Le vent souffle dans la nuit, les flocons de neige s'éparpillent à tout vents, la nuit glaciale est tombé. Sous le ciel obscure, à peine éclairée par les doux rayons de la Nouvelle Lune, une silhouette avance, lentement, à pas mesuré. Elle porte une grande cape de feutre épais, noir, noué dans le cou par un ruban de satin. Sa tête est couverte d'une capuche bordé de fourrure. Dans la cape, deux ouvertures permettent de sortir les bras. Sur son épaule, la frêle marcheuse porte une grande besace contenant quelques vivres, une groude d'eau, une autre de vin pour se tenir chaud, et une couverture pour la nuit.

La jeune femme marche hors du sentier, mais même aux yeux d'un observateur peu avisé, elle n'aurait pas eu l'air perdue, et pourtant, elle marche tête baissée pour se protéger du vent. Ses pieds chaussés de bottines fourrées avancent régulièrement alors que son oreille se laisse guider par le son de la harpe. La douce mélodie lui sert de boussole. Elle a reconnu le son unique de la harpe d'Archael. Lui seul sait tirer ce genre de musique de son instrument... une douce mélopée qui saurait charmer les oreilles les plus difficiles... Elle l'a déjà entendu auparavant, près de la fontaine... Et cette façon de jouer, elle l'aurait reconnu entre mille.

C'est ainsi que, malgré la tempête et le froid intense, Lorelaï , pas le moins du monde désorientée, a pu retrouver son compagnon de voyage près du monolithe tel que convenu. Il s'est chargé de lui trouver une monture fiable et rapide, elle s'est chargée des bagages... Pour une rare fois, son petit écureuil roux ne la suit pas entre ses jambes. Il ne pouvait faire partie du voyage, alors elle l'a laissé aux bons soins de Coralline...ce qui l'attriste un peu, habituée qu'elle est à sa présence familière.

À un mètre de lui, enfin protégé de la furie de la neige par le monolithe, elle relève la tête et l'observe un moment. Les yeux clos, il joue une musique qu'il semble puiser au fond de son coeur, son profil admirable offert à la lune. Encore une fois, elle se dit qu'il a vraiment un charme hors du commun qui pourrait facilement passer inaperçu pour quelqu'un qui ne prendrait pas le temps de l'observer et de le découvrir. Elle reprend sa marche, il la remarque, ouvre le syeux et lui sourit. Son sourire lui réchauffe le coeur et elle lui sourit en retour, puis incline la tête pour le saluer. Son regard d'émeraude se reporte sur la bête qui se tient près de lui:

" Magnifique... C'est donc lui qui nous amènera à destination."

Elle pose son sac sur le sol, à l'abri des flocons, et fait quelques pas vers l'aigle. Elle est fasciné par l'immense oiseau. Elle a souvent chevauchée, mais la voie des airs lui est inconnue. Elle était un peu nerveuse à l'idée de vloer jusqu'à Elandhil, mais la stature de l'Aigle la rassure un peu. Il semble si fort qu'il ne pourrait certainement pas la laisser tomber... et sa docilité lui affirme qu'il n'y penserait même pas. Elle tend la main avec l'envie de le caresser, mais à la vue du bec recourbé, elle se ravise.

" Il est absolument superbe... il a un nom?"

Elle revient alors vers l'Ange et demande sur un ton plus sérieux:

" Tu as les parchemins?"

En effet, s'ils se rendent à Elandhil, c'est pas pour un week-end de plaisance, mais bien pour affaire, et dans le but de gagner la bataille d'Elament. Ils vont faire décoder des parchemins qui permettront à l'Ange de développer ses pouvoirs en maîtrisant des sortilèges depuis longtemps oubliés.

Lentement, l'homme d'argent tourne la tête. La lune vient de disparaître derrière les nuages, mais on devine son regard bleu et lointain.

Un tourbillon de flocons, et elle était là. Enveloppée dans son manteau, capuchon rabattu, on ne voit d'elle que son sourire et ses yeux couleur de forêt profonde. Ils échangent regards de salutation. Puis, tandis qu'elle fait connaissance avec leur monture, l'ange se baisse pour saisir la besace qu'elle a déposée à terre. Il s'approche d'elle, debout derrière son dos, silencieux. Aux questions qu'elle pose, il hoche doucement la tête en indiquant un coffret posé dans un creux à l'abri de la neige, et qui contient les parchemins. Puis il se tourne vers l'animal.

"Il se nomme Haji." (nom temporaire, à éditer quand je saurai le nom que lui a donné Naja)

Entendant son nom, le grand fauve s'étire et feule doucement. Mais la main de l'ange s'est déjà posée sur son front. Cette main est douce... et le grondement s'adoucit au fond de la gorge garnie de crocs, se change en ronronnement. Le tigre blanc n'est pas aussi féroce que ses frères sans ailes, car tous ceux qui parcourent le ciel finissent par recevoir un peu de sa paix. Sa grosse tête se tourne vers la jeune femme avec méfiance, mais la caresse de l'ange se fait apaisante. Alors les yeux d'or du félin s'adoucissent, et son museau vient frotter amicalement la robe de Lorelaï.

"Les Tigres Ailés ne portent pas n'importe qui" commente pensivement Archael. "Eux seuls choisissent ou refusent ceux qui les chevaucheront. Il t'accepte..."

En effet, les grandes ailes frémissent à présent, comme impatientes de reprendre leur envol. Une dernière caresse le tranquillise et le Trône se détourne. Il avance jusqu'au début de la pente, ses cheveux fouettant les rafales. Immobile, yeux clos, il semble scruter l'air de la nuit qui tombe, écouter les vents chuchoter à son oreille les rumeurs du monde autour d'eux.

Il fait de plus en plus sombre. Les tourbillons de neige forcissent, les nuages descendent et forment un brouillard qui noie toute chose dans le blanc et le gris. Gommé par la volonté d'un dieu de l'hiver, le monde semble retourné au néant. Dans le chaos des vagues de flocons, des formes étranges et merveilleuses semblent pourtant naître et d'évanouir. Palais merveilleux, monstres fantastiques, paysages d'ailleurs, tout peut apparaître et danser au rythme de l'imagination des hommes...

A présent que la musique ne l'accompagne plus, le sifflement du vent semble sinistre et froid dans cette nuit d'hiver. Mais l'ange ne semble pas s'en soucier. L'oreille tendue, il écoute et entend. Les tourbillons sont autant de voix amies qui l'informent de ce qui se passent dans le monde du visible et dans celui de la magie. Véritable radar vivant, il scrute les environs quelque temps encore avant de revenir vers l'infirmière.

"La tempête va grandir encore et durer toute la nuit. Cette nuit, même les êtres mauvais restent à l'abri. Si nous partons rapidement et volons au-dessus des nuages, les routes du ciel seront relativemenr sûres. Es-tu prête?"

Lorelaï sentit l'approche de l'Ange derrière elle. D'une main assurée, il clama la bête qui la caressa alors du bout du net. Le Tigre l'acceptait. Valait mieux, elle n'était déjà pas très sûre. Les Terra préfère grandement le plancher des vaches, là ou ils se sentent en contrôle.

Lorsqu'il scruta le ciel, elle comprit qu'il était temps de se mettre en route. Elle fit un pas derrière pour récupérer son sac, mais Archaël l'avait devancé.

" Oui, c'est bon, je suis prête."

Bien que ces paroles soient positives, le tremblement de sa voix dénotait le contraire. Devant elle, Haji semblait bien prêt.Il la regardait d'un air presque suppliant l'incitant à le monter pour qu'il puisse dégourdir ses grandes ailes blanches. Étonnament, sa monture et son compagnon se ressemblait... blanc, ailé, clame et sure d'eux.

Elle s'approcha de la croupe du tigre, le caressa doucement, autant pour se rassurer que lui signifier qu'elle se préparait à l'enjamber. Elle retrouussa le bas de sa robe, dévoilant ses jambes gainés de bas de soie, et allongea la jambe par-dessus le tigre. Il était étonnement haut et elle perdit l'équilibre, tombant à la renverse., atterissant dans la neige. Elle lanca un regard implorant à Archaël, signifiant qu'elle ne savait pas comment s'y prendre... à cheval, c'est simple, mais un tigre... avec des ailes... elle ne voulait pas risquer de le blesser.

Elle se releva, épousseta son grand manteau enneigé, et demande timidement:

" Et je fais comment pour me rendre sur son dos sans lui faire de mal?"

Elle ne n,avait pas envie de donner envie à la bête de faire usage de ses crocs. Le vent se leva, plus fort encore, et leur envoya une rafale de neige à la figure...

" Ca commence vraiment à presser..."

Bruit de chute. L'ange se retourne et considère la scène. Pendant quelques secondes encore, il était resté debout au vent, cherchant à identifier une odeur étrange au fond de l'air, une senteur qu'il connaît sans pouvoir l'identifier. Quand il tourne la tête, Lorelaï se relève, couverte de neige. Apparemment, elle a dû essayer de monter le Tigre sans y parvenir, et s'est retrouvée par terre. Sans qu'on sache pourquoi, l'ange ne sourit pas à cette scène pourtant relativement comique. Tranquillement, il s'approche et sa paume chaude vient entourer la main de la jeune femme.

