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 Nuit, mère des ténèbres

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Lysias
Lysias
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 18 Mar 2010 - 18:38

A la suite de + Vices & Vertus +

-TENEBRES SUR LA CITE-

[PV]

[J-1]
Tombe la pluie, tombe les gouttes dans cette rivière qui demain sera rouge.
Pleure la pluie dans cette forêt aux milles mystères, qui dans quelques heures, connaîtra un chaos sans nom.
Et s’écrasent inlassablement, les gouttes sur le corps d’un nymphe échoué sur la berge.



Prémisses d’avant-guerre

L’humidité lourde et pesante s’abat sur le paysage lorsque Lysias ouvre les yeux. Il se réveille trempé, poisseux, avec l’impression de s’être vidé de ses larmes pendant des heures sans relâche. Est-ce son corps imbibé d’eau et de son propre sang, ou est ce son regard embué qui pique les yeux, qui est le plus flagrant à la première vue de sa fine silhouette. Aussi lourd que s’annonce atmosphère, le nymphe se redresse, péniblement, et se force à s’assoir, contre un tronc d’arbre brisé par la foudre. Il empeste les ténèbres, c’est sa première pensée. Sa deuxième est qu’il doit rentrer à Elament, terre de refuge, seul endroit qu’il lui reste encore où aller, ne serait-se que pour s’y sentir à l’abri. A l’abri, derrière les rumeurs, derrières les « on dit que », derrière cette ambiance pesante qui y règne.

Péniblement, Lysias se relève, douleur au corps, douleurs aux écailles abimées, à la peau griffée, morsurée, et arrachée sur une parcelle. Il ne veut se souvenir du visage sombre qu’il a vu hier, un visage plus sombre que sombre, malgré la semi obscurité d’une nuit de demi-lune. Alors il se lève, et marche, titubant à ses premiers pas, s’agrippant à la végétation qui lui tend son aide à son passage. Ses vêtements sont déchirés en haillon, et sur son torse git le passage de l’orbe noir. L’orbe noir de Thanis. Thanis qui aurait du le tuer, mais qui ne l’a pas fait. Thanis qui n’a pas hésité à se jeter sur lui aux premiers abords. Seconde plaie de Lysias depuis la perte de ses deux amies d’enfance. Troisième et dernière plaie en réalisant à mesure de ses pas, que Sélectys est morte aux côtés d’une Thanis agonisante, enfermée dans les enfers.

    « La nuit où Selectys est morte... j’ai assisté à la dépouille de son corps dans les ténèbres. Ensuite, j’ai été enfermée avec son cadavre dans une prison où pullulaient d’autres cadavres morts, et d’autres encore agonisant. Et tu sais quoi Lys ? Ils ont été ma nourriture pendant quelques temps… parce que je n’avais rien d’autre pour vivre et que je voulais vivre. Mais tu ne sais rien de tout ce que j’ai vécu Lys. Et si tu savais comme je vous ai tous haïs. Haïs de ne jamais être venu me sauver… »


Le pire est sûrement de réaliser qu’une personne tenue pour disparue puis morte, réapparait au bout de plus de deux ans. Souvenir enterrés qui refait surface en l’espace de quelques heures, pour infliger, de nouvelles plaies, plus fraîche, plus douloureuse, et plus… délectable.



Soir J
Demi lune Décroissante

[H-3]
Lysias est rentré.
Il est rentré « à la maison », après que la rive l’ait fait dériver près de la plaine où repose l’âme d’une héritière d’Elament. Il a été incapable de répondre aux questions et il a été amené au soin, escorté par des habitants dont il ne se souvient plus.

    -…Thanis ! Thanis !

    Déformée par le temps, déformée par les ténèbres, déformée par la haine.
    L’elfe qui s’apprêtait à lui arracher un morceau du coup, le griffe en se redressant soudain, comme appelée par une voix lointaine. Elle fait un bond en arrière et observe Lysias en train de se relever.

    [Lysias]-Bon… bon sang… Thanis… qu’est ce…
    [Thanis]-Lys… ?
    [Lysias]-Bordel, mais regarde ce que tu m’as fais ! S’exclame-t-il essuyant la plaie saignante de son cou. -T’es devenue une sacrée brute toi !
    [Thanis]-Tu ne crois pas si bien dire… Qu’est-ce que tu fiches ici, toi ?

    Thanis.
    Thanis, du trio d’enfance, Thanis dont la voix est aussi déformée en un grognement sourd et méconnaissable. Mais Lysias l’aurait reconnue entre tous. Il aurait aussi aimé qu’elle ne change pas.

    [Thanis]- …Quoiqu’il en soit tu tombes bien, je suis en chasse.
    [Lysias]-Tu… chasses ? Quoi, moi ? Attends ! Laisse moi au moins te dire pour Selectys…


[H-2]
Dans ses rêves, dans son cauchemar Thanis prend l’apparence d’une créature plus frêle, plus petite, plus gamine. C’est Sappho. Et quand Lysias se réveille en sueur, la fenêtre est grande ouverte, donnant vue sur le plein ciel dégagé de nuage, en cette nuit calme. A son chevet, il n’y a personne, mais on a pris soin de lui appliquer des bandages autour des blessures, si bien qu’il pourrait égaler une momie. Ça pique, ça gratte, et Lysias a soif. Il fait chaud, il fait froid en même temps, tout et rien est à sa place, tout dérange mentalement le nymphe, qui pourtant, ne fait pas l’effort de se relever de nouveau. Il tend les doigts vers les étoiles, faible qu’il est, faible comme il ne l’a jamais réalisé. Est-ce une honte ? Lysias n’aime pas être faible, parce que les faibles sont toujours écrasés. Mais il n’aime pas pour autant être fort, parce que ça se fait toujours au détriment d’un autre. Le nymphe est peut être sournois à ses heures, mais il ne cherche pas à y installer une hiérarchie. L’étoile qu’il voit entre ses doigts scintille, mais ne s’éteint pas. Au loin, des portes claquent, mais il n’y a pas de courant d’air. L’adolescent se dit qu’il doit rêver éveillé. Il rêve des cris, des voix, des bribes toujours plus lointaines… et pendant ce temps, lui demeure allongé, passif. L’infirmière qui s’occupait du nymphe est partie depuis un moment, mais Lysias ne verra pas son visage, car jamais elle ne reviendra.

[H-0]
Elle ne le pourra pas.
Une odeur de brulée force Lysias à s’extirper de son lit. Les hurlements paniqués sont plus distincts, et le ciel n’est plus que fumée dense, fumée du malheur, fumée de la noirceur. L’adolescent soupire, s’habille machinalement, et sort. Sur le seuil de la porte ses yeux voient, mais ses pensées ne captent pas la scène d’un carnage démesuré. Des ombres, des hurlements, des rires grossiers, des grognements. Du feu, la destruction, et la souffrance : ce soir, Elament dort sous la couverture des ténèbres. Le nymphe a une pensée pour Rubis, directrice de la maison. A-t-elle péri, est elle morte ? Et Tyrol… et tous les autres. S’y attendaient-ils ?
Le nymphe aurait aimé évité cette horreur.

Il aurait dû en parler. Il a essayé. D’aller à son bureau, de croiser son chemin. Mais à chaque fois, on la prétendait absente. La meneuse de la ville a probablement autre chose à faire que d’écouter les sornettes d’un adolescent. Et ce même adolescent a la promesse de garder secret ce qu’il sait… mais face à temps de violence, cet assaut est d’une injustice sans égale. Les habitants n’auront pas eu le temps de se préparer, les élèves fuient comme ils peuvent et les plus grands guerriers n’auront même pas le temps de riposter pour défendre les murs. Face à tant de cruauté, Lysias ne mérite pas de vivre.

Un hoquet de stupeur retentit alors que Lysias parcourt les ruelles enflammées. Un première année, fraichement arrivé, que le nymphe a aperçu pas plus tôt que deux jours auparavant. L’ange vient à sa rencontre quand une ombre arrive vers eux. L’air se met à chuinter lorsque le corps de l’ailé s’écroule, inerte et mort avant même d’avoir heuré le sol. Le démon tourne ensuite ses pupilles dilatées vers Lysias, un sourire exquis aux lèvres.
Le nymphe n’a pas l’intention de fuir, dans une poursuite vaine. Son regard part du cadavre de l’enfant vers son assassin, qui s’approche tranquillement, comme s’il avait capté les intentions de sa future victime. Et alors qu’il lève le bras pour l’attraper par le col, son geste s’arrête net du corps du nymphe, comme s’il s’était brûlé à du feu. L’air de Lysias s’effiloche dans l’espace dans un son sinistre et lugubre, et pendant un quart de seconde, le démon semble tendre l’oreille à un lointain appel avant que sa tête ne roule au sol, le sang giclant sur sa victime, qui se retrouve projeté elle-même au sol.

-Fais taire ton élément, crétin ! siffle une voix rauque. –Fais le taire de suite !

Lysias se redresse péniblement, fixant Thanis, longuement. Cette dernière l’agrippe sauvagement et tous deux se trouvent dans un coin de ruelle étroite.

-Depuis tout ce temps tu n’es toujours pas capable de maîtriser les hurlements de ton air ! Fais le taire, jte dis ! Regarde ce que ça me fait, regarde ! C’est vraiment désagréable!

L’elfe relève les cheveux qui lui collent au visage.
L’elfe démoniaque pleure du sang, et Lysias l’observe, les lèvres serrées, relevant un pan de son col.

-Toi non plus tu n’as pas hésité à me balancer n’importe quoi dessus, rétorque-t-il d’un ton agacé. -Traîtresse du peuple Aquatique...

Lysias est-il en droit de traiter quelqu’un d’autre de traitre ?
Pourtant, aux yeux de cet adolescent blessé dans son amitié, elle lui a été traîtresse. Thanis n’est plus. Un craquement retentit au moment où l’elfe pousse brutalement l’élémentien contre le mur. Elle se tient contre lui, de ses larmes rouges, de son souffle maudit, avant de le relâcher, inquiète de la nouvelle présence dans les parages, et disparaît à son tour.

-Personne d’autre que moi, n’a le droit de te tuer. Je te tuerai, Lys.

L’aéra sent son élément se dissiper, et titubant contre le mur, il veut retrouver le corps de son cadet…
C’est une offensive tellement injuste.
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Sappho
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 18 Mar 2010 - 21:35

Et la route souterraine était longue.
On marchait, on piaillait.
On riait, on buvait.
On ne savait pas trop où on était, juste qu'on nous préviendrait à l'approche de la Cité haïe. Pas de halte, on avançait, sans ordre apparent, sans bataillon bien carré, mais on avançait. Tous, parce qu'on attendait ce jour avec impatiente depuis quatre années. Depuis la défaite. Mais cette nuit, ce serait la victoire. Certaine. On était bien des centaines de milliers. De la chair à canons pour certains, des pièces clés pour d'autres. Mais que l'on soit le pion de base ou le Chevalier aux côtés du Roi, qu'importe au final, on sera tous en première ligne, on aura tous autant de chance crever, autant de chance de vivre.

Sappho était devant. Parmi les premiers des premières lignes. Elle n'y était pas obligée. Mais elle se devait de passer avant le massacre total. Pour au moins, tenter de le voir. Si elle le pouvait. Elle refusait de le laisser se faire tuer. S'il était toujours dans la Cité, elle le sauverait. Même si ça n'avait aucun sens, même si elle devait abattre un démon. Elle le retrouverait.

Voilà des heures que l'on marchait, mais personne ne se plaignait. Soudain, un murmure se répandit, qui enfla, enfla, puis plus un son. De l'avant, on disait : "On approche ! Fermez vos becs pour les prendre dans leurs rêves !" Et tous étaient maintenant à l'affût de l'endroit. Le lieu où les vulcains feraient s'ouvrir le sol. On souriait de toutes ses dents, on affutait ses griffes, ses épées, ses poignards, ses lances, ses haches ou ses flèches. Nos yeux brillaient d'excitation. Les miens aussi. J'attendais ce carnage comme le plus beau cadeau de ma courte vie. Et pourtant, je sentait autour de ma faux, mes doigts trembler. Je sentais des larmes qui me montaient aux yeux. D'autres pleuraient. Mais moi, c'était diffèrent. J'étais à la fois aussi folle que les autres... et triste. Simplement. J'avais peur. Peur de retrouver un cadavre, ou une tête. Je ne sais pas ce que je ferais s'il n'était plus là.

Et on y était. Des bouts de tissus rouges marquaient la place. Des démons s'avancèrent, grimpèrent sur un remblai qui montait jusqu'au plafond, et firent signe aux autres de s'approcher. Sappho monta, et elle était maintenant si proche. Si proche. Dans quelques secondes, la guerre sera chez eux. Dans quelques secondes, on les chassera. On les exterminera, les asservira. Mais les larmes coulent encore, et ce ne sont pas des larmes de joie. Elle les ravale, ces larmes. Elle les retient. Car voilà que le décompte final est lancé. Micro seconde avant l'explosion. Son cœur bat si fort qu'elle croit qu'il va exploser. Elle prépare sa faux. Son armure qui ne couvre que sa poitrine et son bassin, sous forme de jupe en plaques amovibles métalliques. Ses bottines légères aux pieds, sa faux à la main. Elle se prépare à bondir dans la fumée épaisse des vulcains. Tout va si vite.

Le sol s'ouvre, et une marée de démon déferle dans les rues. On abat les promeneurs de la nuit, on brûle les habitations les plus proches, puis on entre dans d'autres et on tue ceux qui résistent ou qui s'enfuient, les autres, on les entasse en les empêchant de s'enfuir. Quelques élémentalistes réalisent vite la situation, et protègent des groupes qui veulent s'enfuir. Le Roi et son escorte vont vers l'école. Sappho doit rester dans la ville pour faire son carnage. Et elle le fait bien. Elle tranche de son arme ceux qui courent, affolés. Ou alors, elle leur cause des blessures superficielles mais douloureuses pour les clouer au sol. Elle utilise aussi ses ténèbres sur d'autres. Des incubes la suivent, et font une pile d'agonisant. Parmi les incubes, il devrait y avoir Lefran, mais elle l'a tué pour le protéger. Lui, elle le cherche. Ses yeux fouillent la foule apeurée et folle. Elle cherche parmi ceux qui s'enfuient, parmi ceux qui tombent. Mais elle ne trouve pas.

Le feu illumine les ruelles. Et la victoire est pratiquement acquise. Déjà, certains démons commettent orgies et autres horreurs, alors que certains continuent de chasser de l'élémentaliste. Comme elle. Elle poursuit les fuyards, et cherche le nymphe, dans les ruelles, dans les coupes-gorges. Elle perd espoir, la jeune démone. Elle le croit parti, ou mort, ou capturé. Et pourtant. Elle le sent. Ce vent. Cette air. Elle l'entend. Elle ne l'a jamais entendu, mais elle le reconnait. Cette odeur, cette sensation. Elle sait qu'il n'est pas loin. Alors elle suit son instinct ou son flair, elle ne sait plus. Et elle débouche dans une rue, à ses pieds un cadavre d'ange. Déjà morte. Dommage. Il y d'autres morts autour. Les démons du coin ont été particulièrement sauvages. Elle lève la tête, et regarde en face. De l'autre côté de la rue.

Et elle le voit.
Lui, titubant, blessé, faible.

Elle, ensanglantée, faux rouge en main.

Elle traverse la rue, droit vers lui, et garde un regard implacable, comme si elle ne l'avait pas vu. Comme s'il était comme les autres. Il reste des démons qui courent de-ci de-là. Il sort d'une ruelle, et elle se jette presque sur lui, comme si elle l'attaquait. Elle le plaque au sol, violemment, sa main libre sur son cou, assise sur son ventre. Ses yeux sont froids et incisifs. Sans pitié. Son visage est maculé de tâche de sang, ses ongles sont allongés et pointus. Elle regarde autour d'elle, mais les démons ne leur prêtent pas attention. Alors elle soupire. De quoi ? Elle ne sait pas. L'acier de ses yeux se liquéfie. Ses ongles retrouvent leur taille normal, mais elle garde son arme en état. Elle était toujours à Elament, en guerre. Elle hésite sur ce qu'elle doit faire. Que dire. Que faire. Elle ne veut pas rire, car lui, n'avait pas franchement l'air très "amusé" par la situation. Pourtant, elle pourrait. Elle pourrait dire "trouvé", comme elle l'aurait fait il y a quelques mois. Mais non, là, elle se penche à son oreille, et murmure :


" Ne dit rien, ne fait rien, Lyly... Si tu veux vivre encore, alors aie confiance en moi. Si tu le peux.... fais ce que je te dis. "

Elle glissa son visage en face du sien, et déposa un baiser sur ses lèvres. Pourquoi ? Elle ne savait pas. Elle se releva, et ses yeux se durcirent, et ses ongles s'allongèrent. La pointe de sa faux était braquée sur la gorge de l'aera à ses pieds. Elle appuya l'arme sur sa peau. Son sourire était intensément sadique et cruel. Comment pourrait-il voir qu'elle était toujours la même ? Elle ne pouvait en être certaine. Elle avait repéré un groupe de blessé, qui servirait d'esclaves plus tard. Mais que pouvait-elle faire ? Elle voulait le sauver. Quelle était la meilleure chose à faire ? L'aider à s'enfuir pour qu'il se fasse tirer comme un lapin ? Ou bien le garder comme un esclave ici ? Pour le moment, elle ne pouvait vraiment rien faire d'autre. Elle parla d'une voix qu'il n'avait jamais entendu, agressive, hautaine, fière.

" Lève-toi pitoyable insecte ! Tu as de la chance, tu vas avoir l'incroyable honneur de nous servir, nous, les maîtres d'Elament ! Ahah, Vous autres serez parfaits, des objets jetables en quantité... Mais tu vas te lever, oui ?! "

Oui bien sûr, sauf qu'elle avait posé son pied sur son ventre. Et qu'elle appuyait, un peu. Moins que d'habitude. En même temps qu'elle s'énervait un peu à la fin, elle lui jeta un coup de pied entre les côtes. Le moins violent possible sans que ça ait l'air faux. Elle s'esclaffait de sa souffrance, elle souriait de son mal. Mais elle n'y prenait aucun plaisir. La seule et unique joie qui l'animait, c'était celle de l'avoir retrouvé. Elle essayait de ne pas penser à ce que lui, il pensait, ni au regard qu'il avait pu lui lancer. Elle faisait abstraction et ne pensait qu'à le sauver, qu'à sa survie. Elle attendait qu'il se lève, pour l'emmener, faux dans le dos, jusqu'aux autres, les blessés ou les demi-morts, ceux qui seront nos larbins.

A côté d'eux, des démons passaient et vérifiaient si les corps par terre étaient ceux de morts ou bien ceux de vivants. Ils s'arrêtèrent devant l'ange recouverte de sang : penchés sur elle, ils la soulevèrent, et elle cracha un liquide rouge. Apparemment, elle était encore en vie. Pour combien de temps ? Quelques secondes ? Quelques jours d'agonies ?


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Lysias
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 19 Mar 2010 - 12:33


Storm

-DESCENTE AUX ENFERS-

« Aligne tes pas, avance et vis, Nymphe libre… »
La voix du sage du village Argenté résonne quelque part, peut être dans la tête, peut être dans son imagination, alors que Lysias se sent encore violemment rejeté en arrière. Le souffle coupé, il n’aimerait rouvrir les yeux, qu’à son réveil, pour réaliser que cet enfer n’avait de valeur, que dans ses cauchemars. Son regard aveuglé par la fumée s’est imprégné pour une fraction de seconde de l’arme, et cette arme est une faux rouge qui tranche l’air, encore et encore, derrière ses yeux clos. Imagination. Réalité. Cauchemar. Réalité.
L’Aera fait finalement face au regard froid et pénétrant du démon prostré sur lui, de la démone qui retrouve un regard familier, des ongles qui se rétractent, et à mesure de ces changements, le nymphe reconnaît péniblement ce visage. Elle, dans les premiers rangs de la ligne ennemi. Lui, dans le camp adverse… c’est pénible, pénible d’y penser, pénible d’y faire face. Son corps lui est douloureux, mais c’est une douleur qui n’égale pas le poids de ses pensées. Pourtant, ce n’est que le début d’une nouvelle ère, d’une nouvelle histoire qui vient à peine de commencer. Et sa main s’agrippe à celle, de la succube posée sur son cou, un moment, avant de retomber mollement sur le côté. Lysias n’a pas envie.

S’il veut vivre, il doit lui faire confiance. Il doit faire ce qu’elle lui dit.
S’il veut vivre.

-C’est du chantage… croisse-t-il à mi voix, d’un regard qui se veut dur et réprobateur. –La confiance contre la vie, c’est…

Sur ses lèvres sèches, passent furtivement d’autres lèvres, et il se tait, parce que probablement, il n’y a plus rien à dire. Puis il détourne le visage, parce qu’il ne veut pas voir la minimini se transformer en succube, il ne veut pas comprendre tout ce qui se passe, autour de lui, en lui, dans ses maux les plus ancrés, dans son passé et dans tout ce qui se déroule en ce moment. Il aimerait se rouler en boule sur le côté et s’endormir pour oublier, mais une arme se pointe sur sa gorge. Lysias n’a pas peur, et n’a encore jamais eu peur de mourir, peut être à part la fois, où Lui était sur le point de se jeter sur lui. Lysias n’a pas peur de mourir mais n’a pas envie de mourir pour autant. Il fait sourde oreille à la voix hautaine de la démone et lui rend un regard noir. Il resta immobile, sourd aux ordres de la succube : Lysias n’a pas d’ordre à recevoir, ni d’un démon, ni d’un élémentien. C’est en cela qu’il est un nymphe libre, libre de ses actes, libre de ses pensées. Mais c’est une liberté qui vient de se rétracter, en l’espace de quelques minutes. Le coup pied dans ses côtés lui arracha une grimace, et lorsqu’il fut bien obligé de se relever pour une énième fois, il sentit l’arme de la démone derrière son dos. « Fais moi confiance si tu veux vivre… »
Le nymphe ne veut pas vivre aux dépends d’un autre.

-Haha, regardez-moi ce petit bout ! On la jette aux esclaves où on l’achève ?
-Non !

Lysias, titubant, leur arrache le corps de l’ange tâché écarlate, et recule, la resserrant contre lui. Et il se tourne vers Sappho, d’un air hargneux.
Lysias, que fais-tu.

-Je serai un objet jetable si tu veux ! Et prends Elament si ça te fait plaisir, mais elle, elle reste avec moi !

Le corps du séraphin n’en n’a plus pour longtemps, mais Lysias ne veut rien savoir.

