de se taire, et là, devenait intarissable.

Mais Lilith était la pire des trois. Succube jusqu'au bout des seins - sans mauvais jeu de mots - son don pour l'indiscipline touchait au génie. Donnez un ordre : vous êtes certain de vous attirer un déluge de critiques et de suggestions. Ordonnez l'arrêt de la troupe : les succubes seront immanquablement en pleine forme et continueront encore pendant six heures de marche, derrière leur chef. Réprimandez-la : il lui arrivait souvent de s'endormir avant la fin (quand elle ne piquait pas une crise de rage et ne vous insultait pas de tous les noms). Détachez les incubes pour couvrir un flanc de l'armée en difficulté : pas question, mademoiselle vient de se laquer les griffes, et il est hors de question qu'elle les salisse. L'avant-dernier Général qui l'eut sous ses ordres finit par lui interdire l'accès aux quartiers généraux. Quand au dernier, il ne dura pas un mois : Lilith le rendit si furieux qu'il faillit la tuer. "Faillit" seulement. Car ayant achevé sa formation entretemps, celle-ci l'égorgea très proprement, récupérant son sang et son poste.

Iblîs s'assit par terre à côté de Ruby, et haussa les épaules.


"Enfin. Telle que je te connais, tu vas encore prendre ça pour un compliment." fit-il avec fatalisme. "A présent, va!"

Cette fois, l'ordre était clair. C'était celui d'un homme qui avait l'habitude d'être obéi, même par un poison du style de Lilith. En fait, quand les trois Généraux parvinrent à ce grade, on estima que si on les plaçait dans les huits armées démoniaques habituelles, ils feraient plus de mal que de bien. Aussitôt dit, aussitôt fait : ils furent immédiatement transférés dans l'armée où personne ne souhaitait se trouver : la huitième armée, celle des ombres. En d'autres termes, sous le commandement du Faucheur Rouge.

A la première bataille où il eut besoin de leur donner des ordres, celui-ci mit exactement trente secondes à comprendre quel comportement employer face au trio. Sans sourciller, il passa son épée à travers le corps de Baal, qui courait déjà sus à l'ennemi en barissant. A Seth qui lui demandait suavement comment il comptait emprisonner un téléporteur, il répondit seulement en l'enfermant dans un sortilège de Ténèbres et en le laissant se débrouiller. Quand à Lilith qui était venue se frotter lascivement contre lui, elle se retrouva dépouillée du peu de vêtements qu'elle avait et enchaînée devant la porte de la forteresse.

Trois jours plus tard, tous trois étaient de retour : le premier sortait tout juste du coma et se remettait rapidement, le second venait de trouver comment se sortir de la poche d'Ombre qui l'emprisonnait, et la troisième avait décapité tous ceux qui avaient tenté de l'approcher avant de réussir à briser ses chaînes. Néanmoins, à partir de ce jour, ses ordres furent globalement exécutés sans discussion. Mais jamais Seth ne se départit de sa nonchalante indifférence, jamais Baal ne perdit sa mauvaise habitude de frapper tout ce qui passait à sa portée. Et surtout, à aucune occasion la succube ne se priva de se venger verbalement, jouant avec jubilation avec le peu d'humanité que possédait Iblîs. Pourtant, malgré leurs disputes incessantes, ils ne se haïssaient pas vraiment - enfin, disons, comparé aux démons en général. Après la chute et la disparition du chef de l'armée des Ombres, jamais Lilith ne retrouva totalement son entrain, au cours des siècles qui lui restaient à vivre.

