Bienheureux hasard [Privé]

Il devait être aux environs de sept heures, du matin évidemment. Le vent soufflait calmement, et le soleil commençait à étaler ses rayons sur le monde, et le lac Yuta miroitait de milliers de reflets.
Une belle journée s'annonçait, chaude, ensoleillée, comme il fallait.

Au bout de la plage déserte, se profilait, simple ombre dans la lumière naissante, une silhouette qu'on pouvait qualifier de quelque peu... deglinguée. De loin, elle ressemblait à l'incarnation du malheur.
Pourtant, Khori souriait. Elle avait tout de même réussi, après ce combat... mouvementé... à revenir ici, entrer dans la Cité, et la traverser en passant un peu partout sans se faire remarquer, pour finalement arriver jusqu'ici.
Deux jours sans dormir, à cogner sur des Nyruades et autres (surtout autre) sans s'arrêter, à part à cause d'une lègère altercation dans le Cimetière... mais juste légère, et ils avaient repris dans la Lagune pour le coup.
D'où les Nyruades, et les grosses marques moches sur sa cheville, traces de mains -gluantes- serrées autour, afin de la retenir et de la noyer.
Projet sans aboutissement.
Son épaule droite, ainsi que tout son bras, étaient inutilisables. Le sang ne cessait de couler, séchant sur ses doigts, se mêlant à ses cheveux épars, roussis par endroits.
Il ne lui restait que des lambeaux de vêtements, qui tenaient parce qu'il le fallait, maculès de sang seché.
Son dos était laceré de coups de griffes, sabres, poignards et elle marchait en traînant sa cheville gauche, tordue et griffée.
Une large ouverture creusait sa hanche, taillée par une mâchoire impressionnante de puissance, avait cessé de saigner, et des bleus commençaient à fleurir sur sa peau mate.
Il ne restait pas une seule partie de son corps qui ne soit griffée, contusionnée ou ensanglantée.

Et elle marchait, la main toujours fermement serrée sur un Katana. Elle semblait s'y raccrocher, comme un naufragé à une planche, dernier espoir de salut. Ou fierté. Prenons plutôt la seconde option.
Son oeil gris paraissait mort, mais le rouge flamboyait, explosait, répandant des flammes dans son iris, témoin du combat acharné de l'Elfe.
Tous ses mouvements étaient saccadès, et lui arrachaient, pour chaque pas, une grimace. Elle tâta son épaule droite, creusée de deux larges sillons, traces de dents de trente-cinq centimètres de long. A peine frolait-elle sa blessure, qu'elle retirait prestement sa main.

Youpi. Ca allait encore être super simple à soigner, ça. Et encore plus à expliquer, si on lui posait des questions.
Elle s'approcha du lac pour s'observer. Et tira un rictus.

*Ohlala...j'espère qu'il est dans le même état que moi...sinon mon honneur est bafoué!*

Puis elle s'écroula assise sur le sol et se mit à respirer très fort, avec beaucoup de bruit, en essayant de stopper les saignements comme le pouvait.
Elle se pencha en avant sous un brusque haut-le-corps. Tout ce sang qui rentrait dans sa bouche lui donnait envie de vomir. Elle parvint à se maîtriser, et se redressa.

Elle revoyait la totalité du combat, en souriant. A chaque coup, les adversaires répondaient par un autre, sort ou lame. Ca s'était eternisé.
Et soudain, elle perçut une aura bien connue. Qui dégageait une douceur incroyable. Rien que l'aura de cette personne parvint à la calmer quelque peu.
Se forma alors dans son cerveau un schèma.

*Sang partout+personne possédant l'aura = NEGATIF! J'tiens à le garder conscient.*

Lorsqu'elle le sentit à portée de voix, mais toujours pas de vue, elle se mit à crier.

-Lén? Ici Khori. Je sais parfaitement que tu es hématophobe , donc reste loin. J'en suis couverte de la tête aux pieds. Et j'suis contusionnée de partout. C'est pas beau à voir, donc surtout, reste loin.

En plus il faisait froid. Et ce n'était pas son manteau à capuche dechiré et son pantalon en lambeaux qui l'aiderait à se réchauffer.
Elle frissona et éternua. Son épaule avait enfin cessé son saignement, mais sa hanche la tiraillait dans tous les sens.
Elle restait assise, penaude, soupirant comme un forcené. Puis, spontanément, plongea son visage dans l'eau, avec ses cheveux. Elle resta au moins deux minutes en apnée, frottant ses joues, ses cheveux pour en faire partir le sans seché, et de même manière toute trace de roussi de ses cheveux, ainsi que le gluant liquide qu'une Nyruade un peu trop téméraire avait laissé en attrapant les cheveux de l'Elfe.

Ensuite, arriva Lén. Khori écouta sa phrase avec un intérêt soudain. Se faire soigner par Petit Elfe lui éviterait des explications compliquées à l'infirmerie, alors que lui les comprendrait plus... facilement, dirait-on.
Elle avala de l'air et respira le plus possible, afin de se calmer. Son coeur pompait trop de sang à son goût, et elle n'en avait plus tellement...

-Oui, j'ai vraiment tout ça. J'me suis battue avec Tranlthanas, alors forcément ça laisse des traces, annonca-t-elle d'un air nonchalant. Et j'avoue que ça chatouille pas. Donc, si tu pouvais mettre des oeillères en plus de fermer les yeux, ce serait vraiment bien. Alors si tu peux quand même venir me soigner, j'accepte avec grand plaisir...j'te guide!
Tu es derrière l'arbre, et l'arbre est environ a deux cents petits mètres de moi. Tu sors de derrière l'abre, tu continues tout droit, et tu fais attention, y'a d'autres arbres devant toi. Garde les mains devant toi. Au bout de trois palmiers, tu tournes de vingt degrès et tu continues tout droit. Au moment où tu arriveras a deux mètres de moi, je te préviendrais.

