~ la caresse de l'amertume ~ (PV)

ralentis, ralentis, je perds l'équilibre
Réchauffe-moi, Réchauffe moi, je manque de chaleur
Ne souffle pas trop, je ne peux m'envoler
Le vent exprimait ses envies au gré des saisons, il est fort probable que nous soyons en Hiver, et pourtant il se refusait à calmer ses ardeurs. Lucian, qui avait pris refuge derrière un arbre remonta sa tunique jusqu'aux côtes pour tenter de faire remonter sa chaleur corporelle:
- "à cette allure, je n'y parviendrai qu'au printemps ..."
Il avait pris la direction d'une ville à l'ouest d'Elament dont il avait ouï qu'une étrange créature y avait élu domicile. Malgré le travail qui l'incombait, il ne put se résoudre à oublier la présence d'un monstre. Coûte que coûte il fallait l'éliminer, comme à chaque fois.
Recroquevillé parmi les rares feuilles tombées, il se surpris lui-même de ne pas avoir remarqué plus tôt qu'il s'agissait là du dernier arbre encore feuillu. En observant le paysage, il admira la neige aux pieds des chênes puis les quelques flocons qui dansaient furieusement, comme bercés par le vent qui n'en finissait pas de s'intensifier. Tandis que sur les collines, Le peu de verdure qui clamait son innoncence auprès de mère nature commencait à être enfouie, submergée par cette eau à la forme cristalisée.
Lucian, presque apaisé par cette soudaine métamorphose de la nature se rapella brusquement à quel point l'hiver était cruel, alors qu'il se levait avec peine pour échapper à cet ouragan.
- " les éléments ne sont pas en paix ... quelque chose approche"
Lucian ressentit une étrange sensation; l'air, qu'il avait découvert il y a maintenant quelques années était comme ancré dans le corps du domination. Ainsi, à mesure que le vent soufflait, il avait l'impression de faire partie ce ce mouvement naturel.
Il déploya ses ailes pour tenter une fois encore de prendre son envol, mais c'était peine perdu, même avec son pouvoir il ne parvenait pas à contrer la force démoniaque de cet ouragan qui prenait une allure curieusement effrayante.
Alors qu'il repliait ses ailes, il perçut une présence aux alentours des collines. Il savait de quoi il s'agissait. C'est pourquoi il alla à sa rencontre.
- "c'est sûrement la cause de ce déchaînement naturel, il n'y a pas que moi qui ne supporte pas leur existence... je me battrai pour vous"
Lucian prit la direction opposée de son itinéraire de départ et marcha avec peine dans la neige épaisse. S'il voulait anéantir les démons, autant commencer par celui-là.

[ HP : et la météo, alors Lucian ? ^^ --> On est au printemps, y'a pas de neige ! <-- ]

Douce caresse contre ma peau. Bise du printemps qui m'effleure. Sais-tu que tu m'indiffères ?
Brise sans fin contre mon visage. Tu soulèves mes cheveux. Sais-tu que tu es éternelle ?

Soulevant feuille, frôlant l'herbe haute, carressant les plaines, griffant la mer, le vent soufflait. Dans la nuit, le souffle spectral de l'alizé ressemblait en tout point à celui entendu les nuits de tempêtes, les nuits des fantômes et des monstres. Et quoi ? Vous êtes trop grand maintenant ? Les fantômes ne vous font plus peur ? Je ris pour ceux qui pensent cela. Car le fantôme hante les esprits comme les cimetierres, et c'est un grossier mensonge d'affirmer s'être débarrassé du spectre. Le vent siffle. Les fantômes de nos peurs s'éveillent en ces nuits de chaos, les nuits propices aux êtres noirs, dont le coeur est sombre. Communément appelés démons.

Il ne pleuvait pas, cependant, le ciel était nuageux, et la terre était plongée dans le noir, car aucune étoile ne transperçait le rideau cotoneux, et même la lune semblait se cacher. Au loin, on apercevait un point lumineux. Si on y regardait de plus près, la lumière était diffuse et chaleureuse, elle prenait la forme d'un cône, c'était Elament. Mis à part ce point de chaleur, toute la chaîne montagneuse était plongée dans le noir total.

