Volontariat

Lorelaï sursauta en entendant une voix s'adresser à elle. Elle n'attendait personne avant un bon moment. Rudy aussi fut surpris. La petite bête alla se réfugier sous un meuble. Cela amusa Lorelaï et la détendit un peu.

" Archael, bonjour... vous m,avez fait peur. Je me croyais seule ici. Mon premier rendez-vous n'est pas avant 11 heures aujourd'hui. "

Elle sourit d'un air gênée et s'agenouilla gracieusement pour récupérer Rudy. Ce jour-là, elle portait une robe gris argenté, d'un tissu chatoyant qui produisait un bruissement à chacun de ses mouvements. Lorsqu'elle se pencha, le tissu forma une corolle autour d'elle et elle ressembla à une fleur. Lorsqu'elle inclina la tête, sa longue chevelure noire glissa de ses épaules devant elle et forma un rideau entre elle et l'enseignant.

" Allez Rudy, sors de là, mon chaton (oui, c'est bien un écureuil) on a de la visite... Il n'y a pas de danger."

Il sortit enfin de sous le meuble et sauta sur les genoux de la jeune femme. Elle rejeta ses cheveux noirs derrière son dos et elle se redressa et sa jupe coula doucement autour d'elle, dissimulant ses jambes.

Elle fit signe à Archael de passer dans son bureau, et le suivit en refermant la porte derrière elle. Elle posa Rudy dans son panier dans le coin de la pièce et elle s'asseoir à son bureau:

" Alors, que me vaut l'honneur de cette visite?" demanda-t-elle, un peu curieuse.

C'était bien Lorelaï qui venait d'arriver, dans un vêtement aux tons d'argent, qui miroitait doucement comme la surface d'une perle de mer. Sa robe et sa peau pâle formaient un contraste étonnant avec sa chevelure d'ébène. L'infirmière psychologue d'Elament ne manquait certes pas de charme, et même un ange qui passait 99% de son temps perdu dans les nuages, ne pouvait pas manquer de la remarquer.

Il eut un sourire d'excuse devant la surprise qu'il lui avait causée. C'était parfois gênant, ce pas flottant, glissé, auquel les Aeras finissaient par s'habituer, et qui était l'une des conséquence de leur nature. A force, ils finissaient par se déplacer sans faire plus de bruit qu'un souffle d'air, mais cela présentait parfois plus d'inconvénients que d'avantages. Visiblement, le petit écureuil qui accompagnait Lorelaï en permanence avait lui aussi été fort surpris, vu la vitesse avec laquelle il était allé se terrer sous une armoire!

Suivant l'infirmière, il pénétra dans l'agréable bureau et prit place sur une chaise. Il ressentit une légère douleur au dos et soupira à demi. Ses ailes cristallines étaient rentrées à l'intérieur de son dos, car elles étaient vraiment gênantes à l'intérieur des maisons... bien des gens aimeraient avoir des ailes, mais savez-vous à quel point il est difficile de s'assoir sur une chaise avec deux formes pareilles dans le dos, même repliées? Si vous le savez, c'est que vous êtes un ange! Bref, il fallait parfois les rentrer, mais cela causait parfois de légers élancements. Ils n'étaient pas douloureux, mais assez gênants...

La question de Lorelaï lui fit oublier ces petits ennuis.

"Euh... eh bien je viens de me découvrir un profond complexe psychologique de Lamenthias, doublé d'une tendance à une schizophrénie nette" répondit-il. "Et je me demandais si vous auriez un traitement miracle..."

Le ton parfaitement sérieux était démenti par le sourire malicieux qui flottait sur les lèvres du Trône. Il n'aimait pas vraiment être vu comme un sérieux et docte professeur, après avoir été élève à Elament... alors, il avait gardé l'habitude de plaisanter chaque fois qu'il le pouvait. Ajoutez à cela sa tendance naturelle à être un peu dans la lune, et vous comprendrez pourquoi même les élèves de 1ere année s'ennuyaient rarement pendant les cours.

"En fait" fit Archael en redevenant sérieux, "je suis venu pour une raison un peu moins amusante... mais tout d'abord, je suppose que vous êtes au courant des derniers agissements des démons autour d'Elament, et de la possibilité qu'une bataille sérieuse se prépare?"

Lorelaï avait d'abord été très surprise de sa demande et était resté bouche bée une demi-seconde. Puis se rappellant la nature blagueuse de l'ange, et les commentaires amusés de ses élèves quand elle les rencontrait, elle comprit qu'il la menait en bateau. Son petit sourire le confirma, et elle lui sourit.

" Tu m'as bien eu...!"

L'ange était réputé dans tout Elament pour son côté farceur, mais Lorelaï ne se rappellait pas si elle avait eu affaire à lui quand elle enseignait les potions. Elle n'avait pas conservé ce poste longtemps, on avait trop besoin d'elle à l'infirmerie. Ange s'était blessée, elle était venue la remplacer, puis elle avait conservé le poste. Les deux jeunes femmes se partageant les tours de garde. Sa connaissance des potions s'avéraient pratiques pour soigner ses patients.

L'ange ouvrit de nouveau la bouche, annoncant une mauvaise nouvelle cette fois.

" Oui, Layna m'en a glissé un mot... Une grande bataille se prépare... on va devoir protéger la Cité... je ne sais pas vraiment me battre, mais je préparerai de quoi soigner les blessés... potions et bandages... je permettrai p-ê à quelques-uns de retourner sur le champ de bataille..."

Comprenant que la discussion ne faisait que commencer, elle se laissa aller contre le dossier et offrit:

" Tu veux un café? Ou du thé?"

D'un hochement de tête, Archael accepta, en profitant pour rejeter derrière son dos une longue mèche de cheveux d'argent.

"Très volontiers..." fit-il, heureux de pouvoir abandonner le vouvoiement. "Café, s'il te plaît."

Le café... il ne l'avait découvert qu'en arrivant à Elament. Les Anges le connaissaient vaguement, mais ce n'était pas une boisson appréciée chez lui. Le breuvage noir et odorant avait pourtant un grand succès à la cité des éléments, où il avait été rapporté par des Aquas en voyage loin vers le Sud, au-delà des Grands Déserts. Le Trône avait rapidement apprécié le café, et son parfum chaud et prenant était vite devenu symbole de travail : en règle générale, il comptait le nombre d'heures de ses nuits blanches au nombre de tasses empilées sur le bureau!

Et d'ailleurs, ces nuits de travail se faisaient plus fréquentes ces derniers temps, alternant entre la Bibliothèque où il étudiait des manuscrits anciens, et le sommet de la Tour des Vents où il testait les résultats de ses lectures. C'était justement de là-haut, au point le plus haut d'Elament, qu'on pouvait voir le ciel se couvrir de noirs nuages au fur et à mesuer que la prochaine grande bataille de ce siècle approchait. Et au firmament, les étoiles se voilaient peu à peu... Les iris de turquoise d'Archael s'assombrirent, et des points d'or du souci se mirent à y danser, leur faisant prendre les tons profonds du lapis-lazuli.