"Caresse-lui le cou. Il comprendra qu'il faut s'accroupir pour te laisser monter."

Joignant le geste à la parole, il passe sa main le long du col puissant du félin, lequel plie les pattes, atteignant à peine la hauteur d'un poney. On voit une couverture arrimée sur le vaste dos, comme certains cheveaux trops rétifs pour la selle, ainsi qu'une sorte de rêne en cuir. Attachées à la tête de l'animal, elles servent à le guider. D'un geste naturel, l'ange passe son bras autour des épaules de Lorelaï et l'aide à grimper sur le dos de l'animal.

"Mets tes jambes de chaque côté, devant les ailes, et accroche-toi à son collier de cuir." ajoute-t-il. "Pour décoller et monter, presse légèrement ses flancs avec les talons. Guide-le et appelle-moi si tu as besoin d'aide. Je passe devant pour nous frayer un passage."

Sans s'expliquer davantage, il retire de son dos la besace de Lorelaï, se baisse pour attrapper son petit coffret de parchemins et lui passe le tout, ne gardant avec lui que le Chantepierre dans son étui. Sur les flancs de l'animal, deux vastes sacoches de cuir permettent de ranger les affaires.

Déjà Archael s'éloigne de quelques pas vers l'avant. Puis, s'immobilisant, il lève les deux bras en diagonale, tandis que son aura scintille d'un éclat féérique. Obéissant, le vent s'enroule autour de lui, soulevant ses mèches blanches, et y danse quelques secondes. Puis le tourbillon s'éloigne tout en grandissant. Alors, quelque chose d'étrange se produit. C'est toute une partie du ciel qui commence à tourner lentement, sous la douce emprise du Professeur de l'Air. Peu à peu, comme creusé dans les nuages, un passage se forme. Une vaste galerie cylindrique, où l'air est pur, où la tempête ne hurle pas rageusement. Et au bout de ce tunnel de nuages, on aperçoit le ciel nocturne et les étoiles.

Alors, les ailes de cristal sortent de sous le manteau d'Archael. Comme deux voiles majestueuses, elles frémissent doucement, comme frémissent celles du Tigre Blanc... et, ouvrant la voie, le grand ange quitte le sol et s'enlève vers le ciel. Un peu plus haut, il s'arrête, comme porté par une main invisible, et se retourne pour attendre ses compagnons...

(Jolie ta signa)

Une main chaude se pose sur elle, Lorelaï frissonne... de plaisir...

S'il savait ce qu'il fait naître chez-moi...

Elle suit le conseil de l'Ange et caresse doucement l'encolure du Tigre, et il se pencha pour la laisser monter. Archaël la prit doucement par les épaules, et le geste la toucha. Il était si différent des hommes d'Elandhil, qui était prévenant avec elle seulement à cause de son titre... pcq'autrement, on l'aurait exclu puisqu'elle n'était pas de leur race. On était gentil avec elle que parce qu'elle avait été adopté par le roi. Alors que le Trône la traitait avec respect, comme une égale. Et cela la touchait profondément. Si seulement il n'avait pas été si...froid... chaque fois qu'il manifestait une émotion, elle avait l'impression qu'il se retirait en lui le moment suivant. Elle le sentait inégal.

Elle s'installa confortable, les jambes de chaque côté, et prit le collier de cuir qu' Archaël lui indiquait. Il lui passa alors leurs maigres bagages, qu'elle glissa dans les sacoches. Elle se sentait prête. La chaleur de l'animal la maintenait à une température confortable. Archaël la quitta alors sans qu'elle n'ait eu le temps de prononcer un seul mot. Il s'avanca et leva les bras au ciel. Un phénomène étrange mais remarquablement beau. Archaël commandait le Vent, un couloir d'air se dégagea devant eux, les maintenant à l'abri de la tempête. Il décolla, et pressant les flancs de Hija, elle le suivit. Les premières secondes, elle se tenait raide, figée, chaque muscle contracté, craignant de perdre l'équilibre et de tomber, mais lorsqu'il se fut stabilisé, parallèlle au sol, elle se sentit un peu plus en sécurité. Sa respiration reprit un rythme normal, et elle se détendit un peu, tout en restant vigilante.

Sous eux, la terre était bien loin, et couverte d'un manteau blanc... tant et si bien qu'on ne distinguait plus les maisons... Un immense tapis de neige se déroulait sous elle. Il n'y avait pas grand pointe de repères pour se guider, elle demanda à Hija de rejoindre Archaël, le Tigre Blanc s'en approcha le plus possible, et elle lui cria:

" Dirige-toi vers la Forêt du Géant des Pluies, on doit la survoler, je te donnerai d'autres indications après...Tu sais ou c'est?"

Archaël dégageait la voie, mais Lorelaï était la seule à connaître leur destination. Le voyage serait court, mais probablement parsemé d'embûches vue les événements qui se préparaient. L'Elfe de Lune restait attentive aux alentours pour guider le mieux possible son compagnon, alors que le rythme des ailes du Tigre et le roulement de ses muscles la bercait agréablement, elle devait combattre le sommeil qui la gagnait peu à peu.

" On devrait voir la Forêt d'ici une vingtaine de kilomètres!" Lorelaï devait crier pour se faire entendre du Professeur. Le vent et la distance rendait la communication difficile.

(Je me posais la même question, je dirais avant et ceci après)

Lorelaï commence enfin à apprécier la sensation de voler, à se détendre, et admirer la beauté de la nature vue d'en haut... un sentiment de liberté jamais ressentie auparavant prend possession de son corps... Elle qui a grandi sous la pression constante de la performance et de la perfection, qui devait toujours donner le bon exemple... elle se sent libre face à cette étendue qui l'attend... le grand espace l'enivre peu à peu... Il est étonnant de voir la Terra retirer sa capuche, fermer les yeux et jeter la tête en arrière pour offrir son visage blanc au vent... le vent s'emmêle dans sa chevelure et elle oublie ou elle est, et surtout qui elle est. Ce sont les paroles d'Archäel, dans sa tête, qui la ramène à la réalité. Elle se redresse sur sa monture et plisse les yeux, concentrés sur les mots qui résonnent en elle.

Elle hoche la tête pour signifier à l'Ange qu'elle l'a compris. Étonnement, ce mode de conversation ne la perturbe pas trop. Sans l'avoir jamais expérimenté, elle en connaissait l'existence. Elle se concentre de niuveau, sur le Trône cette fois, elle visualise son doux visage ainsi qu'une boule de cristal flottant entre elle et lui, contenant son message:

" Après la forêt, il faut tourner à l'est, dans le sens opposé à la mer, les elfes vivent loin de l'eau, au milieu des terres. Lorsque tu appercevras la Montage Garök, il faut se diriger vers son centre. Je te donnerai d'autres explications à ce moment-là... Si tu m'as entendu, fais-moi signe du pouce."

Comme elle utilisait la télépathie pour la première fois, elle préférait recevoir une confirmation visuelle de son interlocuteur.

Elle le regardait, en attendant la réponse, et s'attrista de la voir si obubilée par sa tâche.Elle aurait bien aimé qu'ils discutent comme ce matin, elle appréciait tant sa compagnie...mais il restait refermé en lui... elle se demanda s'il n'avait jamais réellement aimé quelqu'un, de tout son coeur et de tout son être, ou s'il apprécuait trop sa solitude pour la partager avec quelqu'un. Elle aurait tant voulu qu'il ressente la force de l'attirance qu'elle avait pour lui...mais jamais elle n'oserait le lui dire, craignant trop d'être repoussée. Il était si beau, ainsi offert à la caresse du vent, son corps souple flottant sur l'air.

(Désolée, c'est un peu court, mais j'ai mal au dos ajd, et taper me fait un peu souffrir, mais je tenais à faire avancer le topic)

[OK! Mais tu sais, ne t'inquiète pas pour le topic, prends ton temps. Il m'arrive aussi d'être un peu irrégulier dans mes posts, parfois! ]


** Compris ** réplique la voix silencieuse du Trône, tandis que sa main s'agite pour esquisser le signe demandé par Lorelaï.

Loin vers le bas, à la surface du monde, les troncs immenses de la Forêt du Géant des Pluies défilent. Forêt ensorcelée dont les branches sont toujours vertes, même en pleine sécheresse. Arbres mystérieux sur lesquels même la neige ne tient pas. A cette hauteur, les taches vertes paraissent de simples points sombres... et c'est l'univers entier ui paraît pivoter pendant que les voyageurs changent de direction.