Elle était allongée, sur le ventre, les coudes appuyés sur le sol et sa tête reposant au creux de ses mains. Ses pieds délicats étaient nus. Elle portait une robe de soie sombre, descendant jusqu'auux genoux, et serrée par un ruban du même tissu et de la même couleur à la taille. Ses bras étaient nus. Elle avait cependant un voile fin et léger qui presque transparant qui la recouvrait. Ses vêtements ondulaient au grès du vent. Comme armes, elle possèdait simplement, à son poignée droit un bracelet portant d'étranges runes, et au poignet gauche, un autre bracelet duquel partait cinq chaînes qui se terminaient par un anneau, un à chaque doigt.

L'herbe haute la chatouillait, la caressait, la frolait... Ses cheveux, retenus par un peigne en or blanc, volaient au grès du vent. Elle ferma ses beaux yeux, pour ne plus voir cette affreuse cité, et ne garder que le noir. C'était le Para... L'Enfer sur terre. Idéal pour un démon. Ou en l'occurence une démone. Une succube. Je dirais même plus, une vampire. Oserais-je ajouter son nom ? Alouqua, Conseillère Démoniaque, au repos. Bon, d'accord, théoriquement, elle devait recruter des démons, s'occuper de la Caverne - mais qui donc avait inventé l'entretien des prisons ? Pourquoi entretenir une prison, franchement ! Plus les outils étaient rouillés, plus c'était distraillant, c'était bien connu. -, des démons, etc. Bref, c'était ennuyeux à mou... à re-mourir, dans le cas présent.

Alouqua ne pensait à rien. Etrangement, elle sentait un silence, une paix, un ordre dans son esprit, tel qu'elle ne voudrait plus jamais en sortir. Elle savait que Kïo ne disait plus rien en ce moment, peut-être la considérait-il enfin comme un Démon Majeur ? Ou bien dormait-il simplement ? Dans tout les cas, c'était apaisant. C'est pourquoi, quand elle sentit quelqu'un s'approcher, elle ne tilta pas. Un rictus mauvais était apparut sur son visage, dévoilant ses canines acérées, elle dit simplement :

" - Va-t-en si tu tiens à ta petite existence. A moins que tu ne sois un pseudo-défenseur de cette horripilante cité ? Dans ce cas, ton sens aigü de la justice te conduira sans doute à me combattre, n'est-ce-pas ? Enfin, si tu me supplies, j'essaierai de ne pas me montrer trop dure. "

C'était vrai, quoi ? Se battre tout le temps pour la simple raison qu'on était un démon, c'était embêtant. Et parler, ils connaissaient ce mot-là "parler" ? "discuter" ? "parlementer" ? Bon, Alouqua avait toujours préféré les termes "supplier" et "prier", mais bon, à le fin, cela revenait souvent au même.

[HP : oups toutes mes excuses, j’aurais dû faire attention ^^]

