Les nuages s'étendaient en longues volutes dans le ciel, dessinant d'étranges formes dans un ciel couleur de plomb.
Une silhouette se dessinait dans le brouillard qui régnait sur les collines, aux contours changeants, étrange fantôme de la brume. C'était une femme, une fille, aux longs cheveux châtains, marchant lentement dans l'herbe haute. Chacun de ses pas laissait une trace visible parmi les fleurs, on ne pouvait vraiment comprendre, de loin, ce qu'elle était, à cause de ses mèches entourant son corps musclé.
Une étrange pieuvre à demi humaine? un fantôme hantant les collines? Non, c'était simplement Scakiana, qui venait ici pour ramasser les plantes dont elle avait besoin.
Le brouillard se faisait plus intense, à chaque pas il s'épaississait davantage. Mais l'eau était son élément, et tant que sa forme liquide n'était pas en cause, la vieille phobie de Sca ne revenait pas. Aussi, elle y voyait parfaitement, sans avoir besoin de plus de lumière ou d'efforts supplémentaires.
Ce matin là, elle cherchait des digitales. Etrange pour quelqu'un qui n'était pas Terra de s'intéresser aux plantes, mais la fée avait été élevée parmi elle, avait appris à les connaître et à s'en méfier, aussi cela lui paraissait évident de continuer ici à s'en servir.
Fouillant du regard les alentours à la recherche des longues tiges aux fleurs violettes, elle restait attentive au moindre bruit. Mais comme chaque matin qu'elle passait ici, les collines étaient silencieuses, encore endormies et sous le charme d'un soleil naissant. Personne ne venait troubler la paix du paysage, ou, si quelqu'un venait, il ne faisait pas plus de bruit que les petits animaux qui sillonnaient le sol.
Finalement, elle trouva ce qu'elle cherchait. Là bas, à une vingtaine de mètres environ, se dressait une digitale pourpre aux fleurs fraîches.
Scakiana s'approcha, puis s'agenouilla aux pieds du végétal.
Le brouillard ne semblait avoir aucun effet sur ses cheveux, qui continuaient de voleter comme s'ils s'étaient trouvés dans l'air le plus sec qu'il put exister. Pas de sortilège, cependant : ils étaient totalement insensibles à l'eau, car tout en Scakiana connaissait mieux l'eau que le lit des rivières, le ciel frôlant les nuages... malgré sa peur, elle était la file de l'eau et ne pouvait rien contre.
Les cloches pourpres de la digitale étaient parfaites pour ce qu'elle comptait en faire, et assez nombreuses pour être cueillies sans risquer de limiter la reproduction de la plante.
La fille-femme posa ses deux sacs à terre: l'un, fait du cuir le plus solide, contenait ses instruments, l'autre, de soie légère, était destiné à recevoir les fleurs sans les abîmer.
Elle sorti un étrange instrument, en métal sombre, comme une faucille, en nettement plus petit cependant.
Coupant les fleurs juste au noeud qui les séparait de la tige principale, elle réalisait un travail parfait. Puis elle posait délicatement la cloche pourpre dans le sac de soie, au dessus d'un petit tas de ses semblables.