L'Est... le grand Est... le monde est vaste dans cette direction. Au Nord, le voyageur ne trouve que les déserts glacés et les mers froides, sans compter le Continent Noir, autrefois verdoyant, jusqu'au jour où une armée démoniaque l'a ravagé. A l'ouest, il n'y a que la mer et le ciel... l'océan sans fin, beau et redoutable, jusqu'au bout de l'horizon, jusqu'au bout de l'infini peut-être. Au Sud, les îles sont innombrables et les plaines verdoyantes, mais sur le bord des mers chaudes, les êtres magiques n'ont pas leur place. Car les Hommes sont venus vivre là-bas, et le temps des légendes peu à peu s'y efface... Mais à l'Est se trouvent les forêts profondes et les montagnes lointaines, et le cours implacable de l'avenir n'y a pas encore rattrapé les jours anciens. Là-bas vit encore le temps des histoires et du merveilleux...

Voilà. La nouvelle direction prise. Mais la Montagne Garök est lointaine, et son sommet enneigé ne se dressera pas devant eux avant une heure de vol. Alors les ailes immobiles de l'ange s'agitent un instant, elles qui le portent pourtant sans battre, immobiles. Leur lumière varie comme celle d'un diamant sous les rayons lunaires, et Archael s'élève lentement pour quelques dizaines de secondes. Mais Haji poursuit sa route sans dévier, et quand le Trône redescend, il est comme revenu en arrière, et vole désormais près du Tigre. Juste au-dessus, un peu vers la droite... tout près... si près que sa longue chevelure effleure soudain le front de Lorelaï, comme une caresse légère. Avec un signe d'excuse, le professeur remet ses mèches en place, puis jette un coup d'oeil sur la jeune femme.

Que voit-il, l'enfant sans âge, derrière ses prunelles de dur joyau? Oui, qu'il ne s'inquiète pas, tout est bien arrimé, et la passagère bien accrochée. Seule sa cape vole dans le vent, la pèlerine et la capuche que l'infimière quitte si rarement. Pourquoi, d'ailleurs? Elle est bien jolie pourtant, dans ses vêtements sombres comme les cheveux d'ébène qui flottent au vent. Nul ne sait si ses pensées sont heureuses ou tristes, derrière son visage rêveur... car ses yeux de source profonde se cachent derrière les longs cils. Oui, elle est belle, la petite infirmière d'Elament. Peut-être l'ange le voit-il sans le dire... peut-être pas.

Mais soudain, alors que le vent s'est calmé, un bruit se fait entendre. Loin sous eux, c'est un son étrange qui résonne dans l'air. Quelque part, une meute en chasse hurle à la lune... crocs blancs, pattes noires, pelages de métal sur la neige, ils lèvent leur tête vers le ciel et chantent la mélodie sauvage, la mélodie de la chasse. Peut-être voient-ils, à contre-jour sur leur mère la lune, ces trois silhouettes ailées qui passent... et ils hurlent encore aux étoiles, de la même façon que leurs ancêtres l'ont fait, depuis que le monde existe...

Mais là-haut, l'ange a vivement porté les mains à ses tempes, le visage crispé. Cela ne dure que quelques secondes, avant qu'une rafale de vent fasse se perdre le hurlement dans le lointain. Mais un pli de douleur est apparu au coin des lèvres fines, et ne s'efface que lentement.

** Les loups! **

Oui, juste des loups... naturellement, en cette nuit froide, ils sont en chasse. Mais quelque chose d'autre par contre, n'est pas naturel. C'est l'image étrange qui est apparue, une seconde. A travers le fil invisible du sortilège qui relie Archael à Lorelaï, un flash éblouissant a étincelé. Un instant, c'est comme si tous deux s'étaient trouvés au sol, là en-bas, à contempler la lune, avec au fond du coeur quelque chose qui palpite, plein de la vie intense et sauvage que les hommes ont oublié. Et derrière cette image, d'autres qui sont apparues violemment dans l'esprit d'Archael, mais qui restent floues. Seule la plus forte de toutes a franchi sans efforts l'espace entre leurs deux esprits.

L'ange porte la main à son joyau, comme pour opposer un barrage à cette image, mais il est trop tard...

Lorelaï sourit lorsque l'Ange lui fit signe, un sourire empli de douceur et de délice... suave émotion... née d'une minute de communication silencieuse... signe d'une union temporaire... le simple partage de ce moment...

Elle rêvassait de son amour impossible, adoucie par l'idée de passer les prochaines heures en sa présence... espérant pouvoir étirer et profiter un maximum de ce voyage...

Elle s'était habituée à sa monture qu'elle avait d'abord craint. La peur évanouie avait laissé place au plaisir de la liberté que procure le vol... quelle merveilleuse sensation que de se déplacer sans jamais toucher le sol?

Elle en était là dans ses réflexions sans but, lorsqu'elle fut brusquement ramené à l'instant présent par des hurlements atroces et déchaînés.

" les loups! " lanca son compagnon de route.

Elle inclina la tête au vers le sol, vers ceux qui avaient percé leurs tympans. Elle le vit, rassemblée, en bas. Ils les avaient vus aussi. L'un d'eux, le chef sûrement, s'était mis en mouvement. Elle allait le signaler à Archaël, quand une image, un simple flash, lui fut transmis.

Elle les vit, au sol, agressée par les loups... suppliant la lune de les libérer.

La peur l'envahit, sa monture le sentit, et prit panique, déjà affolée par le cri des loups. Lorelaï fut déstabilisée, et elle eut encore plus peur. Elle voulut s'agripper à Haji, mais terrorisée, la bête l'éjecta, et Lorelaï bascula dans le vide.

Elle plongeait vers le sol blanc, vers la meute... sous elle, la mort, et au-dessus d'elle, son Ange... elle voulut crier, mais son cri resta pris dans sa gorge. Elle ne put que tendre une main devant elle...

Pendant un moment, Lorelaï a cru que sa fin serait tout près... qu'elle s'écraserait dans la neige, en bas... et qu'elle y verrait sa mort... soit la nuque brisé, soit dévoré par la Meute... celle-là même qui trouble tant son amie. (Ruby) Elle a vu le sol arriver à une vitesse folle... incapable de réagir... C'était sans compter avec la présence de l'Ange...son Ange...

Il piqua et la rattrappa presque instantanément... Sa chute n'avait duré que quelques secondes avant qu'il ne l'empoigne fermement et ne la plaque contre son corps... Dès qu'elle fut dans ses bras, elle s'agrippa à lui, la tête enfouit dans son cou. Ils tremblaient l'un comme l'autre, et elle se demanda s'il avait eu peur pour elle... peur de la perdre... Elle tremblait pensant à ce qui aurait pu arriver... ce qui serait arrivé sans lui et ses réflexes...

Elle n'avait pas reconnu Mercure à cette distance, elle ne savait donc pas que le loup en bas était un ami... mais aurait-il pu commander à la Meute de ne pas attaquer une amie de sa maîtresse??

Hija s'était rapproché, tremblante et craintive, elle se laissa glisser des bras protecteurs au dos de sa monture. Ils n'avaient même pas déviés de leur trajectoire... Elle regarda droit devant elle, évitant de laisser son regard errer vers le sol... Le Vol n'était pas pour les Terra, elle en avait maintenant la preuve...

Ils atteignirent finalement la Montagne Garök. Lorelaï fit signe à son compagnon de se poser. Elle avait besoin d'une pause pour se dégourdir les jambes. Elle était ankylosé. Dès qu'Hija fut posé, elle fit quelques allers-retours avant de s'asseoir, les jambes étendues devant elle. Elle ouvrit le sac, et sortit quelques provisions qu'elle croqua avec appétit. Ce faisant, son regard d'émeraude glissa vers Archaël. Il avait le regard éteint, une expression fermé. Elle hésitait à s'adresser à lui. Puis son regard glissa de nouveau jusqu'à son instrument de musique.

" Tu joues pour moi? " demanda-t-elle finalement, histoire de communiquer un peu.

Depuis l'incident de parcours, le Trône n'avait plus ouvert la bouche. Il avait volé devant Haji, sans se retourner, en ligne droite. Pas une seule fois, sa voix douce et dure à la fois n'avait résonné dans la tête de Lorelaï. Quand ils s'étaient arrêtés sur les pentes de la Montagne Garök, il avait simplement apporté à boire au Tigre Blanc, au creux d'une toile en cuir. Puis, silencieux, il s'était adossé au rocher. Le visage fermé, absorbé dans la contemplation du paysage.

Ils se sont arrêtés au bord d'un lac, haut dans la montagne, juste en-dessous du dernier massif qui constitue le sommet et disparaît à demi sous la neige. Autour, le grand peiintre de la nature n'a dessinné que sapins et rochers. Quelques oiseaux de proie planent dans le ciel d'hiver. Poussés par le vent, les nuages défilent comme des écharpes immatérielles, s'accrochent au arêtes rocheuses en longs lambeaux de coton.