Mais à présent, inchangé à travers le temps passé, sur des lèvres un peu plus claires, sur un visage un peu moins dur, le sourire de la succube était toujours le même. Peut-être, entre les mots piquants qui volent, c'est la Sorcière et le Faucheur qui semblent renâitre, le temps d'un clin d'oeil. Et tandis qu'il pense à tout cela, couché les mains croisées sous la nuque, les traits du démon déchu sont moins durs qu'à l'ordinaire. Oui, presque comme s'il y passait un peu de paix...
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MessageIncarnat [Privé] EmptyVen 27 Avr 2007 - 21:58

"Si tel est ton desir, alors ce compliment me vas droit au coeur, même si je n'en possède pas une once"

Combien de fois Lilith avait-elle narré les milles et une façons de titiller l'être le plus renfermé du monde démoniaque ? Oh, juste une centaine de fois. L'une de ces histoires avait surtout marqué la jeun succube qu'elle était : le jour où Lilith s'était amusée à douter des talents combattifs du Faucheur...
**Une grande bataille venait de prendre fin, malheureusement, l'armée démoniaque n'en ressortie point victorieuse, les troupes d'anges et d'Aasimars, dirigés par deux dieux élèmentaux ont su prendre le dessus sur l'Armée des Ombres, et l'Armée du Crépuscule, une des huits autres armées démoniaques, surtout constituée de sorcier. Les deux puissances s'étaient donc retirées de la bataille, le moral bas, et chacun retournait dans son antre. Le Faucheur Rouge et ses trois généraux, récemment nommés, prenaient la direction de leur bastion, quand Lilith, s'arrêtant, remarqua que des quatres démons, seul Iblîs n'avait subi la moindre blessure, ignorant l'ambiance peu encline à la plaisanterie, la succube s'était exclamée :

"Faucheur ! Dis moi pourqquoi tu ne souffres d'aucune blessure ? Alors que toute ton armée est estropiée de sa combativité ?"

Il n'avait pas repondu, préférant sûrement éviter une dispute alors qu'ils étaient tous fatigués, mais Lilith ne s'arrêta point ici, et moqueuse, elle continua :

"Je crois savoir pourquoi, tu n'es qu'un lâche Faucheur ! Je l'affirme, pendant les combat tu te câche certainement derrière quelque sortilège de protection ou de dissimulation, alors que nous combattons ! Tu es un couard, et le mot est bien faible, car tu nous laisses nous battre pour toi... Je comprend à présent pourquoi personne ne voulait entrer dans cette Armée des Ombres et..."

Elle ne put terminer sa phrase, car le Faucheur, s'étant arrêté, puis retourné, regardait la succube droit dans les yeux, celle-ci essayant de soutenir son regard implacable. Lilith recula de quelques pas, tandis que le Faucheur s'était approché d'elle, et, enveloppant le cou de la succube de sa main puissante, il dit, rageur :

"Et toi ? Combien e fois t'es-je donc observée te faufiler entre les cadavres de tes propres soldats pour echapper à un coup d'épée ? Si je suis un lâche, alors tu ne vaux pas mieux que moi, et saches bien, maudite succube, que les pleutres ne sont pas les bienvenues dans l'Armée des Ombres, en tout cas, pas tant que j'en serais le Commandant... Est-ce bien clair ?"

La succube ne put s'empêcher de repondre avec insolence, mais une insolence modérée cette fois-ci.

"Je ne me faufile pas, je me place simplement en retrait pour refaire mes forces... Oh, et puis tu n'es pas amusant, je préfère mes incubes ! ... Mais franchement, tu ne voudrais pas m'expliquer pourquoi tu n'as aucune blessure ?"

Et il en fut ainsi tout le long du trajet, Lilith ne cessant de poser la même question à son Commandant, qui avait décidé de l'ignorer superbement, car il avait sans doute compris que c'était le but recherché : le faire réagir. Alors il continua à ne pas s'occuper de la succube, qui s'ostinait. Finalement, elle s'arrêta là, pour ce jour, mais elle recommença son manège dès le lendemain, trouvant un nouveau sujet, et cela chaque jour jusqu'à ce que...! Enfin, la suite est bien connue.**
Mais il y avait toujours un moment où il fallait obeir aux ordres de ses superieurs, alors Alouqua obtempéra. La vampire, se detourna d'Iblîs et de Ruby, pour se retrouver face au portail, qui n'avait guère changé. Sans que d'autre paroles ne fussent échangées, la succube sauta dans le noir profond de la porte de ténébre. Alouqua se retrouva donc à nouveau dans les Monts Decharnés, d'après ses souvenirs, il devait y avoir un ruisseau non loin, vers l'Est, et c'est donc dans cette direction qu'elle marcha.