"Sans doute est-ce pour bientôt, en effet... bientôt nous devrons protéger tout ce qui nous est cher. Parfois, je trouve que c'est un bien lourd fardeau à porter..."

D'un geste, le jeune homme aux cheveux blancs indiqua la fenêtre du bureau, d'où on apercevait à la fois les tours blanches de l'Ecole, et les jardins du bas de la Cité. Là, un groupe d'élèves de 1ere année se poursuivaient en riant, se bombardant de sortilèges sans danger. Ils jouaient, innocents et sans crainte, sous le regard de deux professeurs, un Ange et une Elfe de Lune, qui savaient, eux, combien cette joie était fragile. Et qui savaient quelle était la responsabilité qu'ils avaient reçue...

"Moi non plus" reprit enfin Archael en reportant son regard sur la jeune femme, "moi non plus, je ne suis pas fait pour la guerre. Mais quand elle sera sur nous, chacun de nous sera nécessaire, dans la mesure de ses forces. J'ai cherché longtemps dans les arcanes de la magie de l'Air, pour y trouver quelque chose qui me permettrait de me rendre utile d'une autre manière, comme toi. Tu comprends, si je ne peux pas combattre efficacement, je voulais au moins guérir..."

Avant d'expliquer le résultat de ses efforts, il s'interrompit un instant, laissant dériver sur Lorelaï ses yeux azur, un peu déroutants, comme deux saphirs sans âge... il connaissait relativement peu l'infirmière. Même à l'époque où il était élève, il n'avait pas suivi les cours de potions, car il suivait un programme d'étude spécial. Ils s'étaient croisés deux ou trois fois, sans plus. Mais cela ne l'empêchait pas d'avoir une grande estime pour elle. Ceux qui ne respectaient que la force étaient des fous. Quelqu'un de respectable n'est pas celui qui peut blesser, mais celui qui peut guérir. Le vrai pouvoir n'était pas de blesser, mais de créer...

Lorelaï regardait toujours les élèves s'amuser dans le parc de l'école. Elle n'avait jamais eu la chance de courir ainsi, innocemment, comme tout les enfants... À la cour, il avait fallu apprendre le maintien, la diction, le protocole... Chaque minute de son temps était calculé et planifié... Elle devait agir comme une princesse, même si elle n'était pas de sang royale... Son enfance avait ainsi passé, à apprendre à devenir une dame respectable... et chaque jour, elle grandissait en élégance et en maturité. Et même si elle était à Elament depuis longtemps maintenant, elle ne s'était jamais départi de cette attitude.

Lorsqu'elle sentit peser sur elle le regard du Trône, elle tourna la tête vers lui, et lui sourit, un peu gênée, mais surtout troublée d'être observée ainsi. Elle sentait l'admiration qu'il avait pour elle, l'orpheline apatride... Elle n'avait pas l'habitude d'être regardé ainsi puisque dès qu'elle sortait de chez-elle ou de l'infirmerie, elle se dissimulait sous sa cape.Mais surtout, ce qui la troublait, c'est de s'apercevoir que l'Ange lui plaisait. Pas seulement à cause de ses cheveux d'argent si différents des siens, et de son regard bleu de mer... mais par sa personnalité, si semblable à la sienne, et ses valeurs équivalentes aux siennes... ils avaient un physique à l'opposé l'un de l'autre, mais leurs pensées fusionnaient...

" Tu pourrais sûrement m'aider... d'ici la bataille, je peux facilement t'enseigner quelques potions. On en préparera d'avance, et on amènera des ingrédients pour en fabriquer d'autres... Je crois qu'on pourrait se monter une tente qu'on protégerait magiquement... j'ai un sort quelque part dans un des mes grimoires... puis je pourrais aussi t'apprendre quelques soins de base... Un assistant serait vraiment appréciable dans ses conditions... si ça ne te dérange pas de ...travailler avec moi... À nous deux, nous pourrions sûrement sauver quelques vies... et atténuer les souffrances des autres..."

Lorelaï termina sa tirade en se levant pour préparer du café. Une petite table en bois d'acajou était placé contre le mur du fond, face au bureau donc derrière le bel Ange. Lorelaï y alluma la chandelle sous le chaudron de fonte et y mit de l'eau à chauffer, dans lequel elle ajouta un sachet de grains de café passer au mortier. Puis elle laissa infuser.

" Sucre? " demanda-t-elle en posant deux gobelets de métal près du chaudron, e en posant sur lui son regard d'émeraude.

Mais Lorelaï l'avait vu, et elle n'aimait pas les cachotteries, les non-dits, et les propos retenus. L'infirmière aimait la franchise, probablement en raison de tout les secrets de son passé. Et comme la présence de l'Ange lui plaisait, elle n'avait pas envie qu'il se taise. Archael dégageait tellement de force tranquille et d'assurance, et, dans un sens, il lui ressemblait tellement. Elle avait décelé la tristesse dans son regard, comme un écho à la sienne. Elle devinait dans ses yeux toutes le snuits blanches passées à se questionner...

Elle versa le breuvage chaud dans son gobelet et le lui tendit doucement, d'un geste gracieux, presque dansé.

" Avant de répondre à ta question, réponse qui sera positive, bien évidemment, je voudrais savoir ce que tu allais dire... j'ai bien vu que tu retenais tes paroles... ne sois pas gêné avec moi... je suis toujours heureuse de discuter et d'avoir de la visite. Je suis souvent bieu seule ici quand il n'y a pas de patients... "

Son ton était doux et invitant, pas le ton qu'elle utilisait avec ses patients, mais plutôt le ton qu'elle aurait utilisé avec un ami de longue date. Il sous-entendait la confiance qu'elle lui portait déjà. Son regard l'invitait à se détendre et à s'ouvrir. À ce moment précis, toute l'élégance princière dans laquelle on l'avait élevé avait resurgi et se lisait dans son port de tête, son cou gracieux, la façon dont elle posait son regard sur lui, le geste effectué pour lui tendre son café... Inconsciemment, elle avait fait appel à toute sa féminité.

Rudy, au fond de son panier, observait le manège qui s'effectuait entre l'elfe et l'ange. Issu de races différentes, un lien subtil venait de se créer entre eux. Un rapprochement auquel personne n'aurait pu croire. Lorelaï était charmé. Son éternel besoin d'affection qui la poussait vers n'importe qui avait fait place à un réel désir d'apprendre à connaître le mystérieux et insaisissable enseignant. Un respect tout neuf pour la façon de penser de l'Ange surgissait en elle. Charmée par ses propos, et par ce qu'il lui avait permis de voir, elle voulait aller plus loin. Elle sentait qu'il avait quelque chose d'inconnu à lui faire découvrir. Et elle était très heureuse qu'il lui ai demandé son aide.

" Je ne sais pas si Ange soignera durant la bataille. Elle a de grands pouvoirs... elle choisira peut-être de se battre. "

Soudainement, se rappellant qu'il avait mentionné des grimoires, son intérêt s'éveilla.

"J'aimerais bien voir ces potions anciennes dont tu me parlais."