Elle le regarda avancer, mains tendues, vers elle. Il évita les dit palmiers
et finalement parvint au niveau de la jeune fille qui l'arrêta.

-T'y es!

Battue avec Tranlthanas… Encore, voulut s'exclamer petit elfe, mais il se retint. Il était encore aux alentours de la Cité, lui aussi. Tina avait déjà fait allusion à lui il y avait plusieurs mois. Etrange qu'il stationne aussi longtemps au même endroit ! Petit elfe se promit d'aller le forcer à éclaircir ses intentions, ce ne serait pas la première fois, il savait comment s'y prendre ! Et en profiterait pour parler d'autre chose ; Finalement, cela était bien que le Sabrone soit là ! Saprésence était rarement une aubaine pour Lén, alors il fallait en profiter !

Mais le plus important en ce moment restait Khori. Lén suivit ses instructions, progressant lentement, tâtant les arbres des mains. Et compta… Un, deux, trois palmiers. Tourner de vint degrés… Sur la droite où la gauche ? Comme cela n'était pas précisé, il tourna dans la direction qu'il supposait être la bonne, celle de laquelle venait la voix de Khori. Il marcha, marcha, sentant le sable remplacer l'herbe sous ses pieds, et… Stop !

Il y était. Vraiment ? Il n'osait vérifier avec les mains. Il resta un instant encore debout, dubitatif. Il se concentra, chercha, et finit effectivement par sentir l'odeur du liquide rouge qui le rebutant tant. Il esquissa une petite grimace, mais s'abstint de commentaire. Il s'assit lentement en faisant attention au sable qui s'immisçait toujours partout dans les vêtements et les chaussures, et se pencha légèrement en avant. Il toucha très légèrement un morceau de peau, qu'il devina être l'épaule ; Il se retira presque aussitôt en s'écriant :

-Oh mon Dieu !!

Il sentait sur ses doigts le sang qui baignait l'épaule de la jeune femme. Petit elfe aurait écarquillé les yeux de terreur s'il n'avait pas déjà dû les laisser fermés.

-Et où es-tu blessée encore ?

Tentant de ne pas monter son dégoût, il alla effleurer d'autres parties, et à chaque fois sentait le sang lui rester sur les doigts. Et comme il était plus proche de Khori assis, l'odeur du liquide lui remontait affreusement aux narines. La lutte pour ne pas ouvrir les yeux était vraiment intense !

-Eh bien bravo, vous deux ! déplora-t-il. Et encore, je ne vois pas tout ! Je peux te toucher ou cela fait trop mal ?

Il avait remarqué qu'il avait besoin d'un contact, plus ou moins fort selon la gravité de la blessure, avec le corps de la personne qu'il devait soigner. Mais là il hésitait beaucoup, ayant peur d'aggraver une blessure, de la réveiller ou de l'infecter par mégarde.

Ce fut en entendant son propre ton désinvolte que Khori se rendit compte que se battre avec Tranlthanas lui semblait désormais normal...
Oui, enfin non, il ne fallait pas que cela devienne une habitude, vu les dégats que cela entraînait...
Et dire que c'était la commémoration de la mort de ses parents qui l'avait entraîné dans ce furieux duel...
Ou tout simplement le fait qu'elle se trouvait dans le Cimetière, en pleine nuit, endroit où Tranlthanas avait decidé de prendre son repas.

Ah, certes, à droite, elle n'avait pas pensé à le préciser à Petit Prince.
Et ça y était! Il était arrivé. Elle le voyait hésiter à tendre la main pour sentir l'état de ses blessures. Et comprenait parfaitement. Elle connaissait sa révulsion pour le sang, et savait que rien qu'en sentir l'odeur le dégoutait.
Malgré cela, il avait avancé jusqu'a elle. Et elle l'en remerciait autrement. Malgré toute sa fierté, elle devait reconnaître qu'elle ne pouvait plus faire un pas. Elle se serait ecroulée.
Ses "vêtements" étaient envahis par le sable, qui collait à ses blessures, démangeant.
Enfin, Lén se pencha, et toucha très légèrement l'épaule de la jeune Elfe. Retira aussitôt sa main.

Décidément, il s'inquiétait toujours pour tout le monde! Khori pensa que lui décrire toutes les parties du corps où elle était touchée pouvait se résumer en un seul mot.

Partout.

Khori avait tout de suite apprecié Lén. Peut-être parce qu'elle ressentait une certaine innocence qu'elle aurait aimé avoir émanant de lui.
Pour elle, Petit Prince était toujours une apparition lumineuse. La situation le prouvait bien, il arrivait pile au bon moment.
Elle l'observait, entre deux haut-le-corps. Il voulait ouvrir les yeux, luttait pour les garder fermès.
Elle sourit, puis soupira. Emit un petit rire lorsqu'il la réprimanda. Il avait raison, de toute façon.

-Je serais plus raisonnable la prochaine fois. Tu peux toucher, si tu y vas doucement. Tu n'infecteras rien, de moins pas plus que ça ne l'est déjà...alors ne t'inquiètes pas, il n'y aucun souci. J'ai réussi à marcher jusqu'ici, je survivrais à un contact!