    [Incube]-Qu’est ce qu’il dit lui ? Elament est déjà entre nos mains ! Et tu vas voir ce qui arrive aux gens de ton espèce !
    -J’ai dis que c’est moi qui le tuerai ! hurle Thanis à l’incube, se jetant sur lui.
    [Incube]-Quoi, t’as un problème avec lui ou quoi ! Dans ce cas, tue-le maintenant !
    [Thanis]-J’le ferai en temps voulu, il perd rien pour attendre ! Lys, jte retrouverai, et j’prendrai un malin plaisir à te faire voir les couleurs de l’enfer!


Visiblement, même dans le camp adverse, tout le monde ne s’entend pas avec tout le monde.
La haine règne, plus sombre et plus impitoyable que jamais. La voix de Thanis résonne encore dans la tête du nymphe, qui porte dans ses bras un ange, innocent dans cette guerre, innocent dans cette bataille à grande échelle. Ils ont laissé Thanis et l’incube se battre sauvagement entre eux, et il sent encore la lame de Sappho pointée sur son dos, alors qu’il longe les rues, obscures et désertes d’élémentiens. Et dire qu’hier encore, on se promenait sans crainte dans les rues. A mesure de ses pas, Lysias sent le poids de la honte s’abattre sur ses épaules. Il a l’impression de marcher pendant une éternité, mais marcher l’oblige à se concentrer sur ses pas et un tant soit peu, ignorer ce qui peut se faire autour de lui, ignorer, jusqu’à la voix de Sappho. L’adolescent est encore incapable de faire le tri dans sa tête. Incapable de dire si la demi portion lui a manqué ou non. Incapable de tant de choses. Il soupire.

-Où est ce que tu m’emmènes comme ça… murmure-t-il, au bout d’un certain temps qui semble être des heures et des heures. Sans jamais tenter de la regarder.


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Sappho
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 19 Mar 2010 - 18:27

Le faisait-elle vraiment chanter ? S'il voulait mourir, il n'avait qu'à le lui dire... Mais même s'il l'avait voulu, elle n'était pas sûre de pouvoir le faire. Mais il se lève, et il semble prêt à la suivre, jusqu'à ce qu'il voie la scène, non loin : un incube et un truc démoniaque (une elfe traitresse ?) paraissaient hésiter quant au sort de l'ange à moitié vidée de son sang. L'achever ? Si ça ne tenait qu'à Sappho, elle l'aurait gardée en vie, juste pour la voir souffrir, elle et ses ailes blanches d'innocences hypocrites. Mais là, elle devait s'occuper de... Hein ? Du vide ? Où était-il passé ? Elle avait bien senti que son regard haineux avait disparu... C'était surprenant de la part de Lysias ça : il voulait la sauver, cette ange ! C'était sans doute la race que la succube détestait le plus.

Il voulait qu'elle reste avec lui. Bah, si ça lui faisait plaisir. Elle écouta les deux démons se disputaient, et voyant que ça allait se finir en bagarre de taverne, elle haussa les épaules et fit signe au nymphe d'avancer.


" C'est ça, prend donc un petit moineau avec toi, si ça t'amuse. Je me ferai un plaisir de lui arracher ses petites ailes... "

Alors ils se mettent en marche, tandis que dans tous les sens, des démons s'amusent à briser des portes, des murs et des fenêtres, à piller les maisons, à faire des bûchers avec quelques livres. Ils se disputent des enfants apeurés, des femmes en pleurs et des habitants terrorisés. Ils tirent à feuille-pierre-ciseau pour connaitre les gains de chacun. Il y a peu de démons au sol dans ce coin là, mais à en juger par les bruits qui leur parvenaient, la lutte était encore d'actualité vers les remparts. Sûrement des élamentiens qui essayaient de protéger des rescapés. Elle aimerait bien les rejoindre, pour ridiculiser ces minables... Mais son poste était ici. Elle faisait ce qu'elle avait à faire. Moralement.

Ils étaient dans une ruelle sombre, et vide, de démons comme d'habitants. Sappho ne piquait plus le dos de Lysias avec son arme, elle l'avait presque relâchée. Elle entendit son murmure, et eut un rire tendu en réponse. En fait, elle n'en était pas sûre. Enfin si. Ou pas. Et puis... Raaah de toute façon, c'était pas comme si elle avait le choix. Elle le capturait, pour sauver sa vie, une troisième fois. Et tandis qu'elle baissait sa garde, elle observa mieux celui qu'elle n'avait pas vu depuis si longtemps : avait-il rétréci ? Non, c'était elle qui avait grandi.

Soudain, elle se braqua. Une présence, pas démoniaque. Deux habitantes. Elle fuient, des elfes ou des nymphes qu'importe. Les deux femmes sortirent d'une ruelle transversale et se retrouvèrent nez-à-nez avec la joyeuse -c'est un point de vue- troupe. Sappho réagit le plus vite possible : elle poussa Lysias et son ange sur le côté, droit sur une boule de ténèbres "élastiques" qu'elle créa dans l'urgence. C'était un peu comme tomber sur un pouf. Puis elle utilisa sa faux pour plaquer les deux femmes contre le murs, le manche de son arme servant à les bloquer. Elles étaient affolées, c'était des adolescentes. Des élèves peut-être. Elles pleuraient à moitié. La succube n'avait aucune pitié pour elles, elle allait les tuer. Mais il a fallu qu'à ce moment, elle regarde dans son dos, pour voir si Lysias était toujours là. Oui. Mais le voir l'avait mise mal à l'aise. Comme si elle s'apprêtait à commettre un crime sous ses yeux. Pour elle, tuer ces gamines n'en était pas un, de crime. Pourquoi l'avait-elle regardé.

Elle posa ses yeux noirs sur les deux filles, irritée. Elle serra les dents. Elle leva ses griffes, comme si elle allait les tuer, vraiment, en leur déchirant la gorge. Les deux élèves poussèrent des cris pitoyables, des "je ne veux pas mourir" pathétiques. Mais la main qui devait les achever se resserra en un poing, qui percuta le mur à côté de la tête de la plus bruyante. Elle ragea intérieurement, et s'adressa à Lysias, peut-être, du moins, elle le pensait. Il ne l'entendrait peut-être pas, elle essayait de ne pas parler fort.


" Ne me regarde pas... "

Les deux filles pensaient être tirées d'affaires, mais malgré le nymphe, malgré tout, elle restait une démone d'abord. Sappho créa des étaux de ténèbres autour de leur cous, qu'elle resserra jusqu'à les étouffer. Peut-être se réveilleraient-elles quand même ? Qui pouvait le savoir... La succube se débarrassa des deux corps inertes en les jetant dans la ruelle d'où elles sortaient. Elle retourna vers Lysias, apparemment excédée, de sa propre faiblesse peut-être. Elle ferma les yeux, et essaya de se calmer.

" ... Avance avec ta poupée, et me regarde pas j'ai dit... "

Cette fois, elle se mit à côté de lui, et elle regardait dans chaque ruelle qu'ils croisaient. Elle sentait qu'ils approchaient du bâtiment où on avait regroupé les captifs et les blessés. Les quelques démons qu'ils croisaient ne leur portaient aucune attention. Quand un groupe d'incubes les dépassa, et qu'apparemment, il n'y avait pas d'autres démons à proximité, Sappho murmura, rapidement.

" Je vais devoir te laisser là-bas. Je dois y retourner, sur le front... Ne t'inquiète pas. Ça... ça va aller. "

Qui essayait-elle de rassurer ? Lui, ou bien elle-même ? Elle ferait ce qu'il fallait pour qu'ils soient épargnés, et qu'on les lui laisse. Elle avait encore assez de pouvoir pour ça. Mais autour d'eux, c'était des ruines ou des maisons branlantes, parfois, des cris perçaient à travers la fumée, des hurlements à glacer d'effroi. Mais plus ils avançaient et plus il y avait de démons qui portaient des ex-habitants. Plus loin, il y aurait le camp. Si l'on pouvait l'appeler ainsi : une dizaine de démons encadraient toutes cette pagaille. On amenait ses prisonniers, on les laissait là, et quand on aura assis le pouvoir, on viendra récupérer son dû. Normalement, on se fichait un peu de ce qui arrivait à ceux qu'on déposait. Mais Sappho devait s'assurer de garder Lyly. Elle jeta un coup d'œil derrière eux, car des un autre groupe de démons approchaient. Aucuns n'y faisait allusion, mais il aurait été plus simple de les assommer et de les porter. D'ailleurs, ceux qui la connaissaient, même de loin, devaient trouver ça étrange qu'elle fasse des prisonniers.

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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 19 Mar 2010 - 22:08

Lysias ne veut pas mourir.
Mais il y a bien des choses que Lysias veut et ne veut pas, et qui ne sont pas forcément compatibles entre elles. Le nymphe ne veut pas de la méchanceté gratuite, et qui ne rapporte rien. C’est le cas de cette offensive, à ses yeux. Si ce n’est la prise d’Elament, et la chute des élémentiens, qu’apporte qu’elle concrètement ? Une fois que les démons auront pris la cité ? L’adolescent ne voit pas en cette prise d’assaut, une gloire quelconque. Il ne voit pas non plus, en quoi, achever cette gamine ailée, peut apporter une source de plaisir à son criminel. D’ailleurs, il ne comprend pas non plus pourquoi il se sent tellement obligé à la tirer des bras de l’ennemi. Mais elle est si frêle… Est-ce qu’une vie préservée, peut effacer, la trahison d’une cité entière ?

    [Sappho]- C'est ça, prend donc un petit moineau avec toi, si ça t'amuse. Je me ferai un plaisir de lui arracher ses petites ailes...
    -Arrache les lui et…
    gronde Lysias, d’un air mauvais.

Arrache les lui et… et quoi ?
Il a pas de menace à formuler, parce qu’il le sait pertinemment, que Sappho est bien plus puissante que lui. Ô faiblesse, maudite faiblesse. C’est tellement pitoyable. Lysias essuie du bout du doigt, un épais filet de sang qui s’échappe entre les commissures des lèvres de l’ange.


Ne tue pas cette ange.

Lysias qui ne connait pas la guerre, qui ne connaissait pas la guerre, aurait juré rester stoïque devant tant de meurtres gratuits. Mais dans la réalité telle qu’elle est, vivre pour de vrai, et imaginer dans les pensées, ne sont pas synonymes. L’ampleur des dégâts n’est sûrement pas mesurable, vu par une seule paire d’yeux.

Et ils marchèrent, Sappho talonnant Lysias, qui se tient aussi droit qu’il le peut, aussi digne qu’il est d’habitude. Le nymphe n’a jamais renié ce qu’il était et n’a pas de honte à cacher. Mais alors qu’il avance, quelque chose l’écrase de plus en plus, et la culpabilité vient se mêler à toute la confusion générale qui règne en lui. Autour de lui, des rires satisfaits, des hurlements inhumains de victoire. Ce sont des cris de gloire qui écrasent le peuple d’où est issu Lysias, et la cité qui l’a accueilli pendant des années. Le plus égoïste des égoïstes ne peut vouloir un tel sort acharné à sa terre d’accueil.

Le nymphe ne voit pas Sappho se tendre derrière lui, mais il sent cet imperceptible changement dans son attitude, plus relâché jusqu’à là. Et puis elle le pousse, et il tombe de nouveau, mais cette fois pour atterrir sur une chose moins dure qu’est la terre du sol, tandis que la succube emprisonne deux jeunes elfes que Lysias a peut être entraperçu entre deux cours. Elles geignent, échangent un regard désespérées, et offre un spectacle qui dépasse le pitoyable. Lysias, examinant précautionneusement le tas d’ailes contre lui, les regarde, se mordillant la lèvre. Et Sappho lève une main aux griffes meurtrières…

Moment d’hésitation, pendant lequel, le nymphe ne peut détacher son regard impassible de ces griffes.

" Ne me regarde pas... "

L’aera se tient coi, alors que les deux victimes se taisent, terrorisées. Il a déjà exigé la vie de l’ange.
Lysias sait qu’il ne pourra pas exiger encore beaucoup de choses. Il sait aussi que Sappho est une démone et qu’on ne change pas la nature d’un individu. Ses mains se resserrent alors plus fermement autour de l’ange, seule prise qu’il reste pour se raccrocher quelque part, imperceptiblement. Les deux filles tombent étouffée dans un collier de ténèbres, et l’élémentien préfère ne pas savoir si un jour, elles pourront revoir, le ciel clair d’Elament. Il n’y croit pas beaucoup. Même s’il a vu Sappho hésiter, ne serait-ce qu’un tant soit peu.
Pour autant, ça ne lui fait ni chaud, ni froid, parce qu’au final, ce sont deux corps qui gisent de plus, dans cette ruelle désormais morbide.


Je te l’avais pourtant bien dis… à l’heure venue, fais ce que tu as à faire…

Pour la démone, c’est peut être un quotidien normal.
Pour le nymphe, cette nuit est un changement radical, auquel il n’était pas préparé. Et même en le sachant, Lysias aurait été incapable de ressentir ces évènements avec une telle ampleur, si bien qu’il a l’impression d’avoir la tête dans l’eau. La voix de Sappho le tire vers une dure réalité. Lysias en a assez d’être bousculé et tiré de tous les côtés. Il aimerait juste aller fermer les yeux loin de tout ça.

-Je m’inquiète pas. marmonne simplement Lysias, qui n’a même pas envie d’articuler.

Sa voix résonne comme quelqu’un qui en a clairement après une autre.
C’est le cas. Lysias en a après elle, après lui, après le monde entier. Il est idiot, parce que ce n’est pas ce qui va jeter du clair sur la situation. Malgré tout, il ne relève toujours pas le regard, de l’ange mourant, et élève à peine plus la voix, lui tournant carrément le dos.

-Alors va-t-en, et fais juste ce que tu as à faire.

Je ferai ce que j’ai à faire.
Sappho l’a retrouvé, Sappho lui a sauvé, une troisième fois la vie. On ne comptera presque plus le nombre de fois où elle l’a fait pour sauver la vie d’un nymphe, qui aurait dû être réduite à néant tant de fois. Mais Lysias ne parvient pas à voir le bon côté des choses, dans cette chute vers les ténèbres. S’élève alors, un lointain mugissement sourd sinistre, que l’aera sent se réveiller de nouveau. L’entend-t-on comme Thanis le perçoit si bien ? Certains ne peuvent percevoir ce mystérieux chant de l’air. L’ange crachote du sang et le nymphe se décide de la déposer un moment sur la charrette hors d’usage, pour l’allonger sur un support stable. Il sent dans son dos, le regard perçant de Sappho, mais se refuse encore de se tourner vers elle. La mélodie de l’air reste aussi doux et imperceptible, mais sur des notes obscures.


Ce soir, l’air pleure.


-Ne meurs pas… murmure-t-il à l’ange, en essuyant de nouveau ce sang qui s’échappe de ses lèvres.

S’adresse-t-il à ce jeune séraphin ou à la démone. Dans le fond, Lysias voudrait que les deux vivent. Mais il sait aussi que si l’une vit, l’autre mourra. Or les sorts semblent tellement pré-faits à l’avance… Aussi, se tourne-t-il, pour s’assoir dos contre la charrette, levant enfin les yeux vers la démone. Il finit par lui tendre lentement la main. De loin, on pourrait croire une supplication d’une victime.

-…et reviens…

Une main qu’il serre, sans savoir quand ils se reverront.
Dans ce dédale de confusion de la guerre et de ses horreurs, l’envie de revoir la succube se mêle et se démêle de ce désordre.

-Et quand tu reviendras, reste la même… s’il te plaît.

Reste la même et ne reviens pas comme Thanis.
Le temps ne leur accorde pas grand répits, que déjà s’élèvent des cris malheureux à l’angle de la rue. Lysias récupère l’ange machinalement et ne laisse pas non plus au temps, d’ébruiter et trahir leur trahison. Il se tourne et se dirige de lui-même dans le camp où sont rassemblés les captifs, dont la plupart, seront bientôt forcés de célébrer la chute de leur propre cité.

-

Interminable est cette nuit, interminables sont les cris des survivants et ceux des agonisants à même les rues. Des démons patrouillent de long en large pour rassembler les élémentiens terrifiés, noyés dans leur sanglots, et d’autres, à peine capable de réaliser qu’ils sont en train de mourir. Le nombre de captifs ne cessent de s’amplifier à mesure que s’écroulent les heures et les derniers remparts de la cité. De là où il est, Lysias est incapable de voir comment va le train des choses, et s’il perçoit des conversations joyeuses des démons, c’est pour entendre que dans quelques heures, la ville entière sera prise sous assaut. La victoire ne semble avoir de place que pour les rangs ennemis et parmi les rescapés, un nymphe se tient muet, ne portant attention qu’à l’ange qui se meurt entre ses mains.

Un démon ramène violement un autre habitant et le balance sans ménagement sur Lysias, calmement assis au sol. Ce dernier a tout juste le temps de repousser le séraphin, et se reçoit la nouvelle victime dessus, en même temps qu’explose une douleur de la poitrine. Les onguents de ceux qui l’ont soigné quelques heures plus tôt ont terminés leurs effets, et l’orbe des ténèbres de Thanis réveille la blessure infligée. Bientôt les bandages et le haut de la tunique du nymphe se tâchent d’écarlate. Que sont donc ces secondes qui semblent être des heures, et ces heures qui semblent ne jamais vouloir s’enchaîner sur sa prochaine.

-Caliel, je t’en prie, ne meurs pas, murmure le nymphe alors que l’ange est pris d’une quinte de toux, pas maintenant…

-

L’aube pointe son nez, dans un ciel encore obscure et lourd de crime.
Au petit matin, Lysias est en train de comater à demi lorsque des cris rauques de victoire s’élèvent partout autour d’eux. Les démons n’ont cessé de se débarrasser des plus faibles et incapables de se tenir debout, parmi les captifs qui ont gonflés en nombres. Les tueurs se mettent –presque- à danser, glorieux de leur victoire, fiers de leur assaut déloyal. Ils ont l’air si heureux qu’une fête semble aussitôt s’annoncer dans le rang ennemi. On trie les futurs esclaves intactes physiquement, et les plus faibles sont envoyés au cachot où ils pourront crever, en attendant qu’on vienne admirer et se moquer de leur période de souffrance avant la mort, tel un petit home-cinéma version 3D –comme il n’en n’existe pas dans la dimension présente-. Les plus frais et les plus sains parmi les élémentiens, sont attachés –voire utilisés- à plusieurs un pilier pendant que les démons s’adonnent à des festivités dignes de ce nom, dans la boisson, le plaisir, et tous les 7 péchés capitaux réunis.

Lysias ne fait pas partie de ceux là. Il est envoyé dans une prison improvisée dans une salle qui hier était une salle d’entraînement élémentaire, et les sous-fifres de démons remplacent les barreaux par petit-groupes de blessés. Ils ricanent ouvertement, s’échangent des blagounette salaces, titillent les blessées pour mieux les voir souffrir et attendent minablement l’ordre d’un supérieur.

    Démon mineur (alias sous-fifre)-Hou la charmante boule de plume que tu as ! Montre pour voir ? Je veux qu’elle me divertisse ! Qu’elle le fasse, je te l’ordonne, haha !
    -Rêve toujours ! aboie Lysias resserrant Caliel contre lui.
    Le sous-fifre : -Mais de quoi on se mêle ? Tu n’a pas compris la leçon toi, le gringalet ! File moi l’angelotte, j’ai dis !
    -Recule ! J’ai aucune leçon à recevoir ! rétorque Lysias sentant la plaie à son cou le tirailler et redevenir humide.
    Démon mineur 2 : -Je me ferait bien un petit bain de sang…

Le soquior ne se laisse pas attendre dans ses envies sadiques et éclate le premier blessé à ses pieds. Sitôt alléché par cette nouvelle effervescence, d’autres se joignent à lui pour trancher, tuer avec joie, les blessés, avec l’empressement d’un nouveau carnage. Autour de Lysias, des vies s’arrêtent brutalement, alors qu’en d’autres circonstances, bon nombres auraient pu être plus longues. Des mains griffues entaillent violemment ses côtes, alors qu’il tente de s’échapper dans un combat vainement imposé. Du sang gicle, partout du sang, ceux des morts, ceux des derniers agonisants, ceux d’innocents. Le mur blanc devient rouge sombre, pour de longues années, et au loin, sonne le glas de la victoire de ces tueurs.

-

Des minutes, des heures, puis des jours passent… mais maintenant, il fait sombre.
Si sombre.

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MessageNuit, mère des ténèbres EmptySam 20 Mar 2010 - 18:07

Fais ce que tu as à faire. Va-t-en. Va les tuer tous, ne t'inquiète plus pour moi, ne reviens pas. Elle garde ses yeux incisifs et cruels, son petit sourire supérieur de succube, qui ne font au final, que recouvrir un visage triste et fataliste. Il lui en veut. D'être ce qu'elle est, et lui, d'être là. De voir ce qu'elle fait, d'être celui qui survivra peut-être avec le moins difficultés. Celui qui pourrait s'en tirer tandis que d'autres vont y laisser leur peau.

Elle le regarde poser l'ange mourante sur une charrette. Mais pourquoi se donnait-il tant de mal pour elle ? Ce n'était qu'une habitante comme les autres. Bien sûr, Sappho ne comprenait pas cette logique de sauver ceux qui sont sur le point de mourir. Pas encore. Un démon agonisant devant elle ne crée aucun sentiment de compassion ou de pitié. Juste un certain amusement et une dose de cruauté. Même envers ceux de son espèce. La démone attend, malgré son impatience. Elle l'observe, avec ses gestes doux, s'occuper de ce petit bout d'ange. Elle aimerait lui dire de se dépêcher, que s'ils restent trop longtemps ici, on va les repérer. Mais il continue, et elle, en entendant sa voix, ne peut se résoudre à l'interrompre. A qui parle-t-il ? A cette ange, en déduisit Sappho. A moins qu'il puisse souhaiter qu'une meurtrière ne meurt pas ?

Il s'assit, et lui tend une main presque suppliante. Elle la prend. Elle l'accepte, et répond à sa prise. Son visage est redevenu le même qu'il avait connu, dans la forêt, avant. Un visage de jeune fille presque banal, si ce n'était cet air malsain qui ne pouvait pas la quitter. Et chacun se tenait à l'autre, et cette fois, c'était elle qui devait faire une promesse. Reviens. Reste comme tu es. Pourquoi changerait-elle ? Mais elle promet. Elle acquiesce. Il se lève, prend son petit ange, et part vers le "camp" de captifs. Sappho le regarde s'éloigner quelques secondes. Oui, elle tiendrait cette promesse. Et elle le trouverait, autant de fois qu'il le faudra. Mais là, elle doit partir. Elle se retourne, et comme une comédienne changerait de rôle, elle enfile le masque de la cruauté. La voilà succube infernale, qui saute dans les ténèbres pour se jeter dans le combat.