(Je ne crois pas qu'Ange maîtrise les potions... elle n'est venu qu'un fois à mon cours... et "j'ai" appris les potions chez les elfes.)

Avec un signe de tête de remerciement, le jeune homme aux cheveux blancs reçut la boisson odorante des mains de Lorelaï. La portant à ses lèvres, il souffla un instant dessus, afin d'éviter de se brûler. Bien sûr, on pouvait utiliser la magie pour créer un courant d'air à cet effet. Mais l'Ange avait une philosophie précise en ce qui concernait la magie. Il n'appréciait pas tellement les petits malins qui l'utilisaient toutes les trente secondes pour bien montrer qu'ils la maîtrisaient... ou le croyaient... D'ailleurs, la plupart des professeurs prenaient l'habitude d'utiliser leurs mains plutôt que leurs pouvoirs, quand c'était possible. Pour tous ceux qui comprenaient vraiment la magie, elle était une compagne, une conseillère, une aide, une amie... mais certainement pas une servante.

Puis vint la douce remarque de l'infirmère. Fit-elle plaisir à son compagnon? Sans doute. Il y avait si peu de personnes avec qui il pouvait parler vraiment, à coeur ouvert, d'égal à égal. Miniestel, Yumi, Tùllia elle-même étaient très jeunes, et il n'avait jamais revu Althys. Non, la seule était Ruby, et depuis qu'elle avait cessé d'être la jeune fille qu'il connaissait pour se transformer en louve sauvage, l'ange s'était refermé sur lui-même à nouveau. Oui, peut-être que venir ici plus souvent pour parler, serait une bonne idée...

Cependant, il ne répondit pas tout de suite. Ses paupières s'abaissèrent délicatement pendant qu'il buvait une gorgée et expirait doucement, laissant les arômes du café inonder ses sens. Extérieurement, il avait cet air de sphinx qu'on souvent les anges, et les Trônes plus que tous. Jeunes et anciens, doux et énigmatiques, proches et lointains, ils semblaient n'appartenir qu'en partie à ce monde, comme si leur existence n'était qu'une vapeur aperçue une nuit où l'on rêve qu'on rêve...

Mais quand l'infirmière parla de sa consoeur, ces yeux se rouvrirent. A la question qui suivit, ils clignèrent paisiblement pendant qu'Archael déposait son gobelet fumant sur la table pour avoir les mains libres.

"En fait" répondit-il en plongeant le bras dans son sac, "il ne s'agit pas vraiment de potions, mais de vieux sortilèges de guérison. Je les ai trouvés dans des manuscrits datant d'environ 900 ans avant notre ère. Une traduction Aasimar, d'après l'architecture des incantations. J'en ai quelques pages de notes ici, mais la plus grande partie est au dernier étage de la Bibliothèque. Il y a beaucoup d'ouvrages utiles là-bas, mais c'est un travail de titan que de les traduire..."

De la besace, il sortit plusieurs parchemins jaunis, très anciens, et quelques feuilles de cristal opaquee, aussi fines qu'une aile de libellule et visiblement beaucoup plus récentes. Toutes deux étaient couvertes de formules et de mots étranges. Pour tout non-initié, cela aurait été un cauchemar à déchiffrer. En effet, pour commencer, c'était intellectuellement très difficile de comprendre comment fonctionnait la magie d'un autre élément que le sien. Ils étaient tellements différents dans leur essence, qu'un Aera était souvent incapable de déchiffrer des sortilèges de la magie du feu, et que les Aquas ne voyaient dans les ouvrages de la magie de la Terre qu'un embrouillis incompréhensible. De plus, ces parchemins anciens étaient inscrits dans une langue différente avec un alphabet peu connu. A moins, comme Archael, d'avoir depuis tout jeune passé des années à étudier les vieux écrits, il était difficile de les lire.

Mais l'Ange faisait confiance à Lorelaï. Il n'avait que rarement eu l'occasion de la voir, mais il avait plusieurs fois pu constater l'efficacité de ses potions sur des élèves. Créer un onguent capable de guérir les terribles brûlures d'une Flamme Noire - une attaque de la Magie Démoniaque - n'était pas à la portée du premier venu. On disait d'ailleurs qu'elle avait étudié chez les détenteurs de l'ancien savoir elfique. Enfin, un simple coup d'oeil sur les ingrédients et notes qui étaient alignés dans ce bureau donnait une petite idée (et encore modeste, probablement) des connaissances de l'infirmère. Pratiquer des sortilèges d'un autre élément était impossible. Mais il savait que, difficile ou non, elle réussirait sans doute à les déchiffrer, à l'aide de ses propres notes sur le papier de cristal. Elle n'était pas seulement belle, mais aussi intelligente et sensible, ce qui était bien plus important aux yeux des Anges, pour qui l'apparence physique importait très peu. Aussi apprciait-il bien plus sa présence que celle d'autres femmes poseuses et légères.

Tout en la laissant observer les écrits dans son dos, Archael tendit la main vers sa tasse. Il reprit une gorgée de café et fit tourner pensivement sa tasse entre ses mains. Tout en contemplant les reflets du breuvage, il repensait à la remarque qu'elle avait faite tout à l'heure. Oui, en effet, il avait été sur le point de dire quelque chose. Une question qui lui était venue en regardant la jeune femme s'activer sans hâte, gracieuse et légère. Depuis combien de temps était-elle infirmière? Sa réputation avait fait le tour de la cité depuis bien longtemps, sa douceur pour les patients, son dévouement... Mais à présent, tout pouvait changer. Les choses, les gens...

"Dis-moi, Lorelaï..." murmura-t-il doucement. "Soigner, c'est combattre à notre façon, sans faire couler le sang. Mais pour bien se battre, on est censé avoir une raison, n'est-ce pas? Je croyais en avoir, mais plus la guerre approche et plus je me rends compte qu'au fond... je ne sais pas vraiment pourquoi je fais tout ça. Bien sûr, je veux sauver des vies, atténuer la souffrance autour de moi, mais j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose. Toi, tu soignes de tout ton coeur, cela se voit. Pourquoi?"

Au lieu de regarder son interlocutrice, il fixait lointainement la fenêtre. Un instant, dans le vert des arbres qui bordaient l'infirmerie, il crut voir le reflet des yeux confiants de Lén. Qu'avait-il dit déjà? "Mes amis méritent de vivre... S'ils se battent les uns face aux autres, j'irai me mettre entre eux à la place..." Mais il se rendait compte qu'il n'était pas comme l'Elfe. Depuis quelque temps, il lui semblait sentir son coeur se refroidir à nouveau, comme autrefois. Il avait plus de mal à sourire. Les choses le laissaient de plus en plus froid, tandis que dans ses yeux revenait de plus en plus souvent ce reflet las, pétrifié. Non, cela n'allait pas... un guerrier qui part sans croire à quelque chose ne pouvait qu'être un fardeau dans une bataille.

"Est-ce que tu as quelque chose à protéger?"

