Portail en métal que Naja poussa doucement, le faisant pivoter d'un grincement lugubre sur ses gonds tout juste suffisamment huilés. Il avait déjà noté ce bruit strident, mais avait renoncé à le faire disparaître, trouvant qu'il était amusant de s'imaginer la tête des clients, inquiéts par l'accueil du portail... Il ouvrit en grand, en même temps qu'un éclair zébrait le ciel et devant eux s'étala la petite allée de graviers blancs bordée de buissons, courant jusqu'à l'entrée du Bestiaire.

La boutique, un bâtiment gigantesque, avait des allures de vieille chapelle hantée, avec son dôme immense recouvert de vitraux et ses deux grandes ailes s'enfonçant dans les profondeurs de la terre... Que pouvait bien abriter cette boutique pour se permettre de telles proportions ? Rien de très rassurant en tous cas, ou bien tout juste assez peu pour dissuader les plus jeunes de dépenser leur argent de poche dans une créature trop dangereuse pour eux. Car des capricieux, il y en avait quelques uns, à Elament.

La bâtisse offrait ses murs imposants au vent, si bien que l'on entendit enfin autre chose que les hurlements de ce dernier, comme les bruits de pas de Ily sur les graviers crépitants, ou bien encore la terrible détonnation de la foudre, s'abattant plus loin. Naja ouvrit la lourde porte de bois après l'avoir déverrouillée, en la poussant le plus simplement du monde, avec force toutefois. Son étalon connaissait le chemin et pénétra les lieux avec un certain empressement, trop heureux de se mettre enfin à l'abri, son maître refermant derrière le petit convoit insolite.

"_ Mesdemoiselles, bienvenues au Bestiaire !" s'exclama t-il tout joyeux.

Enfin, on s'entendait parler ! L'immense pièce circulaire dans laquelle ils se trouvaient était étonnamment silencieuse comparée au vacarme des éléments, dehors. Pourtant, elle n'en était pas moins inquiétante, sinon curieuse : de larges marques recouvraient l'épais parquet de bois sombre, comme autant d'encoches faites à l'aide de griffes acérés et ô combien... gigantesque ? Cela laissait supposer qu'on ne vendait pas que de gentils chevaux ici, mais des créatures un peu plus grosses. Les murs, noircis par endroits, portaient également les stigmates de leur passage...

"_ Je vous en prie, mettez-vous à l'aise, je vais vous allumer un feu." reprit-il en se frottant les mains, les cheveux tout dégoulinants de pluie.

Ily s'ébroua vivement, comme un chien mouilllé, glissant légèrement et Naja se dirigea à vive allure derrière le comptoir, où s'étalait l'arrière boutique :

"_ Venez, entrez ! Oh, et ne faites pas attention au bazar..." l'entendait-on depuis la petite pièce.

Et du bazar, il y en avait ! Outre les multiples pièces de harnachement de cuir fraîchement graissés et suspendus à peu près partout, il repoussa d'innombrables livres en un grand tas informe, dans un coin de la table, afin de faire de la place pour ses invités. Puis il plaça quelques couvertures devant une grosse cheminée qu'il était affairé à allumer, à quatre pattes par terre...

Tout au long du chemin, Lilou s'était promis de remercier le jeune propriétaire du bestiaire dès que le bruit lui permettrait d'émettre un son audible. Une fois au calme cependant, elle ne su émettre un son. Malgré une odeur assez infernale de crotte de dragon mélangé à la poussière (on ne s'y habitue pas toujours avec un odorat aussi fin), la chaleur soudaine du refuge l'apaisa et la fit légèrement grelotter, elle sentait que la pluie avait percé l'épaisseur infaillible de son manteau de laine voire même au-delà.
Car oui, elle devait bien se l'avouer, le froid était en train de vaincre petit à petit sa résistance légendaire d'elfe. Lilou laissa son manteau gris tomber de ses épaules. Sa robe brune sale et souillée par les nombreux périples au travers de la Contrée ne lui donnait pas fière allure. Ses longs cheveux étaient plaqués en fourches étranges sur ses joues.
En temps normal elle aurait bronché, mais la situation ne le lui permettait pas.
Elle pris quelques secondes pour ôter les bottes boueuses de ses pieds rougis par le froid puis instinctivement tourna son visage masqué d'argent vers l'Halfling. Un sourire lui échappe, enfin, ce qui semble être un sourire. Elle avait commencé à sentir sa présence progressivement en marchant, un esprit posé, tourmenté et fatigué. Elle ne sentait pas sa petitesse, mais plutôt sa féminité, elle s'inclina légèrement pour lui céder le passage en direction du feu.
Cela lui permettait de tracer le chemin mentalement et de ne pas trébucher dans quelques affaires du cavalier.

