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 Sur les Frontières [PV: Di]

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Iblîs Nemrodus
Iblîs Nemrodus
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptySam 10 Oct 2009 - 0:14


La main pâle se lève, araignée blanche dans la pénombre.

Lentement, elle caresse le bronze poli. C'est une cloche de bonne taille qu'elle effleure, avec douceur, presque avec sensualité. Les doigts glissent le long de la courbe dorée, longent lentement le relief qui ceinture la taille, comme si ils épousaient avec douceur et passion les formes d'une femme. A l'aveugle, la main avance, se fiant à ce qu'elle découvre. Ce faisant, elle laisse une trace presque invisible, celle que laisse le moindre frôlement sur une surface qui n'a pas été troublée depuis longtemps. Quelle merveille solitaire est-elle ainsi réchauffée, éveillée lentement par un contact moins froid qu'elle?

Ce n'est pas une peau qui se révèle, juste le toucher dur et glacé du métal. L'objet effleuré avec la passion d'un amant ou l'amour d'un bijou précieux, ce n'est qu'une cloche. Une humble cloche, suspendue quelque part dans la Plaine au Cairn, non loin du Temple. Peut-être a-t-elle servi jadis à quelque réjouissance? Personne ne la remarque plus … son support de bois moisi ne tiendra plus longtemps, déjà à demi-mangé par les vers.

Peut-être l'aurait-on entretenue et chérie, si elle avait été capable de rendre un son. Mais sous sa coque de métal, la demoiselle de bronze est meurtrie : son battant ouvragé a disparu, endommagé ou volé. Désormais brisée, elle n'est plus qu'un objet inutile.

Aussi a-t-elle été laissée là. Bien qu'à proximité de l'édifice, plus personne ne viendra l'approcher, la faire sonner. Plus de jeune damoiseau faisant vigoureusement résonner son son d'airain, plus de coquette demoiselle venue se mirer dans sa surface brillante. Pourtant son reflet demeure, car c'est bien la seule chose qu'elle puisse encore faire, cette pauvre cloche. Elle avait peut-être espéré que si elle continuait de briller, tout lisse, quelqu'un reviendrait la mouvoir. Elle avait attendu, espéré, encore et encore et encore – elle avait conservé son poli contre vents et pluie – et personne n'était venu. Mais après tant d'années, la cloche attendait toujours. Elle était faite pour être sonnée, et jusqu'à ce qu'elle soit redevenue poussière, elle attendrait.

Et puis un soir … quelqu'un était venu.

* * *



Thème Musical : Extrait de la B.O. Du Parrain, modifié par Pancake
(en espérant que Youtube ne la virera pas tout de suite).


C'était un soir comme les autres. Il faisait encore clair, un air très vif, presque un air d'hiver déjà. A l'horizon, le soleil devait se coucher, mais masqué par une épaisse couche de nuages qui barrait l'horizon, il inondait le monde d'une lumière fantomatique. Un de ces soirs d'hiver, où le blanc devient bleu, où le bleu vire au gris, où le gris noie le monde. Au fur et à mesure que passait le jour, la cloche avait reflété bien des choses. D'abord, la ligne horizontale de la plaine, déserte en cette journée. La silhouette solitaire du Temple, délaissé, en ruines, rien dans ses contours mornes n'y trahissant la splendeur qu'il renfermait.

Et alors que les ombres gagnaient insidieusement au sol, la cloche avait soudain reflété une main. Une main blanche, tout près. Celle d'un homme debout devant elle, vêtu d'un manteau tombant, à capuchon. Comment était-il arrivé là, comme s'il surgissait de nulle part? Il était simplement venu avec le crépuscule, comme naissant mystérieusement de la lumière qui décroissait. Et la cloche ne s'étonna pas – d'abord parce qu'elle ne pouvait s'étonner, ensuite parce qu'Elament était proche, et qu'Elament était cité de mystères! Elle s'était contentée de se réchauffer au contact de cette main, très froide pour un humain, mais néanmoins plus chaude que le métal. Elle avait légèrement vibré, satisfaite, sous la caresse. Il lui en aurait fallu plus cependant, pour être heureuse. Il aurait fallu qu'elle puisse être agitée, que son battant désormais perdu éveille en elle tous les échos de sa voix de bronze! Impossible. L'homme pouvait glisser sa main tant qu'il le désirait, il n'y éveillerait pas un son.

« Sonne, voix éteinte » murmura pourtant sa voix, et elle était telle le vent soufflant en silence. « Quelqu'un doit venir, ce soir. Jusqu'à la Cité qui t'a abandonnée, l'Ombre noire ne portera pas ma voix... »

En silence, langoureusement, les doigts viennent s'allonger le long de la courbe pleine. Elles communiquent au métal, lentement, quelque chose de la chaleur et de la force qui les emplit.

« Jusqu'à ce qu'il vienne » chuchote encore l'étranger, « Tu sonneras pour moi, voix des hommes... »

Sur les Frontières [PV: Di] 091010022214481570


Et soudain, un puissant coup de gong emplit l'air du crépuscule. Par quelque étrange magie, la main amie posée sur le métal lui a transmis quelque chose. Une force inconnue a soudain inondé la cloche, empli ses contours, se relâchant soudain pour y réveiller les sons presque oubliés. Dooooong – le son magique disparu pour toujours, revenu aussi pur que jamais. La cloche ignore que c'est la magie et non un morceau de métal qui la fait mouvoir, que c'est un Démon qui l'actionne au lieu d'un prêtre d'Elament. Elle n'est qu'une humble cloche, et pour celui qui lui permet de sonner une fois encore, heureuse, elle donne tout ce qu'elle possède : sa voix, son seul trésor.

Est-ce pour cela que ce son est si particulier ce soir? Il porte clair et loin, très loin. Ses accents courent le long de la Plaine au Cairn, sur les Marais et la Forêt Darke, venaient mourir au pied même des Monts Décharnés, comme si les vents du soir les prenait sous son aile. Est-ce l'air cristallin de l'hiver qui porte ainsi les sons? Les anciens ont-ils placé cette cloche ici car une bizarrerie de la nature amplifie son timbre? Ou en vérité, la main qui la fait sonner ne lui transmet-elle pas quelque chose d'autre qu'une note? Debout, immobile, le sonneur noir enlace toujours de ses doigts l'instrument, et sonne, inlassablement !

Le glas de bronze entoura le Temple – et les vieilles pierres peut-être se souvinrent de sa voix.
Le glas de bronze remonta la plaine – et les corbeaux noirs se levèrent pour voler avec lui.
Le glas de bronze alla à la Cité – et son timbre affaibli souffla sur Elament.


Alors qu'il venait mourir au pied des maisons, le son est presque imperceptible, et pourtant il est plus qu'un bruit. Il a beau être très faible, il pénètre partout, pour ceux qui tendent l'oreille. Dans ce son, il y a quelque chose qui transcende les mots – une volonté presque imperceptible à cette distance, mais qu'on devine démesurée. C'est un appel puissant, impérieux. Cette magie qui a permis au chant de la cloche de revivre, et qui en échange lui a emprunté ses ailes... Oui, beaucoup l'entendraient, cette nuit, la cloche fantôme qui sonnait dans toute la région. Oh, bien sûr, il faudrait qu'ils y prêtent attention, par dessus les bruits de la ville.

La majorité croiront à une hallucination, ou à un glas porté de loin par le vent de la mer. Mais ici où là, un sage vieillard secouerait la tête, un enfant gémirait, un peu effrayé par ce son fantôme. Les Sentinelles, sur les murailles, échangeraient un regard perplexe. Une légende naîtrait peut-être, d'une cloche qui sonnait quelquefois, sur la Plaine au Cairn, au soir des jours d'hiver. Mais son message, son vrai message, une seule personne pouvait le comprendre. A ceux qui savent, parce qu'il leur a été dit, que la Nuit un jour chuchoterait, que viendrait l'heure de l'écouter. A ceux qui attendaient le moment où les Ombres appelleraient, ceux qui voyaient l'invisible et entendaient les mots du silence... Peut-être même l'un de ceux-là penserait-il y entendre leur nom, chuchoté dans le soir, et se mettrait en route pour répondre à l'Appel... ni la vieille cloche ni le noir sonneur ne sont pressés. Revenons une heure plus tard, alors que sur la plaine morne et vide brille la lune indifférente, à la frontière ténue du jour et de la nuit...

Dans le bleu crépuscule qui peu à peu s'endort,
Infime atome, la cloche muette sonne et sonne ; et sonne encor...

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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyMer 4 Nov 2009 - 14:45

Spoiler:


Dans le vent sournois d'un soir d'automne,
L'appel résonne au creux de longues oreilles ; il s'éveille.

L'œil frétille en s'ouvrant pendant que le voisin tarde encore. Les muscles roulent sous la peau, hérissant les poils de la bête. La gueule s'entre-ouvre, laissant seulement le bout de la langue laper les babine à plusieurs reprises avant d'y aller sans hésitation jusqu'au bâillement à la limite du son. La langue crispée, roulée, presque à l'envie d'aller chatouiller le palais. Les deux yeux sont enfin synchronisés, plusieurs os craquent. La mâchoire se remet en place. Une patte griffue écrase la nuque engourdie pendant que le dos se voûte. Et à côté de la bête, c'est un spectacle presque similaire que nous joue la petite à quatre pattes. Le ciel était encore le refuge des petites lumières et de la majestueuse dormeuse. Le Chacal pris appuie sur le mur, le pauvre dormais encore dans une de ces nombreuses petites ruelles. La chaîne racla le sol, réveillant l'ivrogne du coin. L'hybride avait enfin tous ses esprits lorsqu'il compris enfin, qu'il n'avait pas la journée à lui. C'était un de ces jours dont il pourrait se souvenir à sa mort, des jours marquants. Oui, c'était prévisible, car son réveil avait était voulu, car plus qu'un réveil, c'était un appel. Et il allait répondre présent. Qui d'ailleurs, pouvait se venter d'inviter le chacal en ayant véritablement sa présence de manière presque docile ? Personne. Ou presque. Et le duo amical se mit en route.