Lorsque l'Ange eut prit sa tasse, Lorelaï se tourna pour prendre la sienne. Elle souffla sur le café pour le refroidir et ce faisant, remarqua qu'Archael n'utilisait pas son pouvoir, mais bien son souffle comme elle.

Elle aussi n'utilisait son pouvoir qu'en cas d'urgence. Elle ne le maîtrisait pas comme la plupart des habitants d'Elament. Elle savait l'utiliser, mais elle n'en connaissait pas toute les subtilités. Et elle n'en ressentait pas le besoin. Ayant étudié avec un mentor alors qu'elle habitait encore Elandhil, elle préférait utiliser la magie ancienne, et évidemment ses potions, qu'elle ne faisait pas que reproduire, elle les créait lorsque ce la s'avérait nécessaire. Et avec les élèves, c'était fréquent.


Un moment plus tard, il commenca à lui expliquer sa découverte, et lui tendit quelque feuillets tirés de sa besace. Elle reposa son gobelet près d'elle et se mit à étudier les formules et écrits anciens.


Je connais ces codes... mon mentor m'en avait parlé... j'aurais dû les approfondir...

Ses connaissances de cette langue était mineure, mais assez pour comprendre les notes du Trône.

" Ces formules sont réellement anciennes..." dit-elle en consultant à nouveau les premières pages. Elle vint s'asseoir sur la chaise face à l'ange, sans même quitter les notes des yeux, repliant une jambe sous elle pour maintenir son équilibre.
" Je crois même qu'elle date d'avant la fondation de la cité, alors que chaque élément vivait encore séparément... celui qui les a composé devait maîtriser parfaitement l'Air..."

Fasciné, elle relut deux fois chaque feuille.

" Jusqu'à quel point maîtrises-tu ton pouvoir?" demanda l'Elfe Argentée en levant enfin les yeux sur lui.

Il la surprit alors en lui posant une question tout à fait inattendue. Pourquoi se battre?

En effet... pourquoi me battrais-je? Je n'ai aucune famille ici... et aucun ami... sauf Rudy... et la petite Coralline..." [i]

Elle posa alors les feuilles sur son bureau, à sa gauche, et s'adossa... elle réfléchit un long moment, les yeux dans le vague...

" Je me bats pour ce qui pourrait être... pour la chance de vivre autre chose... pour préserver ce qui pourrait arriver... parce que je veux vivre... et apprendre encore... parce que je n'ai pas encore fait tout ce que je voulais faire... je me bats pour que les élèves de la Cité puisse grandir, se marier, avoir des enfants... pour protéger la Cité qui a fait de moi une personne, une vraie... et non le jouet d'un Roi... parce que c'est ici que j'ai enfin découvert que j'avais une race et une appartenance à un groupe... et pour le bonheur qui doit m'attendre quelque part... "

En disant cela, elle se mit à penser à tout ce qu'elle risquait de perdre dans cette bataille... depuis son arrivée dans la Cité, elle avait tout fait pour se faire une place, sa propre place... elle était devenu quelqu'un qu'elle appréciait. Elle était fière d'elle-même...mettre des mots sur ses craintes lui fit prendre conscience de ses peurs, et elle se mit à trembler légèrement à l'idée de mourir et que des gens qu'elle connaissait meurent atrocement... Elle posa alors des yeux infimiments tristes sur Archael:

" Il ne faut pas qu'Apharez gagne... il faut qu'on se batte..."

Lorelaï entendait et comprenait la lassitude de l'Ange... Parfois, il lui arrivait aussi de se demander à quoi bon vivre quand on est seule comme elle... sans amis, sans famille... sans autre personne sur qui compter que ses collègues... Elle était parfois fatigué de se battre sans rien en retour... Elle se demandait si cet amertume chez lui venait de la perte d'un être cher... puis elle se demanda s'il avait une famille... Elle ne connaissait rien aux Anges... le seul qu'elle fréquentait était Archaël. Pourtant, elle sentait qu'il ne devait pas être comme tout les autres Anges... Il vibrait de la même façon qu'elle... de la même lassitude, des mêmes questionnements, et des mêmes désirs... Avait-il été abandonné lui aussim cherchait-il à comprendre d'ou il venait... ? Elle savait maintenant qu'elle avait du sang d'Elfe de Lune, probablement en prédominance... mais de qui tenait-elle ses yeux verts? L'Elfe était son père ou sa mère? Et ses parents, étaient-ils des hybrides? Personne n'avait jamais pu répondre à cetet question qui la tourmentait toujours... Était-ce ce genre de questions qui tourmentaient son ami?

Elle s'approcha de lui, aussi silencieusement que possible malgré le froufrou de ses jupes. Dans son panier, Rudy ne bougeait pas... comme s'il comprenait que la scène qui se déroulait devant lui ne devait pas être dérangé. Elle posa ses mains sur les épaules de l'Ange, bien plus grand qu'elle, qui était petite pour une femme. Elle leva son visage vers lui pour le regarder dans les yeux, solennellement.

" Tu as raison... la vie en elle-même est une raison de continuer... n'as-tu pas envie que d'autres après nous ait la chance de connaître Elament? Les Beautés de la Nature? Il faut nous battre pour préserver cette terre, pour que d'autres se baignent dans la Cascade ou se berce au son du Vent... pour tout ces petits enfants qui ne doivent pas perdre leurs parents... pour que cette guerre ne crée pas d'autres orphelins... pour que le Soleil puisse se lever sur un monde en santé, une terre de joie... et qu'il se couche sur les sourires d'enfants fatigués d'avoir joués dehors... sous un ciel pur..."

L'infirmière le tenait toujours par les épaules, ses yeux rivés aux siens, murmurant ces paroles d'espoir, le monde qu'elle voulait connaître, comme pour les imprégner en lui, comme pour lui transmettre de cet espoir qui la forcait chaque jour à continuer... elle voulait effacer cette lassitude en lui et la remplacer par son désir de vivre de se battre, pour tout ces rêves qu'elle chérissait... et que soudainement, elle voulait partager avec lui...

( pas du tout accro, je reviens durant ma pause pour poursuivre le topic...malheureusement, je dois retourner au boulot...)

Qu'aurait-il répondu, si Lorelaï lui avait posé à haute voix les questions qu'elle se posait?

Cherchait-il à comprendre d'où il venait? Non. Les enfants Trône naissaient avec des centaines de mémoires de vies angéliques inscrites en eux. Adultes dès la naissance, ils se souvenaient de tout, incapables d'oublier quoi que ce soit. Leur esprit était une tablette de cristal où toute information importante se gravait pour toujours. A chaque année de leur longue vie, le poids de leur passé s'alourdissait. Parfois alors, en regardant du haut des cieux, ils enviaient les hommes, qui ont reçu des dieux d'inestimables compensations à leur fragile destin : la capacité à oublier, et la possibilité de mourir sans devoir porter le poids de l'éternité. En contemplant les milliers d'années qui lui restaient éventuellement à vivre, sauf mort brutale, l'ange aux yeux de ciel ne cherchait-il pas plutôt où il allait?

