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 [Clos] La Saveur de la Vengeance

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Ruby
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyLun 29 Nov 2010 - 3:11

Elle se rappelait encore du bruit mât de la flèche d'air tapant contre le torchis de sa case, le claquement sec du parchemin tombant lentement, comme une feuille, comme une plume, virant à droit, puis à gauche, avant de tomber dans poussière de la fin du jour, scellé du ruban rouge. C'était un moment après l'attaque de la Forteresse, lorsqu'on lui faisait un rapport : un démon avait été capturé. Et bien, soit : cela arrivait parfois, pas aussi souvent qu'on le voulait, mais ça arrivait. La Matriarche avait archivé cette information au fond de son esprit et avait reprit le cours de sa vie : elle avait la gestion de l'approvisionnement de la résistance en ligne de mire, et des missions aux quatre coins monde échoueraient bientôt sur son bureau.

Et, Érestée, Kalmastre, Nieta... Ces territoires éloignés avaient requis son attention, déjà exigée ailleurs, déjà quémandée par d'autres. Résignée, la Dame avait plié l'échine, mis de côté sa vie comme on écarte les mains d'un enfant, son pas battait de nouveau les sentiers humides de l'Île, une paix renouvelée dans le cœur des habitants. Une autre missive, alors, lui avait été portée, faisant état de la présence de Sappho dans les geôles de la Forteresse. Ruby avait haussé un sourcil blanc à la lecture du vélin, intriguée, avide. Mais les fines glyphes d'encre ne répondaient pas à ses questions muettes..

Alors, elle s'était mise en marche, rejoignant Svada à la lisière d'un bois plus dangereux que les Enfers-mêmes. Nul prédateur ne vint troubler leur marche, et aucune horde de démons ne croisa leur route : il eut été, en ces heures, mortel de tailler la route de pareil duo. Et, tandis le profil de la Cité disparaissait derrière les murailles naturelles de la montagne, le repère de la Forteresse se devinait aux yeux des connaisseurs : l'endroit des entrées, les pièges des détours... Les écueils furent facile à éviter, et à elle, à la Dame, on ne fit pas l'offence de lui bander les yeux, elle qui devait déjà se voir octroyer une garde qui aurait été bien plus utile ailleurs. Les caprices de l'elfe, s'ils étaient compréhensibles, lui tapaient sur les nerfs.

Après les vérifications d'usage sur son identité, on entraîna la Cristalléenne dans les boyaux sombres du village souterrain, faisant fi des champignons lumineux et de la mine renfrognée des gardes qui paradaient dans les couloirs. Au détour d'une porte, l'odeur putride d'un corps statique noya les narines de la jeune femme, faisant revenir à sa mémoire un flot impossible à endiguer de souvenirs douloureux : les ombres, la souffrance, la voix douce d'Iblis qui murmurait à ses oreilles des paroles plus destructrices que le brasier d'un volcan. Elle sera les poings, fit de son visage une étendue de neige intacte, et entra dans la cellule. L'aspect du corps enchaîné recouvrit son cœur d'un voile, sa compassion ruant dans ses chaînes. C'était Sappho, ça ? La grande Générale d'une importante partie des armées infernales ? Impossible.

Son crâne à vif portait les plaies fines d'un rasage à sec, avec une lame très aiguisée. Son visage n'était qu'une étendue de bleue et violette, recouverte de sang séché. Son corps portait aussi des cicatrices, et des bleus, encore, des ecchymoses. Des fleurs pourpres sur une peau si belle. La consternation monta à l'esprit de la Dame, et un dégoût profond la prit à l'encontre de Shin. Voilà, parfait, à force de vouloir combattre les démons, l'elfe noir était devenu pire qu'eux. Il n'avait pas l'excuse d'une nature sadique pour commettre pareilles choses, tout ceci... tout ceci était issue de son imagination et de son goût pour la violence. Il les avait surpassé en abomination. Il ne méritait pas le titre d' Élémentaliste.

La porte, dans un grincement sinistre, se referma sur ses gonds, juste après que le garde eut déposé un tabouret et une bougie dans la petite cellule. A la lumière blafarde de la flammèche, la scène revêtait un glacis plus glauque encore, dépouillé de la protection des ombres pour perdre son atrocité. La jeune femme rabattit sur ses cheveux blancs l'étoffe de sa cape, le velours contrastant vivement avec la blancheur lunaire de sa chevelure. Elle avait sa salive et n'osa pas s'avancer plus encore, posant des yeux sanglants sur la silhouette dont le seul signe de vie résidait dans le sifflement d'une respiration difficile.


« Un jour, Iblis m'a dit qu'il y a des fautes qui se pardonnent. Que celles-ci se nommaient Offence, Vol, Blessure et Meurtre. Mais que parmi beaucoup d'autres noms qu'on pouvait leur donner, un ne pouvait être jamais pardonné. Le Blasphème. » La voix douce de la Matriarche faisait écho aux ténèbres, ombres qui devaient murmurer des berceuses d'autres ères aux oreilles de la démone acculée. Aussi onctueuse que de la soie, recouvrant la promesse de la morsure du métal... La créature ne bougea pas, pelotonnée – probablement – autour de sa souffrance. La Dame savait ce qu'elle avait vécu. Sans être passée par la torture, elle avait eu le trois de suivre la médication d'un seigneur sombre, et ceci valait son lot de douleurs.

« Chanceux que vous êtes : nos dieux sont morts. Vous êtes donc tout pardonné, non ? » Le froufrou du tissu chanta un bref instant, alors que la Maîtresse de l'Eau ouvrait son vêtement. L'air ici était chaud, probable contact entre la magie corrompu et la pureté d'un air filtré par des Aeras. Ceci importait peu : il y avait dans les entrailles de la jeune femme une rage assez glacée pour pétrifier un effrit.


Dernière édition par Ruby le Sam 2 Juil 2011 - 15:05, édité 1 fois
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Sappho
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyLun 29 Nov 2010 - 10:19

Siffle son souffle, au milieu d'une souffrance permanente. Tout était douleur. Moindre souffle sur sa peau, moindre frôlement de ses membres, moindre écart dans ses mouvements. Respire et souffre. Souffre ce que tu as fait endurer. Souffre leur haine centenaire. Et vie encore puisque tu l'as tant désiré, de vivre. Tu ne sais plus pourquoi petite ? Pourquoi tu t'accroches comme cela... Pourquoi tu ne te laisses pas mourir ? Tu le pourrais, non ? Oui je sais moi, que tu as encore un moyen de te tuer... Alors pourquoi ?

Ténèbres, mes sœurs... Mourir avec vous serez une joie sans pareille. Quitter cette souffrance ou ce corps serait pure jouissance, autant que de briser le crâne ou que d'éviscérer cet elfe... Oui oui, je viendrais à vous mes sœurs Noirs, enfants de la Nuit, mais pas tout de suite... Non... J'ai encore... Encore une promesse à tenir. Des paroles en l'air, des mots oubliés mais qu'importe ! Puisque pour moi, il n'y aura plus que la douleur... Voyez... Il a beau m'avoir détruit, avoir brisé mon corps et mon esprit, il reste toujours ma Folie. Et vous mes sœurs, qui accompagnaient de vos voix stridentes chaque os cassé, chaque doigt coupé, chaque dent arrachée... Accompagnez moi sur ce chemin sombre et sanglant qui mène à notre mère la Nuit... Oui...

Folle, mille fois folle qui se parlait à elle-même dans sa tête, dans le noir. Tête ? Vide, noir, gouffre de démence congénitale. Et souffrance. Quels os étaient brisés ? Quels membres déboités ? Quels doigts tranchés ? Aucun mouvement ne lui était permis depuis ... Des heures ? Des jours ? Des semaines ? Des mois ? À moins que ce ne soient des années... Atrophiés, ses muscles. Squelettique, elle l'était plus que jamais. Zébrée d'incarnat son dos, ses jambes, fouettés jusqu'au sang... Et partout, sa peau violacée. Sa peau abimée. Son visage... Ah... Pouvait-on encore l'appeler ainsi ?