Devant la porte, c'est la débandade des habitants. Ca grouille d'insectes terrifiés, de fourmis sans repères et sans reine. Ils s'enfuient, les couards, dans les larmes et dans le sang. Seul une poignée d'élamentiens les couvrent, et les démons passent entre leur "bouclier" de protection. Sappho se retrouve face à quelques élémentalistes, qui se battent de toutes leurs forces. L'un est un aqua. Il se bat férocement, et met à terre de nombreux démons. Sappho se rit de lui, blague et s'amuse. Elle est si sûre d'elle. Il le faut, si elle veut tenir sa promesse. Elle doit vivre, pour lui, pour elle. Mais trop confiante, trop dangereuse, la petite, elle se fait avoir. Tandis qu'elle levait la main pour invoquer quelque magie, l'insecte avait créé un pic de glace acéré, qu'elle n'évita pas assez vite. Tranchant, l'attaque emmena avec elle un bout d'un doigt de sa main gauche, son annulaire. La sang gicla, et la douleur fusa. La démone serra les dents en plaquant sa main mutilée contre son torse. Il était coupé net au niveau de la première phalange. C'était irréparable.

Elle se jetait à corps perdu dans ces combats. Elle tua et massacra, femmes, enfants, et autres. amenant carnage sous ses pas, à l'image de tous ses congénères, ni plus ni moins, quoiqu'un peu plus folle. Le petit matin était là. Et on chassait les derniers élamentiens qui auraient pu se cacher. Sa main gauche était totalement rouge, son corps était parsemé de nombreuses coupures et autres blessures. Elle était pourtant, réputée pour éviter tout contact dangereux, en disparaissant à la moindre alerte dans les ténèbres. Alors pourquoi s'était-elle montrée si insouciante ? Pour se punir ? Pour se prouver quelque chose ? Les deux ? En tout cas, elle était bien mal en point. Mais qu'importe, la joie était maintenant partout : on pillait les maisons pour en sortir de la nourriture et préparait des festins dans tous les coins de la ville. On est ivre dans la rue, on joue avec tous ce qui nous passe sous les griffes. Sappho s'amuse avec les siens, avec des démons proches, des incubes. On rit, on s'arrose. Mais il parait que le Roi est gravement blessé. Tout de même, qu'est-ce-qu'on s'est marré !

Quelques heures plus tard, on commence à s'organiser. Un peu. Juste les Chevaliers, qui sont appelés à l'école d'Elament. Ils doivent fouiller ladite école, pour identifier les salles et trouver des réfugiés. Sappho est pleine de sang séché maintenant, celui des autres et le sien aussi. Mais elle sentait à peine la douleur. L'euphorie peut-être. Ou bien les quelques litres d'alcool qu'elle s'est enfilée dans la matinée. Elle ne sait plus trop combien, ni de quoi il s'agissait. Mais elle fait ce qu'on lui dit de faire. Et l'école est presque vide. Presque, parce qu'elle trouve deux trois cadavres, et un gamin au fond d'un placard. Ou l'inverse. Faut dire qu'elle n'était pas franchement fraîche. Ce n'était pourtant que la première tâche de sa première journée avec les démons à la tête de la Cité. Et elle avait cette promesse qui lui donnait mal à la tête.


************

L'organisation s'est faite lentement. On a reparti les anciens bureaux et chambres des ex-professeurs entre les Chevaliers, qui se sont vu affublés d'un nouveau nom... Vous le saurez bien assez tôt. La petite succube avait donc pour quartier trois pièces : le bureau était devenu sa salle de torture, la salle de bain n'avait pas changé, et la chambre non plus. Un air de déjà-vu ? Normal, elle avait importé son mobilier des Enfers jusqu'ici. Donc oui, il y avait du rose et des fanfreluches partout, des peluches en pagaille et des meubles au style douteux. Mais passons. Sappho avait toujours cette promesse en tête. Revenir vers lui. Oui, elle avait essayé. Seulement, il avait fallu attendre un peu avant que les esclaves soient mis à disposition des démons. Attendre que le Haut-Roi se rétablisse un peu, attendre qu'on fasse le tri entre les morts et les vivants. Une semaine. Une semaine qu'elle se rongeait les sangs en espérant qu'il avait survécu. Ils n'étaient pas aux Enfers, mais c'était tout comme. Qu'avait fait Sap sinon ? Elle avait un superbe bandage à la main gauche, en attendant que ça cicatrise. Des griffures et des plaies à peine refermée un peu partout aussi. S-U-P-E-R.

Aujourd'hui, c'était le bon jour. On allait permettre aux dignitaires de choisir leurs esclaves en premier. Elle portait une robe brodée pourpre, légère et courte, pour l'occasion. De le revoir. Enfin, vraiment. Et l'ange, a-t-elle survécu ? Peu probable, mais qui sait ? C'était les rares pensées qui parvenaient à son esprit en ébullition, tandis qu'elle se dirigeait gaiement vers la pièce -une ancienne salle de classe- où les prisonniers avaient été rassemblés. Elle était avec d'autres gradés devant la porte, et un petit démon encapuchonné les prévint rapidement :


" Il faudra les ramener quand on vous le dira pour sceller leurs pouvoirs... On n'a pas encore reçu les matériaux et... "

Ah oui, ça. On avait cherché plusieurs techniques pour empêcher les prisonniers d'utiliser les éléments. Et on en avait trouvées. Seulement, certaines venaient de loin, et il fallait attendre encore un peu. De toute façon, ils étaient encore tous terrifiés et traumatisés. Aucun risque de révolte pour le moment. Avant que le démon mineur ait fini sa phrase, les autres passèrent en force -et le petit être fut proprement écrasé. Sappho entra elle aussi. La salle était vaste, et les quelques démons de rangs supérieurs ici présents se mirent à discuter entre eux sur leur choix. Mais la petite succube elle, fouilla la salle du regard, recherchant les cheveux si reconnaissables de Lysias, ou bien son odeur. Quelque chose, n'importe quoi. Mais quand elle le vit, elle eut bien du mal à se retenir de foncer sur lui. Elle sourit de toutes ses petites canines, surtout quand elle vit l'ange sur lui. Alors elle était toujours là ? Tant mieux, ça allait lui faciliter la tâche. Tout le monde savait que Sappho adorait avoir des anges sous sa coupe. Elle alla chercher le geôlier.

" - Hého Grail, tu m'entends ?" Il se retourne vers elle et lui lance un regard suspicieux : quand elle prend ce ton si gentil, c'est mauvais signe pour lui. " T'as pas une p'tite angelotte pour moi par hasard ?
- Sappho... T'es bien amochée pas vrai ? Moi qui croyais que tu savais te battre...
- Je sais pleiiiin d'autres choses tu sais, tu veux voir ? "


Il sembla tenté un instant par cette proposition alléchante et pleine de sous-entendus. Mais il avait pas mal de travail maintenant : les esclaves étaient nombreux, et tout le monde en voulait. Il fallait d'abord laisser les gradés, puis, on emmènerait les autres dans la Cité, pour servir de spectacles, aux exécutions, ... tout un programme. Il savait exactement quelles étaient les races qu'il avait à sa disposition. Et l'ange la plus proche était... dans le mille. La petite protégée du nymphe ! Il écarta les insectes par terre avec ses pieds, et se posta juste devant Lyly. Il voulut prendre l'ange de force, mais l'élamentien qui la tenait la couvrit de ses bras protecteurs. Grail semblait prêt à lui arracher les bras pour prendre l'ange quand il saisit Lyly par le cou. Sappho pouffa un bon coût, avant de s'approcher du geôlier et de poser sa main sur son épaule -avant qu'il n'explose sa gorge-.

"- C'est pas grave mon chou, je prendrai le lot de deux ! Il a l'air amusant celui-là... S'il-te-plait ?
- Grrr tu vas arriver à le faire lâcher prise ? ... Humpf, fais comme tu veux, comme d'hab ! Mais viens pas pleurer après parce que tu les as tués, hein ?!


Avec un grand sourire, elle embrassa l'incube gardien sur la joue. Celui-ci partit en direction d'un autre "client"... Sappho se retourna sur Lyly et son petit ange. Son sourire était cruelle et malsain. Ses yeux brillaient de folie. Elle se pencha sur eux et inclina la tête, ses mains dans son dos -remarquez qu'elle n'avait pas sa sucette avec elle-.

" Je suis sûre qu'on va bien s'entendre ! Hihihi tu me suis gentiment, ok ? Avec cette petite créature youpi !"
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptySam 20 Mar 2010 - 22:39

Dans ses derniers souvenirs, Lysias se rappelle vaguement le sourire démentiel de cet incube, qui le maintient debout, jubilant, avec ses trois épaisses qui perforent son corps. Comme un cierge qui s’éteint, la lumière laisse place à l’obscurité, les sons prennent fin, la douleur disparait, et la vue se voile, alors que son corps est le dernier à rejoindre ceux, déjà inanimés des autres. Dans la cinquantaine de prisonniers blessés puis enfermés là dedans, il n’y a plus âme qui vive. Peu importe, il en reste des paquets dans les autres salles, alors pourquoi se soucier du sort de ces vermines, quand la soif du sang est un appel passionnel…

Au petit matin, ce n’est pas le chant des oiseaux qui anime la ville, c’est le rire de badauds ivres et victorieux d’un carnage sans merci. Le soleil se lève lentement alors que les vainqueurs s’apprêtent à s’endormir dans un repos bienheureux, ignorant les quelques pleurs faibles et inaudibles de ceux qui leur ont servi de jeu pendant ces dernières heures. Quant aux blessés enfermés depuis le début des festivités, certains n’ont pas survécu à la nuit, pendant que d’autres, attendent encore que leur destin choisissent un sort, -mais le choix ne leur a jamais été aussi restreint. D’autres encore, ont simplement crevé sous la folie passagère de démons assoiffés. Ceux là ne verront plus jamais le ciel sous un jour nouveau. Ce fut un rude carnage.

-

On a fermé depuis longtemps, les portes de cet endroit, qui ne regorge plus que les vestiges de la cruauté. Seul le silence complet accompagne cette obscurité, où un faible rayon de lumière perce les pas esquissé par la Mort. Quelque part parmi les cadavres s’élève un murmure inaudible, à peine perceptible.

-…Ly…sias…

Un séraphin est resté éveillé tout ce temps. Incapable de hurler, incapable d’esquisser moindre geste, incapable de défendre sa vie, et si proche de la fin... L’ange n’est plus en mesure de ressentir la douleur, dans son petit corps désarticulé et privé de tout mouvement. Son regard est resté fixé sur celui d’un être fin et longiligne, d’un être qui l’a trimballé ici jusqu’à ses dernières heures. Caliel a senti ce contact chaleureux, cette étreinte désespérée regorgeant de vie, mais la vie vient de déserter son veilleur. Il a vu Lysias tomber, il a vu l’énergie abandonner son corps et voit encore le corps inerte du nymphe, si prêt et pourtant tellement hors de portée.

-…Lysias…

D’où trouve-t-il l’énergie, de se trainer au sol à la seule force de toutes ses ailes réunies pour se rapprocher de son ainé, nul ne le sait, si ce n’est qu’on parle de la dernière vigueur avant la mort. Le petit être ailé repose la tête sur un dernier coussin d’espoir, l’espoir de retrouver la chaleur qui l’enveloppa pendant ses derniers instants. Une brise douce s’élève dans la pièce et vient tournoyer longuement autour de ces deux corps pendant deux jours et une nuit entière. Une légende des temps anciens relate encore le mystérieux pouvoir de certains anges ; aux Principautés, la …, aux Vertus, …, aux Séraphins, la vie. Si on comprenait les arcanes d’un langage perdu dans les temps, on passerait sûrement plus de temps dans les Etuves pour comprendre l’histoire de toutes les civilisations qui sont passées par là. Et s’écoulent inlassablement les heures où danse l’air pour une dernière valse.

Au quatrième jour s’élève un chuchotement léger, qui bientôt, se mêle aux mouvements circulaires de l’air, élément qui vient de Caliel auquel se joint celui de Lysias. L’air a besoin d’un porteur pour vivre, et il en va de même pour chaque élément. Et tandis que le séraphin s’endort pour un sommeil qui ne connaîtra pas de lendemain, les deux aéras sont inconscients du jeu de leur élément, qui virevoltent et chuchotent entre eux sans relâche.

-Ne meurs pas Lysias…


    ||Je ne suis pas mort||
    ||Oui… c’est vrai, tu n’es pas mort||
    ||J’ai l’impression de dormir depuis des lustres||
    ||Moi aussi||
    ||On devrait songer à se réveiller||
    ||Au fait Lysias, je suis un garçon.||
    ||Génial, et alors ?||
    ||Rien, c’était la dernière chose que je voulais dire. …Et merci Lysias.||
    ||Merci pour quoi ?||
Une semaine passe bientôt et deux corps gisent au milieu d’autres, dans un silence le plus total.

-
-
[Au Huitième Jour]
Oh ben crotte on a oublié d’en zigouiller un, dans la salle. Tant pis, il nous servira bien à quelque chose, allez hop, on l’embarque. Quel crétin avec son ange, impossible de le lui piquer ! Il doit avoir un problème avec. Transférez les deux, et que ça saute ! Voilà comment un nymphe muet comme une carpe, se retrouve dans une nouvelle salle avec d’autres copains les prisonniers. Coucou toi, comment ça gaze, ça faisait un bail dis donc ! Alors, tu t’es bien fais séquestré par les démoneux ? Zut alors… figure toi que moi aussi ! (Bon. Ça se passe un peu comme ça, et ça s’arrête avant le –coucou toi-)
    - Hého Grail, tu m'entends ?
    -T'as pas une p'tite angelotte pour moi par hasard ?
    - Sappho... T'es bien amochée pas vrai ? Moi qui croyais que tu savais te battre...
    - Je sais pleiiiin d'autres choses tu sais, tu veux voir ? "
Tiens, cette voix…
Lysias l’a déjà entendu quelque part. Tranquillement assis en tailleur à même le sol, il tend l’oreille aux aguets.
On essaye de lui arracher soudain l’ange dans ses bras, mais Lysias y resserre les mains fermement dessus. Hors de question de perdre ce qui lui appartient ! C’est bête parce que du coup, c’est lui qu’on empoigne par le cou. Il suffoque, et détourne le regard, vague, sur le côté. C’est lassant.

    - C'est pas grave mon chou, je prendrai le lot de deux ! Il a l'air amusant celui-là... S'il-te-plait ?
    - Grrr tu vas arriver à le faire lâcher prise ? ... Humpf, fais comme tu veux, comme d'hab ! Mais viens pas pleurer après parce que tu les as tués, hein ?!
Haussant des épaules, le nymphe laisse filer son regard ailleurs, un point lointain que seul ses yeux semblent percevoir. Son attention est bien forcée de revenir en courant, lorsqu’un sourire singulièrement malsain s’affiche juste devant son nez. Qu’est ce qu’on lui veut encore ? Il ne peut déjà pas dormir, parce qu’on cherche à lui voler son ange. En plus, il faut qu’on vienne l’enquiquiner jusqu’ici, bon sang de vieux rats. La nouvelle arrivante a une silhouette frèle, vêtue d’une robe plutôt courte et rouge.

" Je suis sûre qu'on va bien s'entendre ! Hihihi tu me suis gentiment, ok ? Avec cette petite créature youpi !"

Youpi, oui. Il va devoir encore bouger on dirait. Bon. Tant que c’est avec l’Ange, pourquoi pas. Sceptique, Lysias détaille la démone un moment, le temps de remarquer des plaies récentes qui tailladent les parcelles visibles de sa peau. Elle a dû se battre, et méchamment. Enfin bon, ça, c’est pas trop ses histoires. Il a déjà dû la croiser dans le passé, c’est un visage avec un air de déjà-vu. Alors il finit par lui sourire franchement, comme un Lysias d’il y a une semaine aurait fait en retrouvant son minimini. Mais c’est un sourire qui retombe parce qu’il se demande pourquoi il l’a fait, et puis finalement, il se lève. Machinalement.

Il sait qu’il se trouve chez les démons, mais le décor est horriblement familier, en parcourant les lieux. C’est l’impression de se trouver chez lui, sans s’y trouver vraiment. Bah, qu’il en soit ainsi : ça ne lui fait ni chaud, ni froid. La seule sensation qui le dérange à ce moment, c’est celle de se sentir poisseux. Et ce n’est pas seulement une sensation. Il suit Sappho, ni docilement, ni contre son gré, mais seulement parce qu’il doit le faire. En chemin, son regard se voile plusieurs fois entre des couloirs et des allées qu’il connait bien. C’est contraignant de les voir autant changés. Oh, ce couloir, c’est celui qui mène aux dortoirs, son dortoir ! Poussé par l’envie d’aller voir, Lysias replace le corps mou de l’ange dans ses bras et oublie de suivre Sappho. Tiens Sappho… ah oui, c’est comme ça qu’elle s’appelle, c’est vrai. Pff… et avec son air menaçant tout à l’heure, elle croyait lui faire peur, peut-être ? Vraiment, quelle absurdité. Le nymphe se tourne vers elle comme s’il s’apprêtait à lui rappeler quelque chose, mais cette chose lui échappe tout aussi vite, alors après l’avoir détaillé d’un air absent, il hausse des épaules, et ouvre la porte de son dortoir.

La lumière du soir éclaire encore la chambre qu’il partageait avec ses colocataires, qui aujourd’hui ne s’y trouvent pas. Quel bordel tout de même. Les mobiliers sont brisés, étalés, des affaires jonchent le sol, pendant que Lysias s’assied sur le lit qui fait face à la fenêtre. Le spectacle est désolant, mais il ne se sent pas concerné. L’air serein de l’ange aux yeux clos sur ses genoux contraste avec toute cette ambiance. Il aimerait bien qu’il se réveille, mais quelque chose lui souffle que c’est un sommeil qu’il doit respecter.
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Sappho
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyDim 21 Mar 2010 - 21:53

Et au début, elle y croit. Qu'il l'a reconnue. Ce sourire qu'il lui lance, elle le trouve rassurant. Alors, elle a confiance, elle passe devant, en sautillant. Elle semble heureuse d'avoir des esclaves à son service, en fait, elle est heureuse de l'avoir retrouvé, mais quand elle croise son regard, elle ne voit plus ce qu'elle y trouvait avant. Il a l'air... absent. Il laisse trainer son regard dans les couloirs et les salles, nostalgique ? Elle le trouve bizarre. La détestait-il pour tout le temps qu'elle avait mis à aller le chercher ? La détestait-il parce qu'il avait vu d'autres mourir autour de lui ? Elle aurait bien aimé lui demander. Mais là, maintenant, elle ne le pouvait pas. Il était censé être son esclave à partir de maintenant, et rien d'autre. Elle devait l'amener dans ses quartiers. Et... Quoi, il a encore disparu ?

Elle se retourne, et il n'est plus là. Elle entend une porte s'ouvrir, celle d'un des dortoirs encore non réquisitionné. Par chance. Elle le suit, et, après avoir jeté un regard dans le couloir, ferme la porte. Il ne faudrait pas qu'on trouve un élamentien fouiner dans le Palais du Roi tout de même... Que fait-il ? Et pourquoi ici ? Ce n'est qu'une chambre, dont les meubles sont brisés, les murs calcinés... Comme tout dans la Cité aujourd'hui. Lysias est assis sur un lit, avec l'ange endormie sur lui. Il contemple le chaos ici. Et Sappho attend, en l'observant. Pensif, il n'a pas l'air de se sentir concerné par ce qui l'entoure. Et la démone soupire en allant s'asseoir à ses côtés. Horreur, suprême insulte, que de s'installer sur le lit de ceux qu'elle a peut-être tués.

Elle regarde sa main mutilée. Cet morceau de doigt, seule réelle chose que la bataille lui aura prise, finalement. Au début, dans l'ivresse des combats, puis dans celle de l'alcool, elle n'y avait pas pensée, à cette blessure. Mais après avoir retrouvé ses esprits, la douleur l'avait saisie. Autant physique -même si c'était supportable- que psychique. Combien de fois, en à peine quelques jours, avait-elle essayé de bouger ce doigt, sans réponse ? Combien de fois, en se réveillant, avait-elle cru, encore, n'avoir rien perdu, que tout cela n'était qu'un rêve brumeux ? C'était si laid. Si difforme. Une insulte à la beauté, cette mutilation. Elle n'était sans doute pas la plus orgueilleuse en ce qui concernait la beauté parmi les succubes, mais tout de même, se retrouver avec un doigt en moins -ou presque-, était choquant. Elle devrait s'y faire. Que pouvait-elle faire d'autre ?

Elle lui laisse tout son temps. Ici, personne ne viendrait, normalement. De toute façon, on avait déjà fouillé le palais maints et maints fois. Mais elle est une succube impatiente et capricieuse. Elle ne veut pas rester là, avec lui et son regard vide, avec elle et ses yeux clos. Elle se sent mal à l'aise. Comme une étrangère dans la chambre d'un inconnu. C'était peut-être le cas, peut-être était-ce son dortoir ? Qu'en savait-elle ? Elle n'en peut plus. Qu'il ne dise rien. Elle se demande s'il l'a même reconnue, finalement. Elle n'imagine pas, ou ne veut pas imaginer, ce qu'il a pu subir pendant une semaine, ce qu'il a vu. Elle voulait de tout son cœur insensible qu'il soit resté le même, comme elle, elle avait essayé de ne pas changer. Dans un mouvement brusque, elle se retrouve accroupie devant lui, un genou à terre. Comme si c'était lui le vainqueur. Comme si elle allait avouer sa défaite. Elle se rappelle à lui en lui prenant la main, avec les siennes.


" Lyly... "

Elle ne sait pas quoi dire en fait, ou par quoi commencer.
Oui, par quoi commencer quand l'un a festoyé tandis que l'autre a vu la mort sous ses yeux.
Quoi dire ? Quoi faire ?


" Je suis... désolée... "

De quoi ? D'être ce qu'elle est ? De l'avoir laissé si longtemps ?
Ou de tout à la fois.