" Je vous remercie pour votre aide, sans vous et avec cette tempête je ne sais ce que je serai devenue ! "

[HS] Désolée pour le post court et sans grand intérêt. La bataille d'Elament ayant commencé et ayant deux personnages à gérer là-bas, mon inspiration s'épuise un peu. D'ailleurs, si vous voulez y participer, toutes au front ! [HS]

Naja se releva enfin, satisfait de son feu. Le vent redoublait de violence à l'extérieur, rendant le tirage de la cheminée plus efficace et, de ce fait, attisant superbement son feu. Il sourit aux remerciements des deux jeunes filles et se retourna vers elles :

"_ Oh, ce n'est rien... enfin... c'est normal ! Et puis, je ne pouvais décemment pas laisser deux superbes jeunes filles telles que vous à la merci de ce temps désastreux !"

Il rit doucement et se dirigea soudain vers une grosse armoire de bois massif qu'il ouvrit précipitemment. Il en tira quelques vêtements à lui et les déposa sur la table. Puis il fit demi tour et dénicha quelques biscuits, des verres et un grand pichet de lait. On est gourmands ou on ne l'est pas... pour l'heure, Naja l'est pour deux !

"_ Vous êtes trempées toutes les deux, tenez..." proposa t-il en désignant le tas de linge propre.

Il n'y avait rien de très extraordinaire et surtout, il s'agissait de vêtements d'hommes. Ceux de Naja. Autant dire qu'ils étaient d'une simplicité affolante, quoique confortables.

"_ Oh, ce sera certainement trop grand, mais c'est toujours mieux que de rester avec des vêtements mouillés. Vous risqueriez de tomber malade..." souriait-il toujours avec bonne humeur.

Puis il posa les verres, les biscuits et le pichet qui lui encombraient les bras près du linge, rapprochant deux chaises encombrées de lanières de cuir. Dans la foulée, il désigna les couvertures près de l'atre :

"_ Je vais m'occuper de mon cheval, je vous en prie, mettez-vous à l'aise. Les couvertures sont pour vous. Je vous réveillerais demain matin. Et puis... eh bien, je vous laisse faire connaissance !" conclu l'Aasimar en sortant de l'arrière boutique.

"_ Mangez un peu... vous surtout... vous avez besoin de reprendre des forces..." recommenda Naja en adressant un clin d'oeil à Sen.

Alors qu'il s'éclipsait, Huor, le chat noir aux yeux rougeoyants, pénétra la petite pièce. Il sembla hésiter en aperçevant les deux "intruses" et décida que, en tant que maître des lieux, il était chez lui ici. Il s'avança donc avec souplesse et s'installa près du feu, ronronnant de satisfaction.

Un sourire étreigna le visage de l'elfe. Elle se sentait bien accueillie et en sécurité. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas ressentit cette sensation de bien-être. La chaleur du feu l'enivrait peu à peu. Elle écouta la maître des lieux parler (qui ne s'était pas présenté avait-elle remarqué en passant), sa voix charmeuse et grave lui laissa une bonne impression. Rien qu'au ton qu'il employait, elle devina quelqu'un de sociable et simple. Le genre de bon bougre, bon vivant avec qui elle avait pour habitude de s'entendre. Lilou chercha d'une main maladroite la table où il avait entreposé les vêtements. Elle rata deux petites fois son coup avant que ses doigts blancs s'entrechoquent avec les chauds tissus. Elle ne savait comment remercier son hôte, elle se promit de lui trouver récompense. La nuit porte conseil.
L'entendant s'éloigner, ses sens se dirigèrent vers la jeune fille, le son frèle et tremblant de sa voix laissèrent à Lilou une impression de faiblesse passagère. Elle ne su deviner d'avantage.
Elle s'était rapproché d'un pas du feu à son invitation sans pour autant s'asseoir, restant là, dignement droite, mains jointes devant son ventre.

Ses mains se détachèrent pour saisir avec hésitation les vêtements secs, si Sen, puisqu'elle s'était ainsi présentée, pouvait se changer devant Lilou sans pudeur (faute à son masque), l'elfe, elle, hésita à suivre la même démarche. Elle les tendit à la jeune halfling en s'accroupissant à ses côtés.

"Je m'appelle Enelya Eldiwal d'Elrohir, mais on m'appelle Lilou. C'est plus simple, déclara enfin l'elfe. Je suis enchantée de faire votre connaissance Sen."

