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 Peignons les roses en rouge

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Tréaga
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Tréaga
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyMer 2 Fév 2011 - 16:52

Un panache de fumée dans les airs, embaumant l’alcôve et jetant un voile sur les yeux, partit. Puis, il y eut un hoquet, sanglot et rire tout à la fois. Une corde fut pincée, cassée peut-être, en écho avec la voix. A travers la brume, un corps languissant, et l’autre, agité de soubresauts. Lentement, le premier coula sur l’autre, humant l’odeur de figuier, appréciant la rondeur. Ses cils effleurèrent la chevelure de henné tandis que sa caresse allait en profondeur. La Terra gémit. La main s’éleva soudain. Trancha. Et Jasdrian se renversa en arrière. Le corps tremblant, tâchée, sa proie sortit de la grotte en trébuchant et s’enfonça dans la nuit noire. Ce qu’il en advint, qui s’en soucie ?

A ses lèvres, l’halfling porta une nouvelle fois la pipe et aspira une bouffée de tabamel. Elle s’affala ensuite sur les coussins brodés, or et pourpre, humant les senteurs de pêche et de grenade, tandis que l’une des trois femmes à ses côtés disposait des pâtisseries sur un plateau. La deuxième versa (encore ?) une rasade d’hydromel dans sa coupe, avant d’en préparer une autre. La troisième, aux cheveux d’or, prit la boisson ainsi préparée et la disposa sur un plateau circulaire aux reflets de cuivre. Rejoignant sa consœur à l’entrée, elles attendirent, muettes comme il convient de l’être.

Car Jasdrian attendait un invité, en vérité, et ce n’était pas (que) pour le plaisir d’enivrer ses sens que ses pas l’avaient portée jusqu’ici.

Le tuyau du narguilé entre ses doigts ceints pour moitié de cuir, elle patientait, sachant qu’arrive à tout point pour qui sait attendre, le chevalier. Dans un coin de la niche, un feu brûlait, jetant quelques éclats sur sa peau de nacre, se glissant dans l’ombre de son sourire. Sa meute l’aurait vue qu’elle aurait passé pour plus frivole qu’elle ne l’était, s’entichant du faste et de la luxure. Le menton au creux de la paume, son regard coula vers les prémices des parois taillées, entre lesquelles, déjà, résonnait la venue de son frère. Il y eut un bruit de sabots annonciateur, et les deux femelles qui lui étaient offertes s’avancèrent, connaissant leur rôle autant que leur place.

La plus blonde, les yeux au sol, tendit la coupe regorgeant à ras bord d’alcool de miel, n’osant bouger et guettant le geste. La femme à ses côtés, la plus jeune parmi les trois, aussi humble mais l’audace dans ses prunelles, fit un pas à son tour. Soulevant le plateau, son bord contre sa poitrine ferme, elle présenta les cubes saupoudrés de blanc, la poudre recouvrant leur pâte rosée. Sa voix, basse et murmurante, accompagna le présent.


« Une douceur, Seigneur ? »

Tout démon qu’il était, Del savait recevoir en bonne et due forme ceux avec qui il devait parlementer. Les tapis disposés au sol étaient aussi moelleux que les coussins, et les fruits mûrs. Et surtout, il y avait les loukoums.
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Senector
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyLun 7 Fév 2011 - 13:59

Les pas avaient dépassé la caverne du Marché des Lueurs. Un lieu que certains appréciaient plus que d’autres. L’odeur du mal y était douce et voluptueuse. Les griffes claquaient sur le sol froid. Autours des grigris en guise décoration sur un fond rouge. C’était une arche qui allaient d’accueillir Gueule de Sang. De chaque côté, deux colosses. Des gardiens dont beaucoup évitent de croiser leur regard. Mais pas lui. Deux corps étrangement liés se côtoyaient indéfiniment. A les voir, on s’y trompait souvent car au premier abord, on y voyait un Maître et son étrange loup. La bête sur ses quatre pattes grogna, et de sa main droite, l’homme ordonna que le passage lui soit libéré. Jouant de son rang et de son autorité. Vêtu d’un long manteau noir dont le tissu claquait derrière ses bottes hautes, il passa sous l’arche, suivit du loup doté d’un poil blanc et soyeux qui autrefois, fut rougeoyant, couleur d’automne.

