RP suite de
La nuit est belle à qui aime l'obscuritéLa berline noire, tirée par huit chevaux d’un noir de geai lancés au maximum de leurs capacités physiques, bringuebalait sur la route cahoteuse t se dirigeait vers la ville portuaire de Tyr Makrozoar. Quatre jours de trajet s’il souhaitait y être le plus rapidement possible.
Voilà trois jours que ni lui ni ses deux compagnons de voyage n’avaient dit mot. Il est vrai que, la taille du véhicule aidant, passer la majeure partie du trajet enfermé dans un cercueil de voyage, ne permettait pas un panel de discussion important ; à peine eu le temps de présenter leur objectif. Ils y travaillaient depuis plusieurs jours déjà.
Au soir de la troisième journée, Janus sortit enfin de cet état proche de la catalepsie pour œuvrer avec associé, ou tout du moins son allié dans ces étranges circonstances. Elles, car il s’agissait de drewoor, lui avaient signalé par un jeu très simple de regards et de gestes que cette sortie de la cité représentait en quelque sorte une opportunité qui ne leur était jamais arrivé. Cela ne lui semblait guère étrange. Lui-même effectuait le moins de déplacement possible en dehors des murs de cette immensité urbaine.
Mais il était des cas comme celui-ci qui nécessitait sa présence. Après s’être extirpé de son cercueil, il regarda les deux êtres installés confortablement dans l’habitacle profond de la berline. Il n’avait pas touché au sac de voyage qu’il avait préparé avant son départ précipité de la Cité sombre. Rien ne pouvait attendre dans une période aussi trouble d’autant plus que le remue-ménage qui demeurait entre les élémentalistes et les démons avait tendance à s’amplifier. Janus ne résonnait pas selon des schémas manichéens. Seul le pouvoir et ses attraits l’attiraient, raison pour laquelle il était au poste qu’il occupait actuellement. Pouvoir, Grandeur et Décadence. Il sortit un lourd document de sous sa cape, différent de ceux que recelaient son sac. Il posa l’ensemble sur ses genoux et se mit à parler, pour lui et aussi pour les drewoor.
« -Je me suis permis de ne pas vous expliquer le but de ce voyage lors de notre départ d’Elament. Je vous prie d’accepter mes excuses, bien que cela puisse paraître étrange de la part d’un démon envers vous. Mais il m’était nécessaire de demeurer dans les tréfonds de mon esprit afin de pouvoir déterminer et démêler le vrai du faux des informations que j’ai pu récolter sur notre objectif.
Je vais être plus clair, et j’en viendrai à notre but. Au cœur du continent du Nord existe une région enneigée perpétuellement appelée les Monts Hurlants. Les vents des brisants viennent s’y engoufrer et former des symphonies de bruits et de chants comparables aux cris des sirènes, mais bien plus souvent assimilées aux plaintes des goules et des zombies en tout genre. Cette région a pendant longtemps été sujet de dispute territoriale entre les nains de la cité de Siddarthâ qui souhaitaient y exploiter les riches minéraux du sous-sol et les prêtres de la secte dissidente des Quatre Piliers, qui voyaient en ces lieux considérés comme saints, une profanation.
L’intervention des troupes de la cité de Siddarthâ, il y a de cela trois siècles, écrasa les dernières poches de résistance de ces prêtres dissidents. L’emprise territoriale des nains s’accrut dans cette région jusqu’à ce que leurs nouvelles colonies soient décimées par un mal étrange circonscrit à cette zone montagneuse. Les derniers rapports reçus et archivés dans les bibliothèques de Siddarthâ, Kalmastre, Tyr et Elament provenaient de la citadelle de Nchurla’t, centre politique et économique de cette région en expansion. Les caractéristiques physiologiques et les symptômes décrits par ces documents correspondent à ceux de la maladie de l’Ombre Putrescente.
Les recherches que j’ai par la suite pu effectuer au cours de mes voyages et des études que j’ai pu porter sur le sujet n’ont jamais réellement abouties. Mon passage dans les ruines de la citadelle de Nchurla’t il y a de cela cent cinquante ans ne me donna que peu d’indice quand à l’origine et la source de la maladie. Il en va de même pour le vecteur d’infection localisé à ces montagnes. Ne craigniez rien, cette fiole d’antidote vous immunisera normalement contre toute attaque de la maladie.
Je préfère vous prévenir que ce que nous découvrirons là-bas ne sera guère réjouissant. En effet la femme que nous avons croisé (et dont vous avez dévoré le compagnon), dirigeait une expédition d’archéologues dont le but était de mettre à jour une partie de la bibliothèque du donjon principal, dont une partie est impraticable suite à un écroulement de la falaise sous-jacent. Ils ont eu des problèmes. Je vous laisse deviner lesquels. Oui, par votre hochement de tête, je vois que vous avez compris que la maladie les a contaminés. Sur place nous les découvrirons sans doute morts ou agonisant vu le temps d’incubation de la maladie. Cette couarde les a laissé dans les tunnels où ils effectuaient leurs recherches et s’est enfuie avec son garde du corps. La suite vous la connaissez. Je souhaite examiner et recueillir des échantillons de cette pestilence.
Mais il est une autre raison de notre départ précipité. Le carnet qu’elle m’a remis comprend outre son rapport sur l’état d’avancement de l’excavation, une prise en notes soigneuse et une retranscription de glyphes gravés sur certaines parois de l’étage supérieur de la bibliothèque où ils étaient arrivés. D’après ses estimations, les glyphes étaient postérieurs au comblement et à l’écroulement de cette partie de la citadelle. Je pense que le ou les vecteurs de la maladie sont toujours sur place, bien vivant ou tout le moins non-mort… allez savoir pourquoi certains traits de cette maladie permettent une conservation des tissus et une sorte de réanimation partielle de ceux-ci. En d’autres termes, ils pourrissent très lentement. Et leurs porteurs bien qu’affectés sont maintenus… en vie. J’ai bien peur qu’une horde de zombies ne nous attende sur place, voir pire.
Au fait, avez-vous déjà rencontré ce que l’on appelle une liche ? Ne vous fatiguez pas à me répondre, mes émissaires m’ont déjà mis au courant de ce qu’il s’était passé dans la bibliothèque avec Scar Ecrow. Joli travail. Il constituait une épine non négligeable dans mon pied mais je ne pouvais pas m’en débarrasser sans attirer les foudres de certains de ses partisans. Joli travail. J’ai d’ailleurs quelque chose pour vous pour vous en remercier. »
Janus ouvrit la bourse de cuir qu’il avait à sa ceinture et en sortit un anneau qu’il tendit à l’apparence de gargouille de la drewoor. Elle l’enfila à l’auriculaire.
« - Il vous protégera de ma présence et vous protégera peut-être aussi de ce que nous rencontrerons là-bas. Qu’en pensez-vous ? Allez, ne soiyez pas timide, vous avez une langue pour deux.»
La berline continuait son chemin à grande vitesse comme si les huit chevaux de l’attelage avaient la mort aux trousses.