Défiguré. Presque édenté. Écorché. Violacé. Un amas de chairs purullantes ne cicatrisant pas dépassait du bandeau qui couvrait ses... son œil. Gauche. La partie droite du bandeau était humide, noircie par un sang sec. La chair à vif endurait l'air tantôt chaud tantôt glacial. Respire et souffre. Souffre parce que tu es un démon. Souffre parce que tu es impardonnable. Non... Pas ce grincement... Pas déjà... Il lui semblait que le salopard venait de la laisser. Alors quoi ? Voulait-il la tuer finalement ? Sappho... Ou ce qu'il en restait, ne bougea pas. Marionnette sans âme, pas sans vie. Elle écouta les pas. Sentit la chaleur d'une chandelle... Puis plus un mouvement. Le bourreau était-il loin ? Proche ? En général, il commençait les séances par ce coup de poing dans son ventre. 

Puis une voix. Douce. Berceuse à ses oreilles blessées et blasées de la voix du tortionnaire. Et ce souffle qui passe sur son crâne... Ah ce crâne. Écorché, rasé. Faux sans dignité aucune. Faux ne voulait pas écouter. Mais un mot ... un nom la tira de la souffrance. Un nom qui l'éveilla. Lui fit dresser l'oreille. Sans le montrer. Elle écouta oui, les paroles d'une dame. D'une femme ? Puis elle resta silencieuse. Silence qu'elle rompait par ses sifflements lourds. Lentement, elle passa sa langue dans sa bouche asséchée puis sur ses lèvres boursouflées. Son cou se redressa à peine, provoquant quelques tiraillements dans son corps. Elle la fixait sans la voir. Son œil de toute façon, devait être presque mort. Et elle ria. D'un rire terrible, gargouillement de sang et de bave mêlés qui remontait de sa gorge maltraitée. Rauque et sombre. Elle deglutit difficilement, et même ainsi, sa voix restait plus profonde qu'elle ne l'était.


" Iblîs... Il m'a dit que j'étais impardonnable. "
Pas de raison à cela, comme il avait dit aussi... Ce qui lui restait de sourire vint à ses lèvres : " Mais pardonnes moi si tu l'oses.... "

Elle devinait, dans sa folie, qui lui parlait. L'air froid qu'elle dégageait, la voix tranchante et douce, Iblîs qu'elle mentionne... Même brisée, sa folie était là et lorsqu'on est née tarée, on peut réflechir perdue dans la démence.


" ... Dame Ruby des élémentalistes... Celle qui ne répond jamais aux suppliques des siens qui meurent dans mes cachots... Enchantée. "


Sa voix butait sur de nombreux mots, et elle reprenait son souffle en sifflant fort. Pour finir, elle ricana encore, de ce gargouillement qui venait de ses noirceur, de sang et de bave et qui coula des commissures de ses lèvres relevées sur une bouche torturée.
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 30 Nov 2010 - 20:49

Même ici, même dans cette condition, le mépris. C'était impressionnant. La Cristalléenne se déchira d'un sourire et ne bougea pas, les bras nus, vêtue d'une robe grise, lacée à sa nuque, masquant sa poitrine et l'immonde cicatrice qui la déchirait d'une croix. Elle pinça les narines, les effluves de la créature parvenant plus fort à son nez alors qu'elle parlait. Elle remua à peine, mais l'odeur acide de la corruption inonda l'espace : la maladie avait là un terrain fertile.

Faisait-elle preuve de compassion en invoquant son pouvoir ? Se laissait-elle aller à de la faiblesse, à de la lâcheté ? Qui sait, toujours en est-il que la Dame leva la main vers la prisonnière, et de l'eau tiède la recouvrit, gainant son corps d'une armure liquide. L'étoffe cristalline s'immisça dans les plaies, décolla les germes, les infections. Une boule, même, s'insinua entre les lèvres gercées et encroûtées de sang, et noya la langue, réhydratant les muqueuses maltraitées. Puis quand la Matriarche acquit la certitude que la toilette de la démone était relativement bien faite, elle rappela l'orbe d'eau, qui voleta à quelques centimètres de la paume de sa main, trouble, entachée à jamais.


« Je ne vois aucun démons à nos portes, promptes à te porter secours. Je n'ai vent d'aucune mission pour te libérer... » La voix de la vierge des glaces était songeuse, lointaine. « Nos deux peuples auraient-ils enfin un point commun ? » Un Mpf dédaigneux lui échappa malgré elle : oui, même ici, même torturée, la Démone se permettait encore d'être méprisante. Ruby l'admira, elle doutait d'avoir été elle-même aussi valeureuse dans l'Œuf de l'Ange, des années plus tôt.

« Je suis venue pour que tu répondes à une de mes questions. » La Dame marqua une pause : les mains de part et d'autres de la sphère liquide, elle regarda la crasse en sortir, et tomber dans une pluie de cendre, puis réabsorba comme une éponge le fluide vital. « Et tu vas y répondre. Pas parce que je vais t'y forcer, mais parce que, quoi que tu répondes, tu vas me faire souffrir, et que tu ne peux laisser échapper une chance de me blesser. » Son visage, à la lumière tremblante de la bougie, avait une étrange couleur dorée, et ses yeux semblaient luire de leur propre volonté. Ses traits, ordinairement si stoïques, n'étaient qu'un masque d'anticipation figé. Elle avait le deuil en maquillage...

« Tu vas me dire la vérité parce que tu sais qu'elle me guidera à ma perte, à ma propre chute » Ces mots, et tout ce qu'ils impliquaient, étaient vrais. Lentement, les murs de la cellule se recouvrirent de glace, et la porte d'acier elle-même se gaina d'une épaisse couche isolante. Les barreaux furent dévorés par un froid mordant qui, inexorablement, grimpait, rampait, recouvrait d'une laque indestructible les parois de pierre. Et si la chute de la température apaisa les douleurs de la prisonnière, Ruby ne le sut jamais.
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Sappho
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMer 1 Déc 2010 - 9:00

Parfois elle était presque lucide. Rarement. La plupart du temps, son esprit maltraité se recourbait sur lui-même et elle en oubliait jusqu'à son propre nom. Souvent. Lorsque l'élément l'effleura, la toucha, la recouvrit, elle tiqua. Puis se débattit. Son corps toujours, ne supportait pas le contact de cette magie. Elle remua, declanchant encore et toujours les chaines à ses poignets qui brûlèrent une chair putride et à vif. Que ledit élément aquatique devait la soulager ne lui vint pas à l'esprit. Elle se contentait de siffler entre ses dents des "disparait" ou encore "me touche pas" avec une voix qui passait de l'aigü au grave sans raison apparente. 

Soufflant lorsque le contact cessa, appréciant toutefois sa bouche hydratée, elle n'écouta qu'à moitié ce qu'elle dit. Porter secours... Porter secours... Sauver... Non non... Ne me sauve pas... Ne vient pas... Son esprit s'emmêla, et elle murmura, sans y penser , comme lorsqu'elle se parlait à elle-même.


" Non... Il ne doit pas me porter secours... Il ne viendra pas encore non... Ne me sauve pas et sauve toi... Ou... Oui... "


Obscures paroles qui s'adressaient au vide, à elle ou à lui. Lui... Qui ? Son nom ... Comment se nommait-il ? Et elle... Faux. Elle était fausse ? Qui était-elle alors ? Une douleur vive traversa son crâne nu, comme si son bourreau avait finalement décidé de la lui percer. Elle laissa sa tête tomber en avant, le menton appuyé sur son collier de glace. Et elle écouta encore à demi. Elle chantonnait en vérité, murmure qui emplissait la salle et lui donnait l'impression de ne pas être seule. Pas trop. Que marmonnait-elle alors ? Oh des noms qui lui revenaient, de victimes ou de leurs parents, dans une berceuse idiote, un air enfantin qui la prenait comme ça. 

Lorsque l'autre en face -... C'était quoi son nom dèjà ? - eut fini de parler, la démone leva brutalement la tête, faisant tinter ses chaines et craquer des os. Elle regarda sur les côtés, apparemment apeurée, sa respiration devint plus saccadée et douloureuse, alors qu'elle perdait les sens : 

" Qui... Qui est là ? Lala ? C'est toi ? Tu entends... Elle veut une réponse oui... Elle veut que je torture son âme... KrKrKrKr... Qu'est-ce que j'en sais moi ? Que veut-elle ? Et... Non non il n'est pas là... " elle trembla, sous la chute de température ou l'allusion à son tortionnaire ? Les deux probablement. " Non non... Il n'y a qu'elle oui... Lui... Maitre ? Oui ouiiiiii... C'est ainsi qu'il veut que je l'appelle... " 

Ses intonations partaient en vrille et sonnaient fausses. En outre, recouvrant ses dents, une fine couche d'eau devait l'empêcher de se mordre la langue, et l'empêchait de prononcer correctement certains sons. Elle fixa son regard en face. Et sentit... Une odeur. Simple effluve. Pourquoi son esprit s'y attarda-t-il ? Un souvenir... Rougoyant... Un nom... Ly...