Le Montagne Garök a une réputation étrange. Les Nains y vécurent jadis, taillant les galeries et forant le roc, loin dans l'obscurité. Pendant un temps, le pic de granit fut plein de vie et de bruit, retentissant des chants plus ou moins justes et de coups de marteau. Cela se passait il y a plusieurs siècles, et depuis lors le peuple de la pierre a quitté les lieux sans qu'on sache exactement pourquoi. Aucun danger ne les menaçait, et leur départ fut tranquille. Les Nains répugnent habituellement à abandonner leurs forteresses, mais celle-ci fut laissée aux fauves et aux chauves-souris, et pas un seul garde du Peuple de Dürin n'y remit les pieds. Pourtant nul démon n'en hante les profondeurs, nulle armée orque ne menace sa sécurité. Alors, pourquoi? "Le roc de là-bas n'est pas pour y habiter", c'est tout ce qu'ils consentent à dire sur ce sujet...

Deuis lors, la Montagne est déserte. Il n'en émane rien de maléfique, mais il y a en elle quelque chose qui fait que nul n'aime y rester bien longtemps. Ses bois de sapins sont aussi impénétrables qu'une muraille, les avalanches et tempêtes de neige y sont monnaie courante. C'est le royaume des avalanches et des rochers qui dévelent les pentes. Comme certaines vieilles forêts qui se ferment quand les voyageurs approchent, tout avertit le visiteur : cette terre est dure et hostile. Ce pic est ancien, très ancien, et les esprits de la nature qui l'habitent sont farouches et méfiants. Les vivants n'y sont pas les bienvenus.

Un Aera comme Archael ne pouvait analyser aussi bien que les Terras ce que la terre pense obscurément à tel ou tel endroit. Mais aussi bien lui que le Tigre Ailé ne semblaient pas à leur aise ici. Tous deux semblent stressés et moroses. A la demande de Lorelaï, l'ange secoua la tête avec brusquerie.

"Je ne peux pas jouer!"

Le ton n'est pas aussi aimable que d'habitude. Immédiatement, l'Ange s'en veut de répondre ainsi à la jeune femme, qui ne souhaitait que le tirer de sa morosité. Les yeux verts d'eau se sont troublés. L'a-t-il blessée?

"Pas ici." reprend-il plus doucement. "Tout à l'heure peut-être, ou pendant notre voyage de retour. Je préfèrerais ne pas m'attarder."

Un instant, il garde la bouche ouverte, prêt à ajouter quelque chose, probablement une excuse. Puis la referme et va remplir les gourdes au lac. Ses mouvements sont secs. Furieux contre ces loups, contre le lien qui le relie à eux, contre ce goût étrange qu'il a dans la bouche, contre le monde en général et contre lui-même en particulier. Le plus frustrant est qu'il n'arrive pas à identifier ce sentiment, et pas davantage à en parler.

Ainsi rabrouée, Lorelaï se retira plus loin. L'Ange n'avait peut-être pas les mêmes besoins physiques qu'elle, mais elle était fatiguée par le voyage, avait besoin de se délier les jambes, se nourrir, et dormir un peu.

Elle était triste, elle avait voulu partager un moment spécial avec son nouvel ami, mais il l'avait repoussé sèchement... Elle ne savait plus comment le prendre. Il était parfois gentiel et ouvert, mais pouvait se refermer rapidement et sans préavis.

Elle fouilla un de ses sacs et en sortit du pain, du fromage et de la viande séchée. Elle s'assit le dos contre un rocher et mastiqua lentement en admirant le paysage et en réfléchissant aux événements à venir. Soudainement, la présence de son écureuil lui manqua. Elle se sentit bien seule et petite sur cette montagne, et en vue de la tâche qu'elle aurait à accomplir. Son repas terminé, elle croqua quelques dattes en guise de dessert.

Elle se releva, jeta un regard en douce à Archaël, puis, silencieusement, elle prépara ses couvertures. Ses mouvements étaient là, mais empreints de grâce, comme s'ils étaient dansés. Avant de se mettre au lit, elle s'étira légèrement. Elle se retint de lui souhaiter bonne nuit, et se glissa au chaud. Elle se roula en boule, ses longs cheveux coulants derrière elle, les genoux repliés, la main sous la joue, elle serrait une couverture contre elle, comme un nefant qui sert une peluche.

La fatigue et le grand air aidant, elle s'endormit rapidement, bercée par les vents. Et elle rêva:

" Ils arrivaient à la cité elfique... Le village sacagée, les maisons détruites... Désolation... plus aucun habitant... le paysage est noirci et sent la fumée... tout a été brûlée... Lorelaï tombe à genou... le château écroulée... Elle court entre les ruines... aucun âme vivante... sa vie... son enfance... envolée... Les larmes coulent librement... son corps tremble...Elle pousse un long cri déchirant..."

Et se réveille en criant tout autant... Tremblant de la tête aux pieds... Elle s'assoit dans son lit, essouflée... se demandant si ce n'était qu'un rêve...ou une prémonition...

Se tournant , elle prend sa gourde, boit quelques gorgées, et se répète que ce n'était surement que la matérialisation de ses pires craintes...

Elle se recouche, cherchant à retrouver le sommeil, le regard perdu dans la noirceur... mais le sommeil ne vient plus, elle frissonne en revoyant les scènes atroces de son cauchemar.

"Tes rêves sont sombres ... " murmure une voix.

L'ange est assis à quelques distance, sur un rocher, à la limite de la clarté du feu.

Sans doute ne s'est-il pas couché. Longtemps, il a contemplé les étoiles. Comme chaque nuit, solitaire au sommet de la Tour des Vents, quand le sommeil s'étend sur la Cité. Le grand silence nocturne descendu, une fois que tout bruit s'est éteint, combien de fois n'a-t-il pas envié ceux qui peuvent dormir? Lui ne le peut pas. Les Trônes sommeillent très peu en général, et depuis qu'il a découvert son don, ses ailes récupèrent directement l'énergie lumineuse pour y puiser la vitalité. Jamais il ne ferme les yeux, à moins d'être totalement épuisé après avoir utilisé ses pouvoirs. Et si il ne s'ennuyait jamais à l'époque où il voyageait, ces nuits sont si longues quand il est le seul à veiller ...

Cette nuit encore, il est resté à écouter la respiration régulière de Lorelaï. Longtemps, il l'a regardée, pensif. La jeune fille reposait, ses longs cheveux noirs dénoués, entourant sa couverture comme on serrerait une mère ou un amant. Peut-être se sentait-elle seule, elle aussi. Au fond, on parlait souvent de Lorelaï dans la Cité, mais il ne connaissait personne qui aille régulièrement la visiter à l'infirmerie.

Le feu pétillait doucement. Au loin, une chouette hulula.

Même dans les bras de Morphée, son visage était un peu triste. Il lui avait fait mal, tout à l'heure. Etait-ce pour cela que son sommeil se peuplait de mauvais rêves? Sa respiration se faisait oppressée, et ses jambes bougeaient légèrement, comme si elle courait. Dans quel cauchemar errait-elle? ... Tout se calma soudain, quand elle se réveilla. Archael ne dit rien, immobile, et elle ne remarqua pas qu'il était éveillé. Mais à la façon dont elle se retournait, le sommeil ne revenait pas. Alors il parla à voix basse, le regard fixé sur le feu.

"Est-ce ce qui s'est passé tout-à-l'heure qui te tourmente?"

(Wah... vraiment désolée, j'étais certaine d'avoir répondu!)

Lorelaï s'agita doucement, se tourna vers lui, ouvrit a bouche pour répondre, hésita un peu, secoua la tête. baissa les yeux, et finit par répondre:

" Un peu... mais ce n'est pas seulement ça..."

Elle était toujours dos à lui, mais elle se tourna en finissant sa phrase. Ce qu'elle avait vu en rêve la troublait tellement qu'elle en avait les yeux plein d'eau. Elle se leva, inconciente de la beauté que lui conférait ses larmes, à cet elle semblait si fragile et délicate qu'elle aurait attendrie le plus vilain des démons. Elle marcha jusqu'à lui en trainant sa couverture, et s'assit près de lui, en boule, sa couverture pressée contre son estomac, les cheveux en bataille autour de son visage de porcelaine. La lueur de la lune lui donnant un air translucide, elle ressemblait presque à l'ange.

" J'ai fait un cauchemar, commenca-t-elle d'une petite voix, on arrivait chez-moi, et tout était détruit, tout était brisé... la ville avait été saccagé... il ne restait plus rien, plus un âme qui vive... "

Elle lève alors les yeux vers lui, de grands yeux couleur d'eau de mer noyé de larmes mais plein d'espoirs, la lèvre inférieur tremblante, elle murmure comme si elle craignait que de le dire haut et fort ne matérialise sa crainte:

" J'ai si peur que ce soit vrai..."