La Cité derrière eux, le temple ouvrit les bras. L'hybride n'était pas vraiment amoureux du son de la cloche, préférant la voix de sa chaîne. Mais faut pas trop compter sur les goûts d'un sac à puces. Comment savait-il ? Pourquoi lui ce soir ? Il ne le savait pas, c'était instinctif. Comme s'il venait de repenser aux paroles du démon tout juste en cet instant, et que par curiosité, ses pas le guidaient à l'appel. Avait-il réellement entendu une cloche ? Ou l'avait-il imaginé ? Peut importe, il n'était plus très loin à présent, sa petite crinière en éventail plissait sous le vent et ses yeux tombèrent sur les parois du grand, de l'unique... Temple. Di n'était pas très aimant d'un Dieu quelconque. Mais il aimait se dire que la nature était seule déesse du Monde. Un Temple... Ha ! Oh moins, c'était un endroit paisible, silencieux, accueillant... le voilà enfin là... Plus loin, c'était lui. L'être le plus étonnant que Di avait pu rencontrer. Qu'y avait-il de si important ? De l'œil droit, il contempla sa pièce d'argent au creux de ses griffes avant de la faire virevolter dans l'air et de la plaquer contre la pomme de sa patte. Face
_ okay, je parle _

" - Ma pièce n'est pas toujours très coopérative. Qu'est-ce qui... m'amène ici ?"

Étrange question il faut l'avouer, d'ordinaire elle n'est pas vraiment posée dans ce sans... M'enfin ! Le Chacal n'avait pas une gueule spécifique, il ne tirait pas la tronche ni ne souriait. Seul un sourcil s'était légèrement élevé en signe d'interrogation. Le corps parle beaucoup mieux que les mots et Di le savait pertinemment d'ailleurs, mais lorsqu'une pièce décide, il faut obéir... du moins, si l'envie est présente ! Le chacal piétinait le sol, tournant un peu comme s'il était question d'une conversation de lui... à lui ? Un peu inquiet de connaître la réponse à cette question en réalité. la petite à côté, c'était tout son contraire. Droite sur ses pattes, fière, les yeux écarquillés visant Iblîs... toujours prête à donner sa vie pour son Chacal. Ha... ces êtres fidèles sont si rares !

* - Dis moi... t'es vraiment certain que cette pauvre cloche presque rouillée est celle que tu as entendu ? Ne me dit pas que tu crois en cette magie !

- Et pourquoi pas ? Tu devrais toi même l'avoir entendu pauvre couillon. N'as-tu pas la même envie qui roule dans mes veines ? Celle de savoir le pourquoi du comment ? Et de te plonger dans un avenir proche ? J'adore cette vie de chien !

- Bien sûr... mais n'oublie jamais une chose. Le mal peut avoir un petit brin d'ange au coin des lèvres.*


Il l'avait presque oublié celui-là... pourquoi n'était-il pas resté dans l'Artifice quand ils ont tout deux crevés ? Un de moins à entendre ça aurait été un véritable miracle ! Et peut-être paradoxalement un vide intense et trop lourd.
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyDim 27 Déc 2009 - 19:11

Dans l’air le dernier écho sonne et meurt. A quel moment exactement s’est-il éteint ? Personne en ce monde ne le saura – ni vous, ni moi. Parce que la vérité, c’est qu’une cloche sonne toujours à deux endroits, même sans magie pour la faire résonner. Certes, elle passe dans l’air, sa voix métallique, le long du vent. Mais elle sonne aussi ailleurs. Quelque part au fond de votre tête, il vous suffit de désirer entendre une cloche pour qu’elle y sonne. Peut-être vous direz-vous que ce n’est là qu’une nouvelle sottise destinée à faire vivre le récit. Vraiment ? Faites l’essai. Quand l’une des cloches de votre ville sonnera, quelque part dans un quartier d’une ville grise … alors ouvrez la fenêtre, fermez les yeux. Ecoutez-la se taire, une fois le dernier coup de midi passé. Plus vous écouterez avec attention, plus vous aurez l’impression de l’entendre encore, de plus en plus faiblement, vibrer par-dessus les bruits de moteurs d’un monde déserté par la magie. Et prenez garde – car en se prenant trop au jeu, il se pourrait que pour vous, elle n’arrête plus jamais de sonner. Car les rêves sont des choses dangereuses, et les choses imaginées, à force d’être caressées mille fois dans votre tête, pourraient fatalement devenir réalité.

Mais pour les êtres dépourvus de rêves, une cloche sonne, puis s’arrête. Et Iblîs, qui tourne toujours le dos au nouvel arrivant, pense à tout sauf à la durée d’un son. Di est ici. Et il demande pourquoi – alors, le démon laisse lentement ses mains retomber de la cloche, ces mains à la fois froides et douces. Et il parle.

« Peut-être à cause de moi ? »

Il y a eu ensuite un de ces moments de silence, si habituels avec l’être noir, avant qu’il ne se retourne enfin. Comme d’habitude, elle est creuse et sans vie. Comme d’habitude, son visage est lisse. Comme d’habitude, ses yeux sans âge vous dévisagent ! Il n’y a pas de hauteur dans la voix. Et d’ailleurs, est-ce faux ? Si le mal a parfois des ailes d’anges, alors les mensonges peuvent aussi toucher la vérité en plein cœur. Pourquoi êtes-vous là, Di ? Bien sûr, parce qu’un tel son sur la vieille lande est une chose étrange, ou parce que la pièce l’a décidé, ou encore parce que l’humeur vous y a mené. Mais entre motif et raison, la frontière est mince …

Iblîs penche la tête de côté, selon une mimique qui commence à être familière, et fixe longuement la petite créature qui accompagne le traqueur. Quelque chose l’intrigue. Habituellement, les êtres doués uniquement d’instinct fuient éperdument sa présence. D’autres au contraire sont fascinés par elle, si ils possèdent déjà une part sombre en eux. Mais bien peu restent complètement indifférents. Sauf les choses étranges venues du crépuscule, là-bas, au creux de la vieille forêt. Ce n’est pas la première fois que l’hybride lui rappelle l’impression de ces lieux.

« Ou peut-être pour la même raison qu’elle est ici pour vous, sans chaîne ni appel. Peut-être aussi pour celle qui fait que je suis là, si l’on suppose que c’est peut-être vous qui avez appelé et moi qui ait obéi. Ou encore que nous ayons tous les deux obéi à quelque chose qui n’a aucun rapport. Après tout, la seule chose qui s’explique d’elle-même est que nous sommes tous deux ici, n’est-ce pas ? »

Il y a des jours comme çà, où les silencieux se mettent à parler. Peut-être n’attendent-ils pas vraiment de réponse. Quand ils ont beaucoup réfléchi, il vient un moment où leurs pensées ne peuvent plus être contenues. Allez dans un hospice : si les patients y parlent à voix haute à longueur de journée, c’est peut-être parce qu’aussi fous qu’ils sont, ils réfléchissent peut-être plus que bien des gens sains d’esprit. Mais dans le cas particulier d’un démon, suivre sa pensée relève du défi, à moins de se risquer à sa suite dans la spirale vertigineuse, au risque d’y laisser sa santé mentale, question après question – l’esprit sur le fil du paradoxe, au fil du rasoir ! Et puis, aussi brutalement qu’un oiseau qui vire sur l’aile, Iblîs revient à la réalité.

« J’ai une information rare à vous acheter, Di, Sentinelle ! Combien en demandez-vous ? »

Le prix avant le sujet. Peut-être pas si réaliste que ça, en fin de compte ? Si ? Non ? Si ? Non ? Si. Non. Je ne sais pas.
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyDim 27 Déc 2009 - 23:09

Il aimait bien.

Il aimait bien comme il parlait. Un calme presque déstabilisant, une profonde sagesse qu’il n’avait encore jamais croisée chez un démon. Et il ferma les yeux un instant. Tout était permit ! Pourquoi ne pas gouter l’instant présent ? Écarquiller les doigts comme s’il faisait beau et que le soleil se glissait sur sa peau ? Il n’était pourtant ni plus ni moins qu’une petite branche face à un démon. Il regarde Khyme… en effet rien ne la retenait et elle suivait pourtant chacun de ses pas. S’il était en danger, elle serrait là et vis vers ça. Le démon visait juste. La vie n’était faite que de petites choses. Un simple mot pouvait blesser sans qu’une main ne vienne toucher le corps. Il releva les yeux vers ce masque plat. Il avait tout de la voix d’un dieu quelconque. Celui qui savait tout de la vie et de sa mort. Celui qui ne perdait plus son temps pour des bagatelles en tout genre. Il avait ce que Di n’avait pas. Et pourtant, sans l’avoir il possédait _ semblait-il_ des informations.

Une information n’avait rien de matérielle. Mais elle avait un prix. Pourtant, peut-être que pour la première fois de sa vie de vagabond, le chacal préféra oublier le prix et… et ça n’avait aucun rapport avec le fait qu’il soit si facilement dévoilé. Il n’en n’avait pas honte. Il était simple finalement. De l’argent et un peu de mystère dans une pièce. Pas bien compliqué. Ses yeux restèrent fixés sur le visage lisse. Mais il n’était plus vraiment là. Un regard miroir, comme s’il fixait le vide. Il n’allait pas effacer le prix par bonté. Car quoi qu’il en soit tout devait se payer. Mais en offrant un service _ et qu’importe sa taille_ il pourrait sûrement gagner un autre niveau de respect, une reconnaissance peut-être. Mais aussi la possibilité d’avoir des contrats plus facilement et là, il pourra enfin parler d’argent. Mais chaque chose en son temps.

Comme un enfant au savoir sans faille. Comme un être d’un autre monde, le Démon jonglait entre la réalité qui est celle qu’il vivait et ses pensées. Di en était fasciné. Mais lorsque son tour de parler sonna dans sa tête comme cette fameuse cloche, il prit la parole.


" - Je vais faire l’exception du prix. Dites moi quelle information serais-je susceptible de détenir ? "

Il aimait bien…

Il aimait bien pouvoir converser en prenant son temps. Respirer, humer, fumer du vieux tabacs _ ce qu’il fit d’ailleurs après avoir enfin barré le prix_ et prendre le temps de choisir ses mots. Bien qu’il ne les choisissait pas toujours si soigneusement. Il avait souvent un jargon familier et en général très offensant.