" ...sias ? Lyly... ? .... "


Elle inclina la tête et laissa un étrange sentiment la prendre. Nostalgie. Mélancolie. C'était quoi ? D'où ? Pourquoi ? ... Sa bouche resta entrouverte, mais rien ne vint et finalement, avec ses membres pendants, ses pieds touchant tout juste le sol, sa tête penchée... Elle ressemblait à un pantin désarticulée. L'ironie du sort sûrement, puisqu'elle se plaisait à considérer les esclaves comme ses jouets. Souffle haché de sa voix étrangement calme à cet instant, qui se faisait de moins en moins audible :


" Qu'elle demande alors, la Dame froide, qu'elle demande... Peut-être tu as la réponse Faux... "
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyLun 6 Déc 2010 - 22:47

La Dame ferma les yeux. Sa douleur s'était faite réelle : ce n'était plus le vague souvenir d'une présence à son côté, ou l'écho d'un rire à ses oreilles, c'était physique. La main de son Ange se posa sur son épaule, et au creux de son cou, elle cru sentir le souffle sucré de son haleine murmurer des mots réconfortants. Ce souvenir, cette présence, c'était tout ce qui lui restait, et moins encore. Une bouffée de rage sourde enlaça son cœur et l'enferma dans un étau acide. Puis, comme une caresse, la peine reprit sa place, froide, placide.

    Tout l'Hiver va rentrer dans mon être : colère
    Haine, frisson, horreur, labeur dur et forcé,
    Et, comme le soleil dans mon enfer polaire,
    Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
    C.B.


Les griffes des ténèbres purent probablement sentir cette inflexion dans l'âme de la Dame : la pâle clarté s'étouffa sur elle-même, espoir rendu au néant, et l'obscurité se fit. Y'avait-il besoin de ce miroir au contenu de la poitrine torturée de la Matriarche ? Non pas, non. Mais les ombres furent cajolantes, comme la main d'un maître domestiquant par l'estomac les bouches affamées d'une meute, tentatrice aussi, percevant dans le silence soudain un rappel à leur nature profonde. Celle que l'on nommait la Comète Blanche soupira doucement, rejetant fermement la promesse à la paix. Un instant, pourtant, elle valsa avec l'idée de laisser ces ténèbres absorber, elle risqua la perte, la dissolution, comme seules peuvent le faire les êtres dotés d'une puissance exceptionnelles face à une puissance plus grande encore.

Mais à vivre sans risque, on ne vivait qu'enchaîné, qu'asservit. Ses paupières s'ouvrirent, dévoilant de nouveaux ces orbes d'un rouge à damner le cœur des saints. Sa décision était prise : chasser, encore, jusqu'à la perte, l'annihilation, irrémédiablement. Sa vie n'était faite que pour cela, au fond. Guider la meute, chasser pour la meute, faire grandir la meute. La vengeance n'apportait à ce tableau que la couleur fade de l'humanité qui coulait en elle, sale, impie. Un mince sourire déchira le masque froid de son visage.


« Dis moi, Fille de la Perdition » Sa voix n'était qu'un souffle au parfum trompeur de l'acier, à la saveur acide du cuivre. La Dame se rapprocha de la prisonnière brisée, se faisant consolatrice torturée. « Murmure moi au creux de l'oreille le nom de celui qui a prit la vie d'Archaël. »

Et si elle se trompait ? Et si cette quête n'était pas la sienne ? Et bien, elle se comporterai comme une reine : en assumant, ni plus ni moins. Sa présence dans l'obscurité avait la chaleur d'un glacier.


Dernière édition par Ruby le Jeu 9 Déc 2010 - 14:16, édité 1 fois
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 7 Déc 2010 - 17:38

" Ar... "

Un nom murmuré, un frisson qui la parcourt, frisson de plaisir non dissimulé. Pourquoi ce nom l'émoustillait-elle ? Ce nom ne lui disait pourtant rien, perdue qu'elle était à parler avec elle-même. Son esprit embrumé sentait la femme si froide juste à quelques centimètres d'elle. Et cette approche l'effraya. Voulait-elle lui faire mal aussi ? La créature attachée là avait certes dans ses moments de lucidité une certaine insolence, mais dès que la folie la prenait, elle sombrait dans les plus bas instincts d'un être vivant. Peur des contacts. Peur du noir qui l'entourait. Peur du moindre bruit. Peur de la moindre souffrance supplémentaire. Oui, elle était terrorisée, tout le temps. En cela, ce foutu salopard avait réussi son œuvre. Et elle avait avoué tellement de choses. Elle ne savait plus en vérité. Elle oubliait beaucoup de choses. Récentes. Et anciennes. Tout son être se concentrait sur la douleur, en oubliant les souvenirs, les noms. Les démons, les élémentalistes. Parfois, elle avait l'impression d'être encore dans un cauchemar.

La torturée garda le silence longtemps. Elle respirait doucement. Elle cherchait dans ses souvenirs ? Qui pouvait le dire... Le nom tournait en boucle dans sa tête, envoûtant et fascinant. Blanc... Air... plumes ? Très lentement, un sourire hideux naquit sur ses lèvres fraichement humidifiées. Un sourire horrible, qui déformait la partie brûlée de son visage et lui faisait atrocement mal. Un sourire affreux, presque une dent sur deux seulement restait. Un sourire immonde, la bouche ouverte. Un sourire de fou. Et elle trembla encore, encore ce plaisir en sentant ce nom éveiller en elle un souvenir froid.


" Ar.... chaël... Archa...ël... Archaël... "
Souvenir... raconte lui maître... raconte la chute de l'être immaculé... L'être ailé... " ... Ange ? ... des ailes blanches, de belles plumes... Oh oui qu'il m'a dit, tu aurais aimé le voir tomber, lui et ses belles ailes, dans la boue et le noir.... Oui oui... Hunhun... Krkrkrkr... "

Elle s'emballa, manqua de respirer et de s'étouffer. Sappho essaya de se calmer, mais le souvenir s'imposait à elle. Le souvenir de... qui... lui... eux. Eux qui lui racontaient la chute d'un prince du ciel. La chute d'un maitre Aera. Et elle qui écoutait, les yeux grands ouverts, avides de ses paroles terribles. Son nom qu'elle voulait. Ah... était-elle folle, elle aussi ? Elle voulait le venger, c'était plus qu'évident. Elle mourrait donc face à lui... Mais son nom... son nom ne lui revenait pas. Les ténèbres lui murmuraient des choses, moqueries infâmes. Petite qui ne sait plus parler, enfant qui ne se souvient plus. La démone perdit son sourire, soudainement. Elle inclina la tête, et prit une grande inspiration qui lui fit un mal de chien. Elle devait bien avoir plusieurs côtes de fêlées... et sans doute de cassées.


" Elle court à sa perte, la Mort Froide... Elle s'en approche tant oui... Elle va bientôt avoir un but, un nom... Bientôt... elle va mourir... Mais moi aussi. Alors sa mort m'indiffère. "


Pourquoi... Pourquoi tu pleures Sappho ? Pourquoi y'a une larme qui coule sur ta joie balafrée ? Elle ne sait pas vraiment. Pourquoi elle est triste. La faire souffrir... qu'est-ce-que ça changerait ? Elle allait crever seule ici. Que leur foutue Matriarche meurt... franchement, qu'est-ça-lui ferait ? Sans doute serait-elle morte dans la confusion la plus totale, sans en avoir rien à branler. Alors... puisqu'elle semblait tellement y tenir, à ce nom, ce nom qui lui revenait lentement... des runes qui se fichaient dans son esprit...

S... E...
La larme roula sur sa joue abîmée, passant entre les plaies et les croûtes...

N... E...
La larme roula encore et encore, arrivant sur le rebord de son visage marqué...

C... T...
La larme coula jusqu'à son menton, formant une goutte souillée...