Et dans sa tête, elle revoit tout... Toujours tourné vers lui, elle ajoute:

" Je regrette tellement de ne pas y être retourné plus souvent... depuis mon départ, je n'y ai mis les pieds qu'une seule fois... j'avais besoin d'un ingrédient pour un rituel... Et le roi a été si bon pour moi... alors que moi... je l'ai abandonné... il m'a sauvé quand j'étais bébé... il aurait pu me laisser dans cette forêt...ou m'envoyer à l'orphelinat... mais il m'a élevé comme une princesse... sans se soucier de ma différence... J'aurais du aller le voir plus souvent... mais tout ce qui comptait pour moi, c'était de retrouver mes origines, ma famille, mon peuple... "

Lorelaï s'était mise à déballer toutes ses pensées le splus intimes, se souciant peu de qui les écouterait, mais vivant pleinement le soulagement de mettre en mot ce qui lui tournait en tête.

Sans rien dire, l'ange laissa Lorelaï parler. Certaines peines doivent être dites avant de pouvoir guérir, et l'interrompre aurait été pénible pour tous les deux.

Tout en écoutant, il tournait entre ses doigts une pierre bleutée qu'il venait de retrouver dans sa poche. Un Zéphyrin ... une des pierres précieuses qu'il utilisait pour essayer de créer des ailes artificielles. Il avait dû faire un nombre incalculable d'essais ratés avant de réussir un vrai Zéphyrin, et celui-ci en faisait partie. Le sortilège avait été un échec, mais il avait donné à la pierre un reflet chatoyant assez inattendu. Amusé, il l'avait fourrée dans sa tunique et l'y avait oubliée. A présent, il jouait pensivement avec, et ce ne fut que quand Lorelaï se tut qu'il referma la main.

"Un songe ..."

Que dire ... souvent les cauchemars n'étaient que les peurs secrètes des hommes. Mais parfois, on pouvait y voir le présent et l'avenir, et seuls les fous rejetaient les avertissement des songes. Et ces temps étaient dangereux. Même Elament n'était plus à l'abri, Luxania la Grande subissait attaque sur attaque, même Otulin avait dû abandonner ces contrées ... alors, qu'en était-il de la Cité Cachée d'Eldandil?
Certes, personne ne connaissait exactement l'endroit où était la ville de Lorelaï. Mais qui savait si les démons ne l'avaient pas surprise? Ou s'ils n'avaient pas arraché son secret à un Elfe prisonnier?

Archael soupira légèrement. Il ne savait que dire. Mais qui aurait pu rester insensible à la détresse de ces yeux verts qui le fixaient? Même derrière la muraille de silence et de solitude où il s'était renfermé, ils l'atteignaient, posant leur question angoissée ... alors, après une longue hésitation, il posa maladroitement sa main sur l'épaule de la jeune fille. Lui qui ne parlait plus qu'à peine, essaya de trouver les phrases qui consoleraient.

"Les rêves ne sont que des rêves, Lorelaï ... A quoi bon te tourmenter sur ce qui pourrait arriver demain?"

Contre sa jambe, elle tremble encore ... Alors, l'ange tente de se souvenir des mots d'autrefois, ceux qu'il avait oubliés. Ceux qui apaisent le coeur et l'âme. Peu à peu, sa voix perd sa dureté, se fait à nouveau sereine et apaisante.

"Si ce cauchemar te tourmente tant, construis ton propre rêve. Ferme les yeux ... nous sommes à Eldandil. Pas de feu, pas de mort, juste l'odeur de la forêt. Les maisons de bois sont pareilles à autrefois. Les sourires des tiens t'accueillent. Sur le seuil du palais, le roi t'attend. Lui aussi, sourit ..."

Un instant, Archael se tait. Un tableau un peu puéril d'une ville qu'il ne connaît pas. Il est brossé de quelques mots, mais seuls Lorelaï peut lui donner des formes et des couleur dans son esprit, puisées dans ses souvenirs du passé. Il laisse quelques secondes passer, puis reprend.

"Je ne connais pas le roi de ton peuple, Lor... " - et le diminutif lui laisse une impression étrange sur les lèvres - "mais s'il t'a adoptée et élevée, c'est qu'il t'aime comme ton vrai père le ferait. Un père souhaite le bonheur de ses enfants. Il ne t'en voudra pas, au contraire. Il sait certainement que tu as besoin de connaître ton passé, et il sait aussi que tu ne l'oublieras pas pour autant. Il sait que tu reviendra un jour, et il t'attend. Dors et songe que demain, il verra les cheveux noirs de la voyageuse qui arrive et sera heureux."

La main se retire de l'épaule de la jeune fille. L'ange s'est tu. Mais dans le feu qui s'éteint, comme une approbation, jaillit un magnifique bouquet d'étincelles ...

De doux rayons chauds caressent la joue blanche de Lorelaï qui dort toujours, serrée en boule contre l'Ange songeur. Elle se réveille doucement, s'étire, passe une main dans ses cheveux et murmure:

" Merci... grâce à toi, j'ai dormi comme une enfant... je suis bien reposée maintenant pour reprendre la route..."

Elle sourit, oublié maintenant les craintes de la nuit. Elle s'asseoit contre la pierre froide du mur, et fouille sa sacoche. Ele en tire quelques fruits séchés qu'elle grignote pensivement. Elle jette quelques regards en coins à Archaël. Il l'a surprise cette nuit. Son comportement change sans arrêt. Elle a l'impression qu'il lutte contre lui-même... comme s'il sentait son âme sombrer au fond de lui-même, et lutte pour revenir à la surface, tel l'elfe qui s enoit dans la rivière. Le Séraphin de la nuit, c'est celui qu'elle aime, celui qu'elle veut avoir à ses côtés... celui qui était venu la trouver à son bureau.

Son déjeuner terminé, elle sort sa brosse à cheveux, démêle sa crinière noir, la repousse sous sa capuche et se lève pour se dégourdir les jambes un peu avant de remonter en selle. Elle ramasse ensuite ses sacs et les rattache à la selle d'Haji.

" Il a faim peut-être? On doit le nourrir je suppose...?"

La bête l'effraie moins à présent, même si la peur de voler reste toujours tout prêt, prête à reprendre sa place en elle, au garde à vous!

" Je serais prête à reprendre la route si tu le désires."

En disant cela, quelques réminiscences de la nuit s'insinue en elle. Reprendre la route signifie découvrir peut-être la concrétisation de son rêve... ou plutôt, cauchemar. Elle frissonne, mais au même moment résonnent dans ses oreilles les paroles rassurantes d'Archaël. " ... les rêves ne sont que des rêves...Lor..."

Elle se rappelle du surnom avec délice, le sourire renaît dans ses prunelles, avant de glisser sur ses lèvres...et de se diriger vers celui qui fait battre son coeur.

Au milieu de la nuit, le feu s'est éteint. Lorelaï a fini par s'endormir.

Silencieux dans le noir, le Trône écoute sa respiration. Elle s'est calmée et repose paisiblement, blottie dans sa couverture, la jeune Elfe ... Tout est calme à présent ... Pourtant, vers deux heures du matin, la douceur qui avait détendu les traits d'Archael s'estompe. A l'horizon, la lune se lève. Elle ne brille pas de reflets d'argent. C'est une nuit de lune rouge, et son disque se reflète en millions de rubis, au fond des yeux du Trône.

De nouveau, Archael est soucieux. Il est rare que l'astre aie cette menaçante couleur de sang. Ces nuits sont mauvaises, car la Lune Rouge réveille bien des choses mauvaises. C'est pendant qu'elle brille au ciel que les pouvoirs du mal sont à leur apogée. C'était peut-être pour cela qu'il avait été tellement nerveux, dès que le soleil avait disparu, quand ils se sont arrêtés ici.

Il ignore qu'en ce moment même, pendant leur absence, près d'Elament, cette froide nuit de février est parcourue par les ombres (*). Il ne sait pas non plus que depuis tous les coins du continent, des démons de tous les clans se sont mis en marche vers Elament. Mais parce qu'il est plus sensible que la plupart des gens, il sent confusément que quelque chose de sombre et de mortel est à l'oeuvre cette nuit. Malgré lui, le songe de Lorelaï le tourmente aussi. Pourquoi a-t-elle rêvé de cela, juste cette nuit de sorcelleries? Coïncidence ...?

Pendant que les heures passent, l'Ange tend l'oreille et scrute l'obscurité. Rien, personne, juste la neige au loin et le silence de la montagne. Et pourtant, il est inquiet ...
Ainsi passa la nuit.

****************************

Le matin arrive, et vers huit heures, les rayons du soleil sont venus sonner le début de la seconde journée de voyage.

Pendant que Lorelaï mange, son compagnon rassemble leurs quelques affaires. Il a de nouveau son air renfermé. Pourtant, il est moins tendu, moins brusque que la veille. Il adoucit son ton pour parler à la jeune fille, et s'abstient de l'inquiéter en lui racontant la fin de la nuit. Lorsqu'elle parle de leur monture, il essaie même de sourire - mais ses yeux ne s'éclairent pas.

"Notre ami n'a pas eu la patience d'attendre, et il a déjà trouvé son petit déjeuner ..."

