En se baladant...

Khori était sortie de la ville, a la recherche d'un endroit tranquille pour lire. Il faisait trop chaud chez elle, et restait enfermée ne la tentait guère. Son Katana passé a la hanche, elle chantonnait en marchant elle ne savait trop où. C'est en se promenant ainsi, qu'elle se perdit. Son sens de l'orientation était aussi développé que l'intelligence d'une amibe.
En essayant de se sortir toute seule de son pétrin, elle tomba devant la Lagune.

-Tiens? J'connaissais pas ici! Classouille...

Encore une de ses particularitès. Inventer des mots. Elle s'amusait avec la langue et jouait de ses termes, les modifiant a souhait.

Elle s'avança dans la Lagune, sentant pourtant une présence malfaisante. Elle s'arrêta juste au niveau de l'eau, méfiante. Son regard se fit plus chargé, elle posa la main sur son arme. Elle attendit quelques secondes, puis ne voyant rien arriver, s'assit sur une branche, en haussant les épaules. Elle s'était trompée, apparemment...mais son mauvais pressentiment ne disparaissait pas. Elle sauta de sa branche, et observa le fond de l'eau. Elle fit un suprenant bond lorsqu'une main humanoïde se tendit vers elle, sortant brusquement de l'eau.

-Mon intuition est aussi developpée que mon sens de l'orientation ne l'est pas, apparemment...

Le bras qu'elle avait vu appartenait a une créature de forme humaine, une femme. Tout du moins, Khori devina que seulement son torse était celui d'une femme, le reste était une queue de poisson.

-Une sirène?

Elle levait un sourcil, signe qu'elle n'était pas convaincue.

*Non, ça ne peut pas être une sirène, elle n'a pas la même couleur de peau...et puis je ne pense qu'il y aurait des sirènes ici...je devrais aller voir à la bibliothèque...*

L'Elfe s'éloigna de l'eau, mais sa curiosité l'emportait. Elle continua a explorer le lieu, faisant bien attention à éviter le bord de l'eau.
Cependant, même si elle aimait à dire "pas de risques inutiles", elle ne put s'en empêcher. Elle se rapprocha du bord du lac.
-J'aimerais vraiment savoir ce que c'est...tout du moins si je reconnais quelque chose...

Elle serrait la main sur la garde de son Katana. Ses yeux scrutaient le fond du lac, cherchant à discerner, parmi la profondeur manifeste et le manque de clarté du lac, la "chose" qui l'avait prise pour cible.

-Té, mais sors de là! Ca fait bien vingt minutes que j'attends!

Elle attendit encore un peu, mais la patience étant loin d'être sa qualité première, elle se retourna en râlant, lorsqu'elle sentit quelque chose lui agripper le pied, et la tirer avec force. Par réflexe, elle retint son souffle. Elle vit, arrivée sous l'eau, son agresseur. Une espèce de sirène, qui n'en était pas vraiment une, et qui l'entraînait dangereusement vers le fond très très profond du lac.
Elle hésita, mais n'eut pas le choix. Sous l'eau, elle ne pouvait évidemment pas utiliser son Element. Elle commençait, de plus, à cruellement manquer d'air. Elle sortit violemment son Katana, et trancha la main qui la retenait. La pression de l'eau rendit difficile l'opération, elle sentit tous ses muscles se raidir, et vit la Tsuba (la garde) de son Katana se féler. Cette même pression lui faisait tourner la tête, et faisait résonner son crâne, comme si du plomb y avait pris position. Elle entendit vaguement celle qui la retenait crier sa douleur, mais n'y prêta pas attention. La seule chose qui l'importait : la surface.
Lorsqu'elle sortit la tête de l'eau, elle avala le plus d'air possible, comme pour voir si elle était encore vivante. Remplir ses poumons lui parut alors la preuve de vie la plus belle du monde.
Elle entreprit de nager comme elle pouvait pour sortir du lac, trouvant la terre de plus en plus eloignée à chaque brasse. Elle se retourna en entendant un cri. La chose qui l'avait attaqué remettait ça. Elle fit un superbe saut au dessus du lac, retombant sur l'Elfe. Elle ne pouvait pas utiliser son arme. Sans la garde, c'était beaucoup trop risqué, la lame aurait pu céder, le procédé de fabrication de son arme étant compliqué et à part.
Aussi, elle se retourna le plus vivement qu'elle put dans l'eau, et claqua des doigts. Une étincelle en sortit, et une immense flamme explosa directement sur la Nyruade. Khori vit en dessous de ses pieds, d'autres ombres se diriger vers elles, en nageant avec la grâce d'un félin. Lorsqu'elles virent leur congénère se faire brûler, elles firent brusquement demi-tour.