O... R...
La larme tomba, et seul un mince "ploc" dans le silence avertit de sa chute.
Les runes s'assemblèrent et formèrent un mot. La prononciation lui sembla familière, l'intonation aisée. Elle goûta ce nom, se le répétant dans sa tête. C'était ce qu'elle cherchait. Si proche. Si loin. Après tout... Elle était folle. Elle pouvait bien lui réclamer une faveur. Puisque sa mort lui importait autant que celle du plus humble des insectes.

" Mort Froide, belle dame... Toi tu me voies. Folle oui... morte bientôt. Alors... te faire souffrir ne m'amuse pas. T'envoyer à lui par pur plaisir ne me fait rien. Je veux... "
Sa tête dodelina dans un spasme de douleur tandis qu'elle serrait les dents. " ... je veux une faveur. Et toi, tu auras son nom. "

La souffrance irradiait plus en cet instant... Elle eut encore un spasme. Elle parlait trop, cela lui faisait si mal... tout ses os brisés s'entrechoquaient dans une danse macabre qui lui donnait des airs de jouet. Jouet sans vie. Jouet avec une raison qui la quittait encore. Elle soufflait fort. Un bruissement sur sa droite lui donna un hoquet de surprise tandis qu'elle tournait la tête par là. Elle tiraillait toujours un peu sur ses chaînes, ce qui la brûlait continuellement.


" Je... je veux te voir. Et je veux mourir devant les autres ver... élémentalistes.... Je veux les voir aussi... "
Quel souhait fou la prenait. Quelle folie l'animait... Puis elle ria. Elle se moqua, d'elle-même. De son souhait si raisonnable. De cette pauvre volonté qui résidait encore. Cette sombre lueur qui la maintenait encore en vie. Mais elle voulait voir une dernière fois. De son œil. Elle voulait mourir devant eux tous et les provoquer une dernière fois. Qu'elle soit lynchée lui était égale. Que sa vie se finisse par une exécution ... Ah... elle ria encore, d'une rire coloré d'un jaune acide et d'un rouge sombre. Rie, enfant de la perdition... Folle que tu es... " Enlève moi ce bandeau, Dame, et tu as la parole des Ténèbres, tu auras son foutu nom. "
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyLun 20 Déc 2010 - 2:08

[Ce message a été écrit pendant une converstion skype avec Shaloa, Emezael, Stigma et Shin. Ce fut de dure lutte.]

Lala laaa... Elle se rappelait d'une vieille mélodie, dure, âpre, le genre qui lacérait la gorge lorsqu'on commettait l'erreur de la chanter, et l'envie d'entonner les notes, de chuchoter les mots, la prit comme une nausée puissante et acide. La créature de lait posa son regard sur le démon enchaîné, et l'océan de compassion qui clapotait à l'intérieur d'elle se transforma en vague qui frappaient les parois de son cœur. Une colère plus que néfaste fleurit en son sein à l'égard de l'elfe. Définitivement, irrémédiablement, elle lui retirerait sa confiance. Inexorablement, elle se couperait de lui, lui accorderait moins de crédit.

De l'intérieur de sa poche, la Dame sortit une pierre de Lumière, Cristal d'Aera à la clarté douce. Elle la frotta contre l'étoffe de son vêtement et souffla dessus : une pâle lueur rougeâtre naquit. Assez forte pour laisser deviner les contours des êtres, assez douce pour ne pas meurtrir les yeux. Dans ce cachot, la flamme d'une bougie ne servait à rien si ce n'est à fournir une chaleur relative. Ruby soupira.
« Soit. »

Elle s'approcha, hésitant un instant : et si c'était un piège, une ruse pour s'enfuir ? Si c'était là la méthode perfide d'un renard, bête corrompue ? Posant un regard détaché sur la prisonnière, la Femme-Blanche ne put que constater l'évidence : les os brisés, les plaies suppurantes, la respiration sifflante, Sappho se serait fait battre par un enfant aveugle armé d'une plume. Du bout des doigts, la Maîtresse de l'Eau frôla la chaîne, le froid prit le métal, mordant profond les maillons. Puis elle enserra les liens, tira et laissa l'entrave brisée tomber au sol.

Avec une grâce de Nymphe, celle que l'on nommait Étau s'accroupit, relevant comme par mégarde l'ourlet de sa robe sur ses pieds nus. Avec douceur, elle approcha la pulpe de ses doigts de la joue meurtrie, et la caressa, remonta, releva le bandeau, savourant la chaleur diffuse de la peau offerte. L'œil unique était d'une beauté poignante, malgré la cerne noire qui l'entachait. L'autre disparu, sous le brandon ou l'acier, n'offrait plus qu'une plaie béante qui coulait de larmes perpétuelles ou d'autres humeurs. Du revers du pouce, un sourire infiniment tendre à la bouche, la Dame effaça cela, dissipa la douleur et la souffrance.

« Mais qu'a-t-il fait de toi, ma fille... »
Elle avait de la tristesse dans les yeux, la Matriarche, elle souffrait pour la démone, connaissant l'épreuve, l'ordalie, par laquelle elle était passée. À gestes mesurés, elle redressa le corps opprimé, l'adossant à la paroi, libre. Elle tenta de remettre les membres à leur place mais ne pu se résoudre à plier plus encore les articulations détruites. Elle aurait pleuré, si elle avait pu, mais rien ne venait : elle détestait la créature à ses pieds, malgré tout. « Je te libérerai de tes maux, je ferai ceci, oui. »

Elle forgeait une résolution nouvelle, la Dame : outre se couper de Shin, elle voulait réparer cette erreur. Elle achèverait la créature et rendrait sa dépouille aux siens. Y'avait-il des rites aux enfers ? Y'avait-il des prières pour les Monstres ? Le paradis unique existait-il, même pour eux ? Rien n'était moins sûr. Et si la pérennité de l'âme du démon n'était pas assurée de ce côté, Ruby pouvait au moins l'apaiser un peu ici. La démone s'effondra, retombant sur le sol dans un long gémissement. La Matriarche s'assit à ses côtés et posa le visage mutilé sur sa cuisse. Puis, longtemps, elle chanta cette mélodie douloureuse, prononça les paroles, s'écorcha la gorge, se lacéra la bouche.

« Ce n'est rien, tout ça va finir. Ils ne te feront plus rien. » Les paroles futiles la fuyèrent sans qu'elle y put quelque chose : ces mots ne servaient à rien, si ce n'est à apaiser la prisonnière. Elle n'avait plus que ça, de toute façon, plus que la paix relative qu'une ennemie pouvait lui fournir. Si les légendes étaient vraies, alors Sappho était la fille d'Alouqua, et la succube avait autrefois tenu le même rôle. Ou était-ce un cauchemar. Ce devait être un cauchemar. Remettant une mèche de cheveux crasseuse derrière une oreille abimée, la Matriarche s'astreignit à un silence de rigueur, attendant la confession de l'agonisante.
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Sappho
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 21 Déc 2010 - 23:51

Thème Musical : Distant Worlds


Soit
Si elle s'attendait à ça comme réponse... En vérité, elle ne s'attendait à rien de particulier. Son esprit embrouillé lui disait de laisser tomber et de retourner dans son semi coma. D'oublier les paroles échangées, comme les aveux faits. De sombrer dans une nuit éternelle, de tomber dans un oubli réparateur.... Mots qui s'effilochent dans son esprit, fragments de souvenirs qui tombent au sol ou s'envolent, éthérés... Disparaissez, mémoires d'ailleurs, assez de torture pour aujourd'hui, assez de mal sur moi. Mais même elle, elle ne le pensait pas. Ne l'avait pas pensé. Il lui semblait injuste qu'on la traite comme une vermine, mais dans un sens... elle comprenait ces actes ... démoniaques. Justement parce qu'elle ferait la même chose. C'était d'autant plus révoltant. Mais elle... non... elle... brisa ses chaines.

Un frisson parcourut son corps, tandis que ses bras endoloris tombèrent le long de son corps, sans force. Les doigts qui lui restaient trembler et ses poignets brûlés semblaient prêt à se casser. La stupeur la laissa muette. Elle sentit les chaînes lâcher ses pieds aussi et surtout son cou... l'étau de glace disparut. Elle n'était plus retenue nulle part. Une certaine euphorie la prit : elle respira plus vite et ne savait pas que faire. Mais son corps ne lui laissa pas le choix : outre que les os fracturés ou brisés et les articulations défaites, ses muscles s'étaient engourdis et atrophiés. Elle tomba lourdement sur le sol. La créature presque détruite gémit et souffla fort... mais elle exultait. Ne plus sentir les chaines... ce collier... ne plus se sentir comme un animal que l'on tient en laisse et enfermé... c'était si bon. Mais son bonheur ne s'arrêterait pas là. Elle sentit une main approcher de son visage. Avec un tendresse déconcertante, la femme lui... libéra la vue.