En effet, autour de Haji, quelques plumes éparpillés et un bout de laisse rongée prouvent que le Tigre Ailé est allé à la chasse. A présent, très satisfait de lui-même, il baîlle largement et se pourlèche les babines. Les êtres à deux pattes sont décidément bien sots, pour croire qu'il accepterait de manger de la viande séchée quand tant de délicieuses petites choses sautillent ans les parages ... A l'aube, il a rompu son attache, puis est parti attraper la première volaille qu'il a croisée. Repu, il baîlle largement et laisse Lorelaï le harnacher à nouveau. Comme elle n'émet plus l'odeur de la peur - l'odeur des proies - le Tigre vient frotter amicalement son formidable museau contre le manteau de la jeune Elfe.

"Alors, partons..." décide Archael qui revient du lac où il est allé s'asperger d'eau.

Il s'est débarrassé de son long manteau, et porte son habituelle tunique bleu pâle. Il fait à peine 5 degrés, mais en altitude le soleil tape. L'eau glacée a fait de petites gouttes dans ses cheveux blancs. Elles étincellent au soleil, comme une couronne de diamants pour un prince du royaume céleste. Le Trône passe l'étui du Chantepierre sur son épaule, et grimpe sur le dos de Haji. D'un geste, il aide Lorelaï à se hisser et administre une petite tape sur le flanc de leur monture. Immédiatement, le Tigre Blanc déploie ses ailes puissantes et quitte le sol.

Les voilà à nouveau dans le ciel, laissant derrière eux la Montagne Garök. L'air est vif et froid, un air de fin d'hiver, mais la tempête de neige a cessé. Ils survolent une mer de nuages, car les brumes du matin couvrent encore le sol à basse altitude. Seuls les sommets rocheux dépassent de ce manteau de coton. Les rayons du soleil étincellent sur tout ce blanc, éblouissants. Comme à chaque fois qu'ils retrouvent le vent et le ciel, l'Ange se détend un peu.

"Nous étions censés arriver à Eldandil avant midi" estime-t-il en se retournant vers Lorelaï, "mais la tempête d'hier nous a un peu ralentis. Quelle direction prenons-nous?"

Lorelaï inspecte les alentours et reconnait au loin, une tache sombre indiquant la forêt. C'est dans cette forêt que deux soldats du Roi l'ont trouvé,il y a maintenant 24 ans, emmailloté dans uen couverture, abandonné entre les racines d'un arbre... ils l'ont ramenés à Elandhil ou le Roi en a fait sa protégée...

Elle pointe du doigt cette tache pour Archaël:

" Elandhil se trouve niché au centre de cette forêt. Tout ceux qui s'y sont risqués non accompagnés d'un habitant de la Cité se sont soit égarés, soit ont errés des jours entiers, mais personne ne peut trouver la Cité sans aide. Les arbres y poussent si serrés qu'il faut connaître le bon chemin pour s'y rendre... "

Haji a compri, sans qu'on ait à lui dire, et a changer son cap. Les deux alliés foncent maintenant a une bonne allure vers la Cité, la dernière étape de leur voyage. Par chance, le ciel est dégagé et un vent dans la bonne direction aide sensiblement le Tigre Ailé. Contre toute attente, ils ont pu rattrapper le temps perdu de la veille, et un peu après midi, le Tigre se pose devant la forêt. Les deux voyageurs doivent maintenant poursuivre à pieds.

Lorelaï explique à la bête ailée:

" Tu peux chasser ici, promène-toi.. fais ce que tu veux... nous reviendrons d'ici un ou deux jours... Quand nous aurons besoin de toi...je sifflerai."

Elle passe les bras autour du cou de Haji, et le serre fort...puis se tourne face à la forêt, par-dessus son épaule, elle fait signe au Trône de la suivre et pénètre dans la forêt.

À peine deux mètres plus loin, la noirceur les rejoint. Les arbres poussent si étroitement enlacé que le soleil peu à peine passer entre les branches. Des racines s'emmêlent entre leurs jambes et des liances leur barrent la route, mais Lorelaï sait ou elle va. Elle les repousse, les enjambe, ses jupes retroussées au-dessus des genoux.

"Dans une heure, nous devrions avoir atteint la Cité. "

***

45 minutes plus tard

" On y est presque."

Lorelaï est à bout de souffle, ses vêtements sont déchirés et trempés, ses cheveux emmêlés, des éraflures sur son visage laissent perler quelques gouttes de sang. La forêt autrefois si amicale à ce stade-ci ne semble pas prête à l'accueillir.

" Je ne comprends pas... rendu ici, la forêt ne devrait plus nous barrer le chemin..."

Elle s'engage sur un pont de bois qui grince et les ballotte en tout sens. Le vertige la reprend et elle s'agrippe au corde, sentant que le pont ne les soutiendra pas bien longtemps.

Normalement, c'est ici que les gardes se postent... pourquoi n'y a-t-il personne? Des images de son rêve lui reviennent en mémoire. Elle sait maintenant qu'il s'agissait d'une prémonition.

Aussitôt le pied revenu au sol, elle s'élance à la course jusqu'à l'entrée de la cité, et c'est le choc... comme dans son rêve, tout est dévasté. La vie a quitté l'endroit. Elle s'avance dans les décombres, et des larmes coulent sur ses joues, tracant des sillons sur la poussiere de la forêt accumulée pendant la marche. Et soudainement, un cri, un pleur d'enfant. Elle se dirige le plus rapidement possible vers ce cri de détresse. Il vient de sous une étable. Elle repousse les planches, s'enfoncant des échardes dans la peu, et dégage une petite fille de quelques jours à peine. Elle la soulève, miraculeusement, la fillette ne semble avoir aucune blessure.

Elle retourne vers Archaël.

" Nous ne sommes pas venus pour rien... Quelqu'un quelque part a voulu que je sauve cet enfant comme j'ai été sauvé au même âge..."

Elle sert la petite contre elle, petit miracle de la vie. De son sac, elle tire une gourde d'eau et fait couler quelques gouttes dans la bouche de la petite, elle boit, puis se calme et finit par s'endormir dans les bras de l'elfe.

Forêt d'Eldandil.

Ils avancent. Lorelaï devant, Archael derrière.
Depuis qu'ils ont laissé Haji, ils progressent entre les troncs emmêlés. De verte, la forêt devient grise, puis noire. Mais ils vont tout droit devant eux, car ils savent où ils vont. Plus précisément, la jeune elfe le sait. Elle enjambe légèrement les troncs et saute les racines sans s'arrêter. On dirait une sylphe ou une nymphe sauvage, qui parcourt son domaine. La forêt a beau être sombre et inhospitalière, c'est une forêt - un royaume des Elfes. Si Lorelaï était un peu craintive dans les airs, elle est ici chez elle. Les obstacles sont peut-être nombreux, mais rien ici ne peut l'arrêter ; et pas à pas, elle avance.

Derrière elle, Archael suit et ne parle pas. D'ailleurs, il a suffisamment à faire pour ne pas en avoir envie. Les anges en général, et lui en particulier, sont des habitants des grands espaces sous le soleil, là où le vent souffle librement. Entre ces troncs bruns, il se sent oppressé. Ses grandes ailes sont un handicap, non une aide. Il doit contourner certains obstacles et peine un peu à suivre le rythme rapide de l'Elfe.

Pourtant, il n'en dit rien. Il est concentré sur quelque chose d'autre. Quelque chose que seul un Aera peut déceler, et qui le met mal à l'aise depuis leur arrivée. Tout en marchant, il interroge le vent. Ces pays des arbres sont le domaine des Terras et non des Aeras. Les plantes l'empêchent de'étendre son esprit le long de la brise. Mais l'air de cette forêt est ... inquiétant. Il est trop lourd, trop calme, alors qu'il devrait être chargé de vie. Une trace déplaisante y flotte, et ce silence ressemble à un silence de cathédrale, de ... tombeau.



Pont de cordes.

Poussiéreux, ils émergent des branches. Un pont de cordage s'étend devant eux, pour franchir un ravin qui donne vers Elandhil. A mesure qu'ils passent, la construction grince sinistrement.

** Les gardes ne se montrent pas. ** songe l'ange. ** Mauvais signe. **

Il a également remarqué le mauvais état de l'édifice et la mine inquiète de Lorelaï. Là-bas, celle-ci avance aussi vite qu'elle peut. A-t-elle aussi perçu quelque chose d'anormal? Arrivé au bout du pont, il perd quelques instants à se retourner pour réfléchir, sourcils froncés. Tout s'accorde décidément avec une précision alarmante. Ces signes mystérieux que le Vent porte, la Lune Rouge qui a brillé cette nuit, le rêve de Lorelaï ...

Tout à coup, le vent tourne et se met à souffler du nord-est, depuis la Cité. Les perceptions magiques du professeur peuvent à nouveau s'étendre. Elles remontent le fil de la brise et le transforment en radar vivant. Comme une gifle invisible, un flot de sensations inonde soudain ses sens en éveil. La fragance de cendres et de fumée. L'odeur fade du sang, et une autre, écoeurante et maléfique. L'absence de ces flammes invisibles qui font onduler la magie en présence de nombreux êtres vivants. Et surtout, le silence terrible qui ne règne que dans les endroits sans vie.