***


Elle avait son eau, dans une petite gourde qu'elle avait sur elle, c'était toujours utile d'avoir un recipient à portée de main ! La gourde était en fer, rigide, légèrement rouillée, de forme parallélépipédique, et fermé par un bouchon de bois. Elle refaisait le chemin inverse désormais, apercevant déjà l'oeuf noir.
Arrivée devant la porte, elle n'hésita pas et sauta encore à l'intérieur, il s'était bien écoulé quinze minutes avant qu'elle ne revienne, la gourde à la main, attérissant agilement sur la pierre qui formait le sol. Elle troubla le calme de la pièce en s'approchant lentement d'Iblîs et de Ruby, et en déclarant, tout en lui tendant la gourde :


"J'ai l'eau, puisque tu la désirait tant, mais je me demande toujours pourquoi tu désires tellement t'occuper d'elle, cette professeur d'Elament, un ennemi... Enfin, tu dois avoir tes raisons, que tu ne me révéleras certainement pas."
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Iblîs Nemrodus
Iblîs Nemrodus
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MessageIncarnat [Privé] EmptyJeu 3 Mai 2007 - 17:53

Les yeux sombres d'Iblîs se rouvrirent quand il sentit le passage se réactiver, à l'arrivée Alouqua. Celle-ci revenait des Monts Décharnés, portant une gourde. Sans doute, avait-elle trouvé une source ou une rivière. Lui-même les connaissait très mal, car il s'aventurait rarement dans ces pics dénudés. Quand il n'était pas à la Caverne, il préférait de loin les profondeurs de la Forêt Darke, ou les routes secrète au coeur de la Roche, aux grottes de Sûrion.

Il tendit la main et se saisit du récipient. Le débouchant, il la porta à ses narines, prenant garde de ne pas effleurer la surface du liquide. Il sembla un instant humer l'odeur infime qui s'en échappait, comme font les grands serpents quand ils goûtent l'air avec leur langue. Cette eau était pure, très pure même. Pas de poison, de l'eau libre qui courait à la surface du monde, celle qui jaillit des sources au milieu des rocs désolés des Monts. Avec un tintement, la gourde fut déposée à côté de la jeune femme.

Les Aquas pouvaient couvertir leurs réserves de magie en eau, mais l'inverse était également vrai. De l'eau, ils pouvaient extraire des forces. Et plus l'eau était pure, plus il était possible d'en tirer de la vigueur. Cela suffirait sans doute au Professeur, mais pour tirer la Louve de son sommeil, il fallait autre chose ... elle ne se réveillerait pas de son demi-coma juste avec de l'eau. Il faudrait l'odeur de la vie fraîchement prise, le sang qui vient d'être versé.

Iblîs se levait déjà, quand la phrase de la succube vint l'arrêter net. Un instant, ses traits restèrent inexpressifs. Puis un demi-sourire vint y planer. La question avait le mérite d'être franche. Il se retourna à demi, jeta un coup d'oeil à Alouqua avant de considérer celle qui dormait. Dans son profond sommeil, Ruby avait le visage détendu et confiant d'un enfant.


"Ca ... qui sait?" murmura Iblîs en se détournant. "Réfléchis-y pendant mon absence. Si tu n'as pas trouvé d'ici là, je pense que tu comprendras à son réveil. N'oublie pas : ne te fie jamais à l'apparence d'un être..."

En quelques pas, le démon fut devant le portail, qu'il traversa sans rien ajouter. Pour lui, l'univers vira au violet quelques secondes, tandis qu'il traversait la distance qui séparait le Sanctuaire des Ombres de sa destination. Les Portails étaient des outils bien utiles ... Heh. Cela avait un certain piment de penser que c'était sans doute l'un des très rares domaines où les facultés des démons dépassaient celles des elémentalistes. Déchirer l'espace, fouler au pieds la notion de distance, violer les lois de la réalité, autant de choses que la magie élémentale n'était pas destinée à faire. En revanche, les pouvoirs démoniaques y excellaient.