Sa marche raisonna dans l’amphithéâtre. Un regard donné aux obsidiennes. Si Iblîs en venait à passer dans ces lieux, peut-être alors trouverait-il cette petite décoration forte à son goût. A la place des gradins s’y trouvaient de multiples grottes. Gueule de Sang se rendait d’un pas pressé et Noble, à l’Enceinte des Plaisirs. Ne vous y trompez pas, il n’y avait pas la recherche du plaisir, mais un rendez-vous tout autre. Quelques lucioles endormies jusque là, se détachèrent de la veste pour tournoyer autour de lui… d’eux. Elles l’apaisaient... les apaisaient. Adorateurs de lucioles. Encore quelques pas et le voilà face à des beautés à ne pas négliger. Pourtant, il s’en foutait pas mal. Un sourire éternellement affiché sur son visage de sang et d’os apparu. Les deux corps se détachèrent de l’ombre.

Très serviables. Tout lui était offert, on l’avait attendu et d’ailleurs, il fallait savoir se faire attendre. Il tendit la main pour s’emparer de l’alcool de miel. Très bonne idée que de mélanger ces deux saveurs. Un drewoor pouvant se nourrir que d’alcool le voilà fort heureux. Il apporta alors la coupe à sa bouche dépourvue de lèvres. Un bref regard sur ces sucreries blanches, puis sur la poitrine abandonnée contre le plateau en guise de ceinture… pour les rendre peut-être plus aguichants. Entre les crocs blancs, il toussa. Ses mains se posèrent sur l’épaule de la jolie blonde en la pressant légèrement. Alors, les gants de cuire noir crissèrent sous le geste qui visait à l’écarter de son chemin. Pas besoin de mots ni de réponses. Une douceur… ? Sans façon, malheureusement Gueule de Sang ne s’alimentait que d’alcool et de chaire fraîche.

Les odeurs de la pièce ne pouvaient qu’être bénéfiques. Douces. Un délice pour les narines. Elle était là, l’attendait, une pipe entre les doigts. On aurait dit du tabamel, sucré, un mélange bien étrange. Senector ne comprenait pas vraiment ce besoin, ce désir de fumer. Mais il aimait observer le geste de ceux qui engouffraient la fumée dans leurs poumons. Aussi étrange que ça puisse l’être, ça dégageait chez lui un calme profond. L’ambiance était entièrement destinée à donner du plaisir. C’est vaste… la plaisir. Des coussins bien moelleux, des couleurs pourpres et enivrantes. Les lucioles flottaient toujours autour du Drewoor.

Le loup, grand, long, presque humain, s’était accroupi, chose très rare lorsqu’il n’était pas seul. Humant l’air avec adoration. Tandis que le corps Humanoïde restait droit comme une statue de marbre, face à son Hôte


" - Confortable. " fut le seul mot qu’il s’autorisa à glisser entre ses crocs, d’une voix sombre. Un mot qui se suffisait à lui-même. Il faisait office de salutations, de présentation rapide. Un mot… un seul. Me voici, me voilà ! Engage la conversation je la suivrais avec délicatesse. Engage les sentiments, j’aviserais sans maladresse. Tout le monde est à la recherche de quelque chose…

Ici, un vieux Drewoor s’était enfermé par nécessité dans un beau petit corps. Mais Senector n’en savait rien encore. Un rendez-vous cachait souvent de sombres présages. Croisons pour que ces démons ne cherchent pas une fois de plus, comme tous, d’atteindre la gloire absolue, la force. Tuer et diviser pour mieux Reigner. L’enceinte des plaisirs pouvait se vouloir fourbe. On y cachait nos petits secrets à l’abri des regards indiscrets…
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Tréaga
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyMer 9 Fév 2011 - 16:53

Viens. Approche-toi. Viens à moi. Toi et moi. Nous deux, parlons. Au creux de la nuit. Au creux des roches. Entre les nappes brumeuses, frère.