Et elle vit. Doucement, son œil gauche s'entrouvrit, fatigué. Délicatement, elle s'habitua à la lumière et ouvrit grand sa paupière. Son iris était d'un violent clair surprenant. Ou pas. En vérité, il n'y avait plus une once de ténèbres - ou presque... - dans son organisme, aussi son œil avait-il repris sa couleur originelle. L'autre... n'était qu'un orifice noir et béant, entouré de chair à vif, calcinée autrefois, à présent purulente. Et que vit-elle... un visage. Aussi pâle qu'un vampire, aux yeux d'un rouge incarnat, avec une expression de compassion... de pitié... qui l'émut deux secondes. Avant de profondément la dégoûter. D'elle-même et de l'être en face. De sa condition déplorable et de la réaction qu'elle provoquait. Voilà qu'on la prenait en pitié. Qu'on tentait de la remettre sur pied, qu'on lui donnait des "ma fille" avant de lui promettre de belles choses... Des choses ridicules. Si elle était moins folle à ce moment, elle aurait sans rigolé un coup. Mais dans son état... elle ne faisait que murmurer :


" Non non non... ne nous tue pas... pas encore... Encore quelque chose à voir ... "

Et son iris s'agitait partout, fouillant la salle mais revenant toujours sur la Dame. Et lorsqu'elle la sentit à ses côtés, puis qu'elle se retrouva tête contre sa cuisse, elle ne sut comment réagir encore. En fait, elle ne pouvait rien faire. Absolument rien, à part la fixer d'un air effrayant, celui d'un enfant apeuré mais avide de cette vision. Mélange curieux de crainte et d'envie. Comme on pourrait appeler la Mort dans son dernier souffle. Mais elle ne voulait pas mourir. Pas encore. Pas tout de suite. Elle ... voulait vivre et survivre. La peur dans son demi regard prit le dessus et sa respiration s'accéléra. Des phrases tournaient dans son esprit et lui vrillaient le crâne. Des "je ne veux pas mourir" à n'en plus finir... Ce fut cette étrange mélodie qui la calma. Le chant l'apaisa, étrangement. Longtemps. Son esprit torturé goûta les paroles dans cet air sinistre. Et malgré le germe de haine qui s'était planté en elle, malgré le dégoût face à cette pitié... elle se retrouva à éprouver une ... gratitude fortuite pour cette ennemie rassurante.

" Sappho... est l'apprentie de celui que tu cherches "
sa pupille resta bloquée sur le visage de la Dame, guettant ses réactions. " Tout raconté... la mort de l'Ange des cieux... " elle détesta sa voix, sifflante et rauque, malade et fourbe, on aurait cru ces rotures de démons, cherchant à vendre leurs informations au premier venu. " Et si la Dame le trouve alors elle crève. "

Son ton déraillait à la fin des phrases, partant soi dans un souffle assourdi, soi dans des aigus risibles. Sans se presser, elle se laissa du temps pour répondre, alors qu'un mal de tête lui fit fermer l'œil. Elle sentait que bientôt, le charme opéré par la chanson passerait et son esprit serait à nouveau aussi sombre et tourmenté qu'avant. Aussi fou et imprévisible. Et même si elle haïssait profondément l'être qui osait la prendre en pitié, Sappho avait donné sa parole lui semblait-il.

" ... Ssss.... Senector... "
le nom sur sa langue avait une saveur sucrée et douce. " Senector ont tué Archael "

Il était toujours ardu de parler d'un drewoor au singulier. Mais ce mince souci quitta vite son esprit : un spasme de souffrance la prit, et elle se recroquevilla sur elle-même, dans la douleur de ses os brisés ajoutée. Elle gémit et souffla, toussa, serra les dents qui lui restaient. Mais même alors que la folie englobait ses pensées, une seule restait. Une seule ne la quittait pas, même si la raison n'y était plus. Une unique... En tremblant comme une ancienne, Faux se fit violence pour amener sa main malmenée et torturée jusqu'à la joue parfaite et blanche de la Matriarche. Son poignet brûlé lui faisait comme un bracelet sombre et malsain. Son visage mal en point resta indifférent. Seules des larmes coulant encore de son œil témoignaient de son émoi. En vérité... elle était en pleine confusion. Elle ne savait plus qui était cette personne et voyait comme dans un rêve.

" Ma... man ? ... Oui je veux vivre ... Mais j'ai peur mère... j'ai peur qu'on veuille me tuer. "
son œil était à demi clos, comme si elle rêvait. Et c'était pratiquement cela, elle délirait. " Moi je ne peux pas mourir. Je... j'ai une promesse à tenir... Tu crois que... ça compte ? "

Son bras sans force glissa de la joue lisse pour tomber sur son corps. Doucement, elle se blottit inconsciemment sur la Dame, cherchant le réconfort maternel qui lui était apparu. Dormait-elle ? Pas vraiment, mais presque. Voilà longtemps qu'elle n'avait pas dormir en vrai : elle ne faisait que sombrer dans un état entre la conscience et son opposé. À la limite entre le rêve et la réalité, dans un monde de délires permanents, qui lui faisaient entendre des choses, sentir des gestes inexistants ou même ... voir ceux qu'elle garde dans ses souvenirs profonds. Dans ces moments là, elle ne contrôlait pas ce qu'elle disait, et sans doute avait-elle dit des choses compromettantes ainsi. Sans doute... Et les souvenirs dans mes fragments éparpillés... s'envolèrent, grains de sables éthérés, pour mourir dans les étoiles.

Spoiler:
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Ruby
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 1 Fév 2011 - 19:13

Senector.
Ce nom peut connu retentit au creux de ses oreilles, et brisa quelque chose au sein de son âme : comme quand on allume soudainement une pièce enténébrée, la Matriarche se retrouva aveugle et muette, incapable de réfléchir. Il n'y avait que l'écho de ces quelques syllabes qui résonnait encore et encore à l'intérieur d'elle-même. La voie s'ouvrait juste devant elle, un chemin se traçait enfin. Elle avait un but, et elle approchait de la fin.

Il lui restait certes beaucoup à faire, mais ce nom était une clef dont elle ne pouvait ignorer la puissance. Elle tenait au creux de ses mains le pouvoir de se venger, la possibilité d'apaiser sa haine, de trouver un exutoire à toute la hargne qui l'habitait. Silencieusement, la dame savoura la sensation de la soif au fond de sa poitrine. Son cœur se remit à battre, et le goût de la vengeance s'insinua dans sa bouche, noyant ses papilles. Ses yeux, peut-être, semblèrent briller d'un éclat meurtrier, ou de joie – les fées seules savent que ces deux sentiments sont très proches l'un de l'autre – mais il n'y avait aucun témoin pour en attester.

Il n'y avait que la silhouette rachitique d'un épave démoniaque qui se pelotonnait contre son plus grand ennemi. Aux frontières de la mort, il n'y avait plus aucune barrière de camps ou d'aspiration, il n'y avait que la compassion et la souffrance, que la reconnaissance et la sollicitude. Ruby continua ses caresses, poursuivit ses murmures.

« Ce n'est pas la mort, c'est une fin, une libération. » Ici ou dans une autre vie, toutes les morts menaient à la réincarnation. Cette croyance, la maîtresse la possédait depuis des années. Elle venait d'une culture matriarcale, d'un clan de femmes où l'on célébrait la vie. Elle avait grandit avec l'intime conscience du caractère cyclique des choses : vivre, mourir et renaître, encore et encore. Aussi, tuer la démone, achever ses souffrances, n'était que lui donner la possibilité de renaître et vivre de nouveau. La libérer de sa douleur.

Lentement, très lentement, le froid naquit. La température ne baissa que de quelques degrés, avant de se stabiliser, aux rythmes de la litanie apaisante que susurrait la Cristalléenne. Des couplets à base de
« Tout va aller pour le mieux maintenant » entrecoupaient des « Endors-toi, endors toi... » que des « C'est fini, tout est fini » ponctuaient. La Dame œuvrait dans la crainte d'aller trop vite et de se faire surprendre par une sentinelle à la solde de l'elfe noir. La respiration de la démone ralentit doucement, alors que son cœur se figeait dans un glacis plus froid que la bouche d'une succube.