***

Un quart d'heure plus tard.

Le disque luminescent flamboya soudain, annonçant l'arrivée de quelque chose. Effectivement, quelques secondes plus tard, une forme floue en jaillit, traversa l'air et vint rouler sur le sol, jusque non loin des deux femmes. Il s'agissait d'un animal de taille moyenne, une sorte de grand lièvre. Il n'avait pas été tué par contact, de magie ou de lame. Non : une branche vaguement pointue, même pas taillée, l'avait transpercé de part en part à la manière d'un javelot lancé avec force.


"Pourrais-tu déposer cela près d'elle?" demanda Iblîs à Alouqua. "Je doute que quelque chose que je touche de mes mains soit encore comestible pour un habitant de la Surface."

Sélène en savait quelque chose. Même sans aucune intention d'empoisonner l'aliment, toute substance effleurée par Iblîs sans protection, avait tendance à se colorer en noir, contaminée par la gangrène de l'obscurité. Le démon considéra ses longues mains blanches, un petit rictus au coin des lèvres. Au creux de ses paumes, les deux obsidiennes incrustées à même la peau semblèrent scintiller d'un éclat moqueur, éternel rappel de sa malédiction, de sa souillure ...

Iblîs se rassit à la place qu'il occupait auparavant.


"Alors, ton avis?" interrogea-t-il à l'intention de la succube.
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Ruby
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMar 8 Mai 2007 - 13:55

Brumes evanescentes.
Lentement, les roulis délicats du froid, glissant dans les respirations, dans les haleines étrangères, lentement, ce froid venait dévorer la surface de l'eau, la caresser, la griffer de ses serres tranchantes. A travers le métal, à travers le bois. Comme au travers de la chair. Les pouvoirs instinctifs de la maîtresse de l'Eau faisaient leur oeuvre. Puis, tâtant du bout de son énergie le cristal liquide, elle frémit dans son sommeil profond.

La peau de la Cristalléenne se recouvrit de chair de poule, frisson d'anticipation. Qu'était-ce là ? Une source bien extraordinaire d'énergie. Plus puissante encore que le froid qu'elle faisait régner en était appauvrit. Tirer de l'air la chaleur est bien simple, parfois... Oh ! Le bouchon de bois tomba de l'ouverture de la gourde de fer - encore un objet d'humain - et l'eau ruissela sur le sol, glissante, trempant le corps de l'être endormi, l'entourant doucement. Ce liquide était-il animé d'une vie propre ? Boah... C'était presque le cas, si l'on réfléchit bien. Il fallait tenir la bride à un instinct de survit immédiate pour ne pas faire éclater le fer sous la pression de l'eau gelée et se concentrer pour la garder, intacte, jusqu'au contact.

Lentement, de l'eau répandue sur le sol, s'élevèrent des bras reptiliens, dansant presque, ondulant. Ils valsèrent quelques minutes, cherchant à taton un endroit libre, exposé à l'air, la commissure des lèvres, un morceau de peau blanche. Doucement, délicats, ils se posèrent, se fondirent à même le corps endormi, éveillant en lui une faim étonnante. Des lèvres, ils hydratèrent le gosier, appelant à autre chose, un autre liquide, de chaud. Plus chaud.

Oh ? Mais qu'était-ce ? Une autre source d'eau, grande, bouillante, bouillonnante... Un être humain, au coeur palpitant, au sang chaud, parcourant des veines qui appelaient aux crocs, appelaient à être ouvertes. Il y avait derrière une grande source de pouvoir. Sombre. Trop sombre. Cela valait-il vraiment la peine de prendre l'énergie d'un tel corps ? Aussi impur. Aussi ... Puis une autre présence se fit sentir, plus grande encore, plus sombre encore. Imposante. Ecrasante ?