" ... Je ne sais pas ce que tu as pu voir, j'aurais voulu venir avant. Mais... "

S'excuser, c'est si facile. C'était si bête. Se répandre en excuses. Alors qu'elle avait mis tout ce temps à venir le chercher. Qu'au final, il était dans cet état-là. C'était lamentable. Sa promesse, l'avait-elle tenue ? Avait-elle failli alors, comme le prévoyait Lysias ? Était-elle à ce point cruelle ? ... Oui sans doute. Mais elle aurait aimé ne pas l'être. Malgré ses grands yeux apparemment emplis de bons sentiments, elle savait qu'elle n'avait pas un bon fond. Parce qu'elle était une démone, certaines pensées ne pouvaient pas être refoulées : comme le fait de s'imaginer en train de couper les ailes de l'ange ou bien de torturer un nymphe.

" Mais je suis venue... C'est moi, Sappho, Lyly, tu te souviens ? ... Me dis pas que t'as retenu que mon surnom, la mini ? "

L'important, c'était peut-être ça. Qu'au final, elle réussissait, et lui aussi, à tout tourner en dérision. Mais qu'elle était égoïste. Tu te souviens de moi ? Ah, bien, alors c'est cool. Non, non, elle ne voulait pas de ça. Elle voulait ressentir de la compassion, elle voulait se montrer compatissante. Au moins le temps qu'il était avec elle. Juste pendant ces moments où elle faisait comme il disait : vis pour vivre, et puis on verra. Alors, elle secoua la tête, comme pour se reprocher ce qu'elle venait de demander. Elle se releva et, au passage, passa sa main amputée d'un doigt sur son visage, doucement.

" Je suis désolée, Lysias, il faut qu'on aille chez moi, ici, ce n'est pas un endroit sûr pour parler... tout les deux. Tu comprends ? On n'est plus très loin... Et elle sera mieux installer dans ma chambre, tu peux me croire, j'ai ce qu'il faut pour vous soigner. Alors ? "

D'habitude, les démons n'avaient pas beaucoup d'onguents et autres potions. Ils les utilisaient rarement. D'ailleurs, il n'existait pas de médecin. Mais Sappho avait chipé des fioles dans l'infirmerie d'Elament, ainsi que des bandages, pour elle déjà, mais elle avait aussi pensé que le nymphe serait blessé... Alors pour une fois, elle avait pensé à quelqu'un d'autre qu'elle-même. Elle retourna vers la porte, et l'ouvrit en regardant s'il n'y avait personne dans le couloir. C'était tout bon. Désert. En même temps, le soleil était déjà haut dans le ciel, beaucoup de démons étaient partis manger. Elle fit signe à Lysias de sortir.

" Allez viens, c'est le moment... Et on y est presque. "

Et elle commence à avancer. Lui, il la suit. De toute façon, il n'a pas le choix. S'il reste seul là, on aura tôt fait de le trouver et de le tuer sur place. Et après quelques portes de plus, ils atteignent celle des quartiers de Sap'. Une fois à l'intérieur, ils pourraient parler comme ils le souhaitaient. Sappho ouvrit la porte qui donnait sur sa chambre avec un petit geste théâtral. De l'extérieur, on ne voyait qu'un bout du lit à baldaquins pourpre, des meubles en bois couvertes de peluches et de poupées et de dentelles.

Bienvenu chez moi.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMer 24 Mar 2010 - 0:37

Des débris jonchent le sol, à l’extérieur.
Lysias regarde ce paysage fraichement désolé comme on s’attarderait sur une œuvre d’art inconnue. Un truc abstrait ou personne ne comprend le pourquoi du comment, mais on le regarde, simplement parce que ça y est. Quel drôle d’impression.

Un mouvement tout près le ramène de nouveau à la réalité. D’habitude, on l’appelle Lys’ et encore. Lysias est le plus courant. Qui l’appelle Lyly déjà ? Il remarque cette nouvelle silhouette qui vient s’agenouiller devant lui mais que fait-elle, c’est une bonne question. Et elle s’excuse d’une chose que le nymphe ne se souvient pas. Il la regarde faire et se demande quand est ce que cette petite démone a bien pu lui causer du tord, creuse dans sa mémoire, si lointaine. Et lorsqu’elle passe une main blessée sur son visage, il la saisit, sans douceur ni brutalité pour observer cette main amputée, avant de la relâcher, las. C’est une démone, que fait-il avec, il ne sait pas, mais il est là. De quoi pourrait-il avoir à lui parler au juste ?
Il y a quelques années de cela, il se souvient qu’il a passé une période similaire, à trouver dans le silence, le seul réconfort à une épreuve trop difficile à surmonter. L’aera ne se souvient pas d’avoir subi un traumatisme quelconque ces derniers temps, et trouve que ce vide de parole est désagréable. Il faudrait bien qu’il réponde quelque chose à cela, ma foi.

-Il te manque un doigt… déclare-t-il finalement, se rendant à peine compte qu’il a parlé alors que la gamine lui parle de les soigner. C’est probablement la première phrase qu’il dit depuis une semaine.

La démone devrait prendre soin d’elle-même. D’ailleurs, elle a parlé de les soigner à eux, et quelque chose ne tourne pas rond dans la logique millénaire, un démon de soigne pas. A preuve du contraire. Il laisse la logique s’échapper, tout comme son soupir qui s’échappe alors qu’il reprend l’ange dans un bras, pour suivre la démone.
Suivre… mais depuis quand Lysias, suit-il ?


-
Le monde, vu de Lysias


La nouvelle chambre donne un décor déjà meilleur comme il n’a pas eu l’occasion d’en voir depuis des jours. Beaucoup de fanfreluches et de fioritures, si bien que Lysias a l’impression d’être tombé dans une maison de poupée. Ou dans une chambre assez princessière. Le nymphe se sent observé par toutes les regards vides des peluches et poupées qui décorent le mobilier. Au moins c’est clean et pas brisé comme partout ailleurs. Pas brisé comme le sont les anciens habitants d’Elament, par la chute de leur cité. Pas brisé comme les mêmes qui ont perdu leur proche au combat. Pas brisé non plus comme Lysias qui ne se rend compte de rien. L’ignorance est parfois la seule issue pour tourner la page.

Son corps n’est pas couvert de blessures. Les peu de coups lui ont par contre, été fatales. Les tissus se sont reformés depuis la dernière attaque du démon en plein cœur. Lysias lui-même n’en sait rien, il n’a pas passé son temps à rester figer sur son image, pour une fois qu’il lève le nez de sa personne. Quoique cette obsession de garder l’ange près de lui… c’est pas la meilleure solution non plus. De cette semaine que le nymphe a surmonté, seule la morsure de Thanis reste visible, sur le côté de la nuque. Le nymphe se souvient de tout ça, mais vaguement, comme si c’était un souvenir vieux d’une centaine d’années. Au final, s’en soucie-t-il ? Pas vraiment. Il a à présent, l’unique sensation d’avoir veillé pendant des jours sans relâche, et son corps se porte bien à part cette fatigue qui lui tiraille les mouvements. Mais il va bien, c’est ce qu’il continue à penser, et pourtant. Il y a ce -pourtant- qui a changé quelque chose, mais quoi, personne ne le sait. Agacé par cette vague sensation d’incertitude, Lysias finit par s’assoir à même le sol. Il devrait lâcher cet ange, il le trouve encombrant, mais est indécis quand à libérer son sort. Alors il le garde. Et il tourne clairement le dos à Sappho, bien décidé à se montrer grincheux.

Car il les a entendu, les autres là, discuter joyeusement entre eux pour se disputer certains « esclaves » et en avoir l’entière exclusivité comme de vulgaire objet. Et, l’élémentien n’a perdu en rien son esprit de contradiction et sa personnalité égoïste. Elle l’a choisi ? Qu’elle lui donne des ordres et elle verrait qu’elle n’a pas opté l’esclave le plus docile. Et, pour Lysias, hors de question de devenir esclave de quiconque. Voilà.
Donc il se met à bouder dans son coin, un long moment, avant de se décider à élever la voix.

-En fait t’es du genre une princesse riquiqui qui se prend pour une démone, lance-t-il au hasard, tout en observant la suspicieusement le meuble décoré -avec plus de dentelles tu meures-. Si ces lieux sont sa nouvelle prison, et bien soit. Il faudra bien qu’il s’y adapte. Autant commencer.
A la Lysias.

-De toute façon, à partir d’aujourd’hui, c’est moi qui commande, fait-il d’un ton dédaigneux et plus assuré, -C’est simple, si tu me forces, je ne t’obéis pas, si je ne veux pas, je ne t’obéirai pas non plus. Et si tu veux que je m’entende avec toi, tu n’as qu’à aller dans mon sens. C’est simple, non ?

C’est l’hôpital qui se moque de la charité, bien sûr. Le captif qui fait la leçon à son détenteur.
Mais Lysias reste Lysias, dans le fond. Et, c’est sans le moindre gène, qu’il daigne tourner à demi, vers la démone, non sans une grimace de douleur. Il se vengera sur Thanis, la prochaine fois.
Et dans son regard, cette lueur espiègle brille, comme au bon vieux temps… mais pour combien d'instant encore.


Défie-moi, défie-toi.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMer 24 Mar 2010 - 19:20

Et elle l'avait laissé prendre sa main et voir cette horreur. Ce n'est pas comme si elle essayait de le cacher. Mais l'entendre dire aussi simplement était étrange. Oui, il me manque un doigt. Bizarre, hein ? Personne ne lui avait dit en fait. On lui disait ; mais comment t'as fait ça ? Qui t'as fait ça ? Quand ? Où ? Mais "ça", on ne l'explicitait jamais. Et on s'en fichait. C'était juste drôle que Sappho, cette gamine, se fasse avoir par les insectes qu'elle méprise. Si amusant. Oh oui. Mais le Lysias dont elle se souvenait en aurait fait tout un tas. Déjà que le voir couverte de sang l'avait outré, alors imaginez, ainsi maltraitée... Mais non. Mais il ne fit rien. Il la suivit sans un mot. Il rentra dans sa chambre, qu'elle prit la peine de fermer à clé, sans un mot. Il s'assoit par terre, sans rien dire. Il ne la regarde pas, comme un enfant qui ferait la tête, dans son coin. Sappho le trouve risible, un peu mignon, mais elle voit cette étrange blessure sur son cou, comme une marque de dents, et elle va chercher, au fond d'un tiroir, ce qu'ils appellent onguent.

Elle veut lui dire de se mettre sur son lit, au lieu de rester au sol avec son ange, mais alors, il lui parle. Et elle ne comprend pas ce qu'il veut dire. Pourquoi lui dit-il ça ? Comme s'il ne la connaissait pas. Comme si... il avait tout oublié... Et tout ce qu'il rajoute après, d'un ton aussi dédaigneux... Il aurait pu la frapper, pensa-t-elle, ça aurait été moins douloureux à encaisser. Et pourquoi s'étonnait-elle en fait ? Il avait la réaction basique d'un élamentien typique se rebellant contre cette nouvelle donne. Normalement, elle l'aurait bien frappé. Ou enfermé dans son cachot. Ou infligé n'importe quoi de cruel. Mais elle avait promis, non ? C'était sa première promesse, et elle l'avait juré, sur elle, ou sur un dieu, qu'importe. Reste comme tu es, c'est ça ? Et si c'était lui, qui changeait, que devait-elle faire ? Elle posa le récipient avant de le briser. Etait-elle énervée à cause de ses paroles ? Non, pas vraiment.


" C'est si... simple, oui... "

Alors, tout ce qu'elle avait dit avant, ça n'avait aucun sens.
Alors, ces nuits blanches passées à se demander s'il était mort ou pas, ça n'avait aucun sens.
Alors, sa promesse ne valait plus rien.


" Lyly, tu te souviens de moi, pas vrai ? Tu peux pas m'avoir oubliée... Tu m'as promis que... "

Elle commençait à sentir une colère sourde et naturelle, oh, si naturelle, monter en elle. C'était si habituel, si commun. Elle était si souvent en colère, que ça n'avait rien d'étonnant. Mais elle aurait voulu ne pas être en colère contre lui. Pourtant, c'était plus fort qu'elle. La fatigue peut-être. Et c'était vrai, qu'elle se sentait fatiguée, et faible, parce qu'elle s'était à peine reposée depuis la Conquête sur Elament. A peine fermé l'œil... Alors, elle respira un grand coup, mais elle n'y pouvait rien. Elle ne pouvait pas ne rien faire face à ça. C'était trop dur. Bizarrement, elle se sentait... trahie.

Traitresse, comment pouvais-tu imaginer que tu serais trahie ?
C'est...
Hihihi tu vois maintenant ? Même si tu as essayé de faire semblant, c'était ridicule.
Non...
Une promesse ? Des mots, de l'air, du vent ! Rien qui ne vaille les actes... Et ça, c'est un acte manqué.
Complètement faux...
Faux ? Ma pauvre Faux... Pff mais achève le donc, qu'on en finisse avec cette histoire...

Elle avait mal à la tête et sentait le sol tanguer sous ses pieds. Elle se dirigea droit vers Lysias, comme si elle allait l'attaquer. Elle le prit par les épaules et le secoua, sans doute un peu violemment. Bon ok, elle devait vraiment lui faire mal.


" Pourquoi ? Pourquoi tu m'as dit de pas changer, si toi tu m'oublies ? Pourquoi tu voulais que je revienne, si tu me détestes ? Pourquoi je t'ai cru...? "

Elle aurait préféré qu'il la frappe, elle se serait sentie moins coupable. Mais là, c'était l'inverse. Elle espérait quoi ? Qu'en le secouant, la mémoire lui reviendrait ? Qu'il était juste cassé, comme un jouet ? Elle lâcha prise, resta à genoux devant un Lysias un peu retourné. Mais elle ne le voyait plus. Elle voulait le tuer. Parce qu'il l'avait fait croire à une chimère, à un rêve ou une image si ridicule maintenant qu'elle y repensait. Hein ? Comment pourraient-ils resté juste amis ? Il avait dit que quand ils se retrouveraient, ce serait parce qu'ils auraient échoué à tenir leurs promesses. Mais il lui avait apportée les bonbons. Et ils s'étaient retrouvés avant. Mais... Une semaine en Enfer pouvait-elle tout changer ? Apparemment...

Non. C'était impossible. Mais bien réel. Elle voulait l'écraser, lui et son ange. Comme avec les deux jeunes élèves, elle leva sa main griffue et s'apprêtait à lui déchirer le cou. Mais elle ne le fit pas. Elle n'hésita pas, ses yeux haineux plongés dans les siens, et frappa le mur à côté de sa tête, comme si un bouclier le protéger. Bien sûr, elle avait oublié ce détail : elle n'arrivait pas à le tuer. Elle ne pouvait pas le tuer, mais s'il ne se souvenait pas d'elle, à quoi ça servait d'être allée le chercher ? A rien. Futile. Inutile. Risible. Elle ne voulait pas pleurer, pas devant lui. Ça le rendait triste à chaque fois, comme il disait. Alors elle enfouit sa tête contre son épaule, et pleura là. Comme une gamine. Sur lui et sur l'ange. Elle s'affaissa complètement contre lui. Blottie. Lovée. Endormie. Comme une enfant. Comme si elle en était une.

Elle se laissa partir dans un cauchemar ou un rêve. Parce qu'elle n'avait plus la force de supporter cette douleur-là. Surtout qu'elle ne savait pas si elle était physique ou dans sa tête. Ce pincement ou cet écœurement ? Pareil. Elle sentait que lui avait un cœur qui battait de vie. Elle le sentait taper contre sa poitrine. Comme une berceuse. C'était si doux, si chaleureux. En fermant les yeux, elle murmura, à peine audible.


" Tu vas laisser ton angelotte mourir sur le plancher ou tu vas te décider à l'allonger sur mon lit ? ... Tu ne penses toujours... qu'à toi, Lyly... hein ?"

Et ses yeux se fermèrent. C'était plus facile comme ça, pour elle. Elle ne voulait pas l'affronter, elle avait peur de le blesser. Alors autant laisser faire la fatigue. Si simple, comme il disait. Sa respiration ralentit, ses larmes terminèrent sur Lysias. Et elle ne se souvint plus. Le noir, un rêve.

Elle voyait un sourire cruelle, comme le sien.
Des yeux haineux, comme les siens.
Des mains griffues, comme les siennes.
Qui jouaient, qui tentaient.
Un rire d'enfant ou un rire dément.

Mais les ténèbres étaient là et l'enveloppèrent. Comme à chaque fois, elle s'y réfugia. Douce chaleur. Mais tout se refroidit bien sûr. Poussées par une brise fraîche, la sombre magie s'envola. Elle se retrouvait si fragile. Elle allait mourir comme ça. Et regarde ta main, elle est comme avant. Mais...

Mais ce n'était... qu'un rêve.


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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 25 Mar 2010 - 18:29

Lysias qui parle, Lysias qui rit, Lysias qui fait mal aux autres.
C’est un nymphe aux manières agaçantes, c’est vrai. Il le sait. Et il le vit bien. Mais derrière lui, un verre se brise. Sur sa lancée de mauvaise volonté, l’adolescent aurait simplement rétorqué quelque chose comme -de quoi tu parles ? Mais il ne le fait pas. Il ne le fait pas et reste dos à Sappho, figé un instant. Un instant d’incertitude. C’est une étrange impression qui le saisit sans qu’il puisse y mettre le doigt dessus. La succube lui parle de chose qui le dérange. Qui le dérange, parce qu’il sait sans savoir. Et elle le secoue, dans l’espoir de faire rejaillir tant de souvenir pour un si peu de temps passé ensemble. Tant de souvenirs qui pourtant ont bel et bien marqué cet égoïste de nymphe.

Le mur explose à côté de sa tête.

-Arrête ! Mais arrête ! s’exclame Lysias en retenant les bras de la démone qui s’acharnent à le secouer. –Je me fichais de vous autres, les démons, figure toi ! Mais vous passez votre temps à tuer les autres sans raison. Toi et tes autres… regarde ce que vous faites ! Regarde !

Dans sa fureur, il tourne la tête et relève davantage ses cheveux pour lui mettre la morsure de Thanis sous le nez. Sans en démordre, Lysias lui retourne un regard révolté, en relevant le haut de sa tunique encore sale, et laisse découvrir des lignes de cicatrices blanches et parallèle le long de ses côtes. Le plus marquant reste pourtant, ces trois cercles blancs, dernières traces des trois griffes qui lui ont transpercé le corps. En exhibant ses blessures, Lysias se surprend lui-même, à les voir à la lumière du jour. Laissant retomber le haillon qui lui sert de tee shirt, le nymphe fixe la succube d’un regard noir.

-Tu vois ! Comment veux tu que je ne vous déteste pas tous, les uns autant que les autres, si vous me volez ma vie !

Si vous ne volez ma vie.
Lysias se souvient, parce qu’il n’a pas oublié. Il est mort, la semaine dernière.
Il se souvient mais ne se rend pas compte. Et trop de choses s’embrouillent encore... Ça l’énerve d’autant plus.

-Range tes griffes si c’est pour les planter dans le mur ! C’est avec vos machins que j’ai failli y rester ! s’exclame-t-il, agacé. –Si c’est…

Mais Sappho s’affaisse brusquement contre lui. Exténuée.
Dans un réflexe, Lysias se fige un moment, prêt à tenter une esquive en cas d’attaque. Mais l’attaque n’arrive pas et le ton de la gamine change. Sa voix est telle que le nymphe sent ses épaules s’affaisser, un tant soit peu. Elle parle de l’ange.

L’ange…

Lysias se tait, la minus contre lui, et regarde par-dessus l’épaule de cette dernière, le corps en question. L’enfant est là, un air paisible figé sur le visage clair, et cette aura de paix qui entoure cette inertie. Lysias tend la main vers l’être ailé, pour effleurer ses doigts. Il devrait l’allonger sur le lit là bas, Sappho a raison. Mais le nymphe n’aime pas la couleur pourpre qui lui rappelle la marre dans laquelle il a baigné des jours durant. La couleur pourpre lui rappelle le sang. Alors il n’allongera personne là bas. Son regard revient sur l’ange pour un long moment et c’est un regard qui s’embue dans le silence.

-Ce n’est pas une angelotte, c’est un ange. Mais je ne peux plus le réveiller. Je peux plus, parce que…

…C’est fini. Caliel a déjà quitté la lumière des mortels il y a quelques jours. L’être ailé a offert une nouvelle vie à Lysias avant de s’en aller. Le mystérieux pouvoir des séraphins… Lysias n’en a comprit probablement que la moitié, et voire même le quart de leur histoire. Mais il est revenu à la vie, pendant que l’autre s’en est allé. L’aera est incapable de ressentir tout le poids de ce départ et la seule chose dont il a conscience depuis le Réveil, c’est qu’il doit garder l’ange avec lui, sans plus d’explication. Le corps de l’ange est resté sain, et toutes les traces de maltraitances ont disparu. On dirait simplement qu’il dort, parce que ses couleurs sont restées tel un enfant en parfaite santé.
Mais Caliel n’est désormais qu’une carapace vide.


Lysias a reposé le menton sur la tête de celle qui s’est endormie contre lui. Le spectacle est presque drôle, il a d’une côté un ange et de l’autre, un démon…. Le regard fixé sur l’angelot serein, les larmes l’aveuglent un moment, et il finit par fermer les yeux, pour oublier. Un moment.

Et ils sont restés là un long moment dans cette posture, avant que le nymphe n’aille déposer silencieusement Sappho dans le lit à froufrous pourpres.


Tournons la page.
Tournons la.



Des heures passent, la fenêtre réfléchit la lumière d’une fin de journée, et Lysias contourne le corps de Caliel qui repose au sol, pour aller découvrir les quartiers d’un Chevalier Démon. Chevalier démon… d’où il sort ce rang ? Il ne sait plus. Il le sait, c’est tout. Le nymphe se sent comme exténué et à bout, sans l’être vraiment. Absence d’impression, absence de réaction, alors il a l’habitude de réagir au quart de tour. Mais se ressasser des heures à réfléchir sur sa condition n’est pas dans son crédo, alors il se concentre sur l’épaisse couche de mousse qui recouvre la surface de l’eau. Il faut qu’il fasse quelque chose, tout et n’importe quoi pour échapper à ce vide qui cherche sans cesse à le rattraper. Dans ce silence qui le désoriente tant, Lysias ne peut que trouver refuge en lui-même, en ne vivant que pour sa propre petite personne avec ses pensées tournées vers son égo. C’est la seule manière qui lui a permise de vivre jusqu’à là, et il continuera encore longtemps ainsi, sans trop de remords. Plongé dans l’eau jusqu’au pif, c’est une eau agréable et tiède qui écaille sa peau jusqu’au cou. Notons que même fatigué et à bout, le nymphe reste un parfait inquisiteur à l’aise sur les terres d’autrui, -en l’occurrence ici dans la salle de bain de l’autre demi portion-; mais après tout, l’un n’empêche pas l’autre.