Plus raisonnable ? En général, Lén ne savait pas, mais avec Tranlthanas il valait mieux ! Il prenait tous ces combats pour des jeux. Des jeux qu'il savait dangereux, mortels. Mais on avait l'impression que risquer sa vie n'était qu'un infime détail pour lui. Petit elfe ne le comprendrait jamais pour cela. Et c'est ce qui faisait qu'il ne comprendrait par ailleurs jamais Eal sur ce même plan. Mais à avouer, l'envie de comprendre n'y était pas !

Et voilà comment Khori en ressortait. Ces combattants… Ils étaient vraiment impossibles ! Et évidemment, cette phrase que pensait Lén était seulement songée sur un ton gentil. Une gentille réprimande. Cela faisait plusieurs années que ça cogitait, à l'intérieur : Il ne pouvait rien faire pour les stopper. Et est-ce qu'il en avait envie ? Non, car ils tuaient souvent des ennemis. Pour sauver petit elfe, ils avaient tué. Ayant une très forte notion de sacrifice, il en venait à penser de même que tout le monde ne pouvait être sauvé, et que pour garder quelqu'un en vie il fallait un sacrifice. Tant que cela revenait à tuer quelqu'un qui faisait du mal, cela convenait à peu près à Lén… A peu près. De toute évidence il ne voyait rien !

Mais depuis son retour à Elament, il arrivait à se dire que cela ne pourrait plus continuer, et ce pour diverses raison. Il… lui fallait choisir un camp. Un vrai. Comme Tina qui avait laissé son côté Oréade prendre le dessus sur son côté elfique. Et pour cela il ne lui en voulait en rien. Alors il se disait qu'elle ne lui en voudrait pas s'il choisissait de changer de camp. De passer de celui des protégés-pleurnichards-pantouflards à celui des actifs. Non, elle ne lui en voudrait pas ! C'était ce qu'elle souhaitait, même si elle gardait l'envie maternelle de continuer à couver Lén.

Un instant, petit elfe resta planté là avec un air de réfléchir. Khori. Khori, c'était une intermédiaire. Elle était plus réfléchie que Tina, moins cassante que Tranlthanas. En tout cas elle dispenserait des conseils plus facilement et plus gentiment. De même, elle n'avait pas de lien comme celui de Tina qui la reliait à lui, donc elle saurait faire les choses comme il se doit. Sans influence sentimentale.

Et si elle se disait bourrine, elle restait dans le subtil ; Elle avait des techniques, une manière de faire. Et cela plaisait à Lén, beaucoup même. Il aurait voulu la regarder dans les yeux, mais il ne pouvait pas. Pas… encore !

Alors il se redressa en souriant.

-Je vais m'occuper de tout cela, dit-il sur un ton bienveillant.

Il avait appris. La veille ! Quelle chance ! Le hasard avait fait terriblement bien les choses. En même temps, c'était comme si ce même hasard était concentré. Concentré sur le cercle Khori-Tina-Lén-Tranlthanas. Inexplicablement, d'une manière ou d'une autre, ils étaient toujours liés entre eux. Pour le meilleur et pour le pire !

Lén se rapprocha un peu de la jeune femme, et décida de partir de la main droite. Il la soutint avec les siennes, et chercha. Quelle genre d'énergie corporelle avait-elle ? Quel genre d'Igni ? L'elfe chercha quelques secondes, concentré sur la moindre sensation… Jusqu'à ressentir un drôle de picotement dans les mains. C'était vif et fort, et cela bougeait en provoquant ces picotements étranges, presque chauds. Comme le feu lui-même se déplaçait ! C'était ça que l'on ressentait en soignant un Igni ? En tout cas, toute cette énergie brûlante chez Khori semblait bien à son image : bondissante ! La même énergie se comporterait autrement dans le corps d'un Igni de caractère différent. Cela était si agréable !

Conduisant l'énergie, petit elfe la laissa faire son office à l'intérieur, la concentrant là où elle semblait bloquer pour pouvoir passer à un autre obstacle. Extérieurement, son vent faisait les mêmes mouvement, comme s'il guidait lui aussi l'énergie depuis le dehors. Les bandelettes colorées venaient servir de pansements, et à chacun de leur passage, elles laissaient derrière elle une peau comme neuve.

Lén prenait son temps, pour éviter de faire la même bêtise qu'avec le fennec. Car s'il lâchait trop tôt, au moindre faux mouvement les blessures se réouvriraient. La main finie, petit elfe remonta le long du bras, répétant l'opération. Il suivait l'énergie, qui au fur et à mesure semblait trouver seule les endroits à soigner. Lén la suivait pour la maîtriser, et laisser le temps à son vent de faire son affaire extérieure. Mais l'elfe tiqua lorsqu'il vint de finir le cou : l'énergie continuait sur l'autre bras !

-Vraiment partout, murmura-t-il, songeur.

Ils n'y étaient vraiment allés avec le dos de la cuillère !

Mais il continua tranquillement, se bougea et fit l'autre bras. Arrivé à la seconde main, il reprit à la jambe droite. Et le manège recommença. Bassin, hanches, ventre, poitrine (seul endroit où il tenta de soigner sans trop toucher), puis on redescendait vers la jambe gauche. L'opération dura en tout cinq bonnes minutes, et l'elfe ne cessait de s'étonner à chaque seconde qui passait de l'état de la jeune femme. Le pied fini, il marqua une pause, puis se releva, passa derrière Khori, et reprit sur le dos. Ah oui, maintenant qu'il avait compris qu'elle en avait réellement pris de partout, il n'hésitait pas à tout voir ! Le dos aussi était blessé. Le dos fini, il revint devant et chercha sur le visage ; ouf, les blessures semblaient moins graves. Heureusement par ailleurs !