Il sembla à la Dame que des pas se rapprochaient de la cage puante dans laquelle agonisait la Faux, et la glace qui recouvrait la porte s'épaissit, isolant plus encore l'étroite geôle dans son propre silence. Les mots de la Maîtresse se tissèrent encore au froid qui s'étoffait, transformant la faible haleine de la créature corrompue en banderoles de fumée. Et... le souffle se suspendit totalement, et il ne parvint plus aux sens de la Matriarche les battements faibles du cœur mourant. Elle avait bercé dans un sommeil verglacé la dépouille, et sa voix s'était tu.

Mais dans l'esprit hagard de la Dame, le nom de Senector résonnait comme un cri.


[Alors, tu peux répondre, ou convier Shin, comme tu veux =D]
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyVen 4 Fév 2011 - 9:13

[ erf je tombe dans les pommes et je le préviens 8D ]



" Non.... "

Une fin ?! Après tout ça... toute cette vie pour cette fin là ? S'être battue... relevée ? La victoire, avoir tenté, avoir essayé les sentiments, trahi et aimé. Avoir grandi. Pourquoi devrait-elle accepter cette fin ? Pourquoi lui refusait-on le droit de vivre encore ? Pourquoi eux... pourquoi eux, ils avaient eu le droit de décider pour elle ?! Elle aurait bien crié si elle avait pu. Elle aurait bien protesté, si elle avait l'esprit assez fort. Elle voulait encore marcher, danser, fausser. Elle voulait encore s'amuser, danser, chanter. Qui était-elle, cette dame au visage de marbre, pour lui dire ça ? ...

" ... Non non non... "

Elle ne pouvait que dire ça. Une libération.... Mon oeil oui ! Libérée de quoi ? Libre de quoi ? La mort n'est que ténèbres et oubli. Qui se souviendra ? Qui connaîtra encore son nom ? ... Et la liberté hein... depuis quand ça existait vraiment ça ? On y courrait tous, on la cherchait de toute notre âme mais au final, on restait tous des foutus prisonniers de notre race, de notre pouvoir, de notre camp. Ni destin ni fatalité. Juste une cruelle vérité. On ne demandait pas à un démon de respecter les autres ou de chercher la liberté, et jamais Sappho n'avait eu à s'en plaindre. Jusqu'à aujourd'hui peut-être. Peut-être qu'elle voudrait s'en plaindre à présent qu'on la mettait dos à la mort froide qui s'abattait sur son esprit. Lentement, elle la prenait. Quoi que ses paroles soient apaisantes, une véritable mère qui la bordait, l'agonisante n'avait pas vraiment l'esprit à s'en moquer ou à l'apprécier. Juste vivre encore, qu'elle parte. Mieux valait encore souffrir sous les coups du diabolique que mourir entre les mains d'une mort froide.

" Je vais ... juste dormir ? " Son souffle n'était que buée chaude dans l'air froid. Son coeur ralentissait. " Je me réveillerais... et.... "

Sa paupière était à demi fermée, elle avait du mal à réfléchir. A parler, simplement. A bouger ses lèvres. Elle ne voyait plus que son souffle vaporeux et blanc. D'accord, elle dormirait. Mais pas question de mourir. Pas question... pas de cette façon. Ce n'était pas digne aux yeux d'une folle, que de mourir dans les bras de son ennemie. Elle refusait que son coeur cesse de battre. C'était impensable, même alors qu'elle avait sombré dans une folie froide. Même alors qu'elle devrait s'en moquer comme de sa dernière fourmi...

" .. et... je vous... égorgerai... "

Oui. Voilà, à son réveil, à son sommeil, elle se le promettait. Sur ses restes de conscience, elle se le jurait. En survivant, elle les tuerait. En survivant, elle les écraserait, tous, les uns après les autres. Alors, elle devait vivre ? Mais ça avait l'air si dur de se relever là... Elle était bien, sur les genoux froids de cette dame. Oui oui, elle n'avait pas à se plaindre. Dans un sens, il y avait une sorte d'affection pour cet être.... qui était-ce déjà ? Ah... uh ? Sa mère ? non... non elle ne se souvenait plus. Et elle, qui était-elle déjà ? Une enfant ? Avait-elle déjà eu mal ? Il lui semblait qu'elle avait eu beaucoup de peine mais... là, ça allait mieux. Oui, plus de douleurs, plus de souffrance. Juste le sommeil sur ses paupières et sa respiration qui ralentit, qui s'efface. Le temps qui s'étire alors qu'elle n'entend plus que sa respiration, de plus en plus lente. Son petit coeur, de plus en plus faible.

Ne meurs pas, Sappho la Faux.
Endors toi.
Venge toi.

Dans le sang, dans la souffrance. Souviens toi... souviens toi que tu es un démon, souviens toi, tu violes les lois, tu aimes avec folie, tu tues avec plaisir. Souviens-toi. Endors toi, rêve, et réveille toi. Supporte, endure, deviens l'ombre de toi-même, ombre des ténèbres. Deviens l'Ombre et renaît Ombre. Meurs si tu n'en peux plus, survis si tu en a l'audace. Survis et deviens cauchemar.

Rêve.
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Shin
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 8 Fév 2011 - 8:59

"Le courage est la résistance à la peur, la maîtrise et non l'absence de la peur."- Mark Twain


Que va-t-il se passer désormais? Comment va-t-Elle réagir? Que va-t-il advenir de la Prisonnière? Va-t-il tout perdre par la découverte de son travail de destruction? Allait-il perdre l'estime que la Matriarche lui portait? La Résistance allait-elle se feindre en deux à cause de ces actes? Là où la Justice des Elementalistes n'eut pas cours pour laisser place à une réalité bien plus sordide, il y avait là en son coeur celle qui devait incarner l'honneteté et la bonté, elle-même qui guidait le peuple d'Elament par sa personnalité et ses nombreux talents. Et Shin prit peur. Une terreur qui s'engouffra dans son esprit à l'idée de perdre le respect d'un être cher, de voir le noyau de la grande riposte se disloquer, d'être méprisé par ses compéres. Une foule de question innombrables cogna à la porte de son cerveau demandant des réponses, ou la fuite.

Puisque face à cette réalité, le Chef lui-même songea à s'enfuir, et laissait son siège vacant. Mais ceci serait trahison. Envers tout ceux qui sont derrière lui. Envers les Citadins, les Spadassins, les Commandos, mais aussi tout les autres qui comptaient sur la Résistance pour récupérer la cité et vaincre de nouvelles fois les démons. En dehors de cette bavure, ses résultats sur le terrain étaient plutôt optimistes et même si tout commençait à tenir sans lui, il maintenait l'équilibre et l'ordre dans ses différentes responsabilités. Cette sombre partie de ses devoirs n'avait point entaché sur le reste, même si en son for intérieur, il se sentait trahi par lui-même. Le véritable amour qu'il possédait pour ses compatriotes l'avait poussé à cet telle extrémité, que ses actes n'avaient plus aucune raison, à part celle, mécanique, d'avoir des renseignements. Il savait qu'il n'était point le seul à blâmer. Que des habitants avaient battu la prisonnière et craché dans sa soupe. Mais il était le Chef. Et pour le bien de la Cité, il devait tout prendre de front.

La connaissant, l'elfe noir se doutait bien que les mots qu'il devra prononcer devront être justes et bien choisis si il ne voulait point d'un conflit diplomatique majeur. Si il devait sacrifier sa relation priviligiée avec la Matriarche, soit. Mais il resterait le chef et la Forteresse continuera à rester allié avec l'extérieur. Ce fut dans cet optique qu'il espérait continuer la politique. Ce fut dans cet état d'esprit qu'il se présenta devant la porte du cachot. Durant une bonne minute il s'était arrété, littéralement figé par l'ampleur des conséquences qu'il allait se jouer dans cette scène.