Avait-il de la famille? Non plus. Les Trônes ne formaient pas une vraie caste, ils naissaient aléatoirement de parents anges normaux. A leur naissance, ils rejoignaient le Temple des Trônes où ils passaient les premières années de leur vie totalement isolés. Ceux qui avaient donné naissance à un petit bébé aux ailes de cristal n'étaient pas sans coeur, mais n'étaient jamais arrivés à le considérer comme leur enfant. Lui-même ne s'y était jamais attaché. Ils étaient trop différents. Et ce qui est différent, est isolé.

Alors, cette lueur fatiguée dans ses yeux habituellement sereins, était-elle due à la perte de quelqu'un de cher? Oui. Il ne s'en rendait pas compte, mais il existait une personne qui était une sorte d'ancre psychologique pour lui. Elle qui l'avait tiré, autrefois, de cet état étrange où il était enfermé depuis qu'il avait quitté sa ville natale. A son contact, il avait peu à peu perdu l'éclat pétrifié de ses yeux, cet impossible hiver de l'âme qui avait gelé son coeur, le changeant en un insensible golem de cristal. Vagabond voyageant toujours droit devant lui, errant sans but à la surface du monde. Et à présent que cette ancre venait de lâcher, que cette personne s'était perdue sur des chemins où il ne pouvait pas la suivre, depuis qu'il avait croisé ces yeux devenus noirs comme la nuit, quelque chose s'était rompu. L'ancre avait lâché, et sans s'en rendre compte, chaque jour ses yeux devenaient plus las, plus tristes, plus durs, comme deux turquoises magnifiques mais sans vie.

Mais l'infirmière n'interrogea pas, et ces réflexions ne devinrent pas conscientes pour l'ange... Cependant, en entendant les paroles d'espérance qui lui étaient adressées, il hocha imperceptiblement la tête. Il les comprenait. Emotionellement, il ne les ressentait pas, mais leur logique était là, certes moins profonde mais compréhensible. Se battre pour ceux qui ne le pouvaient pas encore, pour ceux qui ne le pouvaient plus, pour ceux qui ne le pourraient jamais. Se battre pour leur bonheur, pour qu'ils puissent connaître ce que ceux qui les avaient précédés ne connaîtraient peut-être jamais. L'Ange ferma les yeux.

** D'autres après nous... **

Mais la seule chose qui le fit réagir de façon intense, furent les derniers mots de Lorelaï. Sous un ciel pur. Au fond du coeur de l'Ange, même aux pires heures de son existence, il avait toujours existé cet amour profond pour le vent et les immensités libres de là-haut. C'était un sentiment qui dépassait en puissance tout ce qu'il avait jamais connu, même pour Ruby. C'était cet amour du ciel qui l'avait sauvé jadis, le retenant de sombrer dans la folie ou dans l'autisme. A cette raison, il pouvait encore croire avec le coeur, et pas seulement avec l'intelligence. Jamais le ciel d'Elament ne devrait perdre sa pureté et sa beauté. Le monde de nuées noires dont rêvaient les démons signifiait la fin de cette perfection. Imperceptiblement, les phalanges de l'ange se crispèrent. Jamais!

"Pour tout cela" murmura-t-il enfin, sans ouvrir les yeux. "Et pour tout ce que nous ne savons pas, mais que nous comprendrons un jour."

Sur ses épaules, il sentait le toucher des mains de la jeune femme. C'était comme si, pour un peu de temps, ces mains lui transmettaient quelque chose de leur force, de leur certitude, de leurs espoirs et de leurs rêves...

Par la fenêtre entrouverte, une brise fraîche de fin d'automne souffla dans la pièce. Dehors, l'hiver arrivait. Les grands vents du froid, au nord, commençaient à souffler sur Elament, pour hiver qui s'annonçait long et terrible. La nuit glacée s'étendait, avec son cortège de peines à venir. Mais au coeur des maisons, montait toujours cette flamme chaude et réconfortante, cette flamme qu'on nommait l'espoir. A ceux qui l'avaient allumée, à eux de veiller à ce qu'elle brille jusqu'au matin du printemps...

[HJ: tihi! moi vu le peu de cours que j'ai, je ne sèche pas pour venir sur le topic, mais je l'aime bien quand même ^^]

(Perso j'ai 23 ans alors j'ai fini mes études, je passe pendant ma pause au boulot)

L'espoir, le désir de vaincre, et un peu de goût de vivre semblaient avoir repris un peu de leur place dans les yeux verts d'eau de l'Ange... Cela rassura la jeune infirmière-psychologie si sensible à la détresse des autres. Elle retira ses mains des épaules de son compagnon et recula d'un pas. Puis, gênée de s'apercevoir qu'elle s'était tenu si près de lui alors qu'il s'agissait de sa première visite, elle rougit légèrement et retourna s'asseoir derrière son bureau. Reprenan la maîtrise d'elle-même et de ses sens, elle se mit à jouer avec quelques papiers qu'elle replaca en une pile, prit une grande inspiration et leva à nouveau les yeux vers lui.

" Bon, ce n'est pas tout d'avoir décidé de se battre, il faut aussi savoir comment. Je ne maîtrise pas mon pouvoir de façon offensive, et je n'ai jamais appris à me battre. Les elfes, savent utiliser les arcs, mais on ne l'enseigne pas aux femmes, encore moins aux princesses... Voila pourquoi je soignerai les blessés, je serais inutile sur le champs de batailes, une cible facile pour ces démons... "

Elle avisa alors son café sur la console de l'autre côté du bureau, elle se leva tout en continuant à parler, récupéra sa tasse, et retourna s'asseoir à son bureau.

" J'ai déjà commencé à faire des réserves de potions en vu de la bataille. Nous pourrions ériger un petit campement, ou même une tente, ou s'installer. Les autres nous y amèneraient les blessés qui ne sont pas en état de s'y rendre, ou viendraient nous chercher pour soigner ceux qui ne peuvent être déplacé. Chaque potion a son utilité. Si tu veux, je te ferai un parchemin pour te les indiquer... Quant à tes sorts, il faudra se rendre dans un endroit sûr pour que tu puisses les pratiquer. Je crois même que mon mentor pourrait nous aider..."

Lorelaï avait étudié les potions et quelques notions de magies diverses sous la tutelle d'un puissant sorcier elfique engagé par Elandhil, son père adoptif. Il s'appellait Urgraniehl, mais avait toujours insisté pour qu'elle l'appelle "mentor". Il lui avait enseigné des magies anciennes, ainsi que des magies d'autres contrées. Mais elle n'utilisait ces notions qu'en cas de nécessité. Elle vivait très simplement sans faire étalage de son érudition. Depuis qu'elle vivait à Elament, elle était allé le revoir une fois pour une histoire de loup-garou.

" Il serait sûrement heureux de pouvoir aider à sauver la Cité..." ajouta-t-elle en laissant sa voix se perdre dans un murmure.