A l’entrée, il y avait les trois. Celle aux cheveux d’or. L’autre, à ceux plus noirs que la nuit. Et elles deux rejointes par la dernière aux cheveux du feu. Debout côte à côte, elles restaient là, immuables jusqu’à l’ordre. Le chevalier avait dédaigné les friandises, mais il avait pris la coupe et avait bu son contenu. L’halfling sourit, ses prunelles dardées sur lui et sur sa face déchirée. Et dans son regard, on lisait : causons. Les trois en dehors et nous quatre à l’intérieur, car quatre était leur nombre, bien que l’une soit face cachée. Toutefois, le démon se réjouissait de voir un pair, toujours drewoor en son cœur.

Je suis moitié Jill, moitié Jack.

Je vois ma mère dans mon visage, mais seulement quand je me regarde.

Jasdrian sourit donc, et parla.


« Cela me plait. Prends place selon tes envies. »

Et par là elle reconnaissait qu’eux n’étaient qu’un. Je suis ravie que l’endroit soit à ta convenance. Maintenant, il est temps. Une dernière bouffée, l’air sucré embauma encore un peu plus l’espace, délectant leur narine, et elle reposa la longue pipe avec nonchalance. Qu’il y goûte si l’envie lui en prenant, tous deux savaient que tout ce qui était présent n’était là que pour leur plaisir. Elle se redressa, la sirène échouée, et alla s’adosser sur un entassement de coussins, considérant son hôte.

Les apparences chez les démons sont aussi nombreuses que le nombre d’éclats du miroir dispersés dans l’univers. Aussi, chaque regard peut trouver satisfaction pourvu qu’il gratte du bout de l’ongle leur fourmilière, et plus d’un y verront que l’horreur n’a pas qu’un visage. Lui, il connaissait les siens et en avait plus d’un millier. Elle, elle découvrait la chair à vif, l’os apparent. Quand il le reconnaissait comme l’un des siens, elle percevait la différence entre eux deux. Jasdrian frémit, mais c’était de plaisir. Il y avait le loup impressionnant rappelant la dualité, et, presque, Del regretta son ancienne condition. Elle, elle se contenta de le trouver beau et de vouloir enfoncer ses doigts entre les longs poils blancs. Informée du code démoniaque, elle s’abstint, n’affichant que l’expression évidente de la satisfaction à le contempler en ces lieux.


« Le Haut Roi désire cette entrevue. Viens-tu en ton nom ou en le sien ? On parle de nos remparts à défendre, de rebuts se rassemblant en essaim et de colonies. On parle de cachettes et de soutiens puissants. »
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Senector
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyJeu 24 Fév 2011 - 17:57

Spoiler:


Le voilà léché du regard. Rien d’étonnant à ça dans un tel lieu. Avait-il remarqué que Madame se voulait partagée entre deux être elle aussi ? Je ne crois pas, pour tout vous dire, il ne perdait aucun geste qu’elle pouvait basculer, aucun clignement de ses yeux. Avec ses quatre yeux, il avait de quoi ne rien louper. Pourtant, il ne semblait pas s’en douter. Le loup quitta sa position pour rejoindre quelques coussins et s’y affaler de tout son long… imitant le sommeil à merveille. Lui, second corps macabre, resta debout. Un grosse bouffée d’air lui fit hausser les épaules.

" - Je viens en mon nom."

Il y avait encore beaucoup de choses à mettre en place pour éradiquer les résistants. Et des idées, il n’en manquait pas. Mais une solution retenait particulièrement son attention. La plus efficace lorsqu’elle est bien ficelée. L’infiltration. Les démons s’y connaissaient dans ce domaine, des rois du mensonges ne peuvent pas passer à côté de ce plan.