Derrière cela, c'était l'odeur chaude qui venait caresser ses narines, l'odeur des sentes, des pistes. L'odeur de la chair tiède qui malheureusement refroidissait vite. Très vite.
D'un inclinaison de sa volonté, l'atmosphère se fit moins froide, son sommeil moins profond, atteignant les limites de la conscience. Ruby entendait des voix, sentait les présences, mais c'était surtout la flamme éteinte d'une vie chaude qui appelait à son attention. Appelait à l'usage de sa magie.

Telles des griffes rétractables sortir de ses doigts des ongles à la couleur exacte de la glace, transparente, laissant voir en dessous d'eux la chair blanche, et, plus que ca, le sang rosé qui transparaissait par des veines minces. Aux pointes de ses oreilles d'elfe naquirent des excroissances de cartilages tandis que, sous ses paupières changèrent d'une subtile façon les teintes de sang de ses prunelles.

D'un geste à la fois souple et visiblement difficile, la professeure de l'eau se redressa, s'asseyant telle une sirène, les jambes sur le côté. Ses yeux appelaient au vrai sommeil réparateur mais également à la faim. La faim intangible d'un trop long jeun. Une langue rose pointa entre des lèvres trop claires, caressant de petits crocs presque avec sensualité, observant tel un fauve à l'affût le petit cadavre encore tiède poser sur le sol non loin d'elle. Si elle aurait eu la forme d'un anaimal, peut-être aurait-on vu une queue onduler à ras du sol, foutant les herbes ici innexistante, puis ses épaules se ramasser, pour bondir, pour jouer, malgré la mort de la proie déjà donnée...

Sa main, aussi vive qu'un serpent, attrapa le cadavre sanglant et mou. Son ongle ouvrit son ventre, laissant les viscères cascader dans ses mains. La faim est aveugle, dit-on, et cela était vrai. La viande gluante de cette partie du corps avait un gout délicieux et, même malgré la saison qui régnait dehors, l'animal avait encore une couche de graisse fondante sous la langue et déliciseusement coulante dans la gorge. Tandis que la louve se repaissait, s'éteignait dans son ventre la flamme acide de la faim et la fatigue. C'était la volonté d'un sommeil véritable qui glissait sur ses paupières comme du sable.

Elle recula dans l'ombre, ou dans une partie de ce lieu encore plus ténébreuse que le reste, emportant avec elle ce qu'elle n'avait pas encore mangé. Il lui fallu peu de temps pour terminer, dissimuler, son repas, dans des bruits de déglutission et de sucion. Puis, son visage reparut, le tour de bouche maculé de sang. Du revers de son bras, elle l'étala sur sa joue au lieu de l'enlever.

Sa langue claqua sur son palais mais Ruby ne parla pas, fixant un regard inflexible la femme ici présente.
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MessageIncarnat [Privé] EmptyMer 9 Mai 2007 - 20:46

Une chose peut en cacher une autre... Une rose a toujours des épines... Ne jamais se fier à l'apparence première...

Et il était parti. Aux monts décharnés, pour faire on ne sait quoi, et à la manière du philosophe qui desire déniéser son apprenti, posa une question à la reponse d'abord évidente, mais en y reflechissant mieux, la reponse semblait plus complexe. Pourquoi Iblîs desirait-il s'occuper de cet être à l'apparence si frêle ? Par experience, Alouqua savait que plus la rose était jeune et belle, et plus ses epines étaient acérées... Mais il était toujours difficile de l'admettre, et par la suite, on s'en mort les doigts. Cette enfant hâve, pur, clair, pouvait-elle cacher des épines ? Pouvait-elle se battre, avec ses maigres bras ? Pouvait seulement se lever, avec ses jambes chetives ? Regarder au fond des choses necessitait une grande patiente, vertu qui faisait defaut à la succube, hardie et vivace. Mais le Marcheur ne pouvait se soucier d'une créature sans force, Ruby d'Elament devait oblihatoirement être puissante. Simplement par le fait qu'elle soit professeur, qu'elle soit connue et qu'elle ait été reconnue par l'Ombre des Ténébres, elle devait être forte. Malgré cela, la démone n'arrivait pas à discerner ce pouvoir en l'individu devant elle.