Toute la chronologie depuis l'arrivée de la prisonnière se déroula sous ses yeux. De la façon dont le Père Shaloa avait combattu la Faux selon ses dires, dont le fameux Seth les avait bêtement ramené tout les deux, ne se rendant point compte du rôle de l'ange. De la façon solennel avec laquelle il avait officialisé la capture de la Générale Démoniaque, puis enfermé dans les cachots. L'interrogatoire, les coups de poings, les sorts de glace, le baiser, la fourche brûlante, le rasage de crâne, les différentes séquelles, la chirurgie. Les coups bas, la manipulation de l'esprit. Les questions. Pleins de questions. Des réponses parfois. Mais surtout des cris, les larmes, les injure, la haine. Puis la démence. Oui l'elfe noir connaissait désormais bien celle qu'on appelait autrefois la Faux. Sa volonté qui avait longtemps perduré malgré tout, et qui laissa peu à peu la place à la Folie. Il savait que si elle était délivrée de sa prison, l'Elfe noir avait désormais les clés pour la désarmer si ils devaient se rencontrer un jour. Il était le Monstre.

Par la suite, Shin avait laissé Sappho à la portée des visiteurs pour lui poser des questions personnelles. Une histoire de diplomatie aussi. Des coups de colère, il en avait senti passé un certain nombre. D'une part en raison de la prisonnière et son foutue caractère, de l'autre part à cause des effroyables sévices que le Chef avait infligé à la prisonnière, indigne d'un élementaliste malgré la nature de la captive. Et il avait du le supporter du mieux qu'il pouvait. Se laissant aller dans les bras de sa femme, en continuant à travailler et à aider partout où il le pouvait, en gardant ses nombreuses responsabilités intactes malgré le mal-être grandissant. Il était bientôt temps d'émerger vers la Surface si il ne voulait pas finir cinglé. Fort et résistant, il était. Mais au bout d'un moment, tout le monde finit par craquer et le temps commençait à faire son effet.

Un mois. Un unique petit mois depuis l'arrivée de la prisonnière à la Forteresse. Un mois seulement. C'était dérisoire. Il s'était passé tellement de choses que cela paraissait une éternité. Shin pouffa légèrement à l'idée que tout cette entreprise fut de courte durée. Maintenant que le Mal était fait, il devait avancer, affronter la tempête et continuer son chemin.

Il essaya tout d'abord d'ouvrir la porte par la poignée. Assez facile à supposer qu'elle n'était pas bloqué de l'intérieur. Elle l'était. Mince. Il se frappa la tête une fois contre la porte et ferma les yeux. Il sentait toute cette glace à l'intérieur, comme un tissu sur toute la paroi. La Cristalléenne avait fait sa toile. Mais pourquoi? Il sentait aussi sa présence singulière à travers son eau. Mais où était la prisonnière? Etait-ce...?

L'elfe noir envoya un puissant coup de pied dans la porte et des bris de glace volèrent dans toutes la pièce. Il vit la Matriarche, et dans ses bras la Prisonnière. Elle, elle était refroidie. A quel point? Il ne le sut pas à cet instant et il espérait ne pas être arrivé trop tard.

"IMBECILE!!! Tu ne devais pas être impliquée là-dedans!"

Il tomba les genoux à terre et son sourire carnassier habituelle avait fait place à des énormes rictus dû au désespoir. Le Chef avait torturé trop gravement une prisonnière et la Matriarche tentait de la tuer. Tout cela sans Justice. Sous le coup de l'envie de deux des parents de la Résistance. Qu'importe les raisons qui les avaient tout les deux poussées à ces extrêmes, ils avaient tout les deux torts dans la finalité. Et l'elfe noir aurait pu se réjouir de ne pas être le seul à être coupable dans cette affaire, mais il ne pouvait point être enjoué à l'idée que la Matriarche venait encore de se salir les mains.


***
Un baiser. Un poignard. Puis une tempête et un massacre. Un elfe noir et un professeur de l'eau. Encore la même histoire, la fille qui fait confiance au mec, le mec qui embarque la fille dans une sale affaire.
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Ruby
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 29 Mar 2011 - 19:55

[BONJOUR, j'ai pas rp depuis longtemps alors pardon sii ça sent pas trop bien comparé à d'habitude u_u]

Ils avaient voulu construire quelque chose, rebâtir, faire du mieux avec ce que leurs prédécesseurs leur laissaient. Ils avaient fait des promesses, dit « je le jure » en se tenant la main sur le cœur, mais au final, tout n'avait été que mensonge. Où était l'effort de faire plus grand, plus juste ? Où était l'aube de cette nuit infernale ? Ailleurs, nulle part, dans un endroit qu'ils ne pouvaient plus atteindre, plus maintenant...

Elle était assise sur le sol, la poupée cassée sur les genoux. Son visage n'était qu'affliction, mêlée de tristesse. Pleurait-elle sur le visage de porcelaine paralysé qui s'offrait à ses yeux ? Elle le cru un moment. Et puis... Et puis son cocon se brisa dans le hurlement du métal qui tournait sur ses gonds, et le crissement des pas de l'elfe sur la glace avait le goût du souvenir (de la neige, une épaisse couche, et un renard au loin qui chassait en hiver, et un combat, magistral, magnifique, un combat sous l'orage).

Quand il tomba à genou, la gangue verglacée était déjà retournée au néant, brisée en petits morceaux, fragments d'étoiles. Malgré la violence du cri de l'elfe, malgré cela et malgré tout, la Cristalléenne ne fit pas un mouvement en arrière. Lentement, elle repoussa le corps meurtri, l'enveloppe tordue et cassée. Elle rejeta l'œuvre de Shin et se releva en prenant appui sur le mur souillé (du sang ? Des excréments ? Pire ? Qu'est-ce qui pouvait être pire que ça ? ). Les maillons de la chaîne abandonnée chantèrent quelques notes quand elle les poussa du bout de son pied nu.

Et lui demeura là, à genou, le cou fléchit comme demandant l'absolution, la misère du monde portée haut sur ses épaules. Le ressentait-il, le poids de l'autorité ? Prenait-il conscience, enfin, de la difficulté qu'impliquait la direction de tout un peuple ? Il avait voulu lui cacher cela. Comment seulement avait-il cru pouvoir le faire ? Lui cacher quelque chose, à elle.

La Matriarche posa sur lui un regard douloureux. Elle ressentait vivement la brûlure de la trahison, de la déception. Dans son esprit, des questionnements abscons se mordaient les uns les autres : comment avait-il pu faire ça ? Comment avait-il osé ? Pourquoi ? Pourquoi ? On racontait qu'il avait grandit dans les enfers. Ne comprenait-il pas qu'il ne fallait pas faire ces choses, qu'il ne fallait pas perpétuer les erreurs du passé ? S'il avait grandit là-bas, il aurait du se rendre compte de l'horreur qui y régnait.

Ou alors... cela venait-il d'elle ? Ayant été elle-même presque-torturée par un démon, se plaçait-elle sans s'en rendre compte en position de victime ? Voulait-elle les défendre ? Les aimait-elle ? La Dame soupira et retint la main compatissante qu'elle voulait poser sur l'épaule de celui qui avait été son élève.

« ... »
La Cristalléenne ouvrit une première fois la bouche, comme pour dire quelque chose, mais aucun mot ne voulut sortir : sa respiration les laissa bloqué au fond de sa gorge, l'étouffant petit à petit. Que pouvait-elle lui dire ? Il était impossible de lui pardonner ce qu'il venait de faire, impossible de faire comme si rien ne s'était passé et jamais, JAMAIS elle ne l'approuverait sur ce point.

Mais si tout ceci était arrivé...
Si tout ceci était arrivé, c'était par sa faute, parce qu'elle n'avait pas voulu prendre les choses en main. Elle avait voulu rester à l'arrière, s'occuper de tâches subalternes tout en mettant son expérience et ses compétences au service du commandement, et en exigeant un droit de regard sur toutes les décisions. Les activités plus risquées revenaient entièrement à Shin et à Shaloa. Elle avait voulu tout sans rien faire. Égoïste, égoïste femme.

« Shinreï Suïton. »
Sa voix avait la chaleur d'un glacier et la douceur des ronces. Lentement, elle détacha les mots, coupa le lien. « Vous ferez préparer un nécessaire de toilette pour que nous offrions des funérailles décentes à cette dépouille. Je m'en chargerai personnellement. » Elle ne s'essaya même pas à changer le cadavre de position, ou à le porter : Ruby savait pertinemment qu'elle n'en avait pas la force.