Il n’ajouta pas un mot. Il n’y avait rien d’autre à dire. Pas besoin d’embellir une phrase. Mais avait-il seulement la réponse qu’Iblîs attendait ? Puis cette question s’effaça, laissant place à cette ancienne appellation… « Sentinelle »… ha, ça faisait un bon bout de temps maintenant. Il l’avait lui-même oublié, un petit pacte qui plongea dans le néant. Le démon qu’il avait combattu n’avait toujours pas refait surface et il ne s’y était pas attardé, préférant s’attaquer à d’autres têtes.


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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyJeu 25 Fév 2010 - 16:31

Paresseusement, Iblîs s’étira. Son corps n’était pas sensible aux courbatures, mais c’était un geste qui l’avait souvent fasciné chez les mortels. Ils cachaient soigneusement leur inclinaison au plaisir : sexe, gourmandise, ou simplement sensations – peu en vérité les assumaient pleinement. Pourtant, au matin ou à n’importe quel moment de la journée, tous semblaient considérer ce geste comme normal. Certains discrètement, d’autres ostensiblement. Mais pour un observateur détaché, les voir se tordre pour sentir toutes ses vertèbres se remettre en place … donnait irrésistiblement envie de les imiter. C’était, au fond, quelque chose de tellement naturel, l’un des rares gestes sans préméditations qui pouvait être esquissé à tout moment.

Une fois sa gymnastique terminée, le démon se mit soudain à marcher, faisant signe à l’Hybride de le suivre. Comme glissant sur le sol, l’être noir et son compagnon ne mirent que quelques instants à atteindre l’entrée du Temple, ce qui laissa pourtant au premier l’occasion d’exposer « l’objet » de leur rencontre … et le mot n’aurait pu être mieux choisi.

« Je désire une chose qui m’intrigue, Di. » venait de confier le démon. « Une chose qui fut peut-être construite par vos ancêtres, à moins que ce soit les miens. Personne ne semble en avoir aucune idée, ni aux Enfers, ni dans aucune des Bibliothèques que j’ai pu visiter. Et pourtant elle était précieuse, au point que certains des nôtres préférèrent se faire tuer plutôt que la céder. Chez vous, c'est fréquent de se sacrifier pour quelque chose - chez nous, ça n'a jamais été une mode... »

Avec un petit ricanement, il étendit la main, laissant la vieille porte s’ouvrir dans un grincement docile. Iblîs y passa la tête avec une curiosité manifeste. Il n’était encore jamais entré dans le Temple – pas une seule fois. Pourtant, on disait qu’il laissait entrer les Démons jusqu’en la grande salle centrale, où planait encore quelques bribes de magie divine. Seuls les autels leur étaient inaccessibles. Il se retourna et gratifia le Traqueur d’un clin d’œil magistral, avant de commencer à descendre les marches. Alors que leurs pas claquaient sur la pierre,

« Alors je veux cette chose. Je veux l’avoir dans mes mains et la voir de mes yeux. Elle est cubique, faite de pierre grise ou de métal. Probablement grande comme ma main, ouvragée avec art et patience. Je ne sais à quoi elle ressemble exactement, ni même comment on l’appelle. Mais je sais qu’un nom est gravé à sa surface : Cycnos, dit-on. Je sais aussi qu’il est pénible pour les yeux des mortels de la regarder trop longtemps. »

Arrivé à l’entrée du temple, Iblîs dévisagea son compagnon, presque avec malice. L’hybride était bien là, un peu de fumée sortant par ses naseaux, parfaitement neutre. Ah ! Il aimait ces silences de Di. Ils étaient de ceux que l’on peut emplir de mots, ou laisser couler comme du sable. Pour lorsqu’il n’y a rien à dire. Pour lorsqu’il y a trop à penser. Pour les moments où ce n’est ni l’un ni l’autre, mais que l’on apprécie de ce silence la saveur et la qualité. Un instant, la pensée le traversa qu’il n’avait encore jamais employé ce mot – apprécier une compagnie ? Au fait, pourquoi donc n’avait-il pas envoyé un message au lieu d’appeler ici ce magicien ? La réponse lui vint presque instantanément, quand un mouvement de ses lèvres lui rappela soudain la jeune ange qu’il avait croisée, pour une dans d’une nuit, en plein cœur de l’Arène. Le Chacal et l’Ange. Peu d’êtres semblaient aussi différents, mais ils partageaient quelque chose de subtil : cette manière de laisser l’impression d’être hors du temps, indifférents à son passage, à sa fuite éperdue. Comme s’ils avaient tout leur temps – comme s’ils comprenaient, instinctivement, ce qu’est l’éternité. Peut-être était-ce pour cela qu’il recherchait leur compagnie ?

Allons ! Iblîs étouffa à nouveau un rire. S’il commençait à se chercher des amis, quelque chose se détraquait sérieusement. Il allait probablement se mettre à pleuvoir des Pekopath Cornus, Elament n’allait pas tarder à tomber aux mains de Khisath, et la fin du monde ne devait plus se faire attendre très longtemps. Allons donc !! Ne soyons pas ridicules !

« Pour le prix… je ne reçois jamais quelque chose sans donner, Di – parce que les dettes finissent toujours par coûter plus cher encore. En cherchant bien de mon côté, je trouverai peut-être quelque chose qui vous plaira. En attendant, si nous nous recueillions un instant ? »

A nouveau, le rire d’Iblîs résonna dans l’escalier qui menait vers la salle principale du trône. Il fusa à travers les colonnes, ce rire sans joie, éveilla les couloirs endormis, cascada sous toutes les voûtes qui couvraient ce lieu sacré. Cependant, il ne résonnait pas comme il l’aurait fait dans une grotte. Le son de la voix semblait comme aspiré, ne renvoyant pas d’écho – comme si la cathédrale des éléments était aux aguets, retenant son souffle avec hostilité. Peut-être d’ailleurs la vérité n’était-telle pas si différente ? Il était vaste, ce Temple, bien plus vaste que la ruine qui lui servait d’entrée. Empli de choses curieuses– et d’une vigilance ancienne, très ancienne, mais pourtant plus vive que partout ailleurs à la surface. Une présence qu’il connaissait jadis et qui l’emplissait d’excitation.

Si les Diables rendaient visite aux Dieux, on ne s’ennuierait pas ! N’est-ce pas, camarades, quelque part sur la Frontière ?
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyVen 19 Mar 2010 - 12:21

Les griffes glissaient sur le sol sacré du temple. Un chant de paroles et de froissements de tissus.



Je ne sais pas trop ce à quoi pouvait bien penser le chacal. Il ne disait rien. Vraiment rien. Se contentant d’écouter son hôte d’un temps. Mais j’ai ma petite idée. Face à un si majestueux démon, on s’attendrait à trembler et pourtant le chacal faisait face à une situation qui ne devrait tout simplement pas exister. Iblîs voulait une chose et ne se contentait pas de satisfaire son désir possessif par ses propres moyens. Avait-il vraiment besoin de Di ou cherchait-il seulement à établir le contact ? Je n’ai pas la réponse et visiblement, Di non plus.
Calculateur, l’animal dénicha une erreur dans ses additions, une fausse note. Tandis que son œil gauche lui montrait un spectre sous un long drapé noir, sa conscience elle, se heurtait à un paradoxe. La gestuelle du démon. Au milieu des paroles, Di fit sauter sa pièce _ face il est con, pile mon œil me ment _ la pièce s’abattit. Face. Réponse insatisfaisante, à élaborer. _ Face il peut connaître les sensations corporelles, pile il se moque du monde._ Le petit bout d’argent présenta le côté pile. Mouais… Pas très convainquant je vous l’accorde. La pièce se nicha dans la poche et le chacal resta encore quelques secondes dans ses calculs sans prêter la moindre attention au temple.


* - Oh… ça me dit quelque chose tout ça… vas chercher, rapportes. Bientôt donnes la patte. Bon chacal ! *
* - Tu vas te la fermer, tu aurais du trouver un autre corps à squatter, moi j’en ai ma claque. On a rien sans rien et ce mec m’a l’air plutôt reglo*
* - Et si ce n’était qu’une impression… hein ? Tu y a pensé à ça ?*
* - Évidemment pauv’ tâche. Mais il faut prendre des risques et si ça loupe, je trouverais le moyen de poser un prix sur ce manque de respect.*
* - Ha j’aime t’entendre parler de vendetta !*

Ils savaient tous deux que le chemin des démons serrait prometteur. Ce n’était qu’une question de temps. Elament tombera et ça ne leur faisait ni chaud ni froid. Et Iblîs pourrait se montrer très utile.

* - J’aimerais être éternel et qu’enfin, mon nom de soit plus chuchoté au creux des oreilles pour des histoires frauduleuses. Je veux qu’il face trembler. Ne plus me cacher.*
* - Bof… l’éternité tu sais…*

Iblîs venait d’éteindre sa voix laissant le temple respirer. Et de nouveau le silence imposa sa loi. Di douta. Un tel objet ne devait pas être facile à trouver. Il en savait trop peu et pourtant, bien assez pour lancer ses recherches.

On parle d'objets qui brillent, on parle de vie, de mort et d'éternité. On marche au milieu des autres, on se croise pour oublier les visages dans la minute qui suie. On a mal au crâne et on se fout pas mal du monde. Chacun pour sa gueule, le voisin est un ami que lorsqu'il est utile. On est en retard pour tout mais la situation nous semble critique que lorsqu'il est déjà trop tard. Alors on traine les griffes sur le gravier en se moquant bien du lendemain. Et dans le temple on oublie de s'extasier de la beauté de l'architecture. De toute manière, on en a vu d'autres.
Pourquoi choisir une vie de nomade et de magouilleur alors que s'offre à nous tant d'autres possibilités ? Le chacal joue aux échecs selon la loi de la gravité d'une pièce donnant seulement deux réponses qui se contredisent. Noir ou blanc. Le choix est vite fait.


