Silence...
Puis, lentement, la porte du bureau pivote sur ses gonds, comme si un léger vent la poussait. Sans doite est-ce un sortilège autonome, car derrière, il n'y a personne. Juste les deux marches qui mènent dans la vaste pièce. Pas un bruit. Devant la table du professeur, le siège de cristal est vide, délaissé. Par la grande arche ouverte qui remplace tout un mur, le vent entre librement. et la brise de fin d'hiver, déjà presque tiède, souffle entre les murs de pierre, sobres, dépouillés de tout ornement.
Le bureau est aussi peu meublé qu'auparavant. Une table, trois fauteuils, et les quelques boules de cristal qui sont les outils favoris d'Archael - la grande en lévitation au-dessus du sol, d'environ un mètre de rayon, et les deux petites posées à la diable sur le bureau. En dehors de cela, rien.
Rien? Ne vous avancez pas trop vite. Tournez la tête. Dans le coin ouest de la pièce, quelque chose est là, qui était absent auparavant. C'est une sorte de lit mobile, pas très haut. Il est situé tout contre le rebord de la pièce, au bord du vide, comme si on avait voulu donner une vue directe sur l'immense paysage à la personne qui ouvre les yeux. Le soleil de fin d'après-midi laisse ses rayons dorés caresser le cadre de lit en bois, les draps parfaitement propres, la chevelure blanche sur l'oreiller...
Pardon? La chevelure??
Eh oui. Car sur ce lit, est allongé Archael, le professeur de l'Air.
Approche-toi, ami visiteur.
Là, l'ange blanc repose, immobile comme une statue. Ses ailes sont rentrées dans son dos, invisibles. On pourrait croire qu'il fait juste un somme après une longue journée. Mais on sait que normalement, les Trônes ne dorment pas. Sans doute est-il seulement en méditation, perdu quelque part sur les chemins de l'espace et du temps.
Mais... en regardant de plus près... la couverture lui remonte jusqu'à la poitrine, mais on distingue ses épaules minces, entièrement enveloppées de bandages. Un tuyau souple part de sous les draps, sans doute de son bras droit, pour se raccorder à un récipient accroché au-dessus du lit. Un liquide bleu-vert y miroite... n'importe quel professeur reconnaîtrait là une des puissantes potions guérisseuses de Lorelaï, l'infirmière. Les potions qui soignent les blessés, qui réparent la vie, goutte à goute... est-il blessé, alors, l'ami des vents?
Et pourquoi cette pâleur extrême, sur le visage presque aussi blanc que la couverture? Un pansement entoure le front et la tempe. La lumière douce de la fin de journée accentue les cernes sous les paupières ... les traits fins sont creusés, épuisés, comme après de longues heures de souffrance. Ses yeux sont clos, à l'ange grand mais frêle, et sa chevelure d'argent - ô sacrilège! Me croiras-tu? Ses longs cheveux blancs, qui coulaient comme une cascade stellaire, ont été coupés net, raccourcis à hauteur d'épaule! Combien semble-t-il jeune ainsi ...
Quelle épreuve a-t-il traversée, pour que son sommeil ressemble tant à la mort? Seule sa poitrine bouge lentement, mais régulièrement ...
Mais déjà, au bruit de tes pas, un léger mouvement parcourt le corps de l'ange.