Intérieurement, elle échafaudait déjà un plan d'organisation pour l'entraînement de l'Ange, se demandant si elle pourrait lui enseigner les quelques sorts de soin appris à Elandhil auprès du mage... pûisqu'il ne s'agissait pas de magie élémentale, mais plutôt de shamanisme... Elle avait prévu les utiliser dans la bataille, Archael saurait surement en faire bon usage... Elle but une gorgée de café et reposa sa tasse pensivement. Elle regarda son compagnon, se questionnant toujours, comme si elle l'analysait, comme si elle trouverait la réponse à ses questions dans son regard, son sourire, la cascade de ses cheveux ou les plis de sa tunique.

Imitant son interlocutrice, l'Ange avait étendu le bras et repris sa tasse. Il la porta à ses lèvres, dégustant lentement le liquide encore chaud, tout en écoutant. Oui, évidemment. Ni l'un ni l'autre n'étaient faits pour se battre. Lorelaï n'avait jamais appris à utiliser son pouvoir de manière autre que pour défendre ou soigner. D'ailleurs, il ne parvenait pas à imaginer la douce infirmière, debout au milieu d'un cercle tourbilonnant d'épines acérées, ou occuppée à déchaîner les redoutables sortilèges dévoreurs de vie que maîtrisaient les Terras.

Quand à lui... en réalité, en tant que Professeur de l'Air, il avait dû apprendre à utiliser la magie sous toutes ses formes, même destructrices. Les Arts Etranges eux-mêmes, ceux qu'il étudiait si passionnément, étaient capables de se transformer en armes mortelles. La lumière blanche, magnifique, mais d'une pureté si aveuglante qu'elle devenait dure et froide, pouvait détruire toute parcelle de matière sur son passage. Le Son savait soigner, et pourtant ses accords pouvaient aussi déchirer l'air et la chair, tel des milliards de fouets, au rythme de leur douce mais sinistre chanson. Mais son esprit se rebellait, incapable de se résoudre à l'idée même de se diriger vers le champ de bataille, froidement, avec au fond du coeur la volonté de tuer. Il s'était déjà battu à plusieurs reprises, mais toujours parce qu'il y avait été forcé, acculé. Par nature, il serait incapable de se résoudre à rentrer offensivement dans une guerre. Cela bloquait la plupart de ses pouvoirs, lui enlevant une bonne partie de ses capacités.

Intégrant les paroles de l'infirmière, il referma les yeux et se mit à réfléchir.

"L'idée de la tente est bonne, mais il faudrait alors la placer ou dans la zone d'influence des Boucliers d'Elament, ou sous un puissant bouclier indépendant, car elle sera probablement une cible intéressante pour une partie des démons. Nous devrons en effet demander à quelques combattants d'Elament de se placer en soutien et de nous ramener les blessés. Pour ceux qui ne peuvent être déplacés..."

Pensivement, Archael fit tourner sa tasse au creux de ses mains, plongé dans ses réflexions.

"En y pensant à deux fois, je crois qu'il vaudrait mieux diviser le travail. J'ignore tout des Potions, et la Bataille n'attendra sans doute pas que je puisse apprendre, même une petite partie. Ce n'est qu'une hypothèse, mais je pense que le mieux serait que tu restes à l'intérieur de la tente avec la réserve de potions, car c'est là qu'il risque d'y avoir la plus grande partie du travail, en quantité. De mon côté, je m'occuperai des sorts de soin et des blessés qui nécessiteront de s'éloigner. Je pense avoir les moyens suffisants pour créer une zone relativement sûre autour de moi."

Un doigt levé vers le plafond, il ferma les yeux et récita mentalement sa Clef d'incantation. Je proclame à la face du monde la Lumière de mon âme et le règne des Quatre Grands Vents. Puisse leur clarté dresser autour de moi un rempart contre l'Ombre de ce qui est En-Bas... Art Etrange dit du Mur de Lumière. Manque d'expérience oblige, il ne savait pas encore utiliser ce sort sans formules d'incantations pour le stabiliser.
Ses ailes transparentes comme du cristal, s'irisèrent d'une clarté blanche. Ce foyer de lumière, traversé d'ondes bleues et dorées, se développa soudain, l'entourant d'une sorte de bulle brillante sans être éblouissante. Au bout de quelques secondes, celle-ci s'agrandit jusqu'à mesurer environ trois mètres de diamètre. Si on avait tendu la main pour toucher sa surface crépitante, on se serait aperçu que la traverser était facile, ne causant qu'un léger fourmillement sur la peau. Mais pour des êtres sombres tels que les démons, la Barrière de Lumière constituait un barrage brûlant et mortel. Au moins pour ceux de rang moyen, car un démon majeur n'aurait que peu de mal à briser ce mur. Mais on pouvait espérer qu'ils seraient occupés ailleurs...

"Ton mentor?" interrogea l'Ange en laissant l'enchantement s'effacer peu à peu. "Penses-tu qu'il serait possible de le trouver?"

[HJ: Dsl, post un peu bateau, mais pas eu le temps de le peaufiner]

Assise à son bureau, l'infirmière regarda avec stupeur l'Ange réciter une incantation et ses ailes se transformer peu à peu pour projeter autour de lui une sphère de lumière. Curieuse de nature, elle résista tout de même à l'envie de tendre la main pour toucher la douce lumière. Bien que Terra, la lumière blanche l'avaitoujours attiré. Enfant, elle recherchait les pièces claires et lumineuses, et devenait bougonne aussitôt que les journées s'écourtaient à l'approche de la saison froide. Peut-être était-ce aussi cela qui l'attirait chez le Trône, cette blancheur qui lui conférait une aura de pureté. Rien de mal ne semblait pouvoir se passer autour de lui... comme si son aspect ancré si profondément dans le Bien repoussait à elle seule les racines du Mal. ( Archael va bien finir par se la gonfler à force de me lire, lol)

Puis, aussi vite qu'elle était apparu, la lumière disparut, désintégré lorsque l'enchantement prit fin, ramenant le jeune femme à la réalité:

" On pourrait aussi s'installer dans un des bâtiments qui longera le champs de bataille. Par exemple, on pourrait utiliser la Cuillère en Sucre... surtout qu'ils ont les installations nécessaires pour faire chauffer de l'eau... et ce serait plus difficilement repérable pour nos ennemis. Il faudrait s'assurer que tout nos combattants sachent ou aller s'ils ont besoin de soin."

Je ne veux pas qu'il aille sur le champs de bataille... triste comme il l'est... il serait bien capable de laisser tomber sa garde pendant qu'il soigne les blessés... il serait une cible facile...

" Il nous faudrait quelqu'un avec une civiere qui pourrait nous les amener, quelqu'un qui sache se battre... Surtout que je pourrais avoir besoin de toi avec certains blessés... Si quelqu'un a un membre cassé, ce serait mieux pour poser une attelle..."

Lorelaï craignait pour la sécurité de l'Ange s'il allait sur le champ de bataille... Et s'il ne portait pas attention à ses ennemis? Il semblait si las de vivre... comme s'il n'avait plus aucun but...