Elle frémit un court moment, à la fois par appréhension de la présence du félin si méfiante, et à cause du froid qui lui tenait au corps.

"Eh bien, qu'avons-nous là ?" demanda t-elle en désignant les vêtements d'un geste du menton.

En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, les deux jeunes filles se retrouvèrent avec tout ce qu'il fallait pour se réchauffer et reprendre des forces. Sen n'aurait jamais pensé voir quelqu'un capable de confier sa demeure à deux étrangères comme elles... Mais après tout... Elle pensa à ce qui se cachait dans les bas-fonds de cet endroit. Finalement, aucune prudence n'était nécessaire quand de telles choses avaient élu domicile chez soi...

Avec des gestes légèrement maladroits à cause de ses membres engourdis par le froid, elle prit place sur une des chaises à côté de l'elfe, qui semblait vouloir rester debout malgré tout... La jeune halfling ne pouvait s'empêcher de la regarder... Une elfe après tant de temps sans avoir vu l'ombre d'un seul... Ses joues rougirent, gênée par l'impolitesse qu'elle était en train de commettre. Heureusement, Lilou, comme elle se présenta, n'eut pas l'air d'avoir remarqué son indiscrétion et préféra plutôt s'intéresser à ce que le jeune homme leur avait laissé.

Les vêtements de celui-ci étaient grands... Très grands... Allait-elle tenir dedans ? Bonne question... Elle le saurait sûrement après avoir essayé... C'est alors que la question surgit dans son esprit et l'embarassa à un point extrême... Oui après tout, elles étaient entre femmes, mais... Un doute l'assaillit... Lilou pouvait-elle percevoir sa présence ? Sentir l'immondice qui grouillait en elle, plus puissante que jamais ? Les elfes pressentaient facilement toute sorte de chose, elle le savait...

"Excusez-moi... Pour cette question, mais..."Bafouilla-t-elle.Cela vous gêne-t-il que je me change devant vous ? Ou l'inverse, je ne sais pas...

Masquant son trouble, elle focalisa son regard sur les vêtements. Essentiellement des pantalons et des hauts amples dans lesquels on pouvait bouger aisément, déchirés pour la plupart... Leur propriétaire ne semblait pas avoir choisi le métier le plus facile au monde...

"Sinon, il y a des pantalons et toutes sortes de haut simples... Cela suffira sûrement, je pense.Termina t-elle avec un sourire.

[EDIT]

Citation :

"Excusez-moi... Pour cette question, mais..."Bafouilla-t-elle.Cela vous gêne-t-il que je me change devant vous ? Ou l'inverse, je ne sais pas...

L'elfe laissa paraître un sourire. La question de Sen l'amusait. Il ne lui était pas familier de montrer de la sorte ses émotions, mais la fatigue lui prenait ses dernières forces.

"Mes yeux ne sont plus aussi vifs qu'ils devraient l'être derrière ce masque, n'ayez crainte que je vous dévisage. Votre pudeur n'a point à avoir peur de mon regard." répondit-elle avec douceur. Après tout, quiconque aurait pu deviner sa cécité face à ce masque forgé d'une épaisse feuille d'argent. Même si on avait la vague impression qu'elle dévisageait les gens derrière cette barrière visuelle...

Citation :

"Sinon, il y a des pantalons et toutes sortes de haut simples... Cela suffira sûrement, je pense.Termina t-elle avec un sourire.

Elle acquieça d'un signe de tête. Ses mains frôlèrent les tissus avant de les saisir pour les tendre à la jeune Halfling.

"Choisissez ce qui est à votre goût, je prendrais ce qu'il restera."

Disant cela, elle tourna le dos à la jeune fille, comme pour la rassurer qu'elle ne verrait vraiment rien. Lilou rassembla ses dernières forces pour capter le ressenti de Sen. C'était comme un autre sens, l'instinct elfique. Elle saisissait des ondes de retenue, de pudeur mais aussi de peur. Elle ne pu en deviner d'avantage.
Attendant que Sen se vêtisse, elle tordit ses cheveux au-dessus de son cou. L'eau lui glissa dans le dos. De toute manière ses vêtements étaient déjà trempés comme jamais. Elle n'aurait ni moins ni plus froid.

Un instant elle chercha la présence de l'homme qui les avait accueillies. Sait-on jamais, il connaissait mieux cette maison que quiconque ici présent et il aurait très bien pu se mettre à les observer...

"Avez-vous terminé Sen ?" demanda t-elle au bout de quelques minutes alors qu'elle n'entendait plus le froissement des tissus.