" - Mes services sont à vous. Je regarderais cet objet de mon œil gauche. "

Enfin, le chacal éleva sa voix après avoir parcouru le temple. Mais son arcade sourcilière droite se releva d’une vague d’étonnements. Alors là… le monde à l’envers ! Il était face à un Démon qui n'a pas à vénérer des divinités adverses et pourtant il laissait briller ses yeux d'ébène scintillants de fragments d'étoiles à la vue de la beauté du monument. Il était finalement heureux de côtoyer un être plus sensible qu’il ne semblait l’être. Après tout, un spectre a bien le droit de choyer une quelconque chose ou une quelconque personne.

Il y avait du bruit derrière eux. Désormais, ils n’étaient plus seuls. Des coups d’ailes et des pieds sur les dalles froides, une respiration fragile. Un temple était-il si souvent visité ?

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Zeo
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyVen 19 Mar 2010 - 13:00

Nuit noire. Le souffle long, les cheveux au vent. C’est un ange qui piétinait le sol. Une pierre en guise de boussole et un cœur d’argent essoufflé. _ Gardienne_ se disait-elle sans cesse..._ Gardienne de la Cité._ La cause qu’elle défendait s’estompait à chaque nouvelle enjambée qui la rapprochait d’un démon. Ses ailes lui apportaient un équilibre parfait durant sa course. Mais… pourquoi courir ? Par crainte peut-être que la nuit ne soit trop courte, par empressement. Elle calma ses pensées pour marcher, les yeux rivés sur l’Obsidienne qui brillait lorsque le chemin emprunté la rapprochait de son créateur.

Ryö semblait flotter de bonheur à ses côtés. Lorsque l’Obsidienne se stabilisa, le temple s’offrit aux yeux bleus de l’ange. Elle respectait son architecture autant que la noblesse qu’il protégeait. Pourquoi donc, Iblîs était là ? Le doute se présenta alors comme la honte d’une mauvaise interprétation du présent qui pendait à son coup en la narguant. Une pierre pouvait-elle se montrer arrogante ? Zeo hésitait. Puis elle opta pour rester là. Dehors, assise devant sa majesté des croyances. Ryö vint se blottir sur les genoux de Zeo, posée en tailleur pour plus de confort. Signe extérieur d’une attitude décontractée. Elle ne l’était pas. Trop de questions, trop de doutes. Enfin de compte, pourquoi cette pierre ? Ça ne pouvait être que ça, un guide pour retrouver le démon. Mais ça voulait dire beaucoup. Pour avoir osé donner cet objet, un bijou dans toute sa splendeur, Iblîs se mettait dans une situation qui pouvait très bien lui apporter la promesse d’être traqué. Il avait alors, déjà assez de confiance ?! Zeo ne comprenait pas. Était-ce à en juger, un acte de faiblesse ? Lui ? Impossible. Puis, d’un long souffle l’ange chassa ces idées tordues. Après-tout… les yeux d’un ange ne peuvent mentir. Alors elle se releva et inspira profondément avant d’engager ses pas dans le temple. Une voix raisonnait un peu plus loin. C’était lui. Cette sombre et sinistre voix ne pouvait pas la tromper. Une mélodie nocturne et délicate. L’avait-elle donc tant manqué ?
Elle se déchaussa pour respecter le lieu sacré. Pieds nus, elle avança. L’avaient-elle entendu se glisser sur ses traces ? Il n’était pas seul, l’autre ne parlait pas, mais sa respiration s’entendait. Elle préféra se faire distante. Discrète, elle suivit la voix.

Après quelques mètres, elle remarqua qu’ils n’étaient plus bien loin. Zut, ils s’étaient arrêtés. Zeo s'accroupit dans un coin, attendant le déluge sans nul doute. Elle n’osait évidemment pas s’inviter à la discussion qu’elle n’avait d’ailleurs pas écouté. Un peu trop loin aussi pour en comprendre les mots car ils se déformaient durant le chemin qui la séparait d’eux. Les bras croisés sur ses genoux, la tête posée sur le dos de ses mains, l’ange patienta.
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Iblîs Nemrodus
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyLun 12 Avr 2010 - 15:55

Si nulle chose n’est éternelle en ce monde, tout au moins jusqu’à ce que l’Histoire soit arrivée à sa fin, il arrivait cependant d’en croiser certaines qui semblaient échapper à l’emprise du temps. De manière plus subtile que les êtres, les choses aussi accédaient à l’immortalité. Le ciel, la mer, les étoiles en étaient les plus évidentes, faisant réaliser au cœur des mortels leur si faible importance.

Mais cependant, d’autres choses plus secrètes existaient. Tel pic de montagne durerait bien plus longtemps que toutes les guerres des choses animées, tel désert continuerait d’exister, inchangé, après des millénaires de prospérité. Tel galet, arrimé par le hasard dans un havre de falaises, traverserait le temps. Combien plus alors, un globe de pierre sculpté par la main des Dieux eux-mêmes était-il destiné à durer. Ainsi était la relique laissée au centre du Temple des Eléments.

En quoi étaient-elles donc faites, ces sphères flottantes dans l’air, striées de lignes lumineuses ? Nul ne l’avait jamais su. Elles n’étaient ni en pierre, ni en bois, ni en métal, ni en aucune autre substance concevable. Les arabesques faiblement scintillantes, à leur surface, dessinaient un motif d’une complexité inconcevable, et pourtant, leurs traits possédaient une pureté absolue. Certains pouvaient rester des heures, le souffle coupé, à les regarder tourner doucement sur elles-mêmes. Nulle magie et nulle force n’auraient pu les mouvoir de l’endroit exact où elles flottaient. Pas même celle d’un démon noir, debout silencieux et pensif devant l’héritage divin, Di à côté de lui.

Sans hâte, l’homme noir bougea, s’avançant jusqu’à l’objet. Une expression étrange contracta ses traits, mélange improbable d’avidité et de volonté de détruire. Il laissa sa main pâlie épouser le pourtour de la plus grande des sphères. Impassible, l’ancien talisman se laissa toucher, indifférent au fait que son visiteur d’aujourd’hui soit l’ennemi mortel de ses créateurs. Peu à peu, le sourire du Noir revint, grandit, s’élargit, étirant à nouveau son visage de cire. Il étendit l’autre main, et saisit le poignet du Chacal de sa main trop lisse, et la plaqua sur la sphère. A peine sentit-il le contact des poils rèches, sous l’étoffe. Le geste fut aussi naturel que s’ils étaient deux camarades de beuveries dans la taverne la plus proche - l’Ancang ne comptant naturellement pas…

« Voyez, Di. Le langage de cette chose est perdu pour les mortels, et aux enfants de l’ombre elle tait ses secrets. Mais voyez-la s’agiter. Elle sent. Elle est inquiète. Elle sait qu’une fois encore sur ce vieux monde, une petite goutte d’éternité arrive à sa fin. Qu’à la Surface, lentement, quelque chose s’apprête à changer. »

Les pupilles noires du démon laissaient peu de précisions sur la direction de son regard, mais à son mouvement de tête, il était aisé de deviner qu’il jetait un coup d’œil oblique à Di, avec un intérêt non dissimulé. Que pensait ce diable d’Animal? Malgré le cauchemar d’encre qui était sa forme originelle, Iblîs s’était toujours senti proche des humanoïdes. Il partageait avec eux certaines aspirations, quelques valeurs semblables, plus qu’avec un Ardent, un Worsh ou un Chiropteran. A la longue, il avait vu tellement de milliers de visage défiler que l’expression de son interlocuteur suffisait à le renseigner sur ses pensées. Mais un Hybride était une autre paire de manche à déchiffrer…

Mais comment savoir ce que disent les yeux des fauves ? Prunelles d’ambre et de feu, escarboucles héritées des bêtes amies et ennemies, enfants du monde comme ceux à deux jambes … ces yeux-là, pour le démon, gardaient leur secret. Le reflet d’ambre et de feu dans l’œil unique du Chacal gardait sa distance.

A lui seul de mener sa route
De choisir sa sente et sa piste,
Entre bête errante et chasseur libre
De loup affamé à chien fidèle.

« Faites attention, Di. » vint susurrer sa voix, tout près des oreilles soyeuses. « Peut-être ai-je dormi trop longtemps depuis la dernière guerre… L’Ombre également chuchote des rumeurs de fièvre, quelque chose se prépare que je ne maîtrise pas. Nous ne nous rencontrerons peut-être pas pendant un certain temps. Quand vous penserez le moment venu, fermez les yeux dans le noir. vous saurez la route d’ébène qu’il vous faudra descendre, dans les ténèbres froides qui sommeillent sous les grottes de Finduilas Sûrion. Allez à présent … »

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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptySam 17 Avr 2010 - 22:15

Elle n'écoutait pas. Elle n'écoutait jamais ! Dans sa tête, l'ordre sommeillait, jusqu'à ce qu'il ne se décide enfin à s'exprimer. Comme un cri interieur venant gronder l'insolence. _ Ange, suffit ! Debout et écoutes les mots !_ C'est ce qu'elle fit. Debout, comme un fantôme blanc au milieu de nulle part, à écouter des discussions privées. En effet, des mots ressortaient du lot, des lambeaux de phrase "rumeurs de fièvre"... "quelque chose se prépare"... "ténèbres"... et quelques mots par-ci par là. L'ange était immobile. Ça avait l'air sérieux. Les mains jointes pour se réchauffer, les ailes en boule autour de son petit corps, Zeo était encore dans l'hésitation. Mais elle préféra se cacher.

Alors, le pas d'un animal raisonna sur le sol. Tout juste le temps de l'entendre que son ombre fit un coup de vent avant de s'éclipser. Il n'était déjà plus là. Rÿo sur l'épaule de Zeo commençait à s'agiter. Il réagissait selon le comportement de l'ange et celui-ci n'était pas très clair. Ce petit bout de femme n'était pas très sur d'elle. La réalité était là, d'un geste, le démon pouvait briser l'existence d'un ange.

Le temps longtemps se tue, spectateur du temple. La froideur du sol glaçait les idées de Zeo. Là, à faire quelques pas. Et pour dire quoi ? Pour voir, regarder, sourire à un ennemi juré ? La tâche d’encre noire n’était plus qu’à quelques pas et voilà qu’elle tremblait des pieds à la tête. Ce n’était pas digne d’une gardienne ! Mais pourquoi occupait-elle ce poste ? Elle ne faisait qu’acte de présence Un moyen finalement, peut-être, d’affronter ses peurs... et des peurs, elle en avait des tonnes. Sûrement trop pour pouvoir combattre contre qui que ce soit.