" Pour ce qui est de mon mentor, on a qu'à aller à Elandhil, là ou j'ai grandi. C'est là qu'il vit. Quand il saura que je suis là, il nous recevra aussitôt. Il est toujours content de partager son savoir, surtout pour la bonne cause. Ça ne prend qu'une journée et demie à cheval. "

Elle commenca alors à penser aux préparatifs qu'il faudrait faire s'ils voulaient partir vite. Il lui faudrait quelqu'un pour prendre soin de Rudy, Coralline pourrait le faire. Et il faudrait qu'Ange Noir la remplace à l'infirmerie.

" Pourrais-tu te libérer quelques jours? Pour moi, ça ne devrait pas être trop compliqué. Je peux confier ma boule de poils à Coralline. Et Ange peut me remplacer ici..."

Pour les chevaux, ça ira...On en trouve facilement ici...Mais Archael sait-il monter...? Je m'occuperai des vivres pour le voyage. On en prendra à Elandhil avant de repartir.

" Tu montes à cheval?? Et il faudrait aussi amener tes grimoires. Enfin, ceux ou tu as déniché ces formules et incantations..."

En vrai petite maman, elle avait déjà tout prévu pour que chacun voyage confortablement et ne manque de rien. Manquait plus que l'approbation du compagnon... L'idée de retourner là ou elle avait grandi l'emplissait à la fois de joie, et un peu d'inquiétude. Elle espérait toujours qu'ils seraient contents d'elle, mais en même temps, voir qu'ils étaients toujours aussi heureux, même sans elle, l'attristait un peu et lui rappellait qu'elle ne faisait pas réellement partie de la famille...



(HJ: Ton post était excellent! J'aime bcp ce topic, il m'a fait progresser dans mon RP)

(lol! Ah au fait, il faut que je pense à demander qu'on nous crée un topic "Poste de soins" sur le forum de la bataille, sinon les joueurs ne viendront pas poster s'ils doivent se déconneter/reconnecter sur 2 forums différents juste pour se soigner)

Avec un léger bruit, la tasse vide fut reposée sur le bureau. Archael hocha la tête au fur et à mesure eds paroles de l'infirmière. La Cuillère en Sucre? Oui, ils disposaient de sorties sur l'extérieur de la Cité, mais cela présentait l'inconvénient d'une distance relativement longue entre le poste de soins et le champ de bataille. Le mieux serait une solution intermédaire: l'idée d'une tente avait du bon, mais il faudrait la planter juste à la limite intérieure des Boucliers, sur la pelouse qui entourait la Cité. Apharez elle-même avait une chance sur un million de réussir à percer ce champ de protection, ils y seraient donc en sûreté.

Il acquiesca également quand elle proposa la solution d'un préposé aux civières pour amener les blessés : il n'était pas utile de signaler que tôt ou tard, ils devraient se rendre sur le champ de bataille, séparément ou ensemble. Quand un combattant avait été éventré par la griffe d'un démon, la seule possibilité atait de le soigner sur place avant de le transporter, car l'inverse était toujours fatal. Cela était encore plus vrai pour les sortilèges maléfiques : certains démons se faisaient un plaisir de pétrifier la partie inférieure de leur adversaire, les soudant au sol et les condamnant à une mort lente et douloureuse. Les exemples étaient nombreux. Mais dans l'absolu, Lorelaï n'avait pas tort : au maximum, ils devraient éviter de se rendre au coeur de la mêlée. Et prévoir un ou deux combattants pour escorter les blessés, était une excellente idée aussi. Mais ils auraient tout le temps d'en discuter pendant le voyage.

Voyage? Pourquoi parlait-on de voyage, déjà? Ah oui. Un voyage à Elandhil, la cité cachée, l'un des derniers royaumes elfiques au coeur de la forêt. Jamais il n'avait eu l'occasion de s'y rendre, il ignorait même sa localisation qui restait une légende pour la plupart des gens.

"Nous pourrons reparler de cela au cours du voyage. Mes élèves attendront quelques jours, ils sont habitués à travailler seuls et les cours des Aeras sont assez souples. Je peux aussi emmener une bonne partie de mes écrits."

Oui, il pouvait se libérer quelques jours, et monter à cheval ne poserait pas de problèmes, même s'il l'avait très rarement fait. Mais...

"Mais trois jours de cheval aller-retour, plus le temps que nous y passerons... c'est un double risque, parce que..."

L'Ange se referma un instant sur lui-même, sans exprimer ses pensées. Trois jours au moins ... En ces temps troublés, qui savait ce qui pouvait se passer pendant ce délai à Elament? Et surtout, il y avait le problème des Démons. Tous ceux qui volaient en haut des cieux l'avaient vu : les créatures des Enfers avaient commencé à bloquer toutes les routes qui reliaient à la Cité. Quand ils l'avaient su, les dirigeants d'Elament avait décidé de garder cela secret, pour ne pas effrayer inutilement les élèves. Mais cela impliquait deux choses : premièrement, que l'heure de la Bataille approchait peu à peu puisque l'autre camp avait entamé son mouvement. Deuxièmement, que même en partant sur l'heure, ils avaient de bonnes chances de tomber dans une embuscade.

Lui-même pouvait facilement passer par les chemins des cieux. Le ciel était son chez-lui, bien plus que la terre. Il connaissait ses routes, ses pièges, mieux que personne, et les Démons fréquentaient peu les nuages. Les quelques clans de démons ailés étaient peu nombreux, et aucun ne pouvait rattrapper un ange chevauchant le vent. Mais avec Lorelaï...

Soudain, il claqua des doigts. Mais bien sûr. "Ceux qui volaient en haut des cieux..." avait-il pensé tout à l'heure. Il y avait une solution.

"Je sais! Je vais tenter de contacter Naja Notos, afin de savoir s'il dispose d'un moyen de voyager par les airs. Nous arriverions plus vite et plus sûrement. Si de ton côté, tu pouvais t'occupper du reste, ce serait vraiment pratique, parce que j'aurai pas mal de choses à régler avant de partir... et au fond, je ne sais pas comment préparer un voyage à plus d'un" plaisanta-t-il.

C'était vrai. Avant d'arriver à Elament, Archael avait été l'un des plus grands voyageurs de ce temps, pendant près de quatre siècles où il avait erré sans s'arrêter un seul jour. Mais les Trôns étaient faits pour les voyages. Leur organisme ne fonctionnait pas comme celui des autres êtres vivants, même ceux de leurs frères anges. Manger et dormir était quelque chose pour quoi leur corps n'était pas bâti. Ils tiraient leur énergie directement de l'environnement ambiant, à la manière des plantes, chacun à leur façon. Pour Archael, qui était en plus doté du don de l'air, c'était de la lumière et du vent qu'il tirait sa subsistance, à l'exclusion de toute autre chose. Non qu'il soit incapable de se nourrir, ou de sommeiller, mais il n'en avait pas réellement besoin. C'étaient des "réservoirs de secours" en cas d'épuisement extrême ou d'incapacité à capter la lumière dans ses ailes.