Et ce fut tout : elle n'ajouta rien de plus. Elle ne voulait plus rien à voir à faire avec lui. Un instant, elle avait hésité à se pencher à son oreille et à lui murmurer une phrase assassine, à lui souligner l'horreur de son geste, mais la Matriarche n'avait pas pu se résoudre à faire cela. Elle avait mal, chacun des battements de son cœur plongeant plus encore ses viscères dans des limbes.

Tout ce qu'elle pouvait faire à présent, c'était maintenir le navire à flot, et pour cela, Shin était essentiel.
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptyMar 31 Mai 2011 - 21:18

"Le désespoir est un océan infini, d'une marée qui ne veut que nous envoyer par le fond et contre laquelle, nous ne pouvons lutter que de toutes nos forces. Naviguons en peine."
Légendes d'un elfe noir, Shinreï Suiton


Ces désirs qui font de la discipline une hypocrisie. Ces passions déchainés que même des fondations séculaires ne peuvent arrêter. Et le sentiment de défaite, d’infériorité face à l'inévitable fléau. De démons passés aux envies refoulés, la vague arrive, domine, et nous ne sommes plus alors que des pantins, enfermés dans un esprit qui fait face à ses propres contradictions. Nous agissons sans réflechir, nous oublions les conséquences, aveugle de l'avenir, déni des mauvais souvenirs, de ceux qui aurait dû nous enfoncer des leçons à jamais. Après l'action, le vide infini, marqué du sceau de la fatalité, de l'acte passé qui ne pourrait être effacé et qui envahirait peu à peu la réalité, détruisant, obsédant.

On ne peut que s'en prendre à soi-même, on ne peut faire que le constat que de sa propre faiblesse. Des centaines de fois cela lui est arrivé par le passé, et il le savait, un choix devra être fait. Soit résister à la tentation et se battre tout les jours contre ces images du passé, qui nous font oublier qui on est, dans le présent. Redevenir maître de son destin. Soit se lâcher complétement et perdre toute illusion de changement. Être le pantin de ces désirs impermanent. Une décision qui a ceci de difficile, qu'elle ne peut être prise qu'une seule fois. C'est une longue bataille face à un ennemi qui surgit dans notre esprit alors qu'on devrait être en paix depuis la dernière victoire.

Et il devait s'y attendre. Ce fut le deuxième choc de ce mois-ci, avec la même impression de chute libre. La première après le premier viol de la prisonnière. Un duel dans son esprit qui atteignait un nouveau paroxysme. D'une part, l'homme qui s'est construit pendant des années un parcours de discipline, de détermination et de responsabilité. De l'autre, le démon qu'il fut, déchaîné. Dans un fracas assourdissant qui rend au silence ses pensées. Incapable de bouger, déployant toute son énergie dans son mental. Il n'y a plus de prisonnière à moitié morte, ni Ruby, ni Shin. Il n'y a plus rien. Il reste silencieux, figé.

Et à l'appel de son nom, il se réveilla, absasourdi. Comme si l'instant d'avant était un sommeil qui semblait ne pas avoir de temps, tellement il fut long et pourtant si court. Il se secoua la tête, comme réflexe pour se réveiller et mettre de l'ordre dans le chaos de son âme. Et sa voix le transperça. C'était vrai, dans la réalité, la Cristalléenne venait de se rendre compte de l'espéce d'ordure qu'il était au fond de lui.Quel irresponsable il avait été de vouloir tout prendre que pour lui, comme si ce n'était pas un prétexte le temps de quelques séances, le démon qu'il était, de se libérer de ses propre charges. Et connaissant la femme qui se dressait devant lui, elle serait sûrement aussi meurtri par la trahison qu'il avait fait envers le respect qu'elle lui avait accordé et l'estime qu'il avait réussi à gagner envers elle. Il avait donc perdu une être chère avec ces conneries, encore une. Celle avec qui il se sentait pourtant si lier il y a des mois de cela, paraissait désormais si loin.

Des questions, comme souvent, envahirent son esprit et qui pouvait se résumer à celle-là : Comment ne pas blesser encore plus Ruby? Le silence renforcerait le malaise, les promesses serait vaines, les actes semblerait désespérés et les envies les déchireraient encore plus. Pour le bien de la Résistance, il faudrait pourtant qu'ils s'entretiennent encore, pesant des mots qui seraient encore plus lourd de sens et de conséquences après ce qui venait de se passer. Une complication qui ferait fuir plus d'un. Mais l'elfe noir n'était pas de ceux qui fuient. Il prendrait en charge ses responsabilités, continuerait son travail et tiendrait tête face à la Matriarche comme il l'avait toujours fait. Mais par contre, il se dit qu'il serait bon ton de prendre l'air et de commencer à déléguer son travail et peut-être mener les troupes sur le front, ce qui serait plus sa façon d'être que d'être cet ombre qui se cloitre dans sa forteresse.

Lentement alors il se dressa sur ses jambes et s'avança vers son oeuvre qu'il observa avec un regard de dégoût, chaque trace sur ce petit corps deux fois plus amaigri que lors de son arrivée portait la preuve de chaque séance passait avec elle, et en elle, même si cette trace, il ne sut qu'elle était là pour le moment. Dans la glace, elle demeurait désormais comme dans un cerceuil prématuré, alors qu'au fond, le coeur battait encore, faiblement certes, mais résistant à l'extinction, assez faible pour passer inaperçu. Il s'agenouilla et la prit dans ses bras. Si la Cristaléenne n'eut point la force pour la porter, l'elfe noir était malheureusement habitué à toucher ce corps et si cela le révulsait désormais, il pouvait tout de même la transporter.

Comme un voile pour cacher l'immonde au yeux des gens, il enveloppa le corps d'un tissu de vapeur. Dans ses mains, le froid du pouvoir de la Matriarche lui écorcha les mains, non pas qu'il le voulut. Le cadavre était donc enfermé dans un glacier qu'il ne pouvait briser à lui tout seul, sauf si il l'entreprenait pendant des semaines.


"Je la livrerais moi-même aux démons. Ceci est mon œuvre, et seuls eux peuvent lui offrir des funérailles qui correspondent à ses croyances. Je lui dois bien cela après tout ce que je lui ai fait subir."


En quelques pas, il se retourna et dépassa la Cristaléenne, et lui adressa un regard neutre, libre de toutes expressions, ni sourire, ni tristesse. Avant de s'effacer dans la pénombre de la Forteresse, il lui prononça cinq mots.

"Protége-moi de mes désirs"
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Ruby
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Message[Clos] La Saveur de la Vengeance EmptySam 2 Juil 2011 - 15:05

Dans l'encadrement de la porte se dessinait le dos musclé du Drow. La Cristalléenne posa un regard douloureux sur lui, certaine que cette image, cette simple ébauche dans la noirceur des sous-terrains, serait la seule qu'elle garderai de lui pour un long moment. Le souvenir de son départ, rien que cela. Et quand les pas de l'homme ne furent plus qu'un écho à l'agonie dans les tunnels, elle se permit de relâcher la respiration qu'elle tenait bridée dans sa poitrine, de crainte que son haleine murmure malgré elle des paroles de réconfort.

Il lui avait demandé de le protéger. Après tout ce qu'il avait traversé dans sa vie, il se retrouvait à confier son âme aux mains d'une créature aussi faible et brisée que la Matriarche. Il le savait pourtant. Il savait qu'elle n'était pas capable de ce qu'il la priait. Il savait qu'elle portait la cicatrice profonde d'une amputation, et que pour le moment, rien ne présageait sa guérison. Il le savait alors même qu'il emportait avec lui le fruit de sa chute.

Car, oui, l'Elfe Noir était tombé, et à l'inverse des anges mutilés, aucune aile ne pouvait attester de l'ampleur de sa perte. Et rien ne pouvait plus le sauver.

Maladroitement, la Cristalléenne effaça toute trace de son passage : annihilée, la glace aussi pure qu'un cœur d'enfant. Absorbée, l'humidité née de sa magie. Et les traces de sang et de crasse qui incrustaient les murs furent récurées en profondeur, aussi. Ce qui demeurerai de Shin ne serai qu'une cicatrice vive en son sein, et un schisme certain. Et, juste avant de partir, la Dame ramassa la pierre d'Air, rangeant dans son vêtement la source de lumière bleutée. Puis, s'arrêtant un instant sur le seuil du tombeau, elle se retourna et murmura au néant :


« Pardonne-nous, démone. Pardonne-nous d'avoir été ton reflet le temps de ton agonie. »

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