[HS] (suite des Monts Décharnés) [HS]
Ily marchait à une bonne longueur d’encolure derrière Naja, en retrait sur l’extérieur, tête basse et épiant les faits et gestes de Roland qui lui semblait suspect... De temps à autre, il plongeait le nez en avant dans une touffe d’herbe appétissante et mâchouillait fébrilement, une oreille tournée en direction de son cavalier. C’est qu’il fallait sans arrêt le surveiller celui-là, sous peine de le voir s’embarquer dans des situations impossibles... Puis, lorsque la distance le séparant de l’Aasimar dépassait les cent mètres et qu’il avait fini de tondre son carré de pelouse, Ily le rejoignait en trottinant et recommençait son manège avec détermination. Naja, lui, paraissait ne pas tenir compte de ces allées et venues. Il y était habitué, mais se restait toutefois attentif.
À ses côtés, Roland l’inquiétait. De mémoire, Naja n’avait encore jamais rencontré quelqu’un d’aussi particulier que Roland. En effet, ce dernier venait de passer d’un état de joie euphorique à une colère indicible, avant de brusquement se montrer extrêmement calme... Naja le regarda, mi interloqué, mi amusé. Pourtant, la conversation qu’ils avaient n’avait rien de réjouissant. Lorsque l’Ange s’expliqua, reformulant sa question avec calme, l’Aasimar garda le silence un moment. Il tenta de déterminer s’il avait effectivement compris ce que Roland cherchait à savoir. Répondre à côté le décevrait, l’agacerait même, peut-être...
« _ Vous voulez dire... que vous vous demandez comment l’ennemi a pu ouvrir les Portes malgré la magie dont est ceinte Elament ? » demanda t-il, hésitant sur l’interprétation des paroles de son interlocuteur.
Se retournant vers Roland, il constata, étonné, que celui-ci n’était plus à ses côtés ! Il fit volte face et le vit, accroupi, jouant avec la terre comme l’aurait fait un enfant esseulé. Décidément, ce personnage était bien étrange... Naja s’approcha et vit, ou sentit – bien qu’il soit dépourvu du moindre instinct – la douleur immense de l’Ange se déverser tout autour de lui. Il semblait se vider comme un trop plein, incapable de garder plus longtemps des émotions qui le rongeait pour lui-même. Le vendeur resta silencieux, sans savoir quoi dire pour apaiser cette souffrance...