-C'était le dernier endroit ? demanda-t-il en relâchant lentement l'énergie, souriant doucement. Je pense avoir tout fait, dis-moi si quelque chose cloche encore !

Il s'accroupit à côté de Khori et releva son visage vers elle, prêt à rouvrir les yeux.

Plus raisonnable... ce n'est pas bien de mentir, Faëlivrin! Elle savait parfaitement qu'elle ne serait jamais raisonnable en face de Tranlthanas, car cela signerait son arrêt de mort sans qu'elle ait eu le temps d'écrire son testament. Si elle l'écrivait un jour! Enfin, elle avait le temps d'y penser!
Et par fierté. Hors de question de se défiler face à Tranlthanas! Pour elle, hésiter face à lui alors qu'elle avait une chance de lui cogner dessus sans louper, ce n'était pas être prudent, c'était lâche.

Heureusement que Lén existait! Au moins Khori avait quelque chose à faire quand il fallait aider petit Elfe. Soit lui sauver la vie, soit écouter ce qu'il avait à dire. Parce qu'il avait toujours un truc intéressant à dire.
Du moins avant, parce que depuis qu'elle était à Elament, elle avait de quoi faire! Cogner sur Tranlthanas, tenir la Forge, boire du Saké avec Tina... ça faisait du monde tout ça! Accessoiremment, dormir et manger...


Alors que Lén soignait tout ce qui pouvait être ouvert dans la peau de Khori, elle réflechissait.
Chaque événement de sa vie rejoignait soit Tina, soit Tranlthanas, soit Lén... ou Kyo, mais cela, c'était avant qu'elle ne rencontre Tina lors d'une mémorable partie de "je-cogne-sur-les-machos-avec-des-assiettes".
Qui avait fini en course effrénée dans les rues de la ville!

Aïa... elle ne pensait pas que ça ferait aussi mal. Enfin, vu la profondeur de certaines blessures, elle aurait dû s'en douter.
Aussi, ne broncha-t-elle pas lorsque Lén appuya sa main sur les trous les plus larges et sanguinolents. Après tout, c'était de sa faute!
Puis, au bout de longues minutes, passées à admirer Lén diriger son énergie pour guérir l'Elfe. Khori sentait passer en elle une agréable sensation de fraicheur, très douce, qui circulait a travers sa propre énergie, la refroidissant. L'énergie Igni qui circulait a travers Khori était beaucoup trop chaude, ayant été eprouvée pendant un long moment par le combat, et elle ne parvenait pas à la refroidir. Son énergie s'écoulait trop vite à travers les traces sanguinolantes et l'affaiblissait. Et l'énergie de Lén parvint à redonner à Khori le sourire, la forme, et remit tous ses os en place.
Elle entendit un léger craquement lorsque son épaule reprit sa place initiale, au moins vingt-cinq degrès plus haut, et avait refermé les trois plus gros trous qu'elle avait : l'épaule, la cheville, et la hanche gauche.

Aaah décidément! Lén était vraiment indispensable. Pourtant, Khori pensait qu'il devrait bien un jour trouver sa place...
Alors si elle pouvait l'aider, elle le ferait, il venait tout de même de lui sauver la vie...

Si il avait fini? Khori hésitait... elle vérifia, et plus aucune goutte de sang ne perlait sur elle. Plus de traces, plus de trous, pas une seule
Elle remua, tous ses membres répondaient très bien. Elle esquissa même un mouvement à une vitesse qu'elle désignait comme "vitesse de base" pour elle. Parfaitement au point! Il ne lui restait plus qu'a changer de vêtements.

-Parfait! Tu as fais un travail remarquable! Merci infinimment!

Elle sourit en attendant qu'il ouvre les yeux, s'extasiant sur la rapidité des soins qu'il lui avait procuré.

-Et quand tu auras ouvert les yeux, tu pourras me dire comment te remercier!

Khori gigotait pour vérifier si tout allait bien. Il y a avait intérêt, car si jamais petit elfe avait mal fait son travail, il ne se le pardonnerait jamais ! Il était pourtant bien sûr d'avoir assez attendu pour chaque blessure ! Il attendit confirmation que son travail avait été bien fait, et finalement, tout s'avéra être bon !

Il rougit aux remerciements que lui adressa la jeune femme. Alors il se décida à rouvrir les yeux, sans appréhension, sans peur de voir du sang puisque Khori ne se moquait jamais de lui. Il savait donc que s'il regardait, il ne verrait pas de sang couler. Effectivement, tout avait disparu. Lén aurait pu être soulagé, mais il restait un dernier point à régler. Un point dont il se doutait très fortement, et que, maintenant qu'il le voyait, se devait de s'en occuper. L'état des vêtements de la jeune femme !

Tout en écoutant son autre réplique, il défit sa cape et la lui mit sur les épaules. Il lui resserra le col avec la broche en forme de fleur, faite d'émeraude et de jade. Et il serra les deux pans de devant elle pour éviter au maximum à l'air de la geler sur place. Il lui sourit, toujours rougissant. Dire comment elle pouvait le remercier…

Comme toujours, il voulut lui dire "oh non, oublie cela !". Il n'aimait guère qu'on veuille faire quelque chose en échange d'un service qu'il avait rendu. Créer une quelconque dette lui était chose à éviter. Pourtant… Rien que cette fois, il avait effectivement besoin de quelque chose. Et Khori étant têtue, il savait qu'elle tiendrait à le remercier, que ce soit tout de suite ou plus tard. Alors petit elfe n'y vit point de mal.