Rÿo abandonna son perchoir, devançant les pas de l’ailée. Il flottait, son ombre décalquant grossièrement son corps. Deux petites ailes plumées qui le conduisirent tout droit près du Démon avant de se perdre un peu plus loin. Avait-il décidé d’abandonner son amie la plus fidèle ? Ou s’était-il seulement attardé sur un papillon égaré dans le temple qui serrait son cimetière plus tard ? Derrière, l’hésitation s’approcha. La peur et la folie se réunirent dans le cœur de Zeo. Elle arrêta sa marche lorsqu’elle fut visible pour le démon. Tout juste assez. Un faisceau lumineux partagea l’ange en deux. Ombre et lumière. Comme si Ange et Démon n’était pas suffisant pour prouver la différence. Dans ses yeux, ça brillait. La recherche d’une meilleur compréhension du monde, d’une nouvelle approche. On aime tant se détester sur terre, alors que notre contraire est la clef de notre problème.

Aucun mot. L’erreur de parler pesait déjà en elle depuis l’arène. Le message était passé, c’était une créature intrigante et «démoniaquement » poétique. Pourtant, ce masque sans expression qui se lisait sur Iblîs montrait à quel point il n’avait aucune émotion. Pourquoi alors la poésie ? Venait-elle à lui comme une curiosité ? L’envie d’imiter ce qu’il ne peut comprendre ? Écrire dans le sable n’est-ce pas un signe de poésie ? Écrire en une langue adverse à nos croyances, en notre conception de la vie ou envers une toute autre chose qui devrait ne pas figurer dans notre éthique... si ça, ce n’est pas une forme de poésie...

Alors elle était là, à attendre. Attendre qu’il fasse le pas, le geste avant elle. Peut-être s’était-elle trompée. Bien que son nom soit connu de tous, il en faisait trembler plus d’un. On racontait tellement de choses qu’elle se demandait si ce n’était pas la folie qui roulait sous ses pieds. Après tout, peut-être est-ce un piège ? Un piège si facile qu’elle tombait dedans en coupant ses ailes. Ha ce qu’elle pouvait être stupide ! Mais elle ne s’en mordrait les doigts que lorsque la vérité s’abattrait sur elle. L'ange s’était livré sans l’aide d’un traqueur... que la sentence soit dictée...
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Iblîs Nemrodus
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyVen 7 Mai 2010 - 11:49


Calmes, égaux-à eux-mêmes, le son des pas de l’Hybride résonna dans la vaste salle. Reparti, le vagabond à tête de chacal, lâché à nouveau sur les routes. Plongé dans la contemplation de l’héritage des dieux, le visage du démon trahit un instant quelque chose de pensif, presque soucieux. Ce n’était pas la rencontre qu’il venait de mener qui l’inquiétait. Di et lui se ressemblaient plus que beaucoup de leurs mondes respectifs. Mortel ou immortel, ils étaient tous deux du sang de ceux qui, par quelque mystérieuse grâce, passaient à travers les pires évènements, n’ayant rien à chérir et par conséquent peu à perdre. Oui, Di trouverait la trace de l’objet qu’ils cherchaient, et ils se retrouveraient pour un autre marché.

Aussi, pendant que le vagabond à la pièce s’éloignait, Iblîs ne se retourna pas. Absorbé, il contemplait les fissures dans les globes flottants du Temple, cherchant un sens caché aux particules de lumière qui s’en échappaient parfois. Intimement, il était convaincu que cette merveille n’avait pas seulement été placée là en guise de mémorial. Elle conservait quelque chose de très proche de la divinité, chose de pierre aveugle, pourtant consciente du présent et du futur. Ces voix de lumière murmuraient peut-être des oracles à qui voulait bien les entendre. Voyez – à la seconde où le Chacal avait tourné le dos, elles avaient recommencé à danser, à palpiter avec énergie, comme transmettant un message dont le sens était perdu…

Le Chœur
Va, Di. Tu sauras te Diriger et garder ta Direction, Différencier les vrais des faux Diamants, Discerner des choses non Dites et Dissuader les Divagations des Dictons du Dimanche. Tu devras Discuter, être Diplomate, Direct, Discret. Sous ta Dictée, peu importe la Distance : même des indices Disséminés ne sauront t’échapper…


Les longs cils d’Iblîs s’amincirent, changeant ses yeux en deux minces fentes. Oui, en vérité, il avait sommeillé trop longtemps. En un an, de nouveaux pouvoirs s’étaient éveillés, et œuvraient à leur tour à accomplir leurs sombres rêves. Le temps d’Erkios et d’Apharez, le temps de Féline et de Clad, était bel et bien fini. De cette époque peu restaient encore, et de nouveaux noms sonnaient dans l’air noir : Khisath, Sybaris, Senector, Sappho… un changement était proche. Il pouvait le sentir, obscurément, résonner jusque dans l’ombre à ses pieds. En fermant les yeux, il pouvait presque entendre pulser, venue des Enfers, une brûlante impatience. Et pour une fois, même le Marcheur des Ombres ignorait ce qui était sur le point de se passer. La lumière énigmatique qui émanait des pierres divines flamboya à nouveau un instant, et – était-ce ses yeux qui le trompaient ? – il sembla à l’être noir que les pierres se riaient de lui.

Le Choeur
Je ne savais
Tu ne savais
Il ne savait
Que dès le lendemain Elament brûlerait !


Non, cela, Iblîs l’ignorait. Il ne l’imaginerait même pas, car à cet instant, quelque chose le détourna de ses calculs et de la toile immense des futurs possibles. Devant lui, à quelques mètres à peine, une autre personne se dressait, qu’il reconnut immédiatement. Un ange le regardait, clivée en deux par un rai de lumière, sur le fond noir à peine éclairé par de nouveaux scintillements émanant des pierres. Quelques fins pollens de lumières s’échappèrent des pierres et volèrent entre eux.


Le Chœur
Côté clair, côté sombre,
Route du ciel, route de nuit
A ta gauche l’enfer, à ta droite le ciel
Et l’ange, l’ange, l’ange de la Mort… derrière toi.


Le sourire revient sur le visage pensif d’Iblîs. Bonnes rencontres ce soir. Le silence dure moins longtemps qu’avec son visiteur précédent ; l’être noir penche la tête sur le côté encore et encore et encore, curieux. Sa voix se fait à nouveau entendre, et son intérêt est difficile à cacher, tellement elle se fait sinueuse, enveloppante, pleine de questions et de doutes : « Etes-vous venue prier un moment ? »

L’ange et le démon se font face, aussi différents que d’habitude, toujours liés par un lien de contraires. Et derrière eux, l’énigmatique ballet de lumière continue de lancer ses messages scintillants que ni Iblîs ni Zeo n’étaient en mesure de comprendre. Pendant qu’ils parleraient, la pierre continuerait d’émettre ses avertissements à l’aveugle, lançant sans fin son alarme dans le langage perdu des étoiles et des dieux.

Le Choeur
Ne l’entendez-vous pas ? Le monde se fissure
Prêt à voler en pièces, en éclat fins et durs !
Mais si à l’heure enfuie vous ne l’avez pas su
Vous ne le verrez pas, vous ne le verrez plus !

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Zeo
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyJeu 20 Mai 2010 - 22:07

Les paupières légères et le teint pale. De ce clair obscur sortit l’ange déchiré par les questions. Il était évident qu’elle n’entendait pas les mots qui lapaient leurs oreilles bien trop sourdes. Non, ni l’ange ni le démon n’y prêtaient vraiment attention. De ses plumes, elle chassait les mots. Parfois le futur n’est pas bon à entendre et ne s’envisage pas. Le futur ? Pourquoi le connaître ? Aurait-elle seulement fait un geste pour prévenir la Cité ? Elle avait changé, et ses pensées se tordaient un peu trop. La cité… merveille qu’elle ne saurait jamais vraiment garder aussi bien que le coffre de son passé. Elle se faisait de moins en moins présente à Elament mais jamais l’ange ne s’était rangé du côté adverse. Surtout pas une gardienne !

Et il était là, lui… le grand dans son manteau noir. Le maigre aux yeux d’ébène parsemés de fragments d’étoiles. Oui, là, planté de toute sa grandeur dans un lieu de divinités. Est-ce donc un sourire sur ce visage de glace ? Une émotion ? Ou une fabuleuse imitation ?! Peut importe, c’était un sourire. _ Et des mots qui vibrèrent dans la pièce respirant le pollen._ Le démon avait cette voix où chaque note avait une tonalité mythique, chaque intonation était une poésie. Qui pouvait se douter d’une si belle voix chez les enfers ? Peut-être un ange.

Elle répondit d’un sourire. Après-tout, il n’était pas agressif et elle ne semblait ne pas s’être trompée en venant jusqu’ici. Répondant par bêtise et simplicité à un présent autour de son cou. Des yeux bleus presque effacés, une bouche fine légèrement pincée par l’innocence de la jeunesse féminine et un corps qui tenait par miracle sur pieds d’une posture discrète.

Prier… aurait-elle déjà oublié qu’elle marchait dans le cœur d’un temple ? Mais elle revint vite sur terre. Un ange… ça n’a pas pour habitude de rester les yeux rivés sur le sol… l’Enfer a les yeux de l’arrogance. Elle releva alors le menton tout en écarquillant les yeux, une bouche légèrement entre ouverte par la surprise et le questionnement.


" - Je ne sais plus prier. Mais votre présent semble vouloir m’y redonner goût. "

Ce que disait ce lieu… elle ne l’entendait pas. Peut-être ne l’entendrait-elle tout simplement jamais. Mais elle savait apprécier les couleurs, la lumière laissant l’ombre sur les recoins lors de son passage. Cette atmosphère douce, aérée presque en apesanteur.



