~ Témoignage d'un prisonnier ~
Je me serais plutôt attendu à être enfermé dans une sorte de cage... et en fait, je crois que j'aurais préféré. Au lieu de cela, je me suis retrouvé enchaîné au sol, avec l'impossibilité de me lever. Pire encore, ces chaînes semblaient mue d'une volonté propre, comme si elles étaient vivantes. À chaque mouvement que je faisais, à chaque émotion que j'éprouvais, je les sentais frémir sur mes poignets, se délectant du petit flux d'énergie dont elles se nourrissaient (...)
Tout autour, les murs suaient sur d'autres prisonniers attachés ici. Ceux-ci avaient eu bien moins de chance que moi, puisqu'ils se décomposaient au bout de leurs attaches... Momies rongées par le temps pour certains, squelettes aux os blanchis par le travail minutieux des rats pour d'autres. Et si l'obscurité me dissimulait avantageusement quelques autres scènes bien pires, c'était particulièrement l'odeur pestilentielle des lieux qui était – de loin – la plus insupportable (...)
Face à moi se tenait la personne coupable de mon enlèvement... et dont la beauté n'avait d'égal que la folie. Imprévisible, Alouqua – s'il faut la nommer – ne cessait de passer d'une humeur à l'autre, entre intérêt et impatience mal contenue. Ses questions semblaient n'avoir aucun sens, comme si je n'avais été qu'un passe temps pour quelques heures (...) Ce n'est qu'après avoir échangés quelques banalités qu' « il » apparu.
Ce qu'il est, je n'en ai pas la moindre idée. Ce que j'en sais, c'est que lorsqu'il vous rend visite, vous n'avez plus qu'un seul espoir de vous en sortir : mourir !
Je me souviens à peine de la manière dont les choses se sont déroulées, toujours est-il qu'en quelques secondes, les geôles de la Caverne ont sombré dans une obscurité froide et hostile. Les rares torches éclairant les lieux ne furent plus animées que d'une flamme glacée, sombre, affublée de deux yeux perçants fixés sur vous. Imaginez que le sol s'ouvre sous vos pieds et vous tombiez dans un abîme sans fond. À cet instant, je n'étais plus que peur à l'état brut, dans une demi conscience irraisonné (...)
J'avais beau tenter de m'agripper au sol, je n'arrachais, de mes ongles, que de longs pans macabres de la mort... Les prisonniers qui m'avaient précédés avaient ainsi laissé une trace indéfectible de leur passage sur le sol. Bientôt viendrait le moment où – à mon tour – je laisserais cette même essence comme témoignage de mon agonie (...) Car je réalisais, tellement trop tard, que nul n'était autorisé à sortir vivant de ces geôles.
J'avais ainsi griffé le sol de mon tombeau.
Témoignage d'un prisonnier ~ Extraits