" - Je viens en votre charmante compagnie pour mettre en route une solution radicale. Depuis que nous avons mis la main sur Elament, nous avons par la même occasion délaissé l’infiltration. C’est pourtant un remède très efficace."

Après ces quelques mots, il alla enfin s’éteindre gracieusement au milieu des coussins. Oui, il avait vu juste. Confortable ! Le voilà qui réfléchissait. Il n’y avait pas que ça, ses oreilles avaient sifflé ces derniers temps. Il savait alors déjà, que Dame la Faux avait très certainement été pris au piège. Ces derniers temps, on parlait de sa non présence. D’un ou plusieurs esclaves laissés à l’abandon. Alors, que les rumeurs soient justes où non, il y avait matière à s’affoler. Un général entre les mains des résistants n’était véritablement pas un bon présage. Elle allait parler… où avait déjà parlé.

" - Mais nous avons plus urgent. J’espère ne pas vous offenser en vous apportant une rumeur. Mais elle ne me semble pas à prendre à la légère et je devrais pouvoir la vérifier. " Il en vint enfin au but. Les Résistants auraient la main sur un général. Dame Sappho pour être plus précis. "

En effet… elle risquait de divulguer le noms de chaque démon important à leur yeux.

" - Autre chose. Le Seigneur Iblîs Nemrodus a été aperçus près des grottes de Findulias Sùrion. Evidemment, pour l’instant ce ne sont que des rumeurs, mais elle courent vite et se veulent très intéressantes. Le Marcheur d’Ombre semble avoir fait beaucoup de bruit dans ce coin-là… ça ne lui ressemble pas. "

Senector se gratta le menton de manière pensive.

"- Pour en revenir à vos dires sur les souterrains… les grottes me semblent être un endroit parfaitement logique comme cachette. "

Son regard se plongea dans celui de son hôte, tandis que la bête profitait pleinement des coussins qui l’entouraient.

"- Qu'en pensez-vous... ?"

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MessagePeignons les roses en rouge EmptyJeu 3 Mar 2011 - 15:39

Une à une, les gouttes tombaient, recueillies dans la coupe de ses mains. Les jambes croisées, le dos droit, l’être possédé l’écoutait, souriant au fond de lui-même. Ah, il n’était donc pas venu que pour savourer la chaire de fruits juteux, celui-là. Les doigts fins de la vampire claquèrent et le plateau de pâtisseries fut déposé entre eux deux. S’emparant d’un loukoum, elle enfonça ses crocs dans la pâte parfumée à la rose. Sa langue lécha le coin de ses lèvres. Pensive, Del triait méthodiquement chacune des cartes lancées par le drewoor. L’infiltration des élémentalistes. La disparition de Sappho. L’apparition d’Iblîs. La cachette de ces ignobles cafards. Une bouffée d’émotions lui vint, mais une seule dominante. La soif de sang. Le regard qu’elle porta au chevalier était avide, promesse de morsure.

« La Faux serait tombée entre les mains de ces abjects ? Quand en seras-tu certain ? Nous ne pouvons laisser passer cet affront. »

Et dans ses yeux était inscrit : ils le paieront. Et cher.

Ce n’était pas tant une affection particulière qu’elle aurait eu pour la succube qui nourrissait son ressentiment, plutôt la rage de savoir l’un des siens en position dégradante. Qui savait ce que ces raclures avaient fait, ou étaient en train de faire, subir à la démone ? Jasdrian n’était pas sans rien connaître de la prisonnière, bien au contraire. Les histoires allaient bon train parmi la horde maléfique du monde, encourageant une fierté de l’ascendance, et qui n’aurait pas été honteux d’ignorer l’existence de la jeune princesse des enfers ? Plus encore, quand on savait de quelles entrailles elle avait été extraite ? Voilà que ce sang royal coulait sous les coups des élémentalistes, certains nés bien après son premier cri, et le fait était impardonnable.