Et les voix racontaient en chantant des sortes d’incantations futuristes mais personne ne les écoutait. La beauté, la force du temple et du contraste donnaient une tonalité presque sévère et envoutante du moment. Alors du bout des lèvres, l’ange souffla faute de ne savoir quoi dire d’autre. Que pouvait-elle vraiment dire face à un démon ? Intimidée, elle lança quelques regards par-ci, par-là à la recherche de son compagnon de route. Ha… oui il n’était pas bien loin. Qu’il s’amuse à attaquer le monde invisible. Le temps était à lui cette nuit. Mais dans certains coins, l’ombre était presque pesante… était-ils vraiment seuls ici ? Bien sûr que non, les lieux habités n’étaient jamais vide d’émotion. Les fantômes du passé s’y baladaient tendis que le destin accomplissait ses tâches.

Un ange qui ne vient pas prier, un démon qui savoure la beauté du temple… total paradoxe, axe désaxé. La malice du chaos. Zeo fit mine d’être sûr d’elle, bien que ce n’était qu’une façade facilement cassable. Fragile mais majestueuse de ses grandes ailes, elle s’avança puis passa à côté de lui, le regard loin prétextant le désintérêt. Pourquoi se vendre alors qu’on a des responsabilités ? Jouons donc. Sa trajectoire s’enroula légèrement sans pour autant tourner autour du démon. L’ange s’accroupie pour ramasser un mouche morte. Ce n’était qu’un geste pour combler le temps. Pourquoi une mouche ? Pourquoi la mort serait dans la main d’un ange ? Elle souffla comme pour redonner l’espoir d’un dernier envole. Elle était de ceux qui n’aimaient pas vraiment affronter les regards surtout pas un regard froid et énigmatique. Alors elle resta de dos.


" - Pourquoi un temple ? Au fond… vous êtes un démon. "
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Iblîs Nemrodus
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyJeu 10 Juin 2010 - 23:33


« Ceux qui prient » répliqua doucement Iblîs, « ne sont ni qui peuvent, ni ceux qui aiment, ni ceux qui luttent. Ceux qui prient, femme des anges, ce sont juste ceux qui n’ont personne d’autre à qui parler. Pourquoi n’en aurais-je pas le droit ? Mieux, pourquoi ne pas le faire avec moi ? »

Avec le dernier mot, légers comme la nuit qui tombe, deux bras sont venus entourer les épaules de la jeune femme. Pas de peau qui vous frôle, car ces mains noires ne sont pas porteuses de douceur, seulement de maléfice. Mais le contact à travers le tissu suffit à les rapprocher, à leur enlever quelque peu de leur étrangeté. Même la voix qui continue de chuchoter, si près de l’oreille de Zeo, se fait cajoleuse, soyeuse, enveloppante. Le sourire de l’Homme Noir est toujours là, plus large que jamais, découvrant ses canines. Et ce sourire a quelque chose d’aussi féroce que les paroles sont douces. Car Iblîs parle à présent, rompant sans brusquerie le pacte qu’ils avaient jusqu’ici respecté. Le temps des mots était revenu, le temps des les utiliser pour ce qu’ils étaient : instruments de vérité autant que de tromperie !

« Car vous savez prier, femme des anges… même sans les mots qu’on vous a appris. A quoi bon des mots s’ils sont offerts à des dieux morts ? Regardez simplement ce qu’ils ont laissé derrière eux, et si vous désirez atteindre ce qu’ils ont laissé, ouvrez simplement un peu de vous-même. Offrez-leur juste votre joie, vos souvenirs de peur ou de rire, votre fatigue … votre haine peut-être, ou juste votre doute… »

La pression est légère, dans le dos de la femme aux cheveux blancs. Mais malgré sa douceur, elle est de fer, et insensiblement, le démon la pousse à se retourner. Ce n’est que lorsque tous deux font face à l’étrange autel qu’elle se desserre. Un instant, ils forment un couple étrange, les deux contraires, ivoire et ébène sur fond de lumières mouvantes. Une mèche échappée vint caresser son visage. Il la chasse, d’un souffle.

Et puis, l’étreinte d’Ibîs se desserra aussi rapidement qu’elle était venue. Centimètre par centimètre, il se mit à bouger. La silhouette squelettique sembla d’abord s’affaisser lentement sur elle-même, comme dans un rêve. D’un geste du bras, le démon rejeta sa robe d’ombre en arrière. Le tissu mouvant gonfla une seconde, s’étendant autour d’eux sur le sol, plus que jamais semblable à une ténébreuse toile d’araignée. Insidieux, comme vivant, le tissu froid vint s’enrouler autour des chevilles de Zeo, avant de se rétracter. L’homme noir poursuivit son mouvement, sa tête passa à hauteur de celle de l’ange, de ses épaules, de sa poitrine, de sa taille… et soudain, comme dans un rêve, sans bruit, avec la nonchalance d’une feuille qui tombe, Iblîs fut à genoux.

A genoux, celui qui jadis porta le titre de Faucheur Rouge, le Marcheur des Ombres, l’ennemi d’Elament depuis des générations de mortels – à genoux, comme le plus humble des fidèles. Il ne dit pas mot, mais se contenta de penser de toutes ses forces. Pendant une seconde, il laissa revenir à la surface ce qui habitait le fond de son âme. Derrière la violence et le blasphème, il y avait autre chose. Ce quelque chose perceptible pour tout être vivant, n’était ni haine, ni colère, ni sarcasme. Juste le vide... un vide immense. Vertigineux. Si puissant qu’il inonda jusqu’à l’ombre autour d’eux – chaque coin de pénombre se changeant en abîme d’encre. Rarement les démons laissent apparaître le fond de ce qu’ils sont – flamme incandescente pour les Ardents, sentiments exacerbés des Incubes, esprits de fer et de rouage des Gash, et pour Iblîs, juste l’absence de tout le reste. Une absence qu’il ne prit plus la peine de cacher, en levant à nouveau la tête pour regarder sa compagne.

« Et pourtant, femme des anges… les vôtres s’imaginent à tort que prier ramènera ceux qui ont bâti ce temple. Si vous attendez une réponse, ce n’est qu’une demande, pas une prière, n’est-ce pas ? On ne prie que les étoiles, la vengeance, les esprits des morts, le destin aveugle ou les dieux morts. Si vous et moi pouvons les prier, c’est la preuve que ceux qui nous ont donné une raison d’exister ont disparu définitivement. Croyez-vous que les dieux protègent encore votre Cité ? »

Souplement, Iblîs passa de la position agenouillée au tailleur, s’appuyant contre les jambes de la jeune femme, songeur. Il ne pouvait sentir la chaleur qui émanait d’elle – encore une autre chose qu’il ne pouvait pas ressentir. Mais il percevait sa présence. Cette ange … elle avait été plus honnête que bien des magiciens qu’il avait vu durant sa vie. Peut-être comprendrait-elle ? Là où tous les autres avaient besoin de mensonges pour ébranler leurs certitudes, se pouvait-elle que la vérité toute nue suffise à lui faire comprendre conscience de l’Autre Côté des Choses … ?

Dans une flaque d’humidité tout près, il aperçut le reflet de sa compagne, blanche au milieu de l’ombre. Il sut qu’il n’y aurait plus de mensonge ce soir. Plus de mensonge, plus de jeux sur les mots... juste la sincérité. La vérité pouvait être plus dangereuse pour les mortels que toutes les tromperies du monde, car à son approche, quel homme ou quel ange peut-il se défendre d’un vertige atroce ?

En cherchant l’absolu, on commençait à douter d’une chose, puis d’une autre. De la même façon qu’un ermite abandonne chaque jour davantage le confort quand il avance dans ses pensées, toutes les choses qu’on chérissait avant perdent toute saveur. On comprend petit à petit comment est le monde, vu par les yeux d’un sage ou d’un démon. Et fatalement, un chercheur d’absolu deviendrait peu à peu l’un ou l’autre ?

Car le prix de chaque pas vers la vérité, c’est un petit bout d’humanité …



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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyVen 11 Juin 2010 - 2:00

Spoiler:


La plume n’écrivait plus dans ses pensées la description des mots non prononcés du démon. Car sa voix était belle et bien présente enfin et elle était de plus en plus belle. Une âme qui se libérait d’un bien étrange fardeau. Le monde nous fait porter de lourdes chimères. Les nerfs se crispèrent avant même ce contacte tout nouveau. Désireuse de poser sa main sur la sienne. Comme si le monde se renversait ce soir, comme si rien ne voulait continuer de rouler sur le même chemin, cette boucle qui n’en finie pas de tourner sur elle-même comme la roue d’une vieille charrette se baladant du marché aux champs d’à côté. Comme si, tout n’avait été que mensonges. Les rangs avaient été soigneusement formés, les yeux cachés par des œillères, des brides fermement serrées.

Oui mais elle ne fit rien, écoutant la sagesse de ce démon. Pourquoi fallait-il qu’un démon soit encore plus sage qu’un ange pris au hasard dans cette cité ? Des préjugés étaient forgés. Et plus encore, comme si toutes nos pensées avaient été formatées pour un seul chemin droit et ennuyeux. Prions mes enfants, il vous entend à merveille… une offrande apaisera ses colères. Est-ce donc ça un dieu ? Ce démon semblait dire vrai… les dieux n’existent plus si tenté qu’ils aient vraiment existé mais pourtant, ça Zeo y croyait. Oui, ils furent durant un temps, sur ces terres, prospérant à leur manière avant de goûter aux guerres.

Face à face, la frontière se resserre. Brûlez donc les prisons !

Était-il touché d’une malédiction pour se mettre à genoux face à un ange sans rien avoir perdu, sans aucun combat ? Zeo se forçait à croire qu’il n’attendait qu’une chose, la berner. Mais la petite voix intérieure lui chantait le contraire. Pourquoi ? L’humilité tout simplement. Le désir peut-être, de partager l’impossible, comme un rêve d’enfant qui trace une ligne rouge entre le noir et le blanc avant de l’estomper de son gros pousse encore tout tendre. Les choses avaient une note du merveilleux, de l’impossible…

A genoux, le démon, celui qui fait trembler les enfants de la cité comme les plus fières guerriers. A genoux, le démon d’une nouvelle nuit. Le temple de tous les secrets criait sans qu’on l’entende. Une toile noire sur un sol froid, un corps se refusant toute douceur à l’âme qui l’habite. Et l’ange, qui n’avait encore rien dit, rien répondu, pas un geste… seulement suivit ce qu’il attendait d’elle… cette ange là, se mis aussi à genoux. A son tour de baisser la tête, de donner un peu de sa personne. Un kimono un peu trop lourd, des manches un peu trop longues et des jambes un peu trop frileuses au contacte du sol. Elle avait toujours autant de mal à affronter le regard… peut-être tout simplement parce que malgré elle, le verbe « affronter » peinait encore à disparaître. Ses yeux n’étaient pas fermés, ils regardaient seulement le sol un peu plus que d’habitude
.