Pour autant, malgré tous ses efforts pour rester mobilisé et actif, Lysias sent son regard se faire lointain et inaccessible, un long moment. La violence des coups se mêlent au retour de Thanis, Thanis déformée par la haine et Caliel qui crache du sang. Sappho qui étrangle les deux élémentiennes terrifiées, puis de nouveau le dernier coup de grâce qu’il a reçu, les souvenirs s’emmêlent et se démêlent…
Stop. Agacé par sa propre réaction, le nymphe se redresse et frotte doucement les écailles de son avant-bras, et s’y met de plus en plus vigoureusement jusqu’à ce qu’il en ait vraiment mal. Cette impression d’avoir été marqué par la mort, de se sentir enduit de ténèbres, de sentir le Mal au travers les pores de la peau. De se sentir couvert du sang des autres et de son propre sang à lui. D’être sale. Sentant enfin les griffures le brûler, il cesse immédiatement, replongeant le bras dans l’eau et se met à tâtonner la morsure de Thanis vient de se rouvrir. Lorsqu’il retire les doigts, ils sont tâchés de rouge comme il n’en supporte plus cette couleur. Alors il finit par vider la bassine rapidement, fait jouer imperceptiblement l’air autour de son corps pendant quelques instants pour sécher le plus rapidement possible, se rend compte qu’il a oublié d’enlever ses vêtements avant de se précipiter dans la première source d’eau, et met finalement trois cent ans à sécher les tissus, qui au moins ne sentiront plus la mort des autres. Dans sa concentration et précipitation des choses, Lysias se fait peur à lui-même en apercevant l’air jouer entre ses doigts. Assis dos au mur, il lève la main à son visage et observe l’énergie qui circule entre ses doigts, comme un feu allumé au plus faible depuis un four à gaz, et s’étonne de voir l’air, son élément pour la première fois aussi clairement. Diantre, il faut absolument qu’il aille montrer ça…

-Tyrol ! s’exclame-t-il d’un coup en se levant comme une fusée, et se précipitant dans la chambre à froufrous. Mais son excitation du moment retombe aussi vite lorsqu’il admet qu’il devra attendre un peu avant de le revoir. Il fait plus sombre que tout à l’heure –combien de temps il a passé ainsi, il ne se le rappelle plus-, mais sa deuxième surprise est de voir que Caliel n’est plus à la place où il l’a laissé. Désappointé, il reporte alors son attention vers Sappho, la rejoint et vérifie que dans son sommeil, elle n’a pas saisi l’ange entre ses griffes, cherche frénétiquement dans tous les coins et recoins, soulève même un pan du lit pour regarder en dessous, hésite à secouer le bras de la succube un quart de seconde puis le fait quand même.

-Dis, hé oh ! Réveille-toi, la succube! Où est Caliel ? Dis-le, où est-il ! crise Lysias furieux et paniqué en même temps. Il ne s’imagine pas une seconde que sa tête pourrait partir rouler quelques mètres plus loin, par la réactivité brutale d’un démon. –Dis moi ce que tu en as fais, il ne reste plus que… ça !

Il brandit une plume blanche restée sur le parquet, avant de se précipiter vers la fenêtre pour regarder en vain à travers.

Le corps du séraphin a enfin puisé ses dernières ressources pour les transmettre à Lysias, bien après que l’âme de Caliel soit parti de ce monde. Le corps des anges ne pourrissent pas dans les poussières et repartent à leurs lieux d’origine, parait-il. Lysias en a entendu sur tout et sur rien à leur compte, mais ce qu’il voit, c’est qu’il n’est plus là. Sappho ne peut rien lui avoir fait dans son sommeil épuisé mais le nymphe est prêt à porter le tord sur tout et n’importe qui à la fois. Non pas qu’il soit tellement attaché à Caliel, mais il a comme l’impression d’avoir failli à quelque chose. Ils ont partagé leur vie, à leurs derniers instants et la disparition définitive de Caliel ébranle l’aéra au plus haut point.

Dans les simples faits objectifs, le corps de Caliel s’est illuminé un court instant et s’est dissolu sur place, ne laissant aucune trace de sa présence hormis cette plume que Lysias détient sur le bout des doigts. Un Lysias qui ne comprends pas ce départ, et qui se mordille la joue, le regard perdu au travers la fenêtre.

Et maintenant.
Il n’y a plus que des démons autour de lui.

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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 26 Mar 2010 - 10:29

Ah oui. Tuer sans raison particulière, voler des vies, assassiner, torturer,... c'était si vrai. C'était un quotidien banal, et lui, il l'avait subi. C'était les dernières choses qu'elle vit : ses blessures, ces coups de griffes, ces coups de dents. Superficielles ou profondes, refermées ou ouvertes, les plaies étaient là. Même si, tôt ou tard, elles se refermeraient, il resterait une marque. Indélébile. C'était inévitable, comme la fatalité. Elle espérait qu'il mettrait l'ange sur son lit, parce qu'il y tenait. Mais elle ne l'entendit pas vraiment répondre. Déjà que c'était un ange -quoi ? Comme si c'était évident... - ensuite qu'il ne le pouvait pas. Ça non, elle l'oublia ou partit trop vite au pays des rêves. Qu'importe. Elle ne sentit pas qu'on la déposait sur son lit, et pour cause, elle dormait profondément. Elle ne rêva pas vraiment au final, juste du noir. Comme un vide.

Puis le réveil, brutal.
Elle n'y est pas habitué, en général, on la laissait dormir autant qu'elle le souhaitait, c'était bien la première fois qu'on la réveillait de force. Elle sent son bras pris dans un étau, puis les secousses du nymphe. Elle ouvre les yeux rapidement, et s'apprête à saisir la cause de tout ce foutoir pour l'écraser, quand elle reconnait vaguement la voix de Lysias. Ah oui, c'est vrai. Il est là. Elle se demande un instant où elle est. Serait-elle encore dans la forêt ? Mais non, sous elle, il y a ce matelas satiné et cette douceur agréable. Elle se redresse en posant sa main sur son visage, et ouvre doucement ses yeux cette fois, tandis que Lyly s'est jeté sur la fenêtre. Mais que cherche-t-il ? Un dénommé Caliel ? Connais pas. Ah moins que... Il n'y avait pas quelqu'un d'autre ici ? Encore dans le brouillard, Sappho s'assit sur le rebord du lit et regarde dans le coin où elle s'est endormie. Il n'y avait pas... quelque chose ? Genre... une ange ?

Ah non, un ange. Mais c'était pareil : il ou elle n'était plus là. Envolé, disparu... enfui ?! Non, et si on apprenait que Sap' avait laissé un esclave s'enfuir ? Nom d'un incube dégénéré ! Calamité ! Elle sauta sur ses pieds, et après avoir tangué un peu, elle reprend conscience, à peu près totalement. Comme on peut l'être après un somme. Bon, résumons : elle a laissé deux élamentiens, dont l'un en forme, libres de leur mouvement dans ses quartiers... Heureusement que la porte était fermée... Il y avait une odeur de savon, est-ce-qu'il avait pris un bain ? Bah, si ça pouvait le faire se sentir mieux... Mais là, il est contre la fenêtre et regarde à l'extérieur, en espérant y voir une aile blanche peut-être ? C'était bizarre tout de même : la porte était close, la fenêtre n'avait pas été ouverte... Et un ange aurait été abattu sous des applaudissements si on l'avait vu... Étrange.

Silence. Il n'y a plus un bruit. Mais pendant cet instant si calme, elle se souvient de quelque chose, d'important. Ou plutôt, de quelqu'un. Elle se frappa le front avec le plat de la main, elle avait oublié. Elle avait oublié le prisonnier de guerre qu'on lui avait confié. Non, pas Lysias. Un de ceux qui avaient combattu, mais qu'on avait réussi à mater. On les avait mis à part, en raison de leur "dangerosité". Ils avaient donc été distribués entre les Chevaliers Démoniaques pour qu'ils les torturent et les tuent. Et Sappho en avait un. Il était dans l'autre pièce de sa chambre, hormis la salle de bain. La porte, fermée par un sceau de base, ne laissait entrer et sortir que les démons. Sans un mot, la petite succube se précipita sur la porte, effleura le symbole runique, et ouvrit le porte grinçante. L'intérieur était totalement noir, aucune lumière. Si bien que la clarté de sa chambre se répandit dans la petite salle. Et qu'on la vit. C'était une nymphe ou peut-être une elfe, elle n'était pas sûre. Une Igni, à ce qu'il parait. Elle était blessée, mais ce n'était pas des marques de la guerre. C'était des griffures et des brûlures fraîches. Des marques de tortures perpétuelles.

Elle s'appelait... Tela... ou quelque chose dans le genre. Sappho s'en fichait en fait. Elle aurait aimé qu'elle soit morte tiens. Elle ne pouvait pas le vérifier, mais elle ne devait plus en être très loin... Qu'à cela ne tienne, qu'elle vive aussi longtemps qu'elle le voulait. Avant que l'autre ne rapplique et ne vienne s'insurger, elle claqua la porte et resta devant celle-ci, comme si elle avait peur qu'il vienne l'ouvrir et regarder. C'était ridicule, il ne le pouvait pas. Elle souffla en espérant qu'il n'avait rien vu ou rien senti, même si elle espérait beaucoup... Avec de la chance, la perte de l'ange l'avait suffisamment remué pour qu'il ne remarque rien.


" Hum euh... Tu cherches ton ange ? Ce... Caliel, pas vrai ? Bah, j'ai rien vu. Et puis quoi, elle, oups, il était déjà crevé, non ? C'était juste un corps sans vie... "

Se rendait-elle compte de ce qu'elle disait comme énormité parfois ? Et encore, elle avait changé. Lysias, Senector. Ils lui avaient appris quelque chose d'important tout de même; Chacun à leur manière. Même un démon devait vivre pour autre chose que tuer. Pendant combien de temps avait-elle été persuadée du contraire ? Mais maintenant, elle voulait vivre, si bien qu'elle avait presque peur de la mort. Presque. M'enfin, c'était déjà plus "humain" que de s'y jeter perpétuellement.

Elle s'approcha de la fenêtre aussi. Dehors, de ce que l'on voyait à travers la vitre salie, ce n'était encore qu'un chantier, mi-scène de carnage, mi-reconstruction. On ne s'affairait pas encore beaucoup dans les rues. On voyait tout de même quelques lumières sur la place. Des torches qui dansaient comme des esprits de feu. Y avait-il une fête ? Ah, peut-être était-ce ce soir que l'on organisait les première festivités avec des esclaves... Elle n'en était plus sûre. Mais il était déjà presque nuit. Alors, c'était sûrement ça. On allait exécuter quelques élamentiens à la vue de tous, puis on jetterait leur corps dans la foule qui les déchireraient dans leur ivresse. Avant d'aller boire encore et se faire plaisir. Ne lui en avait-on pas parlée dernièrement, de cette fête ? Hum. La mémoire ne lui revenait pas, et pourtant, elle était sûre que c'était très important... Mais ce n'était pas le moment d'y penser, elle essaya d'oublier cette fête ainsi que l'igni agonisante derrière la porte. Elle s'en occuperait plus tard. Peut-être.


" Excuse-moi Lyly, je ne voulais pas te faire de mal... " Elle regarda la marque de dents sur son cou, et l'effleura du bout des doigts. " ... Ah mais j'ai brisé le seul remède que j'avais... Comment t'as pu te laisser faire ça, t'es si inconscient ? Je pensais que tu tenais un peu plus à la vie ! Bah c'est pas grave. "

Non, tant qu'il vivait, rien n'était grave, pas vrai ?

" Je ne te ferais rien, promis. Mais faudra juste que tu m'obéisses hors de ces murs, ça te va ? Si je ne suis pas là... essaie de ne pas faire de bêtises p'tit nymphe... "

On toqua à la porte. Sappho se retourna brusquement, et paniqua un peu. Elle saisit le bras de Lysias, et le tira violemment -c'est plus fort qu'on ne le croit, les minis aujourd'hui- dans la salle de bain, dont elle ferma la porte, laissant le nymphe à l'intérieur. Théoriquement, elle n'était pas sensée discuter autour d'une tasse de thé du beau temps en compagnie d'un esclave. Théoriquement. Alors, elle s'avança vers l'entrée et ouvrit la porte. C'était un messager soquior. Commun, inutile et remplaçable. Il semblait ennuyer, comme s'il avait mieux à faire.

" - Dame Sappho ?
- Oui oui, c'est moi, qu'est-ce-qu'il y a ? "
Elle avait un ton pressé et irritée, ce qui augmenta irrémédiablement l'ennui du messager.
" - Ben euh, c'est l'exécution d'votre...
- De mon quoi ?
- Ben, de votre prisonnier là, la sentinelle là, l'aqua truc... qui vous a touchée... Et des autres aussi...
- Et ?
- Ben vous vous souvenez pas ? "
Elle soupira devant tant d'imbécilité. Si elle demandait, c'était parce qu'elle le savait peut-être ? " ... Vous aviez demandé à les exécuter vous-même... "

Ah. Oui, ce détail. Elle ne pouvait pas se retirer maintenant. Elle confirma qu'elle arrivait. Elle n'avait pas vraiment le choix. Puis elle ferma la porte au nez de démon mineur. Avant d'aller chercher Lyly. Ah, mais est-ce-qu'il voudrait bien rester ici ? Pas sûr. Elle attrapa sa sucette, éternelle et inusable, sur son étagère, près des débris de verre. Il faudra qu'elle les enlève d'ailleurs. En se retournant, elle avertit le nymphe.

" T'as entendu ce qu'il a dit ? Je dois exécuter quelques-uns de tes camarades... T'as quand même pas envie de m'accompagner, si ? "
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptySam 27 Mar 2010 - 18:14

Lysias ne se retourne pas de sa fenêtre, le regard tourné vers l’horizon qui s’étend loin devant, comme il ne pourra jamais l’atteindre. Caliel est parti et son départ l’achève, même s’il ne s’en rend pas bien compte. Au fil des jours, ces douleurs-là, trop fraîches et trop intenses, le surprendront sans même qu’il s’en aperçoive.

-ET SI J’AVAIS DES AILES-

Une odeur bien familière vient réveiller son attention brouillée, et lorsqu’il se retourne, impassible, Sappho sort de l’autre antichambre. A-t-elle tué ou est-il en train de rêver l’odeur du sang ? Lysias ne sait pas très bien. Lysias ne veut pas en savoir plus, il aimerait juste qu’on lui lâche la grappe quelques temps. Mais la voix de la mini l’empêche de sombrer dans son tunnel sans fin et de s’y enfermer. Elle lui parle de Caliel. Que dit-elle… Se concentrer est une tâche pénible.

-C’était un corps sans vie. C’est vrai, répète Lysias d’une voix sceptique, qui se termine par un gros soupir las. Il se retourne de nouvelle fois vers la fenêtre. L’adolescent a juste la désagréable impression de s’être reçu un coup sur la tête, un coup qui l’abrutit de ses sens. Qui l’immunise contre la concentration et qui laisse filer tout son entourage sans que Lysias puisse faire jouer un quelconque contrôle dessus. Le tableau de la fenêtre ne montre qu’une ville fraichement décimée. Ce n’est que lorsque Sappho effleure sa blessure qu’il esquisse un geste sur le côté, le regard qui tente de voir plus, que ce que la lumière nocturne veut bien offrir.

-Tu sens le sang, se contente-t-il de répliquer, affable, …mais peu importe, je suis en vie. Je suis en vie mais… ||je n’ai pas l’impression de vivre.||

Simple pensées qu’il taira, face à un « ne fais pas de bêtise, ptit nymphe ». Il se tourne vers la démone, mais elle lui agrippe déjà le bras pour le trimballer dans la salle de bain. Allons bon, voilà que le cinéma continue. Le nymphe soupire et s’assoit sur le rebord de la baignoire, quand la conversation parvint jusqu’à ses oreilles. Encore des exécutions… à quoi ça sert de les capturer si c’est pour les tuer ensuite ? Pourquoi ne le font-ils pas directement sur le terrain et laisse dégénérer tous les maux que le temps laisse naître. C’est injuste. Pff et ce « dame Sappho» donne presque à Lysias l’envie de se tordre de rire. Si l’esprit y était seulement, il l’aurait fait.
La porte se referme, et cette fois, c’est la sienne qui s’ouvre.

-Allez-y, courrez y, jetez-vous y dessus, dans votre carnage, vous, Dame Sappho, et vos camarades, puisqu'ils n’attendent que ça ! s’exclame Lysias, furieux. –Et bien non, je ne vous accompagnerai pas, parce que contrairement à vous, je n’ai pas ce genre d’activités en loisir. Mais pourquoi me posez-vous la question, Dame Sappho, puisque au final, vous pouvez décider de tout!

Le nymphe saisit la succube par les épaules et la dirige hors de la salle de bain.

-De toute façon, je ne vous accompagnerai nulle part, alors dépêchez-vous de partir, que je m’en aille moi aussi !

Il continue à avancer pour finir par la plaquer contre la porte d’entrée.

-Dame Sappho, au risque de vous décevoir, je ne ferai pas le clown en jouant les soumis sans dignité, que ce soit dans vos quartiers ou à l’extérieur.

Il la fixe avec sa sucette dans le bec, et chipe les clefs de la porte, qu’il glisse dans sa poche. La porte est pourtant un obstacle si faible comparé aux pouvoirs qui se jouent entre les murs.

-Rien à faire, je n’obéis à personne à part moi-même, tu entends Sappho ? Menace-moi, envoie-moi en enfer, mais je préfère mourir dix fois que d’aller jouer les toutous à quelqu’un ! rétorque encore le nymphe, attrapant finalement le visage de la démone à deux main. -C’est comme ça que tu me vois, comme ton esclave ? Parce que si c’est le cas, ne dis rien. Mais Sappho, si tu vis, c’est pour être libre. Si tu vis, c’est pour pouvoir faire tout ce que tu as envie de faire, pas vrai ? …Si à moi, tu me retires la liberté, ça ne s’appelle plus vivre… Alors est-ce que tu peux prétendre que je suis encore en vie si je ne suis pas libre de mes gestes.

Il scrute le regard de la démone et ses épaules s’affaissent, abandonnant la fureur qui a trahi ses gestes. Et le nymphe finit par étreindre la démone dans ses bras, inversant leur position, pour se mettre dos à la porte et constituer un mince barrage supplémentaire.

-Je refuse que tu y ailles.

La dernière fois, tu as mis une semaine avant de revenir.
C’est étrange de percevoir des souvenirs, qui se mêlent dans un ordre incompréhensible. Lysias ne comprend lui-même pas de ce dont il se rappelle ou non. La seule chose, c’est qu’il est un égoïste de nymphe. Il se fiche des conséquences qu’encourt ses entêtements, des conséquences qui le concernerait à lui, ainsi qu’à celui de son entourage. Mais l’Aera n’est pas décidé à laisser partir la démone. Il ne veut pas aller voir les tueries grand public, mais la perspective de rester enfermer ici le hante plus que tout. Prison de luxe, prison de dentelle et d’ornements pourpres.

-Que ce soit pour tuer ou non, je ne veux pas que tu partes. Alors reste Sappho, insiste le nymphe en resserrant sa prise. Dans tous les cas, l’aqua prisonnière mourrait, de la main de la démone ou d’un autre. C’était une fatalité à laquelle la bonne volonté de Lysias n’y pouvait rien. A cet instant, la seule pensée égoïste qui l’anime est tournée vers celle qui le tire des griffes d’une mort certaine et qui l’emprisonne ici-même.

-Reste avec moi.

Parce qu'au final... es tu libre toi aussi?






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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMar 30 Mar 2010 - 6:35

Elle ne pensait pas faire naitre pareille réaction. Elle s'y attendait si peu... Elle pensait qu'il bouderait, qu'il s'apitoierait sur son sort. Il est furieux, il l'interpelle. Elle pense qu'elle ne devrait pas se laisser faire. Il lui semble... qu'elle devrait dire quelque chose, pour sa défense. Il la traitait de meurtrière, elle et tous les démons, mais qui était le "méchant" ? Les élamentiens avaient tué tant des leurs... Elle les haïssait tous, sauf lui. Lui, avant, il disait se ficher d'eux, ne pas les connaitre. Elle aurait dû se douter que le carnage lui ferait voir les choses autrement. Et sa façon de prononcer ce titre... Dame... Pff, elle ne l'était que par la crainte qu'elle provoquait à présent. Les rumeurs allaient bon train, et à la mort de Tarna, la traitre qui gouvernait le second clan des Enfers, il avait fallu lui désigner un successeur. Khisath Wonsul, Haut-Roi, l'avait désignée, elle. La cérémonie n'avait pas encore eu lieu, mais c'était comme si. Elle était ce qu'on appelait aujourd'hui un Général. Elle était censée être un démon parmi les démons. Or, elle faiblissait devant lui, encore et encore, sans rien pouvoir dire ou faire. Elle arriva juste à protester.

" Ne m'appelle pas ainsi ! Et lâche... moi ! "

Mais ça manquait de conviction et d'autorité. Elle se laissa pousser jusqu'à la porte, elle aurait pu faire tant de choses pour l'arrêter, à commencer par le tuer. Mais bien sûr, elle n'y croyait pas. Alors elle laissa Lysias menait la danse, sans opposer de résistance, à part verbale.

" Non... Tu n'iras... "

Mais elle sent la porte dans son dos, et cela lui coupe la respiration. Elle espérait qu'on n'entendrait rien, ou qu'on se dirait que c'était juste elle qui jouait avec lui, et non l'inverse. Et comment pouvait-il la croire capable de lui faire ça ? De lui retirer sa dignité ? Il n'avait donc plus de souvenirs ? Elle aurait voulu encore élever la voix contre ça. Elle entend le cliquetis des clés qu'il lui prend. Elle voudrait les rattraper. Elle voudrait dire tant de choses.

" Rend-moi ça ! Tu dois... "

Il doit quoi ? A elle, il lui devait la vie, mais elle n'a jamais considéré qu'il lui devait vraiment quoi que ce soit : le voir en vie lui suffisait. Mais voulait-il vivre comme un oiseau en cage, même si celle-ci a des barreaux en or ? Il veut être libre, comme Wind. Tout les élamentiens n'aspirent-ils qu'à être libre, une fois en cage ? Mais lui, ne supporterait pas ça. Il ne pourrait pas vivre si... si elle l'empêche de sortir.