-Eh bien, fit-il, hésitant, j'ai déjà appris à soigner comme tu peux le voir…

Il marqua une pause. Avait-il bien commencé ? Il ne savait pas. Mais il fallait bien finir, quitte à ne pas se faire comprendre dans l'immédiat.

-Mais je… j'aurais envie d'apprendre à me servir d'une arme. Pas pour attaquer ! Surtout pas !

Cette révélation en aurait choqué plus d'un ! Lén s'empressa de se pencher vers Khori et de poursuivre, presque sur le ton de la confidence :

-C'est juste… Pour surprendre ! Je ne blesserai absolument jamais personne, je n'en suis pas capable ! Mais c'est pour dissuader ceux qui oseraient essayer de toucher à ceux que j'aime ! Il leur suffirait juste qu'un petit moment d'hésitation comme cela, personne ne s'attend à me voir avec une arme, et tu es très bien placée pour le savoir !

Il marqua encore une pause. Il souriait, un petit peu bêtement parce qu'il ne savait pas si la jeune femme avait compris. Pour l'aider, il reprit totuefois :

-Tu vois, juste faire quelques passes, juste histoire de faire reculer ! Mais pas tuer, hein ! Pas tuer !

Il insistait bien sur ce point, sait-on jamais. Il savait très bien qu'au grand jamais il ne saurait porter atteinte à l'intégrité physique de quelqu'un, même si ce quelqu'un était un ennemi prêt à tout pour l'assassiner. Ou un mauvais farfelu du genre Tranlthanas. Mais intimider, oui, il pourrait sans doute. Khori pourrait même au passage lui apprendre à être convaincant ! Enfin cela, il y garda pour lui, car il pressentait qu'il n'en aurait pas besoin dans l'urgence. Et moi je sais qu'il n'en aura pas besoin.

Lén retenait ses tremblements, et pour vaincre le froid, effectuait plusieurs pas de danse non loin de la jeune femme. Une danse pour laquelle il était particulièrement doué : celle apparentée aux Derviches Tourneurs. Avec grâce et sans faux pas, la tunique se soulevant légèrement, sans même en prendre le tournis, il tournait sur lui-même. Pour l'instant à une vitesse assez raisonnable. Son vent s'occupait aussi de le réchauffer un peu.

Il gardait les bras croisés et son regard se concentrait pour l'instant sur Khori, attendant avec intérêt sa réponse, un sourire aux lèvres. Il savait que sa demande n'était pas du tout attendue.

Ouvre donc les yeux, pas d'hésitation, je ne me suis pas trompée. Ah, voilà!
Sous un nouveau coup de vent, elle frissonna. Et pesta. Elle devait se racheter des vêtements avec cette histoire!
Elle sourit à Lén lorsqu'il lui attacha sa cape sur les épaules. Un peu courte, certes, mais peu importait, au moins elle avait chaud!
Et arrête de rougir un peu, Petit Prince!

Une arme? Oui, cela l'étonnait, mais ce n'était pas le fait qu'il veuille ne pas attaquer, mais le fait qu'il veuille tenir une arme tout court!
Elle l'écouta attentivement, et ne peut s'empêcher de rire lorsqu'il insista sur "pas tuer!".
Elle savait qu'il ne pouvait pas tuer, ni même faire saigner quelqu'un. Mais il était clair que se défendre, même en ne faisant que désarmer son adversaire, lui serait utile...
Elle jouait avec la broche de Lén sans s'en rendre compte, tout en réflechissant. Le soleil rayonnait tout autour, il faisait désormais grand jour...
Car même s'il tenait une arme, il fallait qu'il soit convaincant... donc il lui faudrait également quelques cours de charisme...

Et en plus c'était même pas pour lui! Pour défendre ceux qu'il aimait... sacré sens du sacrifice. Mais pour protéger les siens, il devait d'abord savoir se protéger lui-même. Et pour ça...
Elle accusa le coup et déglutit. Il était temps de se transformer en... prof!

Grande Elfe regarda Lén danser... et plongea dans une sorte de nostalgie. Sa mère lui avait appris une danse similaire... ou avait essayé! Khori n'était pas vraiment faite pour les danses gracieuses! A part la danse de la pluie qui consistait à sauter dans tous les sens en criant... elle ne savait pas danser grand chose d'autre. Elle secoua la tête et sourit.
Elle se leva et avança vers Lén.

-Tu es sûr que tu es prêt, n'est-ce pas? Ce ne sera pas un entraînement intensif... mais je ne suis pas un ange, je ne serais pas très douce. Mais comme je suis adorable et que tu m'as l'air préparé, c'est d'accord pour moi. Il faut bien que tu te dises qu'il y a du travail, pourtant je pense que tu en es tout à fait capable. On commence quand?

Questions, affirmations. Lén vit son sourire s'agrandir. Elle était d'accord ! C'était déjà cela ! Après, la difficulté lui importait peu. Il était prêt à tout pour réussir à faire ce qu'il entreprenait ces derniers jours… Et rien ne l'en détacherait.

Petit elfe cessa de tourner sur lui-même, et son vent se chargea de s'activer un peu plus pour mieux le réchauffer. Certes, le résultat n'était pas totalement garanti, mais il était au moins tiède. Heureusement, en plus de cela, Lén avait, comme tous ses confrères Solans, la capacité d'absorber les rayons du Soleil, comme une fleur. Et ils s'en resservaient lorsqu'il y en avait besoin pour se réchauffer. Jusqu'à épuisement des réserves. Certes cela ne servait à rien pour les Solans qui restaient au pays. Mais était d'un pratique incroyable lorsqu'ils sortaient dans le monde froid. Brrr !