" - Je crois… je crois que nous y avons certainement tous droit mais que les choses sont encore trop formées de clichés. Voir un démon ici c’est… tout simplement inconcevable. " C’était devenu une manie depuis bien longtemps, sa main sous sa gorge tenait l’obsidienne. " Et… je pensais que les dieux répondraient un jours à mes appels. Certains font des demandes c’est vrai. Pourtant, je vous l’ai dis… je ne sais plus prier. La raison est bien simple. "

Zeo glissa sa main sur un genou du d’Iblîs et grattant le tissu ombré du bout des ongles.

" - Je ne veux plus croire en des divinités, elles nous ont que trop fait porter le fardeau de leurs guerres. Je ne veux plus non plus qu’on nous dicte des rituels insensés, des sacrifices stupides. "

Mais l’ange ferma les yeux, les deux mains sur ses genoux, la pomme vers le ciel. Ouverture des charcas. Prier est un mot qu’elle ne voulait plus utiliser. Mais converser intérieurement avec les étoiles, un astre au loin, dans le calme, pour se retrouver seul avec soi-même. Converser pour mieux se comprendre et enfin mieux comprendre le monde qui nous entoure. Elle resta un long moment dans ce silence. Avant de bouger ses lèvres pour prononcer finement quelques mots.




Entre ses lèvres, une faiblesse s’offrit au démon. D’un murmure presque inavouable.

« Sous mon masque de fer
Des larmes qui lacèrent
Mes anciennes blessures




Je me fissure
»

Évidemment qu’elle n’avait pas de masque, ni d’armures. Sa douceur était même paradoxale avec ces mots. Pourtant, elle tout autant qu’un guerrier quelconque, pouvait se montrer plus forte qu’une femme sans armes, plus habile qu’une jeune fille perdue dans les pas d’un autre. On a tous une armure, la coquille qui nous protège de l’extérieur. Et derrière cette si belle coquille façonnée selon la personne, s’y cache un grand nombre de douleurs. C’était finalement fabuleux et effrayant à la fois. Il… était… effrayant de par sa grandeur, sa beauté et cette subite simplicité. Et… ce vide, l’absence de toutes choses. Un véritable gouffre infernal. Comme s’il avait fait un pacte avec Dame Solitude. Le démon brisait les lignes tracées en rouge par les enfants, il marchait de part et d’autre des frontières établies par les guerres. Froid… et si doux dans ses gestes. Fort, et soigné. C’était un paradoxe sur terre parmi tant d’autres, et pourtant le seul qui valait la peine d’être écouté et contemplé.

Laissez-les dire… laissez-les dire que j’ai vécue dans un battement de cœur d’un démon, entre deux respirations d’une vie éternelle.


Oser ! Avancer, être pris pour fou, car telle semble être la destinée des anges trônes. Crier à tue-tête pour que la roue s’arrête. Respirer dans un bain de fraîcheur à côté de nos plus grandes peurs après les avoir comprise. Oui, oser… marcher dans l’ombre et se prosterner à son tour lorsque nos peurs nous offrent la possibilité de la rédemption. Au milieu de l’ombre, elle était la lumière. Pourquoi trouvait-elle du réconfort dans ses peurs alors ? Peut-être parce qu’un nouveau masque s’était enfin brisé. Un démon en face d’elle. Mais l’ange se redressa, debout, elle reprit son chemin habituel, déposant à son tour une main sur l’épaule d’Îblis, le pouce glissa sur une mèche lorsque l’ange fit le tour du démon avant de revenir en face de lui. La main avait frôlé la nuque et l’épaule voisine.


" - Mais je veux graver ce moment. Que m’importe les rumeurs sur mes actes. Elles glisseront sur la roche et s’effaceront avec le temps."


Chantez donc, d’une voix glaciale semblable à des roches griffant les murs d’une prison ! Chantez, criez enfin cette incompréhension du monde tel que l’envisage votre peuple. Oui… mais personne de sera là pour tendre une oreille vers les murs infranchissable de votre forteresse. Mais criez donc, griffez les murs de vos ongles cassés, brisez vos chaînes, changez vos couleurs, mélangez les poudre de guerre, peignez votre visage de l’emblème ennemi ! Écoutez la lune sangloter là haut, constatez le mutisme des arbres déçus.

Alors… peut-être que vos yeux ne voudront plus voir ce que le monde devient sous vos pieds…

L'ange l'évitait, tout en attendant. Des doutes, toujours des doutes. Elle se faisait languir mais elle aimais ça. Le temps, il l'avait largement devant lui, le prendrait-il pour elle ? Jusqu'où pourrait aller un démon qui ne pouvait connaître le contacte sans que tout s'effondre sous ses doigts d'une somptueuse vague noire ? Et quelles en serraient les conséquences d'un toucher discret ?


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Iblîs Nemrodus
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyMer 28 Juil 2010 - 20:25

L’être d’ébène et la femme d’argent ne prièrent peut-être pas longtemps. Deux, trois minutes à peine s’étaient écoulée avant qu’ils bougent à nouveau. Il n’était pas nécessaire de faire plus – à quoi bon ressasser sans fin de vaines redites, accumuler les formules et les rituels de prière…

Pourtant, lorsqu’ils relevèrent enfin la tête, l’étrange oracle flottant sembla, une ultime fois, essayer de les prévenir. Les lignes lumineuses ondulèrent désespérément, clamant leur message d’alarme que ni l’un ni l’autre ne pouvait comprendre. Puis, comme lassée, la pierre chatoyante baissa, et les poussières d’étoiles cessèrent de voler dans la pièce. Iblîs, qui le premier avait achevé sa communion silencieuse, avait tourné la tête vers sa compagne – sans détour pour la première fois. Inexpressifs, les deux lacs de mercure sous le capuchon examinaient Zeo. La jugeait-il ? Souvent il semblait chercher à cerner les eêres. Tous ceux qui approchaient de près ou de loin l’Homme Noir étaient tôt ou tard face à ce regard vide, dévorant, vous dévisageant comme deux gouffres buvant le moindre geste.

Pas pour Zeo.

Car avec cet ange, il n’y avait pas de jeu de pouvoir, pas de jeux de mensonges. C’était … reposant, d’une certaine manière. Non que ce mode de vie le tente – ceux qui pensaient que la douceur d’une femme peut ramener les âmes les plus noires, auraient vite déchanté. Mais de temps à autres, il était agréable de laisser la machine infernale de ses pensées s’arrêter. Il n’éprouvait pas le besoin de chercher ce qui se cachait derrière les yeux pâles de la jeune ange, derrière ses mots, derrière les fissures de son âme.

Car après tout, leur pacte tacite permettait d’obtenir simplement ces réponses en les demandant. Peut-être était-ce ce qui les rapprochait plus que tout autre chose l’aurait pu, cette absence de mensonge, ce pacte de silence ?

Leurs chemins avaient différée longtemps. Quelques mois auparavant, la rencontre entre un Démon et une Gardienne ne pouvait se finir qu’en affrontement sanglant. Mais les choses, lentement, s’étaient mises en mouvement. L’avenir même n’était soudain que brumes et limbes, comme si le futur n’était soudain plus ni clair ni sombre, toutes les possibilités fondues en un clair-obscur vague. Et cette pénombre leur permettait, pour un moment, de bénéficier d’un temps d’arrêt. Où il était possible pour les deux de marcher côte à côte, pendant un bref moment, proches à se frôler, sur la même route dans le brouillard. Comme en le moment précis de la journée où il ne fait ni jour, ni nuit. Avant que s’étende la nuit ou que se lève le soleil, un court instant où le monde se fond entre le noir et le jour. A ce moment, il existe une minute où tout devient possible. Absolument tout.

Vous ne me croyez pas ? Alors laisse-moi te poser quelques questions, jeune lecteur, jeune lectrice. Et tu verras qu’à certaines heures de la journée, tout n’est plus si simple. Et que même les choses évidentes ont une fâcheuse tendance à vous donner mal à la tête.

Si les carrosses ne sont plus tout à fait carrosses, mais pas encore citrouilles... alors à l’intérieur, la jeune fille est-elle souillon ? Ou princesse ?

Nous lançons les dés sur le toit (pourquoi pas ?), mais tu n’y vois pas au bas de ton bras ! Et voilà, tu ne sais pas ce que voilà, entre le six et le trois, et le vainqueur selon la loi, est-ce toi ? ou est-ce moi ?

Et dis, quand par ici tous les chats sont gris, sont-ils gris de suie ou gris de nuit ? Gris de souris ou souris grises ? A mesure qu’on vit, on en rit, mais que le chat rie ou qu’il sourie, la souris crie quand il la suit : pourtant sous le riz, c’est la souris qui rit, et le riz, lui, n’est pas gris. Ou bien ?

Et puis là-bas, ce qui te regarde au pied du mur ? Quatre pattes – et des crocs – des poils sur le cou. Ca ne fait pas un chien. Ca ne fait pas un loup. Alors question, tu vas le caresser ou tu cours te sauver ?

Pas simple, n’est ce pas. Même très compliqué. Parfois, il vaut mieux ne pas décider. Au fond, ce qui rend unique le moment du crépuscule, c’est peut-être justement qu’il permet de ne pas choisir ? De ne pas décider entre ce qui est, et ce qui n’est pas ? Fais comme Iblîs. Il regarde et écoute. Peu de temps demeure avant que cette ambiguïté ne soit brisée, avant que le temps reprenne sa course et les précipite à nouveau dans son courant. Il n’est pas temps de retourner toutes les pierres pour savoir si elles sont grises, blanches ou noires : profite que le chemin n’aie pas de couleur pour avancer loin avant que vienne l’heure … et si tu te demandes de laquelle je parle, c’est que tu n’as rien compris à ce qu’il y a de joli quand tous les chats sont gris. D’ailleurs, ça …



« …suffit. »

Ah tiens, Iblîs a terminé ma phrase à ma place. Que racontait-il ? J’étais tellement occupé à t’expliquer en détail ce qu’ils n’ont même pas cherché à comprendre… qu’a-t-il dit ? Une chance pour qu’il me soit possible de reprendre l’histoire. Qu’a dit le Noir ?