La jeune fille put enfin rejoindre le bord, crachant ses poumons, trempée jusqu'aux os, tout son visage fermé dans une expression d'étouffement.

-Hé...beh...ma curiosité me joue...vraiment...des mauvais tours...

Elle s'écrasa contre le sol, heureuse de sentir la terre sous ses doigts. Elle se tourna sur le dos, parvint a aller s'asseoir contre un arbre, toujours essouflée, et resta là, le katana appuyé sur son épaule.

Adossée à son arbre, perdue dans un brouillard qui lui inhibait les sens, il lui sembla entendre, dans cet état d'esprit second, quelqu'un lui parler...elle mit plusieurs minutes à déchiffrer la totalité du message et esquissa un sourire, tout en répondant a la jeune fille qui lui parlait.

"Ouais, sales créatures...ce sont donc des Nyruades? Je comprends maintenant pourquoi elles m'ont agressé..."

Elle bascula la tête en arrière, la posant sur la douce écorce de l'arbre, remerciant intérieurement la nature de faire si bien les choses. Elle reprenait difficilement son souffle, et se vit obligée de raccourcir toutes ses phrases. Elle, qui aimait parler sans s'arrêter, économisait maintenant toutes ses paroles. Elle put finalement terminer sa réponse au bout de quelques instants, passés a souffler.

"Ca va, je n'ai rien, merci...juste une grosse trace de main sur la cheville, elle a serré avec une force épatante. Pour ma maîtrise, j'ai eu un très bon professeur...même si j'ai failli déclencher des tonnes d'incendies...en tout cas, merci pour lui, ça lui ferait certainement plaisir de l'entendre."

Elle secoua la tête, probablement pour distinguer un peu mieux l'environnement qui l'entourait, ses trops longs cheveux dégoulinants sur son visage. Son képi goutait, ses vêtements lui collaient, et il lui arrivait encore de recracher de l'eau. Elle retira les quelques lagues qui s'étaient invitèes sur elle. Son regard se posa sur le lac.

*Un si beau lieu, habité par des créatures aussi haineuses...quel paradoxe! Je suis heureuse de m'en être sortie sans bobos...*

Lorsqu'elle leva a nouveau les yeux, elle vit le soleil. Un superbe soleil, réchauffant délicieusement l'atmosphère, qui restait pourtant douce grâce au lac et aux arbres, noyant de l'ombre de leurs branches le lieu d'une fraîcheur agréable à vivre.
Elle sourit lorsque l'un de ses souvenirs d'enfance lui revint en mémoire, un de ceux qui réchauffe le coeur, les seuls qu'elle aimait se rappeler.
Pour elle, il faisait bon vivre, trop pour s'encombrer de souvenirs tristes et lourds à porter.
Puis elle regarda son Katana, et eut un rictus.
Elle retira, coincé dans son Tsuba, un caillou, un simple caillou. Sa garde explosa en morceaux, qui s'amassèrent sur le sol, formant un tas uniforme de morceaux de métal. Elle soupira. Ce minuscule caillou, avait fait exploser, aidé de la pression, un Tsuba d'un alliage spécial, d'une solidité effrayante, qu'elle avait elle même composé. Il ne lui restait plus qu'a faire reforger son arme. Cela l'attristait, elle avait passé tellement de temps avec cette lame, qu'elle faisait partie d'elle-même. Elle avait l'impression de s'être donné un coup dans l'âme. Elle comprenait vraiment, maintenant, un vieux proverbe qu'on lui avait imposé d'apprendre.

"Un seul grain de riz peut faire pencher la balance."

Pourquoi les proverbes se révelaient-ils si souvent exacts?

-Si j'avais vu ça plus tôt...si il n'y avait pas eu ça dans le Tsuba, d'ailleurs je me demande comment ça a pu s'y mettre, la pression n'aurait pas eu autant d'effet...té!

Elle se tourna de nouveau vers la jeune fille qui était venue à sa rencontre, lui fit un de ses plus beaux sourires, faisant apparaître cette fossette que l'Igni aimait tant, et reprit la parole.

-Je vous remercie de vous être inquiétèe. Vous cherchez quelque chose? Je peux peut-être vous aider, en remerciement. Je ne suis pas pressée.

Elle se releva, attendant une réponse de la part de son interlocutrice.