" Tu veux des menaces ? Si tu sors d'ici, tu seras mort avant que je ne te... Hmpf"

Elle sentait ses mains enserrer son visage. Comme un étau, qu'elle avait mille fois refermé sur ses victimes. Elle était comme ceux qu'elle avait torturés. Entre les mains d'un autre. Il pouvait la tuer s'il le voulait. Il serait libre de s'enfuir, et elle ne ferait rien pour l'en empêcher. Elle sent la douleur. Elle écoute ce qu'il dit, et elle sent toute combativité la quitter. Car ce qu'il dit est si vrai... Si vrai, qu'elle aimerait quitter cette réalité. Chacun de ses mots est empli de colère et de révulsion. Il lui demandait quoi ? de choisir entre sa liberté et sa vie ? C'était trop dur. Non, simplement impossible. Un choix qu'elle ne ferait jamais. Était-ce trop demander ? Était-elle trop gourmande avec la vie ? La vie qu'elle chérissait à présent.

Elle sent que la fureur passe, sans qu'elle sache pourquoi. Il finit par l'étreindre. Elle n'y répond pas. Quelque chose l'en empêche. La certitude que tout cela n'était qu'une chimère frivole. Un rêve inouï. Elle n'avait peut-être fait que rêver de tout cela. Elle n'y tient plus, maintenant qu'il lui bloque le passage. De son corps frêle et blessé.


" Je n'ai jamais voulu faire de toi mon esclave... Lyly... Je veux que tu vives. Mais... si tu ne peux pas le supporter, alors... tu devrais me... "

Mais voilà qu'il la désire ici. Se joue-t-il d'elle ? Se moque-t-il ? Pourtant, il parait si sincère. Si... comme autrefois. Il la voulait avec lui, ici. Elle devait rester. Mais le pouvait-elle ? Son devoir l'appelait. Vous me direz, si elle ne vient pas, on procédera à l'exécution, qu'importe que ce soit de sa main ou d'une autre. Mais cet acte avait un aspect politique, Sappho se devait de réunir des démons autour d'elle, pour maintenir la cohésion de son clan maintenant... Elle se devait d'apparaitre en publique. Mais... lui, ne pourrait peut-être pas le comprendre. Elle préférerait rester ici toujours. Mais Senector lui avait au moins appris quelque chose : elle pouvait aimer la lumière, mais jamais elle ne l'atteindrait. Non, jamais elle ne serait un être de la surface, ses crimes étaient trop nombreux et son âme trop pervertie. Même les dieux n'auraient pas cette clémence, s'ils existaient.

" ... Tu veux que je reste... Lysias, tu te souviens de nous ? " Elle répondit enfin à son étreinte. " Tu ne seras jamais mon prisonnier, je ne t'enfermerai jamais. Tu es libre, Lyly, libre de partir, libre de rester. "

Oui, elle ne l'empêcherait pas de sortir ou de s'enfuir. Il pouvait se considérer comme le plus libre ou le plus chanceux des élémentalistes... Ou bien le plus malchanceux, à voir. Mais elle ne pouvait pas faillir à ses devoirs. Quoi qu'il arrive, elle le protégerait toujours, mais elle ne pouvait pas cesser d'être ce qu'elle était. Quant à dire qu'il était libre... Bien sûr, encore fallait-il que personne ne le sache en dehors d'eux. Mais entre eux deux, qui était le plus libre ? Sappho n'avait pas le choix, elle était un symbole à présent... Général Sappho... Elle était censée diriger ceux contre qui elle devait le défendre. Cependant, elle n'était pas au-dessus des lois -certes il y en a peu- instituées par Khisath. Elle ne pouvait pas abandonner ni les démons, ni lui. Pourquoi s'était-elle fourrée dans un pétrin pareil ? Comment ? Bah, tout avait commencé par une baignade et une chanson imaginaire... Cela semblait si loin, si léger, qu'elle sourit à ce souvenir étrange et brumeux.

" ... Cependant, " Elle prit son visage entre ses mains à elle. Elle essayait d'appliquer une douceur qui lui était étrangère. " comprend bien que seul toi pourra profiter de cette liberté, que même ainsi, je ne peux que te garantir la vie la moins difficile pour ceux de ton espèce aujourd'hui. Tu n'auras pas à fuir ou à te cacher, tu devras simplement... rester près de moi. "

Mais dans tout ça, était-il vraiment libre ? L'était-elle aussi ? Ils étaient sans doute prisonniers de leur sentiments, et a forciori, du reste. Pourtant, elle ne le retiendrait pas, s'il ne désirait plus vivre ainsi, ici. Si vraiment, il ne supportait pas cette situation atypique, il l'aiderait à s'enfuir. Mais sinon, il lui faudra faire attention, ne pas croiser de démons s'il voulait aller seul à travers Elament, ne pas leur parler, car à coup sûr, ils le reconnaitraient. Faire profile bas. Jouer à l'esclave, en sachant qu'une seule personne ici ne le considérait pas comme tel. Pouvait-il le faire ?

" Si tu ne le peux pas, alors... je t'aiderai à t'enfuir d'ici. " Elle s'écarta un peu de lui, et jeta sa sucette par terre. Elle n'était pas encore aussi inoffensive que l'absence d'arme le laissait croire, mais ce n'était là qu'un symbole, encore. Elle ouvrit ses bras. " Si tu me détestes encore, alors frappe-moi ! Venge les tiens, venge Caliel ! Je ne ferai rien contre toi. Si tu ne peux pas me pardonner, alors tue-moi !"

Une vie pour des milliers, des milliers pour une vie. Rien d'équitable, ni pour l'un, ni pour l'autre, mais tout n'était que symbole superflu. S'il avait encore ne serait-ce qu'une once de haine à son égard, elle n'était pas sûre de le supporter, même si elle le devrait de toute façon. Mais elle pensait devoir lui laisser le choix. C'était ce qu'elle lui devait, pour les bonbons.
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Lysias
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMar 30 Mar 2010 - 11:02

-Je me souviens de nous... murmure un élémentien contre une démone. Je me souviens de nous mais lointainement. C’est vraiment bizarre.

Reste simplement près de moi. Qui le dit à qui ? Lysias soupire, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire pour exprimer autre chose.

-Mais je veux pas que tu m’aides à sortir d’ici ! s’exclame-t-il en croisant les bras, d’un air sceptique. Je peux me débrouiller tout seul. Et puis…

Occupe toi de tes affaires, et je m’occuperai très bien des mêmes. Bon crédo d’égoïste… pour autant, Lysias le pense vraiment, parce qu’il n’a pas envie d’avoir des dettes envers quelqu’un pour se rembourser de quelque chose. Et quelque part au fond, il n’a pas envie d’être le pionnier des ennuis de Sappho. Moins elle sera obligée de courir après ses bêtises, moins elle court de risque. Et puis moins Lysias lui-même aura à craindre des représailles qui pèsent au dessus de leur tête. C’est étrange, il se souvient de choses qui semblent remonter d’il y a des années et des années. Comme si quelqu’un avait posé un voile dessus, rendant les images floues, très floues. Lysias est confus et il n’aime pas ça.

-Te tuer ? répète-t-il, haussant d’un sourcil. Je n’ai pas envie de répondre par la même chose. De toute façon, c’est pas toi qui… pour Caliel…

Il fait jouer les clefs dans sa main, puis les ressert entre ses doigts, masquant une hésitation qui ne demande qu’à s’allonger. Dos à la porte, son regard finit par prendre un air plus dur. Dans la vie, Lysias croit qu’il faut se forcer, parce que sinon, c’est la vie qui vous force. Or, il n’est pas quelqu’un qui subit.

-Je n’ai pas envie de te tuer. J’ai pas envie de tuer tout court. Si Caliel est parti, c’est parce qu’il en avait marre de rester avec moi.

Avec autant de sérieux, il arrive à penser des énormités pareilles.

-Peu importe, je m’en contrefiche, poursuit-t-il d’un ton le plus ferme qu’il peut, …et tu peux raconter tout ce que tu veux, je ne tuerai pas, parce qu’en le faisant, j’aurais l’impression de me rapprocher des démons, et j’ai pas envie. Je ne suis pas un des votre, ni même un résistant élémentien ; je défend juste ma vie parce que je suis Lysias avant tout ; et je ne changerai rien à ça.

Et voilà, Lysias est enfin sur le point de bouder, après avoir essuyé un accès de colère.
Avant l’assaut des démons, le nymphe se targuait d’être au-delà de toutes ces histoires. Cela aurait pu continuer bien après que la ville soit totalement assiégée ; mais il n’est possible de prendre à cœur, que ce qui nous touche directement, et ce vilain égoïste ne l’a senti qu’après s’être personnellement attaqué. Lysias aimerait s’effondrer un moment dans son désespoir et s’apitoyer dessus des heures durant. Si seulement il savait le faire.
Mais un Lysias geignard n’est plus le même Lysias, et il est persuadé qu’en le faisant, il ne se relèverait pas. Alors il s’efforce à tendre les clefs vers sa propriétaire, hésitant encore à les lui lâcher complètement, et finit par s’y résoudre. Parce que Sappho est une démone et qu’on ne change pas l’identité des gens. Finalement, dans cette histoire, on est tous méchant et gentil à la fois. Les démons tuent, les élémentiens ripostent et tuent à leur tour. Ce n’est qu’un sale cercle vicieux qui se perpétuent, et dont il est impossible de s’échapper. Sappho pourtant, vient clairement de lui demander de la tuer. Est-ce là, la réaction d’un démon ? Tout se mêle et alimente la confusion. La démone lui parait parfois totalement étrangère comme inexorablement familière. Tant et si bien que l’Aera ne sait que penser. A moins que ce soit lui, qui ait changé dans tout ça… ?

-Je n’ai pas soif de vengeance, affirme-t-il de nouveau, esquissant un pas de côté, pour libérer la porte.

Prends les clefs, avant que je ne change d’avis.
L’aera se redresse, parce qu’il le faut, pour vivre. Vivre et avancer. Parce que Lysias veut vivre, il veut qu’elle vive, et elle veut qu’il vive aussi, c’est aussi simple que cela. Mais faire et dire n’ont jamais été la même chose.

Et si t’y vas, t’as intérêt à revenir, parce que moi, je resterai ici.
A attendre, attendre comme un idiot, mais à attendre quand même on sait pas trop quoi.

-Je viens avec toi, s’entend alors dire Lysias, qui sûrement se maudit deux secondes plus tard pour avoir l’avoir fait. Il y a des fois, où il s’exaspère lui-même sur les bords.

-Allez, allez, mais dépèche-toi Dame Sappho ! la presse-t-il, un brin agacé, lui remettant la sucette dans le bec et ouvrant la porte et la poussant dehors. En même temps, il faut bien qu’il se fasse une bonne raison de suivre une des prétendantes les plus hauts placées des enfers. Rester dans une salle enfermée, serait un enfer. Et il n’est pas l’heure encore pour Lysias, de découvrir qui se tient prisonnière dans l’antichambre…

La vie est parfois faite de terribles surprises.
Silencieusement, il talonne la démone, dans ce dédale de couloirs, désormais sombres pour de longues années. Et se dire qu’il va avec autant d’assurance apparente, assister à l’exécution des siens… c’est vraiment à se demander qui est bon ou qui est mauvais, dans cette nouvelle ère.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 1 Avr 2010 - 21:07

Il se souvient, qu'il dit. Vaguement, mais il se souvient. C'est tout ce dont elle a besoin. Qu'il se souvienne d'une promesse faite à une démone. Qu'il se souvienne qu'elle a tenu sa promesse, même si cela a mis plus de temps que prévu. Qu'importe, si au final, il se souvient. Mais comme d'habitude, Lysias est Lysias, et si on ne peut pas changer un démon en ange, on ne changera pas non plus un nymphe égoïste en ange... Surtout celui-ci. Il veut se débrouiller seul qu'il dit encore, mais Sappho ne fait que sourire vaguement, se souvenant qu'il lui reprochait déjà de l'avoir laissé en vie la dernière fois. Comme d'habitude, il ne voulait pas dépendre d'elle. Pourtant, il restait.

Quand elle veut s'assurer qu'il ne la hait point, quand elle veut savoir absolument ce qu'il est prêt à faire, alors, il semble confus, ou bien décidé, ou bien les deux. Il ne comprend peut-être pas ce qu'elle veut dire. Il dit qu'elle n'a pas tué ou blessé Caliel. Mais c'est tout comme pour elle. Les démons sont une unité, un seul être, pour elle. Etrange paradoxe, mais malgré l'individualisme qui prime chez les démons, quand ils se liguent contre un ennemi, ils ne sont plus qu'une frappe sanglante, sans pitié et sans relâche à l'assaut. Si Caliel était mort, c'était un peu sa faute. Si Lysias était blessé, c'était aussi sa faute. Elle se sentait coupable, et peut-être avait-elle désiré qu'il la frappe. Peut-être qu'elle se serait sentie moins mal en face de lui, qui refuse de ressembler aux autres et qui veut être autre. Sappho aimerait bien être autre. En un sens, grâce à Senector, elle l'est un peu. Mais lui...


" Ce n'est pas moi qui l'ai tuée... Mais pense bien que les ordres ne viennent pas que du Roi... "


Oui, elle avait elle aussi ordonné ce massacre en règle. Et par ses paroles, il lui enlève un poids, tandis qu'elle sourit. Ce qu'il dit est ridicule. Ridiculement pathétique. Et elle aime ça. Sa façon de détourner les choses et d'en faire ce que les autres voudraient. Il retourne les clés dans sa main, hésitant. Est-ce-qu'il va les lui donner ? Il semble se raffermir. Son ton est plus ferme et plus assuré. Elle sent qu'il n'hésite plus. Il démontre toute sa philosophie de la neutralité. Lui au moins, il a encore la liberté de choisir. C'était vrai ça, les élamentiens n'étaient pas obligés de combattre les démons, certains ne les détestaient ni ne les aimaient. Un choix précieux, hors de la portée de Sappho depuis longtemps maintenant. Un petit rêve. Disparu. Si elle ne combat pas les élamentiens, elle sera tuée.

Non pas qu'elle s'en soit jamais plainte remarquez. Elle aimait tuer toujours, mais tout cela s'était adoucis. Elle tuait pas amour des ténèbres et de la lumière. Elle tuait dans les ténèbres ceux de la lumière. C'était ce qu'il lui avait enseignée, le Drewoor. Et elle l'avait suivie. Et elle avait eu raison. Sa folie était passée, celle de tomber dans les abîmes noires. Maintenant, elle les contrôlait assez pour ne pas se laisser tenter par elles, sans pour autant les craindre ou les détester.

Elle baisse les bras, Sappho, et prend les clés qu'il lui tend. Cette petite clé. Cette grand clé. Et l'autre aussi. Trois petites clefs. Elle esquisse un merci avec ses lèvres. Silencieusement. Il ne veut pas se venger. Alors, la conscience de la succube s'apaise. Elle n'a plus à craindre encore qu'il ne la fuit. Pourtant, elle n'est pas sûre qu'il restera toujours ici. Elle le voit s'écarter de la porte, alors elle se dirige vers la sucette par terre. Mais avant qu'elle n'ait pu la prendre, elle l'entend dire qu'il vient. Choquée, elle se retourne brusquement, et manque de lui rentrer dedans. Il lui fourre la sucette dans la bouche et la pousse pour sortir, en ouvrant la porte. Il l'appelle Dame Sappho, et elle n'a pas le temps de dire ouf qu'ils sont dans ce couloir. Elle voudrait faire machine arrière, mais c'est impossible. Déjà elle entend des bruits de pas. Alors elle avance vers le hall. Sur le chemin, alors qu'il n'y avait personne, elle tourne un peu sa tête, et, retirant sa sucette de sa bouche, elle lui souffle :


" Ecoute moi bien, Lysias, tu ne dois pas regarder les démons, c'est compris ? Ne regarde pas autour de toi, ne lève pas trop la tête... Je sais que tu ne veux pas m'obéir, mais tu vas m'écouter et faire ce que je dis quand même, d'accord ? ... Ne me parle pas, ne fait pas de remarques stupides... Qu'est-ce-que j'oublie ? Ah " Elle se tait et salue un Incube de sa connaissance, vêtu comme dans une cour... " Ahem, et surtout, surtout, ne me regarde pas quand... "

Elle ne termina pas sa phrase, parce que le ton suppliant qu'elle utilisa était assez expressif pour se passer de mots. Il devra rester calme et paraitre inoffensif, car on n'a pas encore pu sceller les pouvoirs des prisonniers, et sans ça, le risque d'une petite émeute court toujours. Alors seuls les démons les plus puissants ont pour l'instant eu le droit d'avoir leurs esclaves. Comme cadeau. Et elle, petite ou grande Sappho, veut protéger ce cadeau précieux. Quoi qu'il advienne. Et puis, qu'il vive, et advienne que pourra.

Elle sourit de toutes ses petites dents à certains démons dits majeurs et à des courtisans. Aucun ne porte d'attention à l'élamentien derrière elle, certains lui lancent juste un regard moqueur ou méprisant. Avec ceux-là, Sappho abrège les discussions. Et ainsi, ils traversent les couloirs encore calcinés, et le hall, véritable champ de bataille. Personne ne pense encore à ranger ou à nettoyer, même les démons mineurs. Car on sait que bientôt, lorsque les esclaves seront contrôlés, ce seront eux qui nettoieront leur Cité pour les démons ! Notre Cité... Du hall désert ou presque, on arrive sur l'entrée de l'école et la ville. Là, toutes les grandes rues sont illuminées de torches et de flambeaux, les démons font encore la fête, retrouvent encore des fugitifs bien cachés qui sont violés ou tués sur place. C'est une véritable folie, comme aux Enfers. Le ciel est nuageux, les étoiles ou la lune ne veulent peut-être pas regarder ces infamies.

La succube est un peu tendue, elle espère que personne ne remarquera Lysias ou n'aura envie de le tuer. Alors pour s'assurer, elle jette fréquemment des coups d'œil dans son dos, faisant mine d'observer le spectacle. Elle a hâte d'y arriver, à cette maudite place. On l'y attend. Et là-haut, ce sera plus sûr, qu'elle croit. Elle prie la Nuit, les Ténèbres ou les Dieux. Les rues sont bruyantes et lumineuses, tout en étant délabrées et sales. Par terre, c'est pire que la chambre d'un incube mal élevé. Malgré la foule, les mineurs s'écartent sur son passage, ou au moins, s'ils sont trop soûls, font un pas de côté -voir, se cassent lamentablement la gueule sur les pavés-. Au moins.

Mais voilà qu'ils arrivent à ladite place. Sans encombre heureusement, car Lysias est toujours là. Mais voilà qu'un geôlier, de ceux qui s'occupent des futurs exécutés, s'approche d'eux deux. Il les interpelle sans forme.


" - Hmpf T'es en retard, Faux ! On allait les crever sans toi... Et lui, tu veux que je le mette avec ?" Il se dirige vers Lyly, avec l'air avide du tortionnaire. Ses mains levés pour le saisir. Sappho lui barre le chemin.
"- Pas touche Urgen, celui-là, il est à moi.
- Alors pourquoi tu l'as amené ici, ce vers de terre ? "
Elle sourit, mais lui, il commençait à contourner la démone pour vraiment l'emmener. Le démon imposant attrapa violemment le bras de Lyly, et le secoua un peu en l'observant de son regard torve. "Pff t'espères quoi Sappho ? Il ne tiendrait pas deux jours entre tes griffes... Tu veux vraiment faire de ce déchet ton esclave ?
- Oh mais, je suis sûre qu'on va bien s'entendre... "
|i] Elle avait ses yeux pleins de carnage qui fixaient le nymphe de la tête aux pieds. Elle passa sa langue sur ses lèvres avant d'attraper le bras d'Urgen. Elle le serra. Malgré ce que l'on pourrait croire, la démone n'était pas si frêle. Le démon fit une petite grimace avant de lâcher Lyly.[/i] "... Quoiqu'il en soit, ce corps m'appartient. C'est moi et moi seule qui peut écraser cet insecte.
- Tss si tu le dis... Raah mais viens vite ! On t'attend ! "


Elle le lâcha à son tour. Elle regarda le nymphe avec des yeux moqueurs. Puis lui prit le poignet et le tira vers la place. Une place banale en somme. Au milieu, on avait installé une estrade. Sur l'estrade, il y avait cinq personnes. Bien que trois d'entre elles pouvaient encore difficilement se faire appeler "personne". Ils étaient mutilés, tailladés, brûlés, partout, blessés et frappés. Des marques et du sang. Partout. Leurs vêtements n'étaient que des loques. Ils étaient noués et attachés à des poteaux fixés sur l'estrade et au sol. Deux démons les encadraient et veillaient à ce que personne n'essaie de les tuer avant l'heure. Une foule hurleuse et ivre s'était rassemblée. Sappho en fit le tour, et se retrouver devant le petit escalier qui permettait de grimper. On voyait encore tous de là, bien que les démons soient peu nombreux derrière la plateforme. Elle prit les épaules de Lysias, et le force à s'asseoir sur une marche. Elle fait signe à Urgen d'approcher et lui ordonna, fermement :

" Si je trouve la moindre marque sur son corps, je peux t'assurer que tu envieras le sort de ces trois-là... "

Elle désigna les prisonniers, fit un clin d'œil au démon puis sauta presque sur l'estrade sans même jeter un regard à Lyly. Elle ne devait pas le regarder, pas maintenant. Elle ne jouait pas ni ne faisait semblant, mais si elle le regardait encore une fois, elle ne pourrait pas garder ses yeux aussi noirs. Une fois devant l'assemblée, elle eut un sourire carnassier et on l'acclama en répétant son nom ou son surnom. "Dame Faux!" "Dame Sappho"... Elle les fit taire en levant la main. Un silence relatif.

" Chères sœurs, chers frères, ceux-là ont causé la mort de certains d'entre nous, ils nous ont blessés et nous ne sommes pas exempts de maux... Ceux-là n'ont pas compris que nous avions gagné ! "
Elle leva sa main gauche, mutilée. " ... Alors je vous le demande, que méritent-ils ? Une mort rapide ou ... " elle n'eut pas le temps de le dire, qu'on cria, hypnotisé, : " Torture-les ! Agonie ! Souffrance ! Sang ! Vengeance ! "

Sappho inclina sa tête.