Archael fronce les sourcils et se met à courir.



Le désastre est arrivé.
De la Cité Cachée d'Elandhil, il ne reste qu'un champ de cendres dévasté, parsemé de décombres.

Debout sur un tas de pierres, Archael plisse les yeux sous le soleil. Partout des corps sans vie, des ruines qui fument à peine. Les habitations ont été rasées, les champs brûlés et semés de sel, les arbres fendus noircis, l'eau des sources empoisonnée. Parmi les ennemis des Elfes, aucune race n'a cette rage de destruction. Pas même les Nains, malgré leurs vieille rancune. Les assaillants ont emporté leurs cadavres, mais signé leur crime - aussi clairement que s'ils avaient gravé leur initiale sur le sol. La Cité elfique, construite en demi-cercle, garde la trace de leur passage : un immense "D" de cendres. D comme Démons.

Au milieu de ce chaos, où était Lorelaï ?
C'était elle qu'il cherchait - et il finit par la trouver. Petite forme grise, elle avançait mécaniquement, au milieu de ce chaos qui avait été son foyer. L'Ange serre les mâchoires et se dévale la pente à grands bonds. Tout en s'approchant de la jeune femme, il se demande s'il saura trouver les mots dans une circonstance pareille. Comment consoler, comment trouver les mots qui apaisent, quand l'amertume gronde au fond de son propre coeur?

Mais il n'en a pas eu besoin.
Arrivé près d'elle, il ouvre la bouche .... et la referme sur une exclamation de stupéfaction.

"Euah?!"

La jeune Elfe n'avait même pas perçu son absence - et quand il est à nouveau à côté d'elle, ils sont trois, à présent. Dans les bras de Lorelaï, une petite forme s'agite doucement. C'est menu, c'est fragile ... Quelque chose dépasse du linge blanc. Deux yeux tout collés par les larmes. Un petit gémissement, d'une voix enrouée à force d'avoir pleuré ... eh oui, c'est un petit, un tout petit enfant.

Par quel hasard a-t-elle pu se retrouver ici? Elle n'est pas blessée, mais depuis combien d'heures est-elle ici, sans soins et à la merci de tous les fauves? Et que se serait-il passé si une Elfe et un Ange n'étaient aps passés ici et maintenant? Les Dieux sont peut-être cruels parfois, mais ils ont fait preuve de miséricorde cette fois. L'eau de la gourde apaise sa soif - ses doigts minuscules s'accrochent à la main de Lorelaï pour qu'elle ne la retire pas. La fillette vit.

Archael regarde le miracle - mais en restant soigneusement à distance. Il oublie même à répondre à l'infirmière - et son embarras serait comique si la situation n'était pas aussi grave. Visiblement, il n'a pas dû avoir souvent affaire à des bébés et la regarde avec un mélange de méfiance et d'émerveillement.

Jusqu'au moment où une branche craque, accompagnée d'un bruit de fuite. L'Ange se redresse comme un ressort.

"Ne bouge pas!"

C'est un murmure, mais le ton est impératif. Tendu, il fixe les arbres non loin de cette écurie brûlée. Ils sont noircis, brûlés, mais un chemin s'y voit clairement. Il mène vers une falaise grise un peu en arrière de la ville. Visiblement, les Elfes l'ont entretenu soigneusement. Comme une antenne, il capte le vent qui souffle de cette direction, pour y déceler une odeur, un mouvement infime ou une légère aura. Y a-t-il une menace dans cette direction? Un démon laissé en arrière-garde?

Prudemment, il s'avance vers la lisière du bois dévastés. Au creux de sa paume, une lueur pâle et froide luit doucement - signe annonciateur des éclairs glacés de la magie, qui sont prêts à jaillir si l'ennemi se montre. Pourtant, au bout d'un certain temps, le Trône se détend et revient auprès de sa compagne.

"Tout est calme" conclut-il, "et je ne sens rien de maléfique. J'ai vu seulement un trou noir dans la falaise, au bout du sentier. Y a-t-il des grottes à Elandil?"

Lorelaï fut amusée de l'air perplexe d'Archaël lorsqu'il la vit revenir avec la petite, mais elle reprit vite son sérieux. L'ambiance n'était pas à la festivité, tout autour d'eux, la désolation , les traces de tuerie envahissait le paysage.

" On ne peut pas la laisser ici... elle mourra de faim... jamais personne ne viendra à sa recherche... je la ramène avec moi. "

Elle ne pouvait s'empêcher de penser que le destin en avait voulu ainsi. Elle rendrait à cette enfant les bienfais qu'on avait eu pour elle dans son enfance. Elle cherchait comment elle pourrait bien l'appeller quand Archaël se figea et lui cria de ne pas bouger. Automatiquement, elle se figea et serra le poupon plus fort contre elle, lui faisant un rempart de son corps. Archaël la questionna à propos de grotte:

" Bien sûr, il y en a quelques unes, mais une seule est de taille à loger un humain adulte. On l'appelle la grotte du mourrant, puisqu'un elfe s'y est caché un jour suite à une grave attaque, et avant de mourir, il a laissé un parchemin détaillant ce qui était arrivé, et cela a permis de sauver la ville... une fois..."

Elle s'agenouilla, posa la petite au sol, et d'un geste sec et précis, déchira le bas de sa jupe à partir des genoux, puis déchira la couture de côté pour en faire un rectangle :

" Je vais t'y conduire, mais avant, laisse-moi finir ceci!"

Elle passa le rectangle de tissu sous la fillette, et se l'attacha ensuite sur le corps. Un côté passant sur l'épaule et l'autre sous l'autre épaule. La fillette reposait ainsi dans un espèce de hamac confortable qui la maintenait solidement contre le corps de Lorelaï, la gardant ainsi au chaud et rassuré: et de cette façon, elle avait les mains libres.

" Suis-moi!"

Elle ramassa son sac qu'elle jeta sur son dos du mieux qu'elle put sans déranger le bébé, et commenca à suivre le sentier envahie de cendre, contournant les ruines des maisons, et se dirigeant vers l'autre côté de la ville. Ils arrivèrent rapidement à une clairière au bout de laquelle un sentier commencait l'ascension d'une montagne en s'enfoncant de nouveau dans la forêt.

" Il nous faudra grimper une partie de la montagne, puis nous atteindrons un apic rocheux, nous le longerons sur quelques mètre, la grotte du montagne se trouve au bout de cet apic. "

Le bébé geignit un peu, et Lorelaï lui donna son doigt à sucer. La fillette le téta et se calma un peu, mais la faim la tenaillait.

" Si on croise une chèvre encore en vie, ou une vache, il faudra tenter de la traire, la petite a faim... ou même, si une maison tient encore debout, on y trouvera peut-être du lait..."

À ce moment-là, ils croisèrent les fondations d'une maison qu'elle avait bien connu... celle de son amie d'enfance, Maëhli. Elle se rappella sa joyeuse amie et ses longues nattes blonde, criant, riant, sur l'herbe. Et elle décida de lui rendre un dernier hommage.

" Je connaissais les habitants de cette maison, dit-elle à Archaël. Ils avaient une fille qui avait à peu près mon âge, et je jouais souvent avec elle enfant... elle s'appellait Maëhli, et c'est ainsi que je vais nommer cette petite..."

Elle ralentit la cadence, murmura une prière à son amie perdue, versa quelques larmes sur son enfance passée, et embrassa la petite Maëhli sur le front. Ceci fait, elle repri sa route.

Archael ne répondit pas. Non qu'il ne prêta pas attention à ce que disait Lorelaï, mais il fixait le chemin devant eux sans relâcher sa vigilance. Depuis que le vent s'était remis à souffler, il percevait quelque chose d'assez lointain, mais qui se précisait. Eldandil n'était pas tout à fait déserte. Certes, la Cité ne contenait plus que la mort. En dehors de la petite ... Maëhli, il n'y avait plus un être vivant là-bas.

Mais en face, dans la falaise au fond de la forêt, c'était différent. L'Air pénétrait partout, même à l'intérieur des forteresses et des cavernes, et le long de la brise, la magie courait. En fermant les yeux, ceux qui savaient Voir avec l'esprit pouvaient sentir les mille et une flammèches de vie qui habitaient les arbres. Animaux, oiseaux, insectes qui avaient éhappés au massacre. Tous faisaient légèrement onduler la magie autour d'eux, par cette petite lueur palpitante qu'on apelle "vie". Mais veers la falaise, il y avait quelque chose de plus. C'était vague, mais cela ressemblait à l'aura qui n'était émise que par ceux qui pensaient.

Là-bas, il y avait quelqu'un.

Ils marchèrent quelques minutes, jusqu'à ce que l'Ange s'arrête. A leur gauche, au milieu de la forêt, s'élevait une petite clairière. Elle devait probablement servir de pâture à certaines bêtes, qui avaient pris la fuite lors de la bataille. Au milieu, une construction de bois devait faire office de bergerie. Vide bien sûr, et vu la porte fracassée, les démons étaient aussi venus ici. Mais peut-être ...