Ses yeux se fixant sur la broche que Khori tripotait, petit elfe répondit en souriant :

-Evidemment que je suis sûr ! Je suis prêt ! Prêt à tout !

Et il ne mentait pas en disant cela. Il était réellement prêt à tout, même à se prendre des coups. Et il 'n'attendait surtout pas de Khori qu'elle se montre gentille, douce. Comme un Ange, pour reprendre ce qu'elle avait dit. Pas du tout, il attendait bel et bien d'elle qu'elle soit juste. Non influencée par un quelconque sentiment, mais qu'elle se comporte en vrai professeur, impartiale. Sinon, cela ne serait pas un apprentissage réel.

-Et on commence tout de suite ! s'exclama-t-il en sautillant sur place, agrippant les pans de sa longue tunique verte.

Il était heureux d'entendre de la bouche de la jeune femme qu'il était capable d'accomplir tout le travail qu'il y avait à faire. Et il y en avait beaucoup ? Merveilleux ! Se tuer à la tâche ! Voilà qui, ces derniers temps, avait le mérite d'attirer petit elfe. Il sortait enfin de chez lui et faisait des choses intéressantes. Qui plus est… Sûrement utiles, dans le futur.

Lén décida d'oublier le froid. De toute évidence, ils allaient bouger ! De l'action… De l'action ?! Attention, Lén et l'action, première partie ! Il se remit à danser un court instant, traçant cette fois des arabesques dans l'air avec ses bras. Et il ré-aterrit finalement très droit, immobile, juste en face de Khori dont il s'était éloigné tout à l'heure. Les mains l'une dans l'autre, il la regarda avec une petite mine interrogative, surpris de ne pas la voir bouger.

-Eh bien ? Je suis prêt ! Que faut-il faire ?

Elle ne pensait pas susciter une telle joie chez Petit Prince, mais son accord semblait le réjouir au plus haut point. Elle lisait dans les yeux de Lén, et oui, elle y voyait une grand détermination. Les yeux de Petit Elfe s'étaient encore plus allumès qu'habituellement.

Prêt à tout? Il vaut mieux! Khori avait eu droit au meilleur des professeurs, mais au pire des meilleurs! Alors ça forcément ça laisse des traces... mais non, elle ne léverait pas Lén au milieu de la nuit pour le faire bosser, mais il avait plutôt intérêt à être accroché.
Elle réflechit pour voir comment commencer. Il y avait beaucoup à faire... et tout d'abord, il fallait travailler l'équilibre de Lén. Ensuite, quelques mouvements de bases sans armes. Et après, cela serait plus compliqué puisqu'il faudrait lui apprendre avec une arme. Un gros problème se posait : Khori n'avait pas d'épée sur elle. Le poids, la taille, et le maniement d'une épée et d'un Katana n'était pas le même. Pas du tout le même.
Tout en pensant à ça, elle jeta un regard circulaire sur l'endroit. Du sable... pas le mieux pour commencer l'équilibre... mais s'il avait de l'équilibre sur du sable, il en aurait très facilement sur un sol dur... en fait ça tombait bien.

-Que faut-il faire? Rester calme. Ne sois pas trop pressé. C'est de la soif d'apprendre qu'il te faut, pas de l'empressement. Tu apprendras petit à petit, pas tout d'un coup. Et tu verras, quand tu auras maîtrisé quelque chose de très difficile, tu seras très fier de toi.
Et je suis d'avis que l'on commence par le basique : ton équilibre. L'équilibre, on va d'abord le travailler à mains libres, pour l'esquive. Et on améliorera après avec une arme. Explication. Si je m'élance vers toi, avec des intentions belliqueuses, et que tu n'as pas d'arme, tu n'as plus qu'à esquiver. Bon, à gauche, à droite, c'est facile, je pense que tu connais. Mais si j'arrive par en bas?

Elle démontra. Tout en courant vers Lén, elle glissa sur ses pieds pur s'accroupir, et arrêta son geste juste en dessous du menton de Lén.

-Ne fais surtout pas la faute de sauter en hauteur, car dans ce cas-là ton adversaire peux continuer son geste et te frapper au niveau du menton. Sauf s'il est très lent. S'il est rapide, il peux également t'attraper la cheville et t'envoyer voler. Face à un lent, saute au dessus et retombe derrière lui. Pour quelqu'un de rapide, pars en arrière, au plus loin que tu puisses. Même s'il a une allonge plutôt grande, si tu recules comme il faut, il ne pourra pas porter de second coup. De plus, profite de l'instant où il est à terre pour préparer ta passe.
L'important, la base, c'est l'analyse. Dès le début, essaie de déterminer de quel type est ton adversaire. Lent ou rapide, s'il prefère la force ou la magie, son arme. Le terrain, les conditions climatiques. Tout ça joue. Un terrain trempé sera beaucoup moins avantageux qu'un terrain sec et plat.
Et, si tu le peux, éviter de te retrouver dans un milieu avantageant ton adversaire... mais ça, ça se contrôle difficilement. Si un Aqua est près d'un point d'eau, essaie de l'en éloigner...
Je vois ta question dans tes yeux! Les attaques hautes sont les plus difficiles à esquiver, il vaut mieux les parer. Pour l'instant, comme tu n'as rien pour, on va esquiver. Donc, j'arrive par en haut, arme en main.

Elle mima le geste à Lén, en s'attaquant à un rocher avec sa main.