A cet enlèvement il était sûr de voir se dérouler multiples conséquences. La générale était-elle assez forte pour garder sa bouche close des secrets de leur caste ? Combien de temps les maintiendrait-elle enfouis quand chaque seconde de douleur lui était mille ans d’éternité ? Oui, ceux qui octroient la torture sont ceux qui la connaissent mieux que personne, elle et les sentiments d’effroi qu’elle entretient dans l’âme. Si la prisonnière sortait de sa cage, ce serait en y ayant laissé des traces. En cela, la proposition du drewoor lui faisant face était plus que judicieuse. Un frisson parcourut le corps svelte de Sen Chizu. Porter le blanc sur la noirceur et se laisser glisser parmi la masse de ces pestilences ? Le pari était risqué, toutefois les enjeux de taille. Ne serait-ce qu’afin de vérifier les contrecoups de cette mésaventure.


« Tes mots ne sont pas inutiles, et tu parles bien, allant à l’essentiel. Si ce que tu dis est vrai, et qu’ils la retiennent, nous ferions plus que mieux que de nous infiltrer dans leur camp. »

Un temps. Le temps de recueillir la poudre blanche collée à ses doigts du bout de la langue.

« Cela me serait facile. Ils connaissent mon vaisseau, et ce corps est sans souillure à leurs yeux. »

En vérité, l’innocente halfling avait bien fait de ne révéler à aucun être entre les murs de la Cité, du temps d’Elament la Belle, quel engeance elle portait en son sein, la reniant aussi fort que ce qu’elle était. Le drewoor enfoui sous sa jolie peau songea qu’en y réfléchissant, il n’était pas de meilleur cheval de Troie que l’on pouvait espérer. Des visages, la petite fille aux cheveux roses en avait croisé des tas, mais aucun à qui elle n’avait murmuré au creux de l’oreille l’évidence, la vérité taboue. Je suis possédée.

« Ils n’ont d’autre endroit que les grottes pour se dissimuler. Aller là-bas en leur tendant les bras serait d’une étonnante simplicité. Quant à Iblîs… »

Les deux syllabes sonnèrent dans l’air tel un glas. Un instant, mille ans, le monde retint son souffle et la nuit elle-même porta ses doigts à sa bouche. La plus jeune des trois femmes, immobile depuis l’entrée du loup et du bipède, sentit un frisson parcourir son échine, plus froid que la mort. Elle trembla, les larmes aux yeux, sans trop savoir pourquoi. Imperceptiblement, un sourire se dessina sur les lèvres de Jasdrian. Une douce esquisse, presque rêveuse, à l’image d’une pensée que l’on a pour un songe oublié. Jamais ses pas n’avaient croisé ceux du Marcheur des Ombres, pas plus que son œil effleurer les pans de ténèbres qui le suivaient. Pourtant, elle qui maintenant valsait sous l’orbe claire de la nuit, quand elle entendait le nom du Faucheur rouge, chuchoté au coin des légendes échangées aux détours sombres des chemins, sous l’abri de quelques tombes, elle pouvait sentir, palper presque, quelque chose qui remuait jusque dans ses os.

« Beaucoup de bruits, dis-tu ? Que disent les rumeurs sur le Marcheur ? »
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Senector
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyVen 18 Mar 2011 - 13:11

Spoiler:


Les doigts gantés vinrent tapoter les lèvres. Ou plutôt l’endroit où elles devraient être, si elles avaient été douce chair et non chair écorchée. Sappho, Sappho, Sappho? Nul n'était sûr encore. Mais...