"Attends-moi une minute" intima-t-il à Lorelaï, après avoir sondé les environs.

Archael disparut quelques instants dans la cabane, et en ressortit porteur d'une cruche en grès. Du lait même pas tourné. Le drame devait avoir eu lieu il y a un jour à peine - cette nuit peut-être.

"Il n'y a personne là-dedans ... les habitants ont sans doute été emmenés." - ou pire, soupira-t-il intérieurement en tendant le récipient à l'Elfe. "Mais les provisions étaient intactes. Tu as le savoir des poisons et des herbes : vérifie qu'il est sans danger et fais boire la petite. Il vaut mieux que j'aille seul à la grotte ..."

Un geste vers Maëhli fut explicite. S'il y avait quelque chose de dangereux, c'était là-bas. Emmener un nourisson dans cette direction était prendre des risques inutiles. Mais si l'ange pensait cela, il n'en dit rien. Depuis qu'ils étaient arrivés à Eldandil, il s'efforçait d'adoucir son ton pour ne pas blesser davantage sa compagne. Mais quand à tenter de s'exprimer, de parler à coeur ouvert come cette nuit ... rien que le silence. Il ne disait que le strict nécessaire.

Un dernier regard sur les arbres - non, tout était calme. Alors il s'engagea rapidement parmi les arbres et fut bientôt hors de vue.

***

Vingt minutes plus tard.

Une forme aérienne passa au-dessus des arbres. Quelques secondes plus tard, Archael se posait dans la clairière, ailes déployées. Pour qu'il décide de voler au lieu de marcher, il fallait qu'il soit pressé. Son ton contenait d'ailleurs une certaine dose d'urgence.

"Lorelaï, viens voir!"

Avec effort, le Trône était en train de déposer doucement le fardeau qu'il tenait dans les bras. Une forme allongée, enveloppée dans un manteau gris. En s'approchant, on comprenait les gestes délicats. Car du tissu rêche, dépassait la tête d'un vieil elfe aux cheveux d'argent. Il respirait faiblement, mais ses yeux étaient fermés. Dans le même temps, un écureil avait jailli de le forêt. Il ressemblait curieusement à Rudy - en plus gros, avec en plus une rayure blanche sur la queue. Comme une flèche, il était venu se poser près du vieillard, pas le moins du monde effrayé par les humains. Archael le désigna du doigt.

"C'est lui que j'ai senti tout à l'heure. Quand je suis rentré dans la grotte, je l'ai trouvé à côté de cet homme. Mes sortilèges n'étaient pas suffisants pour le soigner, alors je l'ai ramené ici le plus vite possible."

Lorsqu'Archaël pénétra dans une bergerie et en ressorit presqu'aussitôt en lui tendant une cruche, Lorelaï lui en fut totalement raconnaissante. Elle prit la cruche et la sonda à l'aide de ses pouvoirs comme il venait de le lui suggérer. Le liquide était pure et sans aucun danger. Elle posa la cruche près d'elle et regarda l'ange partir. Elle dénoua ensuite l'étoffe qui retenait Maëhli contre elle et improvisa un biberon à l'aide de feuille d'arbre roulé en cône dans lequel elle faisait couler le lait à petites gouttes. Une fois l'enfant repue, elle la berca en lui chantonnant une mélodie.

L'attente ne fut pas longue. Une vingtaine de minutes plus tard, un battement d'ailes lui annonca le retour de l'être aimé. Il paraissant dand un état d'agitation extrême et elle comprit rapidement pourquoi. Il tenait entre ses bras un corps qu'elle crut d'abord sans vie, mais lorsqu'il le posa devant elle, elle s'apercut qu'il vivait, mais à peine. Il roula devant elle, et elle le reconnut... son mentor... celui pour qui ils étaient venus. Et presqu'en même temps, un écureuil roux apparut, comme sortie de nulle part, près d'eux.

Lorelaï enroula Maëhli dans la couverture improvisée et la posa dans une touffe d'herbe encore tendre malgré les feux.

" Garde un oeil sur elle, veux-tu, pendant que je le soigne. Si je le sauve, on a encore une chance d'obtenir les informations que nous étions venus chercher."

À ce moment-là, elle fut heureuse d'avoir emmené des potions et onguents tout prêt pour le voyage. Elle posa son grand sac près d'elle, ouvert, de façon à repérer rapidement ce dont elle aurait besoin. Elle commenca par lui retirer le plus de vêtements possibles pour voir l'étendue des plaies. Elle désinfecta le tout et mit un onguent cicatrisant sur les plaies ouvertes, additionné de baume cicatrisant pour diminuer ses douleurs.

" Déjà, s'il a moins mal, il reprendra peut-être conscience..."

Agenouillé près de lui, elle laissa retomber sa cape au sol pour se libérer les bras, exposant ainsi ses vêtements de voyage sales et déchirés. Elle s'apercut alors à quel point ses mains et sa peau l'étaient aussi.

" Archaël, me ferais-tu chauffer de l'eau?"

L'écureuil leur tournait toujours autour...mais pourtant, elle n'avait pas l'impression de le connaitre... voulait-il leur faire comprendre quelque chose? Il observait chachun de leur geste d'un regard intelligent. Veillait-il sur le mage? Ou sur le nourisson?

Elle sortit une potion revigorante. Elle inclina la tête du blessé et la fit couler doucement , à petites gouttes, dans sa bouche. Quelques gouttes suffiraient.

Elle s'agita un moment encore autour de lui, avant de se laissa tomber par terre avec un gros soupir, épuisé:

"Laissons maintenant le temps faire son oeuvre... quand l'onguent aura séché, je laverai ses plaies à l'eau chaude...Reposons-nous maintenant... il reste fort à faire et peu de temps..."

Maintenant que tout son monde était en relative sécurité, elle s'accorda deux minutes pour boire et manger. L'écureuil la regardait toujours. Elle lanca un regard interrogateur à Archaël:

" D'ou il sort lui?"

Pendant que Lorelaï s'occupait du blessé, Archael s'était assis en tailleur. Il avait récupéré la petite qui gigotait et risquait de chuter de sa touffe d'herbe. Après quelques secondes de perplexité, le bébé s'était emparé du pouce de l'Ange et bavait dessus avec satisfaction.

** Au moins, elle n'est pas difficile ** songea l'ange.

Résigné, il observa Lorelaï prodiguer ses soins au vieil Elfe, tout en grdant un oeil sur les alentours. Le sentiment de danger de la nuit ne s'était pas encore dissipé. Et il avait beu savoir que la région était désormais déserte, il se sentait encore mal à l'aise. Dès que le vieil homme serait en état de supporter le voyage, il faudrait rentrer en hâte à Elament. Les Démons pouvaient encore revenir dans les jours à venir.

Enfin, au moins ce voyage le distrayait-il de ses sombres pensées.

Quand Lorelaï lui demanda de faire chauffer de l'eau, le problème se posa de savoir comment il allait procéder avec un bébé dans les bras ... faire léviter la bassine de fonte et la poser sur des pierres ne fut pas difficile. Trouver le bois non plus : la cabane en ruine était toute proche, et les planches de bois se soulevèrent en l'air sous l'impulsion de la magie. Mais quand à allumer le feu ... il n'était pas un Igni. Il finit par contourner le problème en tenant Maehli d'une main, et en étendant la main gauche pour attraper le briquet à amadou qui se trouvait dans le sac. Bientôt, la claire flamme pétilla, sous l'oeil intéressé de l'écureuil.

Lorelaï ne tarda pas à l'interroger à son sujet. Le Trône haussa légèrement les épaules en signe d'ignorance.

"Je ne sais pas ... comme je te l'ai dit, c'était lui qui se cachait dans les buissons. Il s'est réfugié dans la grotte, tout près de ce vieil homme. Il n'a pas l'air craintif, et je suppose qu'il doit être habitué à la compagnie."

Comme pour confirmer ces paroles, la petite bête grimpa sur le bras amaigri et vint renifler délicatement le visage ridé. On aurait dit qu'il attendait le réveil du vieil Elfe. Archael souleva Maehli, puis la changea de bras pour pouvoir se rapprocher un peu du blessé. Ravi, l'enfant chiffonna sa bouche en un essai de sourire et battit des quatre membres en poussant de petits cris. L'Ange la regarda un instant ... et pour la première fois depuis longtemps, est-ce que ce n'était pas une ombre de sourire qui avait soulevé le coin de ses lèvres.

Mais déjà, il s'intéressait à celui qu'ils avaient recueilli. Les vêtements de vieillard étaient tous simples, mais tissés avec art. Le seul ornement qu'il portait était une sorte de coiffe masculine sur ses cheveux d'argent. Elle était faire d'ivoire et d'ambre. S'il se rapellait bien, c'était l'insigne des sages chez les Elfes.

"Cet Elfe ... tu le connais?"