« Ces rumeurs seront connues des pierres de ce Temple et de ceux qui ont été ici ce soir, et cela suffit. »

Ils eurent encore un instant de paix. Un instant où ils purent exister côte à côte, inconscient qu’il ne demeurait plus que quelques moments… un moment où ils purent se frôler. Un moment que même la malédiction d’Iblîs, cette gangrène noire qui rongeait tout au toucher, ne fut pas autorisée à détruire. Quand la peau de Zeo effleura la sienne, les traces noires remontèrent paisiblement le long du bras de l’ange, laissant la peau lisse et intacte. Comme une amibe douée de volonté, elles glissèrent sur ses épaules entourèrent sa nuque, descendirent, effleurèrent la gorge, les seins, le ventre, puis remontèrent et vinrent doucement se lover dans le pendentif d’obsidienne posé sur sa poitrine. Iblîs s’était levé, contournant la jeune femme pour continuer à soutenir son regard. Peut-être aurait-il dit quelque chose d’autre, à cet instant précis.

Mais soudain, le crépuscule s’interrompit.
Et la nuit vint.

Comme soufflée par un vent invisible, la lumière des sphères s’éteignit. Avec une ultime plainte presque audible, les pierres lumineuses contractèrent leur fissures et flottèrent, aussi hostiles et douloureuse que le granit. Dans le silence qui envahit même le Temple, il y eut un long frémissement. Quelque chose de sombre et d’horrible passa, une griffe froide qui prenait aux entrailles. L’un de ces moments où le cœur perçoit, obscurément, qu’une partie du monde est en train de basculer. Iblîs se figea. Une rumeur parvenait soudain de la porte d’entrée, comme un chuchotement produit par plusieurs voix, murmurantes, comme celles qu’on entend en rêve. Une expression étrange parut sur ses traits. Ecartant brutalement la jeune Ange, il se dirigea droit vers la porte. En quelques secondes, il parvint au seuil, appuya ses deux mains levées contre la surface de bois et ouvrit violemment les battants.

Le spectacle qui apparut à l’extérieur du temple tenait du cauchemar. Autour du petit bâtiment de surface, incapable de s’approcher de sa surface, tournoyait une nuée de créatures fantômatiques. Noires comme l’encre, elles volaient en tous sens, laissant derrière elles une traînée vaporeuse. Les Ombrals, les fantômes noirs qui entouraient Iblîs lors de Nuits de la Marche. Malgré le croissant de lune qui les chassait habituellement, ils étaient nombreux, très nombreux – et comme frappés de folie. Les murmures de ces malheureux lambeaux d’âme étaient plus forts et plus impérieux que d’habitude. Fragments de langages incompréhensibles, sifflements, chuchotements affolés et menaçants, étouffés se croisaient en une cacophonie étouffée. Iblîs baissa lentement les bras, tournant toujours le dos à Zeo.

« Les Ombrals ne s’éveillent jamais par une nuit comme celle-ci... » murmura-t-il, et sa voix soyeuse sembla soudain froide comme le crissement d’un serpent. « La Nuit n’est plus déserte… quelque chose s’agite, là-bas. Les miens se lèvent. Je peux sentir leur hâte et leur haine. Leur faim. »

Iblîs fit trois pas en avant. Les Ombrals plongèrent et entourèrent leur maître de leur infernal carrousel. Le concert de murmures incompréhensibles devint frénétique. Un geste menaçant d’Iblîs les écarta pour quelques instants, qu’il mit à profit pour se retourner vers la jeune ange, forme d’argent pâli sur le seuil. Il hésita une seconde, son regard allant et venant entre elle et la Plaine du Cairn plongée dans l’obscurité. Finalement, il se décida. Avant de plonger dans la masse des spectres, les lèvres pâles intimèrent la seule chose qu’il était possible de recommander.

« Courez. Rentrez à la Cité et cachez-vous. Vite ! »

Il disparut dans la nuée où les fantômes se mêlaient à sa robe, et la nuée ténébreuse ne mit que quelques secondes à disparaître dans la pénombre de la plaine. Mais avant de se retourner, l’index blanc du sorcier avait brillé un instant, tendu droit vers la pâle lueur à l’ouest, celle des lampes et des torches rassurantes d’Elament. Alors que déjà, Iblîs et son sabbat menaient un train d’enfer à travers la nuit, il espéra une seconde que Zeo comprendrait l’urgence de ce dernier ordre.

Lui-même ne pouvait comprendre les paroles insensées des spectres. Mais de leur présence, il en savait une chose : sous l’impulsion du Roi Rouge, l’étoile incandescente qui brûlait au cœur des Enfers, les Démons bougeaient à nouveau. Ce qui se passait exactement, lui-même, malgré ses intrigues et ses toiles, ne saurait le dire. C’est pour cette raison, parce qu’il n’avait rien vu venir, qu’il se hâtait à travers les Ténèbres, vers une destination opposée à Elament, là où les Ombrals l’emportaient.

Et en disparaissant, il n’était sur que d’une chose et d’une seule : cette nuit, la Folie était lâchée.

Quelque part sur les Frontières.
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MessageSur les Frontières [PV: Di] EmptyVen 30 Juil 2010 - 0:40

Il y avait cet instant de douceur. Il y avait ces jeux entre deux différences. Ils étaient bien tandis que l’ironie de l’histoire se voulant presque moqueuse à tous ces appels laissés pour morts. Il y avait… mais y aura-t-il encore demain ? Lorsque les tambours de guerre sonneront leur victoire prochaine. Les oreilles se volèrent sourdes cette nuit-là.

Il avait raison. Rien ne s’efface à jamais, car tout peut écouter. Ici, les témoins resteront silencieux. C’était agréable et rassurant.

Pourquoi l’appréciait-elle ? Elle venait, montée sur une audace démesurée, s’emparer de quelques instants à ses côtés. Est-ce toujours le désir de l’inconnu ? Le plaisir de confier ses silences à un Puissant démon, celui qui fût Roi avant d’être devant elle ? Elle avait l’impression de renaître près des sons graves qui émanaient d’Iblîs. L’ange le comparait parfois à une sombre comptine. Ses gestes valsaient pendant qu’il chantonnait sur le fin fil des mots silencieux. Près de lui, elle respirait mieux, peut-être s’y sentait-elle tout simplement en sûreté ? Elle avait certainement bien tore. Mais la douce sensation des ténèbres sur sa peau… peut-être encore trop naïve pour comprendre qu’elle se faisait charmer part un don similaire à celui des vampires. Les sentiments étaient-t-ils donc vraiment les siens ? Elle préféra penser que oui. Non, on ne pouvait pas se jouer d’elle… de toute manière, ça lui plaisait. Il avait le goût de la liberté, car même dans la Cité, l’ange se santé prise dans une roue infernale qui ne cessait jamais de tourner, toujours dans le même sens. La liberté ne se trouvait pas dans l’absence de règles… seulement dans cet espace privé qu’elle pouvait utiliser pour passer du temps avec l’ennemi du peuple. Etait-elle une traîtresse ? Non… Un caprice peut-être très enfantin, mais avait-elle vraiment déjà vécu une simple enfance ?

Une main se posa sur sa gorge en vue des ténèbres gourmandes… intriguée et surprise par la force du pendentif lorsqu’il attira tout en lui. Aurait-il plus de force ? Devait-il finalement se nourrir pour briller de plus belle ? Peut-être que, le plus simplement du monde, il atténué les effets des ténèbres ce qui n’était pas pour déplaire Zeo qui ne pu s’empêcher de se poser la question… sans le pendentif, que serait-elle donc devenue ? Encore une source de curiosité. Elle se rapprocha de lui, admirant sa grandeur et sa simplicité. Le cœur battant au ralentit. Mademoiselle se voulait parfois trop curieuse, elle voulu lever la main, voir sous la capuche, éclairer un peu plus les yeux d’ébène. Mais comme si l’histoire elle-même était en désaccord avec eux, elle fit intervenir les Ombrals. Les histoires nous semblent souvent plus palpitantes lorsqu’on coupe une scène nette… comme pour la mettre en suspend. Le démon partit… à jamais ? Ca ressemblait à une musique cauchemardesque. Il y en avait partout. Et d’après Iblîs… c’était anormal. Comme pour pointer du dois le danger, des choses qui se mettaient en marche. Mais quoi ? C’était important… aurait-elle donc était aveugle ?

En réalité… Zeo ne comprenait pas vraiment. Mais l’urgence était au rendez-vous. Lorsqu’un Démon demande à un Ange de se réfugier dans le lieu que tout démon convoite, c’est qu’il y a là, une véritable promesse de respect et peut-être le désir de ne pas perdre l’ange. Les yeux écarquillés par cette peur qui monta en flèche entre ses côtes, Zeo siffla cria le nom de Rÿo avant de s’enfuir loin d’ici. Elle sera repartie comme elle était venue. En courant. Le temple s’éloigna d’elle et de son ami de compagnie, on pouvait maintenant le voir en plongée, l’ange venait de prendre son envole, cherchant du regard, le grand Maître des ténèbres… mais la nuit, même sous la lune, les ténèbres se cachent si bien qu’elle ne put voir une dernière fois Iblîs et la nuée d’ombrals.

Enfin dans la cité… inquiète et essoufflée. Bientôt, elle comprendra l’ampleur du danger lorsqu’elle verra le sang couler sous les pieds des citoyens d’Elament. Peut-être est-ce donc là, un adieu ? Ou le début d’une toute autre histoire…

Sur les frontières mots, on peut être plusieurs à chantonner une même comptine.


Encore une douce journée... peut-être plus, avant l'horreur du lendemain.



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