-Si le rocher pouvait bouger, que ferait-il? Plonger en avant est à éviter si tu le peux. Cela te fait perdre un temps précieux si tu rates ta réception et être signe de blessure imminente. Là encore, pars en arrière, sans te retourner. Regarde toujours ton adversaire, droit dans les yeux. N'ais jamais honte, ou intimidation. Si tu as un combattant digne de ce nom en face, il le verra aussitôt et profitera de cela. Ne le perds surtout pas des yeux.
Les yeux de Khori brillaient. Elle dispensait ses conseils d'une voix très claire, en parlant avec les mains, comme si elle avait toujours enseigné, si cela lui était naturel.
Elle retira la cape de Lén, la replia, et posa ses Katanas, ainsi que quelques dagues de lancer qui lui restaient sur le sable.

-On y va. Après la théorie, rien ne vaut l'expérience. Je vais t'attaquer, il ne te reste plus qu'a m'esquiver! Et si tu sais faire quelques saltos ou autre figures que tu maîtrises bien, n'hésite pas! Je suis là pour t'apprendre, donc je n'hésiterais pas à critiquer, t'inquiètes! Et ça va faire travailler ton équilibre.

Elle planta ses pieds dans le sable, se mit en face de Lén, positionnée de manière à l'attaquer de gauche, et s'élancea, tout en songeant bien à porter au minimum la puissance de ses coups... pour le début.

Avait-elle été trop vite? Elle le redoutait. Elle avait tendance à croire que tout le monde comprenait tout très vite, malgré sa façon de parler trop rapide et le fait qu'elle mange la plupart des mots.

Elle ne fut pas etonnée de voir Lén, ou plutôt de le sentir, faire la grimace lorsqu'elle lui avait dit de fixer son adversaire. Pour elle-même, il avait fallu de l'entraînement. Fixer Kyo dans les yeux était, auparavant, une épreuve éprouvante lorsqu'il était furieux, généralement quand elle le mettait à bout. Et généralement, elle passait trois jours au lit à se remettre du coup qu'elle avait pris sur le crâne, avec Kyo qui râlait parce qu'elle ne s'entraînait pas...
Puis finalement, soutenir ses yeux rouges était devenu normal pour elle. Pas facile, habituel.

Mais pour Lén, ce serait plus compliqué. Il connaissait Khori, donc la fixer dans les yeux n'était pas trop compliqué. De plus, elle avait le regard joyeux, ou calme, dans des circonstances normales. Il lui aurait fallu le regard qu'elle avait contre ses ennemis, explosif, claquant dans l'air.
Mais comme elle était difficile à mettre en colère, elle n'avait aucun souvenir qui lui permettait de retrouver ce regard-là.
Donc il devenait compliqué de l'entraîner à cela...

Elle aviserait. D'abord, l'entraîner. Car même s'il soutenait le regard de son adversaire, s'il ne pouvait rien faire, c'était donner un coup d'épée dans l'eau !
Alors en avant ! Elle s'élancea. Un peu trop vite ! Elle pensait que, étant soignée, elle pouvait tout se permettre... mais les sorts ne se soignent pas comme les blessures. Sa jambe, qui avait été brûlée l'élancea. Et elle freina. Elle allait très vite, donc se mettre à une vitesse à la normale des gens serait un bon ultimatum.

Mais qu'est-ce que... ? Il pouvait pas courir plus vite? Il y avait encore plus de boulot qu'elle ne pensait. Et en plus il relevait sa tunique ! Heureusement qu'elle était au minimum de sa force. Un seul coup porté, et pourtant Khori sourit en voyant Lén. Après tout, elle ne pouvait pas trop en demander.

-Va juste falloir que tu te rendes compte que tes vêtements ne sont pas des plus pratiques pour combattre. Mais ta tunique n'étant pas longue...
c'est que tu le fais exprès. Tu crois que contre Tranlthanas, par exemple, ce sera utile de relever ta tunique? Franchement il en aura rien à cirer. Et ton ennemi, quel qu'il soit, aussi. Pense pratique, pas apparence. On recommence, et cette fois, accelère ! N'hésite pas ! Je sais que tu tiens à tes vêtements, mais si tu prefères ça a ta vie, c'est mauvais mauvais ! Très mauvais même. Allez, prépare-toi. Je suis desolée si ça fait mal, mais je ne peux pas descendre plus bas.

Elle s'élancea de nouveau, en commençant à gauche cette-fois ci, en allant moins vite, et en se disant qu'il valait mieux qu'elle frapper avec trois doigts...

Et encore une tirade, qui mit Lén mal à l'aise cette fois. Malgré le sourire de Khori, il rentra la tête dans les épaules, penaud. Il savait, pour les vêtements ! Mais comme dit avant, leur rencontre n'avait pas été prévue ! Il n'aurait pas dû lui dire de commencer tout de suite, il n'était pas prêt au niveau du matériel…

-Mais ce n'est… p-pas… Je…

Il n'arrivait pas à en placer une avec la rafale de mots que la jeune femme lui envoyait. Il voulait lui dire, pour la tunique. Que croyait-elle, enfin ?! Qu'il relevait la tunique pour faire joli devant son ennemi ? En croyant l'amadouer, ou quoi que ce soit du genre ? Il n'était pas stupide à ce point ! C'était seulement un réflexe. Portant de longues tuniques, il avait toujours fait ainsi : quand il courait, il relevait le vêtement. De peur de marcher dessus ou de le salir selon ce qu'il y a par terre. Voilà tout ! Ce n'était pas pour faire décor !

Mais s'il ne fallait pas le faire, il arrêterait, c'était tout simple !