" Les rumeurs laissent aussi des pistes qu’on peut remonter " chuchota Gueule-de-Sang derrière l’écran des doigts. " Mais si nous attendons qu’elle s’avère assurée, il pourrait être trop tard. "

Le loup ferma les yeux. La moitié homme l’imita. A sa manière… Les paupières ne s’abaissèrent qu’à peine, lambeaux de chair écarlates. Mais dans les orbites creuses, la lueur turquoise s’affaiblit. Deux pointes d’aigue-marine changées en infimes reflets, perdues, ou presque. Comme si elles se laissaient souffler, paresseuses, par la vague de violence qui émanait du général. Ah. Fournaise. Jeune et ardent brasier, avide de dévorer. Il écouta. Oui. Les rumeurs! Les histoires! Les légendes! Fausses parfois, exagérées souvent, comme les choses dans le crépuscule. Il fallait être habitué à voir entre chien et loup. Mais elles contenaient toujours une part de vérité. Même sur Iblîs, caché dans son linceul de mystères.

" Les gouffres de Sûrion sont profonds et sombres, et voilà bien des mois qu’on murmure qu’il en a fait sa demeure, depuis la dernière guerre. Mais une autre histoire court. Elle dit qu’il y a trois nuits, le sol tremblait près des grottes. Les Ténèbres étaient si furieuses qu’elles seraient même sorties des couloirs, jusque haut dans la nuit. Curieuse histoire, ne trouvez-vous pas ? Qui peut avoir dérangé le Marcheur à ce point ? Qui, sinon eux ? "

La main du Drewoor se tendit, longue manche noire à travers la fumée. Elle sembla danser un instant, près du mur, dans les volutes chargées d’odeurs. En retira une fleur étrange, l’une des décorations de l’endroit. Reine des fleurs et fleur des reines, une rose. Noire, comme toutes celles qui poussaient ici, aux épines distillant une toxine aphrodisiaque, et mortelle à la seconde prise. C’est qu’il n’en poussait plus de blanche, à Elament. Ni d’aucune autre couleur, d’ailleurs. Les Herbes-Sang se vêtaient de carmin - les roses, de jais et de poison.

" Ils n’y verraient rien. Et le venin les frapperait au cœur. A condition de prendre toutes les précautions, même celles qu’à notre place ils n’oseraient pas prendre. Surtout celles-là. "

Pensivement, il caressa la rose du doigt. Puis, d’un geste, fit apparaître au bout de ses doigts une fine lame de ténèbres. Noire et acérée. Courbes gothiques, pleines de virées et fioritures. Élégantes et tranchantes comme un rasoir. Maniée comme un pinceau d’artiste, la lame d’ébène vint courir sur les pétales. Celles-ci frémirent. Courant d’air dans les vapeurs d’opium ? Mystérieux cri de douleur d’une fleur ? Torture exquise, le rasoir courait, courait encore, le long des tendres formes d’ébène. A chaque coupure infligée, la sève jaillissait. Et voici qu’elle était d’un rouge carmin, d’un rouge sanglant.

Les yeux toujours éteints, le Drewoor déposa la rose entre eux deux, sur le sol de coussins. Et continua sa tâche avec application. Les coupures deviennent plus profondes. Sans jamais changer la forme de la fleur, elles la saignent, la torturent, la couvrent de son propre sang. Et quand la cruelle tâche s’achève, Gueule-Rouge lève avec douceur une rose devenue écarlate à son tour. Il la présente à Jasdrian, mais la garde, sembla la couver, l’abrite entre ses mains, puis la dépose encore humide, sur les coussins dont elle a à présent la couleur
.

" Car la méfiance les tiendra, plus que jamais. Ils ne sont plus rois en leur cité, ils sont mendiants en guerre et luttent pour survivre. S’ils soupçonnent, ne serait-ce qu’un doute… "

Une goutte de trop coule de la rose. Elle révèle à nouveau la robe noire. Paresseusement, le loup baille. Avec la même nonchalance, il tourne la tête. L’espace d’un éclair, et la rose disparaît dans la puissante mâchoire. Clac. Gobée. D’entre les crocs d’ivoire, la fleur éclata en mille poussières luisantes, de rouge et de noir. Les lucioles funèbres se joignirent à leurs sœurs, dans leur danse autour du Drewoor. Le fauve se lécha les babines. Regard entendu à Jasdrian, à la place du bipède dont le regard ne se réveillait pas. C’était pourtant lui qui parlait toujours, la voix rauque s’adoucissant en filets de soie.

