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Yuki Kajiura - .hac//sign OST 1 – The World

Il y avait comme un vent de changement dans l'air, un parfum exaltant de fin, de renouveau, de vie et de mort. Tout à la fois et pourtant... Pourtant, rien n'était venue depuis des dizaines de jours. Pas la moindre victime, pas une seule ombre d'innocent perdu dans le labyrinthe des tombes. Il n'y avait eu qu'un oiseau, un corbeau, un message accroché à la patte :

« ... acceptons votre demande ... »

Elle en avait marre de ce cimetière, des gamins pleurnichant sur les tombes de leur papa et de leur maman dévorés par des démons. Elle en avait marre, aussi, de ces saloperies de démons qui prenaient sa demeure pour un terrain de chasse à la veuve, à la pleureuse et à l'orphelin. Elle en avait plus que par-dessus la caboche des chauves-souris et des corbacs, des souris et des rats mais encore plus de ces élémentalistes, des elfes et des anges, des petites fleurs dans les champs et de l'odeur de sang qui planait dans l'air, sans que ses crocs n'eut pu en goûter la saveur.

On l'avait accuser de désertion, du côté des démons, car elle n'avait pas voulu attaquer la cité. Elle sentait parfois leur ressentiment dans ses os, lorsqu'un ou deux maléfices des ombres ricochaient sur les protections magiques du cimetière (trois quatre sortilèges anti-nécromancie, d'après ce qu'elle en savait).
Dans la cité, on avait taxé son manque de conversation quant aux déplacements des démons de couardise. Pourtant, la vampire n'avait pas souvenance d'un quelconque pacte de loyauté. A vrai dire, elle les emmerdait tous bien profondément, et encore plus si elle le pouvait.

Titane n'avait jamais demandé de s'occuper de cette pourriture de cagibi à maccabés. Bon, elle avait peut-être dit à Layna Timerta qu'elle préférait un endroit tranquille où flâner après ses études, où elle ne verrait pas trop de gens, ou des gens peu causant... Bah, elle avait été servie en silence, elle qui avait grandit dans une cours, élevée en tant que Reine (Reine qu'elle aurait du être, au passage), préservée de la douleur et des tâches.

Accessoirement descendante d'une puissante famille d'elfe Noldor (la famille royale, après tout, c'est pas rien), elle était magnifique, mince, grande, les cheveux soyeux et les yeux d'une délicate couleur violette. Bon, si l'on avait l'oeil, on voyait de petits crocs qui étaient apparu après son baisé, mais sans cela, elle semblait tout ce qu'il y a de plus elfique. En plus de 3 000 ans d'état vampiresque, Titane avait largement eu le temps de s'habituer à tous les défauts de son état, et affirmer un peu plus les attributs de sa race de départ, tout cela pour tromper la victime. Ah ! Qu'être vampire avait du bon dans la vie. Si elle avait pu choisir, elle recommencerai, encore et encore et encore !

Enfin, ce n'était pas tout, mais il se faisait tard. Il faisait encore bien nuit, certes, mais il se faisait tard quand même.

Que disait d'autre la lettre ?

« ... enverrons votre remplaçant dans trois jours. Vous n'avez pas besoin de connaître ses noms prénoms et race, mais il y a de forte chance qu'elle possède tout comme vous de bonnes dispositions pour cet emploi... »

Bonnes dispositions ? Qu'est-ce à dire ? Détestait-elle aussi les démons et prenait-elle les autres races pour des victuailles trop bonne poire ? Ce devait-être une vampire, alors. La pauvre... Il fallait vraiment avoir du ressenti à l'encontre des humains comestibles et des démons pour vouloir s'exiler dans un pareil trou... Et à Titane ? Ciel ! Sa famille l'avait juste jetée en pleine nuit dehors, découvrant dans sa chambre trois petites filles encore chaudes (rien que d'y repenser... Miam !). On l'avait battu. Une fois dehors, ne connaissant rien à la vie, elle avait subit le choc des cultures. Les gens du commun n'était qu'à ses yeux des rustres puants, dépourvu de tout raffinement. Les humains du sang de basse qualité, tout juste bon à caler un petit creux. Les races magiques ? Elle n'en supportait que la bourgeoisie !

Pendant une petite dizaine d'années, elle avait été de bordel en bordel, sirotant ça et là une ou deux compagnes de labeur, achevant sa besogne dans le sang. Puis, on l'avait embauchée (pour ses formes et l'aspect aristocratique de ses manières) dans une maison close de plus noble renommée. De fil en aiguille, elle était devenue la favorite d'un noble de très bonne famille. Ainsi, elle était remontée dans les sphères, masquant son visage de la lumière par un voile qu'elle disait utiliser pour se cacher des autres. Elle refaisait doucement sa fortune, cueillant ça et là une fleur de sang sur des gorges ignorantes. Jusqu'au jour où, énervée par son amant, elle lui avait carbonisé le visage, faisant s'évaporer tout le sang de ses veines.

A pas léger, tellement léger que sa robe ne faisait même pas voleter le brouillard gras qui trainait sur le sol, la vampire s'avança vers le grand portail, l'ouvrant dans un crissement suraigüe d'acier. Les pleurs d'une ancienne victime ? Elle réprima un sourire sadique et lança un regard vers le chemin escarpé. Loin, bien loin, ne venait-il pas une silhouette ? Elle semblait faite d'ombre, légère, mouvante, silencieuse.

Dans un soucis d'éthique et de bon goût, Titane redressa la cape qui lui couvrait les épaules, replaça dans son corset sa poitrine, lissa sa jupe. Sur sa gorge, elle recentra ses perles, remit une mèches de cheveux en place. Le pourpre sombre et le bordeau de ses vêtements s'accordaient parfaitement aux couleurs qui ornaient naturellement son visage : peau d'opale, yeux de violette, cheveux de cendre. Et sa bouche, exangue.

Elle soupira de nouveau puis, joignant ses mains sur son giron, prit la patience d'attendre, encore.