Elle était forte. C'était certain. Mais cela, Alouqua n'arrivait pas à l'intégrer, cela lui semblait impossible. Insensé, qu'une enfant puisse être si fort. Impenssable, qu'un être aussi chetif puisse entéresser le Faucheur... Impossible, mais pourtant vrai.

La sortant de sa méditation, Iblîs réintégra le sombre tableau de cette pièce ravagée, rajoutant sa touche personnelle à la peinture noir, cette ombre suplémentaire mais sans laquelle il n'y aurait pas tellement de Ténébres. A la main, il ramenait avec lui une bien funèste chose : un lapin, fraichement, au sang encore chaud dans les veines, transpércé de part en part, roula mollement en direction d'Alouqua et de Ruby. La vampire observa un instant l'animal, puis regardant Iblîs, lui dit, tout en saisisant la bête mort, et en la plaçant plus près de Ruby :


"Tss, comment ferais tu si je n'étais pas là ? Incapable de toucher de la nourriture sans lui transmettre le poison de l'ombre total... Je comprends désormais pourquoi Lilith n'acceptait jamais ta nourriture..."

Humour ? Oui, alors un humour très spécial, à peine du premier degré, une blague digne d'une succube comme Alouqua, surtout que parler ainsi du passé d'Iblîs n'était pas tellement recommandé. Mais voilà, elle s'appelait Alouqua, fille de Lilith, ancienne Générale du Faucheur, et elle desirait perpetuer le combat de repliques entre sa mère et Iblîs, bien que les personnages aient légérement changé.

L'être sombre avait donc posé sa question, sur laquelle elle avait dû méditer... Mais avant qu'elle ne puisse repondre, Elle s'éveilla. Sous l'odeur de la chair, du sang, de la chaleur qui émanait de ce petit corps, Ruby se réveilla. Telle une créature des océans, s'installa sur la pierre. Et, avec une vivacité innatendue, attrapa la proie déjà chassée. La suite fut sanglante, la suite fut un repas. De ses ongles acérés, la professeur avait ouvert le ventre de l'animal, laissant couler les organes gluants, ensanglantés dans ses paumes blanches et pures. Puis, comme l'aurait fait un prédateur avide de nourriture, se replia dans un coin plus noir que les autres, et mangea, degusta, aspira, ingurgita, dévora, savoura ce que l'animal avait à donner, des viscaires, de la graisse, etc.

Enfin, elle sortit de l'ombre de son festin sanglant, la bouche entourée d'un halot couleur cerise, étalant ces traces de sa main. Inutile de préciser que ce spectacle peu distingué ne plus pas à Alouqua, pour la simple et bonne raison qu'elle aimait le raffinement. Quand elle boit le sang d'une victime, elle fait cela le plus proprement du monde. Quand elle tue, elle évite les effusions de sang inutile ( bien que ce soit toujours avec cruauté ). Elle n'était pas comme ce chasseur là, Alouqua était d'une autre race de prédateur. Car Ruby était bien une chasseuse. Ses yeux la fixèrent, sans faille, ils restèrent sur elle. Ignorant superbement ce regard inflexible, la succube se tourna vers Iblîs. Ignorer était sûrement le meilleur moyen de l'enerver, mais elle s'en moquait. Alors, la démone repondit enfin à Iblîs :


"Elle n'est pas faible, emme est forte... Mais pourquoi est-elle ainsi ? Quel est ce comportement d'animal, qu'elle adopte ? Cela, je ne le comprends pas. Car cette façon de faire me repugne, et ces agissements sont... Ou plutôt ne sont pas ceux d'une personne seine d'esprit... Bien que je sois mal placée pour critiquer, je te l'accorde."
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