" Pour les convaincre, il faudra plus qu’une simple rencontre. Pour leur donner une rose, pour qu’ils la croient des leurs, échappée de la Sombre, il faudra peindre cette rose, Général. En rouge. "

Dans les orbites noires, le feu glacé réapparaît, fixe l’autre droit dans les yeux. La main se lève, approche la lame tout près du visage déjà écorché. Si près, qu’elle y dessine une nouvelle rainure rouge, d’où un peu de sang coule. Ou de sève, de sève de rose. Il la lèche et savoure son goût métallique. Pour infiltrer les magiciens, la mascarade coûtera cher, et le prix se payera en souffrance, pour faire illusion. C’est peut-être ce qu’il est venu voir, le Chevalier au Sourire. Peut-être qu’il veut voir si la jeune Générale est prête à le dépenser, ce prix-là, pour satisfaire sa soif de tuer.

Il aimerait bien, songe-t-il, alors qu’il se renverse dans les coussins. Peut-être qu’il pourra le faire lui-même, d’ailleurs. Peindre cette rose en rouge. Il fixe un instant les corps qui s’étreignent dans une autre chambre, visible à travers des rideaux, dans les pièces d’en face, de l’autre coté de la porte. Il n’est pas attiré par ce plaisir-là. Mais cet autre, dont il vient de donner une démonstration, c’est autre chose. Les mots, il les a prononcés en les savourant. L’idée, il la caresse, et elle lui plaît de plus en plus. Son regard revient se poser sur Jasdrian, apprécie ses courbes. Il ne s’en cache pas.

Peindre une rose en rouge, pour la beauté du geste ? Il adorerait.
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MessagePeignons les roses en rouge EmptyMer 13 Avr 2011 - 13:04

Les gouffres de Sûrion… Oui, dans les coins les plus sombres on murmurait ce nom, et même alors, dans l’espace confinée, une ombre venait régner. Cette même ombre obscurcit le regard de la jeune fille, teintant le bois de ses iris d’un éclat ancien. Cette même lueur que nous avons tous quand nos racines nous tiraillent au fond de nos entrailles. Elle songea aux malheureux qui étaient venus jusqu’au Marcheur et devina, tenta de deviner leur sort. Et cela lui plut, tout autant que cela la répugna plus encore. Quelle arrogance aiguisait les élémentalistes pour s’en prendre aux plus hauts parmi les démons ?

Attentive, Jasdrian suivit du regard chacun des gestes du chevalier, la rose se déployant par sa manche. Un sourire naquit sur son visage, lentement. Senector parlait un langage qu’elle comprenait, et déjà un frisson parcourait son échine, son âme tendue vers lui. Ses prunelles glissèrent sur la courbe de la lame, la volonté tranchante. Rien ne lui parlait plus que les promesses de combat et d’affrontement. Imperceptiblement, le tambour en sa poitrine éleva son murmure, battant fébrilement sous son sein, chantant avec la lame ténébreuse. La première goutte perla. Sa bouche s’entrouvrit légèrement pour qui savait voir. Entre eux, il y avait, elle
voyait, Sen drapée dans la blancheur de son innocence, la coupure encore fraîche déchirant sa peau. Et entre eux, la rose pleurait.

C’est presque les crocs découverts qu’elle examina la fleur dégoulinante, avant qu’il ne l’abandonne, baignant dans son propre sang. En elle, ça hurlait, car tout s’enchaînait à la perfection. Les engrenages d’un plan dont les mâchoires d’acier se refermeraient lentement sur eux tous. Il y aurait la pure enfant, et le cruel loup en-dessous, guettant l’occasion. Tous les prendre entre ses doigts délicats, et ensuite donner le baiser de la morsure. C’était cela aussi, oui, l’instinct de la chasse. Et clairement sur son visage était inscrit : oui, je veux cela. Et il y avait plus, l’autre chose. Qui rendait la traque si attrayante. Détendre un instant la laisse au cou de son hôte et la laisser aller, consciente pendant et après la préparation.