Donc, autant dire que pendant ses voyages, il se contentait d'emporter un bâton, une basace contenant quelques objets, une tunique et une cape de rechange. Cela lui suffisait pour plusieurs semaines de voyage, voir plus, à l'époque où il avançait droit devant lui, à la manière d'un golem de cristal. A présent, une chose avait changé : il emmenait toujours avec lui son inséparable Chantepierre, la harpe taillée dans le cristal. Mais ne lui demandez pas de préparer un voyage à plusieurs... il se serait retrouvé aussi à l'aise qu'un barbare septentrional à qui on demanderait de choisir une tenue de soirée dans l'immense magasin d'habits d'un prince elfe...

L'ange se remit sur ses pieds et sourit.

"Ca marche?"

Lorelaï hochait la tête tout en jouant machinalement avec l'ourlet d'une de ses longues manches. Archaël avait raison... ils avaient encore quelques jours pour planifier cela.

" Il faudrait quand même éviter le plus possible de nous exposer aux ennemis car il n'y aura que nous deux pour soigner tout ces blessés...nous peaufinerons ce plan sur la route.

Puis Archael souleva un point, il fallait trouver un moyen qu'elle passe aussi par les airs...

" Tu crois qu'un dragon accepterait que je le monte? Ça me permettrait de me déplacer par la voie des airs... Je pourrais en acheter un... Et les dragons volent très vite, ce sera plus rapide qu'à cheval donc nous serons de retour plus rapidement..."

Lorelaï s'maginait déjà sur le dos d'un dragon, filant vers la cité elfique. Elle faisait confiance à Archael, il ne divulgurait pas l'emplacement de la Cité Cachée. Il n'y aurait pas de problème pour le faire entrer puisqu'il serait avec la tarien, la princesse en elfique.

Il lui demanda alors de s'occuper des préparatifs pour le voyage. Elle éclata de rire, un rire cristallin, doux et joyeux, plutôt réconfortant après les sujets qu'ils venaient d'aborder.

" C'est déjà entamé... "

Et elle lui adressa un joli clin d'oeil. Elle se leva à son tour, prit la tasse vide de son compagnon et la posa sur la console, près de la sienne. Les préparatifs reprenant leur cours dans sa tête. D'abord prévenir Ange qu'elle quittait la ville un moment... trouver Coralline et lui confier Rudy.

" On part quand? Dans combien de temps penses-tu pouvoir être prêt?"

Ils étaient en fin de matinée. Le soleil était à son zénith et Lorelaï pouvait le voir de sa fenêtre. Aucun élève ne courrait sur la pelouse, ils étaient tout à la cafétéria pour la pause-déjeuner. Elle-même commencait à avoir faim.

" Pour ma part, je pourrais être prête ce soir en fin de journée. Si le problème du transport est réglée, nous serions à Elandhil demain soir puisque ce sera plus rapide par la voie des airs..."

Il faudrait donc amener des vivres pour 3 repas, ainsi que des couvertures pour dormir en chemin... Et les grimoires...Le plus important élément de ce voyage.

Comment Elandhil verrait-il l'arrivée d'un Ange dans sa Cité protégée? Bien sûr, il l'accueillrait à bras ouvert puisqu'il serait avec Lorelaï...mais que penserait-il du fait qu'elel cotôyait maintenant des gens de toutes races et de tous âges? Les elfes avaient de nature un côté raciste. Ils s'étaient longtemps cru une race supérieure, dotée d'une plus grande intelligence, d'une longévité exceptionnelle, d'une beauté époustouflante... Et surtout, que dirait-il quand elle lui annoncerait qu'elle avait finalement une descendance elfique? On lui avait toujours dit qu'elle n'avait rien d'une elfe puisque'elle n'avait rien de leur Beauté... Plus petite qu'eux, elle n'avait rien de leur minceur, elle avait quelques rondeurs féminines...

Elle se demanda alors si elle ne serait pas mieux d'éviter ce sujet... Elandhil l'aimait profondément, et il ne l'avait jamais empêché de partir à la recherche de ses origines, mais peut-être serait-il blessé si elle remettait ce sujet sur la table alors qu'il l'avait élevé comme si elle avait été de son sang...

" Archael... "

Lorelaï avait envie de lui demander son avis sur cet épineux sujet, mais se dit que ce n'était peut-être pas le temps, avec tout ces préparatifs... Peut-être serait-il mieux d'attendre qu'ils soient en route...

" Oublie-ca... on a pas le temps... je t'en reparlerai plus tard."

A la mention de dragon, l'Ange s'était figé. Il tournait le dos à Lorelaï, son visage invisible dans la clarté du soleil, mais son aura avait cillé étrangement. Comme le réflexe d'un bras qui tressaille, quand on pose le doigt sur une blessure mal fermée. Si on lui avait fait face, on aurait vu qu'une lueur inhabituellement dure teintait son regard.

Et pourtant, il était visible qu'elle n'avait pas été dirigée contre l'infirmère, mais contre quelque chose d'autre. Non, pas un instant le reflet douloureux des yeux n'avait exprimé la colère contre la jeune femme. Lorelaï ne pouvait pas connaître la rancoeur héréditaire qui séparait les Trônes et les Grands Vers - car tel était le nom que donnaient les anges aux dragons. Les seuls qui étaient tolérés par le peuple d'Otulin étaient les rarissimes Dragons d'Or elfiques, car c'étaient les seuls dragons bénéfiques. Certaines histoires disaient qu'il entretenait aussi des rapports avec les Dragons Etoilés, ces créatures à l'existence incertaine, qui étaient censés vivre au plus haut dans cieux, plus près encore que les anges et sans jamais descendre au sol. Mais les autres... Otulin et ses habitants avaient longtemps souffert des dragons Rouges, Verts et Noirs au cours des siècles.

Et en tant qu'immortels, les anges avaient la mémoire longue... Archael plus que tout autre, avec le long chapelet de mémoires inscrites dans son esprit. Qui savait quels souvenirs pénibles la mention des ennemis héréditaires de sa race, avait pu faire remonter en lui? Pourtant ses yeux furent sans colère. Seulement amers, jusqu'à ce qu'un sourire vienne chasser ces nuages.

"Je suis déjà prêt, en fait" parvint-il à plaisanter. "Je pourrais partir aussitôt après avoir passé au Bestiaire pour trouver un moyen de transport. Nous pouvons nous retrouver au coucher du soleil, au pied des Collines Devëlite, près des ruines de l'ancien temple. Mais tu sais, les Grands Vers et les Trônes ne peuvent pas faire route ensemble. Nous ne sommes pas vraiment amis, et cela remonte à bien longtemps. Mais Naja Notos a pas mal de bestioles sympathiques en magasin, donc cela m'étonnerait de ne pas trouver quelque chose. A ce soir!"

Un signe de la main, et il se trouvait déjà en train d'ouvrir la porte, lorsqu'il s'arrêta, le dos tourné.

"Au fait, Lorelaï..."

Il se retourna un instant, pendant que ses ailes de cristal finissaient de se dégager de ses vêtements. Sur son visage, au milieu de l'éblouissement du soleil à contre-jour, seul son sourire était visible.

"Très bon, ton café."

Déjà, la silhouette ailée s'éloignait, sa chevelure de neige flottant dans le vent froid d'automne...

Le Bestiaire