Un jour, on m’a raconté que si les Hommes poursuivaient un but, avaient un idéal et une personne à porter dans son cœur, c’était pour oublier les tracas de la vie et la façon dont elle s’achèverait.
Et pourtant Lucian avait un but sans l’avoir vraiment puisqu’il l’avait acquis dès sa naissance sans avoir pu en décider ; avoir un idéal était sans nulle doute bien inopportun dans la mesure où, aussi loin que ses souvenirs le lui permettent, il n’en a jamais eu ; quant à la personne à affectionner, Lucian avait l’obstination aveugle de croire qu’une personne accepterait d’être aimée.. fait faussement révélateur vu qu’il n’a pas encore eu l’occasion de le démontrer.
Cette phrase inepte, sortie du néant burlesque d’un Homme sans importance ne s’appliquait donc pas à tous, du fait que, but ou non, la mort ne l’atteignait point.
Il était curieux de savoir pour quelle mystérieuse raison certains préjugés et autres lois humaines ne lui correspondaient pas…
Pour l’heure, il y a plus important, autrement dit, il y a plus urgent. Lucian parcourait inlassablement les innombrables collines à la recherche de cette présence précédemment détectée ; il fallait combattre le temps et la fatigue pour que cette journée arrive à son terme : seules ses envies auront raison de ces incommodités.
Dissimulées parmi le flot ininterrompu de rafales de vent qui s’écrasaient sur le corps du domination, des paroles vinrent à être perçues ; d’une voix chantante mais d’un ton abrupte, elles avaient un sens bien dissuasif : de fait, s’il ne s’était point mépris, elles lui exprimaient toute la joie et la sincérité d’un démon qui l’encourageait à faire demi-tour.
Un sourire non moins masqué apparut sur le visage de Lucian ; eh oui, il avait appris à sourire, il se souvient même de la fois où on lui a montré comment s’y prendre.
C’était d’une simplicité absolument insipide ; c’est vrai, élargir les coins de la bouche pour avoir l’ air suffisamment stupide et imiter ainsi le mouvement jovial encouragé par un bon luron, ça n’avait rien de particulièrement compliqué.
En entendant ces mots, il crut qu’il fallait rire tant ils tenaient du prodige, étant par ailleurs bien opposés « va-t-en si tu tiens à ta petite existence » : quelle paradoxe ! Il n’y tenait pas. Bref, son intention ici n’est pas d’éructer avec joie des idées provenant de propos d’un minable démon, si tant est qu’il le soit, mais de découvrir son identité et pourquoi pas, de calmer son arrogance par un juste assassinat.
C’est ainsi que Lucian parvint à l’endroit en question, origine de ce cri pour le moins inattendu. Tandis qu’il gravissait prudemment une bute légèrement plus haute que la norme, il découvrait (avec ravissement ?) l’apparence de cette énergumène remarquablement agréable. Elle était vêtue d’une robe en soie attachée par un ruban et d’un mince voile qui la recouvrait entièrement. Etant allongée, il imaginait qu’elle n’avait point bougé depuis cet étrange flot de paroles. Ainsi il se dit que sa présence ne devait pas risquer de l’importuner. C’était là la position la moins défensive dont il avait eu l’occasion d’attester pour un démon.

En l’observant, il ressenti une violente sensation qui le prit au cœur. Il avait, ce que tant de monde appelle une sensation de « déjà-vu ».
Une vague d’images inconnues le submergèrent : des visages, des paysages, des personnes, des conversations, puis un reflet dans l’eau, des armes, du sang, de la haine, de la mélancolie puis la mort. Tandis que ces images se superposaient sans ordre distinct, son corps éprouvait des difficultés à suivre le rythme de ses sentiments. Il posa un genoux à terre sous les yeux non moins étonnés de son adversaire qui ne l’était pas encore, pour ensuite poser un main à son front suintant. Les images qui s’enchaînaient à vive allure dans son esprit n’en finissaient pas d’accélérer leur rythme d’apparition, c’est comme si Lucian était présent dans deux réalités différentes tout en vivant l’autre sous forme de diaporama accéléré.
Tout en attestant de ce fait totalement inhabituel né de la vision de cette démone allongée dans sur le monticule, il murmura à demi-voix :

- « à qui sont ces visions ? elles ne m’appartiennent pas … je crois … qui suis-je ? Cette réalité est-elle la mienne ? .. à moins que ce ne soit elle … ? »

Puis dans un vacarme assourdissant, la réalité anonyme pris fin, laissant place à l’amertume du moment présent. Il plaqua ses mains à ses oreilles dont les tympans tintaient d’une musique affreusement désagréable. La vision floue, l’esprit embrouillé et les questions qui tourbillonnaient, lui firent à peine remarquer que le vent s’était calmé et lui susurrait de nouvelles promesses.