« Alors aveuglons-les en leur jetant cette horreur à la figure. » Elle fixait à nouveau son interlocuteur.

« Peu serons au courant de la trahison, même parmi les nôtres. Ainsi, elle sera plus vraie d’un côté comme de l’autre. »

Ses yeux cillèrent lorsque la rose, revêtant son enveloppe originelle, fut engloutie et avalée par la gueule du loup. Puis, rien. Car en guerre, les disparus ne sont rien moins qu’un mot. C’était quitte ou double, et elle avait toutes les cartes en main. Sans bruit, la générale avala sa salive, toutefois la fierté brûlait en elle comme un bûcher. Les sacrifices, qui n’en faisait pas ?

« Vois-tu un marionnettiste ? Quelques fils seront relâchés, assez pour les duper, et elle aussi, mais pas assez pour sa liberté. Elle croira en sa propre délivrance. Car elle aura souffert. »

Et ces derniers mots la firent sourire d’un sourire de prédateur tandis qu’elle observait le drewoor. Elle capta la tâche carmin, et tout son être trembla, se penchant vers lui. Les orbes de leurs yeux se rencontrèrent et elle le détailla comme il le faisait. Sans détour et sans artifice. Sa voix chuchota entre eux.

« Voilà comment je vois la chose. M’aideras-tu pour son accomplissement ? Iras-tu jusque là ? »

« Là » était destination entendue entre eux, incertaine mais attrayante.
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Senector
Senector
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MessagePeignons les roses en rouge EmptySam 30 Avr 2011 - 20:56

La goûte de salive s'engouffra dans la gorge du Générale. Mais dans ses yeux, l'étincelle et l'ivresse des plans machiavéliques jouissaient déjà.

Il était là, observant chacun de ses faits et gestes. Petite élementaliste... pourtant Général dans les enfers. Le doute planait sur les raisons de ce changement. Il ne la connaissait pas. L'avait-il seulement croisé dans le passé ? Si ça avait été le cas, son visage s'était effacé dans sa mémoire. Mais elle semblait sûre d'elle. Aucune raison de paniquer. Impossible d'imaginer une quelconque traîtrise à l'encontre du Haut Roi. Du moins... sauf peut-être si elle conviait secrètement le trône. Beaucoup le voulaient. Mais Senector n'était pas dans ces rangs-là. Diriger n'était pas dans ses intérêts.


La rose avait bon goût.
Jouons ensemble et tu verras.
Jouons le jeu de la guerre...
Jouons ce jeu dangereux.



" - Telle une belle coccinelle... vorace petit insecte, vous irez. Ils vous croiront. Oooooh oui... ma chère. Je serais là pour ôter la naissance d'un doute chez eux. Jouons ce jeu de marionnettiste... oui."

Les os de ses doigts craquèrent les un après les autres tandis qu’il bavait du rouge. Elle devra faire preuve d'un grand courage et d'une force certaine. Endurer les blessures qui se voudront être un bien beau masque. Le Général ne semblait pas lâcher ce regard profond. Est-ce le plan qui l’excitait ? Ou la vue du sang qui l'attirait ? Les deux sans nul doute. Il passa la main sur la nouvelle rainure qui saignait encore. Écrasant le carmin. Son gant ainsi tâché.

"  - Le sang à meilleur goût que vos loukoums, pas besoin de les goûter pour faire cette affirmation. En quoi vous attire-t-il autant ? "

Le loup se lécha les babines une fois encore, salivant ce met délicieux. Son regard visa les belles demoiselles qui n'avaient que très peu d'utilité pour lui. Eux. Il y avait ce goût un peu trop amer de l'esclavage. Il n'aimait pas. Mais il n'était pas ici pour juger.
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