Le verre tinta lorsqu’il fut reposé d’un coup sec sur le bar. D’une pichenette Lay-Ing l’envoya en direction de ses petits camarades. Tous avaient subit le même sort au fur et à mesure de la soirée. Elle avait peut-être déjà trop bue mais en fond, elle s’en fichait, elle avait l’argent et l’âge pour.
Si le Jimmy’s n’avait pas été exceptionnellement fermé, c’est là-bas qu’elle serait allée boire un coup. A voir le nombre de petits verres à alcool qui s’entassaient, c’était une bonne chose pour le gérant de la choppe hurlante.
Peut-être à cause de l’alcool, la langue de l’élémentaliste se délia et elle qui n’avait pipé mot que pour commander verre après verre prit la parole pour leur conter son aventure de la veille. Bien peu de choses en réalité mais elle voulait en parler et surtout, elle voulait qu’une certaine personne sache afin qu’elle puisse à son tour le raconter.
"Amis, enfin illustres inconnus. Sans doute n’en avez-vous cure mais prêtez moi une oreille je vous pris.
Hier, alors que je me promenais avec deux de mes amis, tout deux gardiens de la cité, nous avons fait une bien étrange rencontre. Alors que nous nous étions arrêtés devant la vitrine d’une pâtisserie, une chose incroyable vint à passer dans notre champ de vision."
La jeune femme marqua une pause comme pour maintenir un certain suspens mais en réalité elle cherchait ses mots. Elle essayait de faire la différence entre ce qu’elle aurait voulu qu’il se passe et ce qu’il s’était passé.
"Le reflet d’une créature d’une laiiiiideur incroyable vint à passer. Peut-être par chance, elle ne nous vit pas, peut-être parce qu’elle ne voulait pas nous voir mais moi je la vis. Immédiatement j’attirais l’attention de mes camarades sur elle et nous la primes en chasse.
Elle ne mit pas longtemps à nous repérer. Peut-être vit-elle le reflet de nos sourires carnassier quelque part.
Le pas s’accéléra et la chasse commença pour de bon. Bien vite, mes deux compagnons abandonnèrent. Qu’importe, au moins j’étais seule avec ma proie.
Elle tenta de me semer. L’inconsciente, si elle savait, on ne peut me semer sur mon territoire. Elle m’attira dans les ruelles et là, il y eut un moment qui m’amusa beaucoup. Je la vis rentrer presque en courant dans une rue pour en ressortir l’instant d’après. Une impasse, pas de chance pour elle.
Nous finîmes par arriver jusqu’à sa tanière. Vous me direz, sa maison serait un terme plus approprié mais non, ce n’est qu’une bête. Là, après avoir déliré quelques vers au sujet de sa mère, je la laissais partir.
Mon but aujourd’hui n’était pas de l’attraper, juste de lui faire ressentir la peur. Notre petite course-poursuite m’avait montré que j’avais réussi.
Bientôt je passerai à l’étape suivante, dès que l’occasion se présentera. Qu’elle ait ses armes ou non, sa faiblesse est bien trop grande pour que cela ne change quelque chose. A quoi bon traquer un si maigre gibier ? Tout simplement parce qu’il m’a volé quelque chose et que j’entends obtenir vengeance."
Son récit était terminé mais pas son discours. Etendant le doigt en direction des autres clients, elle proféra le message suivant :
"Armand, toi qui m’écoute, toi qui connais cette bête, si elle vient à te parler de tout ceci, dit lui simplement que mon but était de lui faire ressentir la peur. La douleur ou la honte viendront."
Cette fois-ci, son discours était bel et bien terminé. Qu'on l'ait laissée parler sans l'interrompre était une bonne chose, elle n'aurait pas aimé devoir assommer les bavards, elle espérait simplement qu'on l'avait écoutée, au moins un peu.