" Alors il en sera fait selon le désir des démons de la Cité ! Au nom de notre Roi, Khisath Wonsul, l'Incandescent, ceux-là subiront un châtiment pire que la mort par la main de Sappho, fille d'Alouqua des démons, descendante de Lilith des Ombres ! "

Acclamations, rires et moqueries. Rien de plus simple à provoquer. Rien de magique. Que de la démagogie. Ils voulaient du massacre, Sappho était prête à leur donner un spectacle. Elle transforma sa sucette en faux sous un tonnerre d'applaudissement. Qu'ils étaient faciles à ranger à sa cause. C'était si simple. Il restait à leur en donner pour leur argent -notez que c'était gratuit, et que les tâches de sang n'étaient pas remboursées-.

Elle fit son devoir. Elle fit jaillir le sang sombre. De sa faux, elle transperça les bras et les jambes, causant des blessures profondes, irréparables, desquelles s'écoulaient un sang fumant en abondance. L'une des trois vermine tenta de s'échapper. Sappho l'attrapa par les cheveux, et la jeta en pâture à l'assistance en transe qui la lapida proprement, c'est-à-dire, violemment. Elle prenait un malin plaisir à enfoncer encore et encore sa faux dans leur corps, sans les tuer. Elle arrache les yeux de celui qui lu avait coupé un doigt, et les fit exploser devant son visage, entre ses mains. Elle riait en pensant que leur lumière s'éteignait. Que les ténèbres les avalaient. Ils étaient tous les deux ensanglantés, troués, brûlés. La vie ne les tenait plus que par la douleur. Leurs cris, au début nombreux, avaient presque cessé. La foule semblait rassasiée, après près d'une heure de rouge.


" Et maintenant, voilà que ces deux là sont à la porte de la Nuit... Venez donc, démons, et profitez d'eux jusqu'à leur mort prochaine. Sappho en a fini avec ces pitoyables insectes ! "

Et tout le monde partit d'un grand rire moqueur et joyeux. En voilà une soirée de réussie, on allait maintenant explorer leurs plaies et essayer de leur arracher des cris de douleurs jusqu'à la fin ! Mais pour la succube, c'était fini. Ils étaient déjà morts ou si peu. Les achever ne rimait à rien, alors autant laisser sa future cour en profiter. Elle était plus que couverte de sang. Sa faux était pourpre maintenant. Une fois à l'escalier, elle rangea sa faux, et chercha Lysias et Urgen des yeux.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptySam 3 Avr 2010 - 19:40

-POURPRE-


"Ecoute moi bien, Lysias, tu ne dois pas regarder les démons, c'est compris ?"
Pourtant tu es une démone et je te regarde.
"Ne regarde pas autour de toi, ne lève pas trop la tête... "
Tu me demandes de ne pas fermer les yeux sur ce qu’est devenue ma ville. Mon chez-moi.
"Je sais que tu ne veux pas m'obéir, mais tu vas m'écouter et faire ce que je dis quand même, d'accord ? "

…c’est d’accord. Juste pour cette fois alors.

"... Ne me parle pas, ne fait pas de remarques stupides... "
Parce que je passe mon temps à faire des remarques stupides ?

"Qu'est-ce-que j'oublie ? "
Rien. C’est moi qui vais oublier de ne pas faire.

" Ahem, et surtout, surtout, ne me regarde pas quand... "
Sappho, tu es vraiment une démone.

J'essayerai.

Lysias est encore en train de se maudire d’avoir suivi la succube. Plus il avance, plus il a l’impression d’être amené à l’abattoir, et c’est une sensation qui lui boucle le cœur. Depuis qu’il a franchi la porte avec Dame Sappho, il n’a pipé mot, ses seules pensées étant bourrées de reproches et jurons d’oiseaux envers lui-même. Car, à cette exécution, il n’a aucune envie d’y aller. Qui, aurait envie de voir les siens se faire achever par le camp opposé ? Or, en s’y rendant, Lysias se donne l’impression d’être encore plus proche de son rôle de traitre. Au dessus de sa tête, l’étiquette de la trahison clignote encore et encore, et la culpabilité le force à se la boucler. Alors que Sappho lui recommande encore et encore les choses à ne pas faire, il sent son inquiétude, lui renvoyant des pensées que lui seul peut entendre. Au moment où il s’apprête à fuir l’instant fatidique, un autre Incube croise le chemin de Sappho, ne lui adressant pas même un regard. Tant mieux, Lysias, n’a pas dans l’idée de jouer au premier plan, comme ça ne le dérange nullement de le faire en temps ordinaire.

Mais nous ne sommes plus en temps ordinaire.
-

A se fier aux apparences, on se croirait à une époque médiévale, avec des individus noblement vêtus, entre les passants et d’autres, tentant de se rapprocher de Dame Sappho. Pendant un moment, Lysias la talonne de quelques pas, essayant de se souvenir exactement de la nature de leur promesse. Parce que s’il se souvient d’elle, il ne rappelle pas sur quoi il a ou non tenu parole.

Lysias traverse les grandes rues, étonnées de la métamorphose qui s’est opérée dans les lieux. Il ne peut s’empêcher d’attarder son regard sur ce nouvel environnement, qui lui est devenu si hostile. Elament est son refuge, et cet ultime refuge ne lui ouvre plus ses portes. Et maintenant… ou trouver son antre de paix. Des cris attirent son attention, et bien vite il se détourne de la scène, où on dépouille une élémentienne de son honneur. Est-ce là une manière de faire la fête… ? Le nymphe avance, silencieusement, parce que même s’il y a quelque chose à objecter, il n’a rien à dire de bien utile. Et dans cette nuit sans lune, il relève son regard vers la mini, comme la dernière fois où elle lui a indiqué le chemin à suivre, après les étuves. La dernière fois… c’était quand ?

Le dénommé Urgen aggripe soudain son bras, sans ménagement, tressaillant légèrement au mot esclave. Le nymphe l’aurait foudroyé du regard… mais il s’en tient à sa parole et fixe un point lointain, l’air absent. N’écoute pas Lysias, n’écoute rien et n’y fais pas attention, car toi seul sait que tu n’as d’appartenance à personne. Libre comme tes premières années de vie. Et il se laisse tirer, pour finir à sa place, sans même songer à rendre un quelconque regard à Sappho. Parce que quoi qu’elle lui dise, quoi qu’elle leur dise, il n’aime pas faire l’objet de convoitise en tant qu’esclave.

Est-ce que tous les esclaves finiront de la sorte, comme ceux qui sont là, sur l’estrade, méconnaissables pour la plupart. Ils sont amochés au possible, la douleur suinte leur corps et Lysias les fixe, lèvres pincées, assis à côté d’Urgen qui semble alléché par la situation. En fait, il ne semble pas, il l’est réellement, et c’est écœurant. La foule acclame la Dame Faux, et le nymphe entrevoit un pan de hiérarchie chez les démons. Sappho fait partie des plus hauts échelons, devant son public assoiffé de sang.

Lysias a le regard rivé sur la scène mais ne voit pas réellement ce qui s’y déroule. Il prie silencieusement une mort vive pour les détenus, la mort la plus douce qui puisse-t-être pour abréger leur souffrance. Il n’en reconnaît aucun, et regarde le spectacle d’un œil inconnu, aussi distant que possible. Après Caliel, il n’est simplement pas capable de s’en repentir une couche supplémentaire pour s’apitoyer davantage. Un nymphe qui n’a jamais vraiment donné de compassion aux autres ne peux ressentir au-delà de ses limites. Il regarde d’un air absent, comme s’il bouquinait un livre d’une rune inconnue, juste à le feuilleter distraitement… si bien que Lysias aurait bien passé pour un mort immobile, pendant un instant. Jusqu’à ce qu’il sente une pointe acérée à son dos.

-Alors, prêt pour le grand spectacle ?

C’est Urgen…

-T’as pas de chance d’être l’esclave de Sappho. En fait, t’auras de la chance si tu meurs… pas comme eux, là !
s’esclaffe-t-il, avisant ensuite d’embêter « le verre de terre ».

Le geôlier démoniaque s’amuse ensuite à planter ses griffes sur les côtes du prisonnier, jetant un regard aux anges à la scène sanglante qui vient de s’entamer. Il ne transperce pourtant pas la chaire fraiche qui pourrait rajouter un peu plus de couleur chaude à l’exécution sur l’estrade…
Lysias maintient juste son silence, parce que s’il ne le fait pas, un flot de jurons va sortir de ses lèvres, comme à l’accoutumée, lorsque quelque chose lui déplait. Or, ces griffes… ces griffes…

-Dis, tu veux pas faire comme les autres là ? Supplier pour que j’arrête, pleurnicher et… hoho, et si je déchiquette un peu plus ici, alors ?

Lysias sursaute au même moment où il sent une griffe piquer la plaie ré-ouverte de sa nuque. Là bas, dans les gradins… il a vu Thanis. Et tandis qu’il scrute la foule déchaînée du regard, l’autre démon très amusé par la scène et par le prisonnier tout frais devant lui, aimerait bien le transpercer, déjà que cette frêle odeur du sang…. Ah si seulement cette Faux n’était pas là… Pourquoi avoir choisi celui là et pas un autre pour dissiper ses envies meurtrières ? Et en matière de loisirs, il y a tant à faire, et tant de prétendants…
Ah ce sang tout frais et palpitant devant lui, ça donne encore plus envie de détruire quand c’est si vivant…

-C’est Faux qui ta fait ça ? Comme c’est inoffensif…

Le carnage s’intensifie, dans des giclements de sang qui seront désormais la robe des condamnés. Robe pourpre et encore plus sombre que celle de Sappho, mais bientôt les deux se mêlent dans une danse violente et endiablée. Et Lysias détourne le visage de cette couleur qui lui déplait tant désormais. Qui le répugne… au point d’avoir un haut le cœur et d’aller vomir sur l’ami Urgen.

Chose qu’il n’apprécie pas, semble-t-il.

-Saleté ! Qu’est ce que tu fiches !
Alors qu’il s’apprête à jeter ce nymphe contre l’estrade, quelqu’un bloque son bras à temps, dans un cri haineux.

-Urgen ! C’est à moi, tu le touches pas !
hurle-t-elle. Sa voix est recouverte par les acclamations de la foule, mais Lysias se recule, s’essuyant la bouche. Satisfait.
-Thanis ! Tu sors d’où toi ? Pour ton information Thanis, ce déchet est déjà le jouet de la Faux… déclare-t-il, satisfait de voir la rage déformer les traits de l’elfe. Mais elle n’est plus une elfe, elle a trahi son clan et les années ont perverti sa magie. Urgen la connait, pour l’avoir vu grandir des années durant dans les cachots les plus reculés des souterrains. –Le problème avec toi, c’est que tu as toujours un train de retard… et maintenant, si tu me laissais lui régler son compte à cet imbécile... pousse toi !
-Dégage, toi ! Je t’ai dis que c’est moi qui lui règlerait son compte !


Le nymphe laisse la foule se ruer sur la scène, laisse Thanis et Urgen se lancer dans une bataille sans merci, et encore du rouge…
Thanis a gagné en puissance, et c’est une puissance qui donne des frissons à l’échine. Son aura auparavant si espiègle et pure, n’est désormais qu’obscurité et rancœur. Lors de leur dernière confrontation… Sélectys, Thanis… ce qu’elles sont devenues, c’est la faute à Lysias.
Terre de violence, ennemis toujours plus nombreux, poids d’une trahison… et maintenant, où se raccrocher.

Un éclair plus loin, capte son attention.
La faux de la Démone disparait alors qu’il croise douloureusement son regard. Un regard pourpre digne de Dame Sappho, demoiselle pourpre. Lysias pourtant, ne lui trouve aucune dignité à cet instant là.


Je n’ai rien dis.
Je n’ai rien fait.
Comme tu me l’as demandé…

Alors partons.



Et il recule, se détourne, et fuit.
Il aimerait, en courant, ne pas reconnaitre les ruelles sombres, et quelque fois parsemées de démons ivres morts. Il aimerait se perdre, et avoir oublié son chemin pour ne pas reconnaître où mènent ses pas. Se perdre pour ne plus refaire surface et oublier cette couleur pourpre qui reste imprimée dans sa tête...

Ses pas le mènent vers la fontaine Cryselle et il s’affale aussi lourdement que possible sur le rebord dallé, avant de s’y pencher pour déshydrater sa gorge en feu. On lui a déjà dit de ne pas en boire, de cette eau rosée, parce qu’il parait qu’une légende dit que là dedans, baignent des esprits… Mais son premier réflexe est d’en boire de long traits, pour retrouver ses esprits, pour retrouver son assurance qui tend trop souvent à lui échapper. Et au fur et à mesure, il réalise que l’eau est noire, et lorsque la lune fait une brève apparition dans le ciel obscure, elle illumine un instant la fontaine qui crache une eau pourpre. Il en a les mains couvertes, et avant même qu’il n’en prenne pleinement conscience, on le bouscule, sur le côté.

-Lys ! Je t’ai dis que j’en avais pas fini avec toi, et compte sur moi pour te faire le plus de mal possible, sale nymphe !
-Thanis, ton bras !
s’exclame Lysias, la gorge nouée. –C’est …Urgen ?
-Haha… [/b]

Elle ricane d’un rire sec, qui n’a rien d’un amusement. Puis, dans l’obscurité, ses traits crispés de douleur, prennent un air désespéré. Son bras est sectionné jusqu’au dessus de son coude, et elle maintient ce moignon de sa main libre. Lysias sent un battement manquer. Au fil du temps, il voit Thanis se dégrader, sans qu’il puisse l’arrêter.

-Tu vois Lys, à te poursuivre, j’en paye encore les conséquences…
-T’es une crétine Thanis ! Si tu ne t’étais pas retournée contre l’autre, ton bras…


Lysias s’approche de l’elfe qui n’en n’est plus vraiment une. Amie perdue, cœurs brisés, souvenirs délaissés.

-Je n’ai pas perdu qu’un bras depuis que je suis là. Tu serais surpris de savoir de tout ce dont on te dépossède.
-…
-Et Selectys… elle n’a rien eu le temps de faire la dernière fois.


Lysias ne sait que dire et tend la main vers Thanis.
Cette dernière la lui repousse violemment et se met à ricaner, saisissant Lysias par le cou.

-Je te connais Lysias, et tes faiblesses, j’en ferai mes forces. A la longue et petit à petit, tu verras ce que ça fait, de devenir… comme ça. Les morts longues sont les plus douloureuses... Partage les ténèbres avec moi, si un jour tu penses à te faire pardonner.

Des doigts qui essayent de briser ce coup frêle face à autant de haine.
Dans un mouvement brusque, Lysias repousse Thanis, qui perd alors l’équilibre par-dessus la fontaine Pourpre, avant de disparaître dans un éclaboussement. Et son expression… son expression si douloureuse. Penché sur le rebord, Lysias le sait, que Thanis connait ses faiblesses. Ils étaient après tout, des amis d’enfance. Ils se reverront, le nymphe le sait aussi. Et parce que Thanis va toujours au bout de ses aspirations.

Assis sur le rebord de la fontaine, les mains pourpres de l’eau de la fontaine, Lysias ne lèvera pas la tête lorsque la faux reviendra le chercher. Ce qu’elle a vu, ce qu’elle a entendu, il n’en sait rien et balaye ces futiles questions de sa tête. Simplement, il posera sa main sur son épaule, et soupirera un simple :

-Sappho… la prochaine fois, ne porte plus de couleur pourpre. S’il te plait.

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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMar 6 Avr 2010 - 9:15

Les flammes ont tout juste le temps de capter un reflet inquiet au creux de ses yeux. Elle observe avec l'envie irrésistible de lui courir après, un Lysias effrayé ou perdu qui fuit. Ô ce qu'elle aimerait se jeter à sa poursuite là maintenant ! Mais si elle le fait, ça paraitrait plus que bizarre. Une succube sanguinaire et sanguinolente courant après un malheureux esclave ? Que dirait-on ? L'unique chance qui lui était offerte aujourd'hui serait gâchée... Cette chance d'accéder aux hautes sphères des Enfers. Elle ne pouvait consciemment l'ignorer. Tout comme elle ne pouvait fermer les yeux sur ce qu'il se passait à ses pieds. Tandis qu'elle descendait de l'estrade, inquiète intérieurement, en extase extérieurement, elle s'arrêta devant les deux énergumènes qui se livraient à un spectacle des plus divertissant. Urgen se battait avec ses muscles et sa maigre magie -difficilement identifiable; c'est dire !- contre une élémentaliste corrompue, agile et usant de pouvoirs sombres. Sappho regarda le combat de coq avec un sourire patient. Au fond, elle bouillait. Qu'ils dégagent ! Elle ne pouvait pas passer, ne pouvait pas le rattraper. Et s'il lui arrivait quelque chose ? Et ce combat de rue qui ne s'arrêtait pas. N'y tenant plus, elle ordonna :

" Urgen ! Arrête moi ce cirque, casse lui donc un bras, qu'on en finisse... Tu as laissé partir mon précieux esclave ?"

A ses mots, l'elfe stoppa nette et lui jeta un regard empli de haine. Quoi ? Qu'avait-elle dit ? Sappho était sur le point de lui retirer ses yeux qui la fixaient, quand ils s'ouvrirent plus grands, accompagnant un rictus de douleur. L'incube l'avait saisie par la gorge. La succube s'approche lentement de cette créature démoniaque. Urgen marmonne quelque chose dans sa barbe, que la jeune démone n'entend pas. Légèrement pressée, celle-ci lui demande de répéter.

" Je dis qu'c'est de sa faute si ton jouet s'est enfui... Elle dit qu'il est à elle... "

Un sourire carnassier apparait sur le visage pâle de la Faux, alors que celui de Thanis se rapproche du blanc. Sappho lui prend le bras et enfonce ses ongles longs dans sa chair tendre. Il ne s'agit encore que de simples trous, qui traversent son bras. Cependant, il est dans l'intérêt de la corrompue de ne pas bouger, si elle veut garder l'usage de son membre. Mais en fait, elle n'a nulle besoin de faire un mouvement quelconque, ce sera la démone qui lui prendra. Elle savoure la douleur et la colère qui s'installent si bien sur ce visage aux oreilles pointues, comme si ces sentiments y étaient des habitués.

" -Alors comme ça, il est à toi, mon jouet ?
- C'est... moi qui le...
- Tut tut, qu'importe ce que tu lui veux, celui-là est à moi. Et personne, personne à part moi, Sappho, ne peut le tuer... De toute façon, cela risque d'être plus difficile pour toi maintenant... "


Un cri ou un hurlement retentit, se mêlant aux rires et aux chants d'à côté. Sappho avait tranché ce bras, un peu après le coude. Le sang coulait abondamment. Mais malgré la souffrance et le liquide vital qui s'échappait ainsi de son corps, et à la surprise des deux démons, la blessée parvint à se tenir sur ses jambes, et tenant son moignon dans sa main, elle partit dans la même direction que celle prise par Lysias. Assez épatant pour un bout d'elfe. Mais Lyly... Faites qu'il n'ait rien. Et cet imbécile d'incube, incapable de veiller sur un élémentien ! Un crétin sans cervelle... Et qui était cette elfe étrange ? Que voulait-elle à son nymphe ? Peut-être pourrait-il le lui dire. Pour l'heure, Sappho se tourna vers Urgen, qui semblait penaud. Qu'il aille en Enfer ! Elle l'attrapa par le col de son vêtement, le fit se baisser et le gifla violemment. Si violemment, qu'il se retrouva coi, complètement atone.

" Si je te revois ou t'aperçois sur mon chemin, sois sûr que tu crèveras avant d'avoir pu dire "Faux" ! "

Urgen recula, effrayé, avant de courir dans une ruelle. Il savait que si Sappho ne croyait pas aux promesses des autres, elle tenait les siennes en ce qui concernait la mort. Elle se retourna, et suivit la même direction que l'elfe et que Lysias. Mi marchant mi trottinant, elle essayait de ne pas avoir l'air trop inquiète. Pas trop. Mais quoi qu'elle fasse, dès que ses pensées revenait sur lui, elle se mettait à avancer plus vite. Il y avait de moins en moins de démons au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de la Source. D'après ce qu'elle savait, on la transformerait bientôt en Marché aux esclaves. Réjouissante perspective ! Mais pour le moment, elle n'était qu'une place déserte, où seul l'écoulement de l'eau pourpre résonnait. C'était lugubre. Les torches étaient aussi moins nombreuses. Pourquoi donc ce lieu était-il abandonné pour le moment ? Simple, on n'avait déjà festoyé dans le coin, et ça se voyait. Le sol était couvert de sang, de vin et d'autres choses non-identifiables... les murs étaient plus abîmés encore, calcinés récemment, détruits à coup de poing ivre... Si ce n'était le ciel, se dit Sappho, on aurait déjà pu se croire aux Enfers.

Un bruit la tira de sa rêverie macabre : une voix. Elle était juste à l'orée de la Place. Discrètement, elle se plaqua à l'ombre d'un bâtiment. C'était la corrompue de tout à l'heure, qui menaçait Lyly... Elle entendait à peine, mais un mot sortit du lot : ténèbres. Que disait-elle ? Elle aurait bien aimé le savoir. Connaissait-elle Lysias ? Mais ne l'avait-elle pas déjà vue ? ... Un vague souvenir, lorsqu'elle avait récupéré le nymphe pendant la guerre, Caliel était disputé par deux démons... L'un d'entre eux était-il cette personne qui s'apprêtait à étrangler l'élémentaliste ? Difficile de s'en souvenir parfaitement. Mais c'était peut-être ça, cette impression de déjà-vu. Quoi qu'il en soit, Sappho s'apprêtait à se jeter sur l'elfe. Il n'y avait personne, sa mort passerait inaperçue... Mais Lysias réagit avant : il la fit basculer dans la fontaine de sang ! Incroyable. Mais il semblait si... Le feu crépitant donnait des éclats flamboyants à ses cheveux, pour autant, il ne reflétait aucune fierté, aucune gloire d'avoir mis à mal un démon dans leur propre camp. Il avait juste l'air... triste. Mélancolique. Affligé.

La succube s'approcha doucement, silencieusement de lui. Elle attendit qu'il remarque sa présence. Lorsque cela fut fait, il se leva simplement et posa sa main sur épaule. Ce qu'il dit pouvait paraitre absurde. Le pourpre était la couleur du sang sombre, celui qui coulait à flot des larges blessures. Voilà pourquoi la plupart des démons hauts placés s'en couvraient. Simple symbole, encore et toujours. Les Enfers et sa hiérarchie étaient pleines de symboles inutiles et superflues, et donc, absolument nécessaires. Sinon, il n'y aurait pas de démons majeurs ou mineurs. C'était ça aussi, un système où régnait la loi du plus fort, régie cependant par le Trône des Enfers. Sinon, c'était à celui qui arriverait le plus vite aux côtés du Roi et qui y resterait le plus longtemps. Ça se résumait à ça, et pourtant, c'était bien l'ambition de Sappho, aussi ridicule que cela puisse paraitre une fois écrit noir sur blanc -euh, beige sur noir-. Elle acquiesça simplement à sa demande.