Enfin, Il ne dit rien. Il n'y arrivait pas, et même lorsqu'elle se tut, il resta silencieux. Déjà parce qu'elle devait s'en moquer comme de sa première paire de chaussettes, mais aussi parce qu'elle revenait déjà à la charge. Lén partit comme tout à l'heure, à la différence qu'il ne tenait plus sa tunique. Seulement, la manière de faire restait la même : Il se déplaçait simplement en courant.

Comment vous expliquer cela pour que l'image rentre dans la tête ? Bien, reprenons.

Quelqu'un de doué. Un combattant, un vrai. Pour esquiver, ça bondit, en avant en arrière, à droite à gauche et toute autre variante de direction. Avec virtuosité. Rapidité, efficacité, classe. Et ça enchaîne tout de suite sur un coup ou autre chose.

L'esquive de Lén, pour sa part, s'apparentait plutôt à une ridicule course de trot sur à peine plus d'un mètre, et une fois fait, il se retournait bêtement vers Khori pour la regarder. En même temps, pour ce dernier point, c'était compréhensible car il ne savait pas s'il devait répondre, la jeune femme lui avait seulement demandé d'esquiver. Seulement voilà, l'esquive… Cinq petits pas sur le côté, précipités et maladroits. Et surtout, il n'avait rien esquivé du tout puisque Khori l'avait encore touché.

Petit elfe regarda le sol avec les joues rouges de honte encore une fois. Il n'alla pas toucher l'endroit atteint, il ne dit rien à ce sujet. Cette fois-ci pourtant, il avait réagi à temps ! Non ? Il chercha, les sourcils légèrement froncés. Où était l'erreur ?

C'était évident, elle était encore dans son manque de réflexe. Il partait plus vite quqe la première fois, d'accord, mais n'arrivait pas à anticiper le coup. Autrement dit, Khori était déjà à la moitié de la distance les séparant lorsqu'il se décidait enfin à réagir. Autre bémol : cette façon d'esquiver. Qui n'était pas du tout celle d'un combattant.

Dans un autre sens, petit elfe se demandait s'il avait besoin de savoir esquiver pour apprendre des passes. Il se voyait juste en train de tirer une arme pour faire reculer "l'ennemi", le mettre ne serait-ce qu'un temps en situation de surprise qui suffise à un allié pour l'assommer, ou lui porter un coup… Mortel… Ou non. Et si l'ennemi ne reculait pas tout de suite, ou au contraire pour accentuer sa surprise, faire un peu tournoyer l'épée histoire de donner de l'effet, et lui coller le bout de la lame sur la gorge.

Mais il ne se voyait pas au cœur d'un combat, même pour esquiver. Et se débrouiller pour éviter le combat en question, là, pour cela il était doué !

Un soupir lui échappa.

-On recommence, dit-il, résigné.

"On recommence."

Pas de problème pour elle, elle était là pour ça. Mais maintenant qu'elle savait comment il esquivait, elle pouvait donner efficacement des conseils.
Aussi ne s'élancea t’elle pas de nouveau, mais s'approcha de Lén, et le fit s'asseoir.

-Maintenant que je sais ce qui cloche, je vais remédier à ça. Lén, il y a un tout petit souci. Tes réflexes. Et quand je dis tout petit, tu me comprends, n’est-ce pas ? Il est certes vrai que tu n’as jamais combattu au sens où je l’entends, d’où cette défaillance de réaction… c’est problématique, dirais-je. Réfléchissons !

Elle se mit à réfléchir, les bras croisés, balancée en arrière. Il lui sembla entendre son cerveau fulminer, tant elle l'utilisait. Son mal de crâne, qui ne l’avait pas quitté, empirait. Finalement, elle redressa la tête avec une moue peu inspirée.

-En attendant que je trouve, on va continuer... mais je vais commencer par te montrer ça.

Elle se releva, et sauta en arrière. Très simplement, sans chercher à faire classe.

-Je ne te demande pas de virevolter comme un oiseau dès le début. Prends le temps d'apprendre les choses une à une. Ne cherche pas à faire impressionnant, je veux du résultat, pas de l’apparence. Et surtout, vérifie bien le point d’atterrissage. Démonstration !

Elle avisa du coin de l’œil un endroit recouvert de galets, et fit exprès d'atterir dessus. Evidemment, elle glissa. Mouillés par l’eau, polis par le vent, il était devenus lisses.
Elle glissa en arrière, et fut ravie de voir qu'elle se rétablissait sans même y penser. Réflexe naturel pour elle.

-Tu vois ce que je veux dire quand je te parle de te méfier du terrain? Alors c'est parti, on continue ! Essaie les sauts. La course, c'est bien, mais ça ne marchera pas tout le temps !

Elle revint à l'endroit qu'elle avait quitté, hésita, s'arrêta en route.

-Tu dois certainement te dire que l'esquive n'est pas trés importante pour les passes... mais fais-moi confiance. Tu en auras besoin. Même si tu ne veux que désarmer ton adversaire.

« Et puis surtout je vois pas comment augmenter ses réflexes, à part continuer ainsi… et puis j’dois lui trouver une arme ! Mais mes Katanas n’iront pas, il n’en utilisera pas… sachant que le poids d’une épée est d’environ un kilo cinq cents grammes, et que mes Shin-to font huit cents grammes pour deux d’entre eux, et sept cents grammes pour le dernier, ça ne correspond pas du tout… a moins que l’arme qu’il choisisse soit plus légère. De toute façon je n’ai que cela sur moi. »

Elle regagna sa place, plus loin, et reprit position. Et repartit de plus belle sur Lén.

-Dès que tu auras progressé, on commencera les passes !