D'accord Lyly, je ne porterais plus de pourpre.
Je ferais disparaitre cette couleur, si je le pouvais, pour toi.
Mais tout ce que tu verras ici, avec moi, je tâcherais d'en faire autre chose que du pourpre.
Promis.

Il avait l'air épuisé aussi. Elle le prit par les épaules, et le guida vers une autre partie de la ville, en prenant soin d'éviter tout démon. Au pire, les tuer dans les ruelles seuls ne posait pas de problèmes. Mais mieux valait être prudent. Elle marcha silencieusement toujours, parce qu'il n'y avait rien à dire. Elle était sans doute cruelle de l'avoir emmené voir ça. Elle aurait dû le forcer à rester dans ses quartiers. Ce soir, il n'avait rien eu. Mais il y aurait d'autres soirs... Elle se trouvait si... froide. Quoi qu'elle fasse, elle avait l'impression de se montrer terriblement démoniaque. De jouer avec lui. Elle voudrait lui épargner ça. Mais lui, il était si têtu, si imprévisible, qu'elle se retrouvait désarmée à chaque fois. Impuissante à chaque fois. Qu'il se mettait dans le pétrin. Qu'il se retrouvait à la voir commettre un carnage. Avant, il n'y avait que Senector qui parvenait à freiner quelque peu sa folie. Et maintenant, elle sentait que Lysias agissait comme un inhibiteur. Lorsqu'il le voulait, lorsqu'il la regardait, elle sentait qu'elle ne pouvait pas tuer.

Était-ce de la faiblesse ?
Suis-je donc faible ?

Ils étaient devant ce qui avait dû être une boutique d'apothicaire. Des flacons en miettes parsemaient le sol. Sappho y entre avec précaution en tenant le bras de Lysias. Une fois à l'intérieur, elle le lâcha, et se dirigea vers une étagère sur laquelle quelques récipients étaient intactes. Sur l'un d'eux, était marqué "ong... ... catri..." Mouais, c'était sûrement ça. Sur un autre, renversé dans un tiroir, il était écrit : "Anti...leur". La cendre, le sang et d'autres choses empêchaient de lire les étiquettes. Mais après quelques recherches bruyantes, Sappho emmena Lysias à l'extérieur, tout sourire, avec au moins quelques petites choses pour soigner ce dernier. Elle y tenait à ça. Elle avait lu quelque part que les élémentalistes -et les créatures de la surface en général- faisaient très attention à leur blessure, et les guérissaient le plus vite possible. Ce concept lui était étranger. On ne soignait pas les démons : soit ils crevaient, soit ils étaient assez forts pour survivre. En outre, les remèdes des élamentiens ne fonctionnaient pas sur eux, c'était presque un poison. Bon, il y avait des exceptions : on pouvait sauver un démon pour en faire son serviteur, c'était courant. Mais ça s'arrêtait là. A part le Roi, qu'on s'empressait de remettre sur pieds, on se fichait bien de la santé des généraux ou des nobles.

Elle ouvra une porte de ténèbres, et y pénétra à moitié. Elle donnait dans sa chambre. Elle déposa les flacons directement là. Ce serait pratique si Lysias pouvait les passer avec elle. Mais pas sûr qu'il le veuille. Pourtant, elle avait fait des efforts sur ce point-là. Les "voyages" dans les ténèbres étaient moins longs, donc moins éprouvants. Mais vu son état... Mieux valait encore y aller à pied.


" On va passer par la rue avec des habitations là... Comme elle s'appelle ? Rose ? Je ne sais plus... Bref, ce sera plus rapide, et il n'y a personne normalement... Hum je veux dire, pas de démons. "

Elle sortit totalement des ténèbres, referma la porte sans la regarder, et se mit en direction de ladite rue. Elle ne connaissait pas la Cité par cœur, loin de là. Mais elle savait à peu près comment retourner dans le Palais sans se faire voir. C'était toujours utile. Et personne n'allait vers les anciennes habitations. Pas encore. C'était là que les dégâts étaient les plus grands. Normal, on avait brûlé les maisons avec leur habitants, ou alors, on avait commis milles horreurs à l'intérieur. Pour l'heure, on préférait attendre que les esclaves soient mis sous contrôle pour les faire nettoyer tout ça. C'était tellement plus drôle. Et ainsi, la démone et le nymphe traversèrent cette rue, la plus délabrée. La plus terrible. C'était au-dessus des mots. Sappho y avait participé. Elle avait brûlé cette maison là, à droite. Dans l'autre plus loin, elle avait égorgé la famille qui y vivait. Auparavant, elle l'aurait traversée avec des camarades en riant, en buvant, en se rappelant ces beaux moments. Mais avec Lysias, elle avait l'impression que les fantômes de ceux donc elle avait ôté la vie la regardaient. Elle essayait d'ignorer ce genre de choses. Les esprits et autres, elle les laissait à Senector et à son Antre. Elle n'aimait pas ça. Combien de fois avait-elle entendu ces voix ? Ces voix de morts ou de mourants, ces voix d'enfants ou de femmes ? Gueule de Sang prenait un malin plaisir à les faire résonner dans la tête des visiteurs. Elle pouvait encore les entendre...

Elle pensait que Lysias s'arrêterait pour observer ça, alors elle le tenait fermement par le bras, près d'elle. Elle ne voulait pas qu'il s'éloigne. Qu'il disparaisse dans une maison en ruine. Elle voulait juste le ramener et qu'il soit en sécurité. Quoi qu'il ait dit, elle aurait sûrement répondu sur un ton pressant qu'ils devaient juste se dépêcher. Juste ça... Était-ce trop demander ? Quoi qu'il arriva, ils arriveraient dans ses quartiers. Quoi qu'il arriva, elle arracha les draps pourpres, sans un mot, de son lit. Quoi qu'il arriva, elle le laissa enlever le pourpre de ses mains et de ses vêtements. Pendant ce temps, elle passa par les ténèbres pour récupérer des draps bleus nuits. Qu'elle mit sur son lit. Du coup, il faudrait bien qu'elle change toute la déco... Bah, que ne ferait-on pas pour un nymphe égoïste... Elle laissa Lysias s'endormir. D'une manière ou d'une autre, cette journée avait été éprouvante. Sappho ne s'endormit pas. Elle fixa longtemps le plafond, puis la fenêtre, en se demandant ce que sa mère penserait de ça. Ce que Seth en penserait. Ce que Lilith en penserait. Ce qu'Iblîs en penserait...


********************


[Deux semaines plus tard]
Comme tous les matins depuis qu'il était là, elle se réveillait tôt, et allait chercher à manger pour lui. Elle essayait de trouver de la nourriture fraîche. Des fruits ou des trucs dans le genre. Quelque chose qu'un être de la surface aimerait. Elle avait modifié les couleurs de sa chambre. Tout était bleu foncé, voir violet par endroit. Mais il n'y avait plus de rouge ou de pourpre. Sauf dans sa salle de torture, dans laquelle elle se rendait au milieu de la nuit, à son insu, pour s'occuper d'elle, cette igni. Elle pensait qu'il n'avait rien remarqué. En tout cas, les soirs où elle avait des réunions ou des fêtes démoniaques, elle avait empêché Lysias de venir avec elle, déjà parce que c'était dangereux, mais aussi parce qu'on avait demandé aux démons de garder leurs esclaves chez eux en attendant qu'on scelle leur pouvoirs. Et voilà, c'était aujourd'hui.

Quoi ? Eh bien, qu'on devait amener ses esclaves ou prisonniers dans une salle particulière pour leur installer une pierre pétrie de magie démoniaque qui les empêcherait d'utiliser leur pouvoir. Et qui permettrait de les localiser. Y aurait-il des effets secondaires ? On s'en fichait bien en fait. Aussi, on mettrait un bracelet qui empêcherait les esclaves d'attaquer les démons. Elle était obligé d'y emmener Lysias et ... l'igni. On passerait les chambres au peigne fin pour être sûr qu'aucun élémentaliste ne serait laissé libre. Sappho avait laissé à manger pour Lysias sur la commode, et elle s'assit sur une chaise, elle regarda le plafond et se mit la main sur le front. Quelle folie. Lorsque le nymphe se réveillera, elle ne pourra pas le laisser dans l'ignorance, elle dira.


" ... Bonjour Lyly... Aujourd'hui, les démons vont sceller et museler les esclaves et les prisonniers. Tu sais... je ne sais rien des effets de ce scellement, mais quoi qu'il en soit, tous les démons doivent s'y rendre. Alors, t'as intérêt à t'accrocher à ton petit déjeuner. "

Leurs discussion ces derniers temps avaient plus ou moins été comme ça. Tout était passé en dérision. On se moquait des deux camps, on se croyait hors des démons, hors des élémentalistes. Plus que jamais, lorsque l'on était pris au piège, il fallait s'en sortir par les mots. Mais là, comme cela arriverait sûrement encore, il n'y avait pas d'échappatoire.

" D'ailleurs, prépares toi, plus vite ça sera fait, plus vite on sera rentré. Et si tu ne l'avais pas déjà remarqué, ici, il n'y a pas que toi et moi. "

Elle se dirigea vers la porte qu'elle n'avait jamais ouverte lorsqu'il était éveillé. Elle la déverrouilla et l'ouvrit en grand. L'être squelettique à l'intérieur se recroquevilla sur lui-même, ébloui. Qu'elle était cruelle.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyMer 7 Avr 2010 - 21:30


[Deux semaines plus tard]
-RANCŒUR-

Comme tous les matins, Sappho a prit l’habitude d’aller dégoter de quoi faire subsister le prisonnier qu’elle détient dans ses quartiers. Comme à chaque fois qu’il se lève, elle est déjà prête, donnant l’attention partout où elle va et où ils sont susceptibles d’aller en compagnie l’un de l’autre. De maître à esclave et d’esclave à maître, on n’y voit et n’y verrait que du feu. Mais leurs excursions communes sont rares, et Lysias lui-même boude les sorties. Il n’a pas envie de revoir Thanis atrophié, pas envie d’aller voir les bains de sang dont raffolent les démons, pas envie d’avoir envie. Les jours passent, et il ne les compte plus, se surprenant lui-même à rester près de la fenêtre, à regarder vers l’extérieur, comme si quelque chose de trouvait là bas, dehors. C’est à cette même place qu’il prendra la peine de somnoler et de s’endormir, ignorant le reste du monde et remettant son sommeil à la nuit, mère des ténèbres.

La blessure à son cou se referme petit à petit, force des onguents et soins qu’à récupéré sa Dame. Et plus le temps s’écoule, plus il se donne l’impression d’être, tantôt un nouveau né à la nichée attendant la béquée, tantôt un vieux sénile incapable de subvenir à ses propres besoins. Dans son égoïsme et idiote fierté, il ne voit même pas les efforts que Sappho fait à son égard, l’inquiétude constante qu’il lui cause, et toute l’attention qu’elle tourne vers lui. Tous les vœux qu’elle lui a déjà exhaussés, en remplaçant au soir même de l’exécution, la couleur pourpre de sa chambre en des tons nocturnes et violacé. Pourtant, au lieu d’un semblant de bien-être et de reconnaissance, une colère silencieuse se met à animer les pensées du nymphe, une colère qu’il ne prend pas la peine d’exprimer, si bien que par plusieurs jours d’affilée, elle lui coupe toute faim, alors que son estomac aimerait bien se remplir, lui. Et inlassablement, un petit tas de fruits, toujours frais du matin, remplacent ceux de la veille, attendant toujours dans un coin de la chambre au cas où il en aurait envie. Pendant ce temps, leur conversation ont perdu toute l’animosité qu’on aurait pu facilement leur dénoter auparavant, et leurs semblants de discussion tombent désormais du plus formel au stricte nécessaire.

Ce matin-là, Lysias fait pourtant l’effort de saisir du bout du doigt un fruit, et alors qu’il s’apprête à le gober tout rond, son organisme s’arrête net, préférant absorber l’information que vient de lui annoncer Sappho. Et que dit-elle ? Museler les esclaves et les prisonniers, et ben tiens donc. Faisant mine qu’il n’a rien entendu, il repose le fruit à sa place et s’assied au sol, tranquillement. Il ignore ce qu’il vient d’entendre et ne lève le regard vers la succube, que lorsqu’elle lui parle d’une tiers présence.

-Quel dommage, maugrée-t-il, de mauvaise foi, sarcastique au possible. –Moi qui pensais que nous étions en tête à tête en toute intimité ; ben voyons.

A ces mots, Lysias hausse des épaules, se lève sans se presser, devance Sappho et va à l’encontre de l’élémentaliste squelettique qui se tasse sur elle-même. Une élémentaliste au corps mutilé et en piteux état… dont il connait l’existence depuis peu.


    [Flash Back]
    -Je sais que tu es là, déclare Lysias, agenouillé près de la porte verrouillée de l’antichambre. -Ecoute, si tu m’entends fais le savoir.

    | Toc. |

    Intrigué, le nymphe laisse résonner l’imperceptible bruit sourd qui cogne faiblement contre la porte. Il le sait, que quelqu’un s’y trouve et que Sappho s’y rend à son insu, quand il est dans la salle de bain, ou lorsqu’il somnole. Parce qu’à chaque fois qu’elle revient de cette pièce, ça empeste le sang aux ténèbres mêlés. Les fois où il a tendu l’oreille pour tenter d’en percevoir plus, seul un silence parfait lui a répondu. Alors, laissant le temps filer pendant l’absence de la demoiselle du logis, il lui est arrivé de mener son enquête. Toutefois, malgré toutes ses tentatives et sa bonne volonté, la porte est restée cloitrée de marbre aux nombreuses fois qu’il a usé de moyens pour la forcer. De toute façon, au début, il n’était pas bien sûr, de ce qui s’y trouvait, derrière cet obstacle, car il n’obtenait aucune réponse. Puis finalement, à force de faire la discussion à une porte muette…

    -Tu es seul?

    Aucune réponse.

    Alors, en émettant l’hypothèse que son inconnu ne pouvait parler, Lysias avait trouvé un jeu de question à oui/non réponse à lui poser. Oui, tu toques, non tu toques pas. Ainsi, il savait que quelqu’un se trouvait derrière cette porte, que ce quelqu’un était une fille, et qu’elle était blessée. Très blessée. Et puis de fil en aiguille, l’aera en était venu à apprécier les moments échangés avec cette autre, enfermée, apprenant que Sappho n’était pas aussi clémente qu’avec lui. Alors au début, leurs échanges étaient nuancés de silence si bien que Lysias se disait qu’il devait les rêver, ces bruits. Et finalement, dès qu’il entendait un frêle grattement ou coup contre la porte, il s’y dirigeait, pour s’y tenir tout près, pour quelques heures durant.

    -Et si t’es une aera, toque une fois. Une terra, deux fois. Trois si tu es de la maison des Ignis.
    |Toc. Toc. Toc.|
    -D’accord, et ben t’es une Igni alors. Bon, et pourquoi tu peux pas parler ? Tu es muette ? Quoi, pourquoi tu toques deux fois… ah, tu es peut être très faible alors ? Comment, c’est Sappho ? Tu sais je peux lui demander de cesser son carnage… ah, tu ne veux pas ? Tu sais quoi, je comprends rien ce que tu veux des fois.
    [Fin du Flash Back]



La première chose que Lysias fait en voyant le corps squelettique de l’Igni, est d’aller lui porter un verre d’eau à ses lèvres. Elle a soif, elle lui a fait comprendre. Au stade où en est son corps sauvagement traité, c’est à se demander si ce n’est pas son élément qui la fait subsister. Car, tout pouvoir a besoin d’un réceptacle pour vivre, et tente de tenir son hôte en vie le plus longtemps possible pour vivre par son biais. Mais de toute façon, la prisonnière ne semble pas pouvoir faire usage de son pouvoir, ni contrôler son corps, tellement que la faiblesse l’emporte. Lysias jette un coup d’œil à Sappho, avant de revenir vers la prisonnière.

-Tu sais quoi ? On va tous se faire museler comme des toutous, aujourd’hui. C’est le programme du jour. Ah bah oui, tu sais, les esclaves et les captifs sont tellement sollicités, de nos jours, c’est bien connu, lui explique-t-il d’un ton détaché, comme s’il allait lui raconter une histoire.

Il n’y a pas de doute, Lysias est pourtant en colère.

-Je suis presque déçu, on ne m’a même pas fait de présentation. Et pourquoi elle est ta prisonnière ? demande Lysias, plantant son regard dans celui de Sappho.

Un jour, à force de jouer avec ses nerfs, Lysias ne se rend peut être pas compte qu’il pourrait mourir de sa main. Pourtant, l’idée d’avoir peur de Sappho, quand bien même après l’avoir vu exécuter les siens sous ses yeux, ne lui vient pas à l’esprit.
Ah mais cette fureur qui grouille dans ses trippes… D’un coup, Lysias se lève.

-Je m’en vais.

Il manque de saisir l’autre prisonnière recroquevillée sur elle-même par le poignet, avant d’hésiter un brin : c’est qu’elle a déjà dû trainer partout pour en arriver à cet état. Il la relève donc, et la fait prendre appui sur lui, avant d’aviser Sappho.

-Tu m’as dis que j’étais libre, hein ? Et bien voilà, je le suis.

Et comme il a l’impression que la prisonnière qu’il épaule n’a pas envie de croupir dans les lieux non plus, il avance, pas à pas, vers la porte.

-De toute façon, elle est tellement faible que si vous lui faites une muselière, ça m’étonnerait qu’elle tienne le coup. Il y a plein d’autres esclaves, tu pourras bien la remplacer !

Paroles cruelles, irréfléchies, pour un élémentaliste qui parle au nom des siens.
Mais à ce moment, Lysias n’a pas envie de jouer avec les mots. Et alors qu’il ouvre la porte, il tombe pile poil sur un Incube qui s’apprêtait justement à frapper à la porte de sa majesté La Faux. Quelle aubaine celui-là ! Lysias se retient de laisser échapper un juron, parce que cet abruti de démon, il l’a déjà vu trainer dans les parages, sans cesse à chercher les faveurs de Dame Faux. Les deux trois fois où il a posé pied hors de la chambre en talonnant Sappho, Lysias en a entendu des belles et des moins délicates, des blagues et des bruits qui courent chez les démons. Enfin bon, en attendant, il aimerait bien que l’Incube en question se pousse, parce qu’il ne contribue pas à apaiser l’agacement général qui anime le nymphe.

-Tiens donc ! Dame faux va-t-elle apposer sa signature sur ces deux vermines ?

Vermines.
Que diable les vermines, Lysias en a assez de s’entendre appeler Vermine. Bon sang ! Et voilà que l’autre saisit son visage entre deux griffes pour l’observer sous tous les angles, comparant tantôt ce visage intacte, et l’autre, salement entaillé et balafré du squelette…

-Dame faux, ma chère Dame Faux… moi qui allais justement vous proposer de vous accompagner à cette petite excursion, pour partager le plaisir de sceller ces crevards… jubile l’incube, jetant un regard à la concernée, par-dessus l’épaule du nymphe.

En plus, pour parler avec aussi peu de retenu à la Dame Faux en question, cet Incube ne doit pas être parmi des plus bas échelons de la hiérarchie, maudit Lysias. Allez allez, dégage, va donc voir ta dame Faux, et laisse moi passer ! Toujours à l’encadrement de la porte, le démon fanfaron comme un coq, et pour peu qu’il se proposerait aussi, de s’offrir le plaisir d’amocher cet esclave qui parait resplendissant au côté de l’autre, presque dépourvue de vie…

La seule chose que Lysias retira de cette rencontre fortuite, fut qu’il se retrouva avancer vers le lieu du « contrat ». Si contrat, on peut appeler, une signature sans consentement.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 8 Avr 2010 - 0:00

Elle sentait bien qu'il bouillait intérieurement. Quoi qu'elle fasse, il lui en voulait malgré tout. C'était de pire en pire, mais ce n'était que le début, pas vrai ? Faut croire... Elle avait tout de même essayé. Les moindres remarques qu'il faisait, ses moindres caprices, elle les exauçaient, comme elle le pouvait, dans la mesure du possible. Mais lui dire qu'il était libre alors qu'il était là toute la journée, enfermé... Peut-être était-ce mauvais. Peut-être agissait-elle toujours comme la démone qu'elle était et qu'elle ne faisait que se masquer la vérité. Mais le pire sûrement, c'était qu'elle ne pouvait pas faire plus. Elle essayait de le maintenir dans cette bulle parce qu'elle le voulait ainsi. C'était cruelle, pas vrai ? A côté de cela, elle torturait et massacrait, se livrait aux plaisirs charnels et jouait au petit jeu de la politique démoniaque. Tel un être aux deux visages... Malgré la difficulté que cela représentait. Elle pensait qu'elle avait réussi, dans son orgueil, elle pensait qu'il en était tel qu'elle le voulait.

Mais lorsqu'elle le vit passer devant elle, lorsqu'elle entendit son ton sarcastique, elle comprit que cela n'était qu'un rêve de plus. Elle avait juste rêvé. Rien qu'une illusion. Depuis le début, il savait qu'elle était là, cette igni, du nom de Tellana, une elfe... Ou plutôt une ex-Igni, une créature qui autrefois fut appelée Tellana, qu'autrefois on qualifiait d'elfe... Rien de plus qu'une coquille fragile et brisée aujourd'hui. Et il lui donne à boire, il lui parle comme s'il la connaissait. Sappho regarde ce spectacle avec un regard sans âme. Blanc et sans expression. Elle ne montrait rien. Elle n'éprouvait rien pour elle. Il était normal qu'il réagisse ainsi, après tout. Sa colère gronde. Pourtant, elle l'a soigné, elle l'a protégé... En même temps, elle le trouve injuste et terriblement, douloureusement proche de la vérité. Mais c'était encore injuste. Pas de doute, sa colère à elle montait aussi. Mais la sienne était froide et calculatrice. Pas une cocotte minute sur le point d'exploser. Juste un sentiment qu'elle contrôlait comme n'importe lequel, mais qui pouvait tout autant la submerger.


" Tu demandes pourquoi ? Parce qu'elle nous a affrontés, qu'elle ne s'est pas soumise... Quelle autre raison pourrait-il y avoir ? Et c'était si divertissant... " Mauvaise stratégie. Quand elle le voit se lever, la superbe qui habitait sa voix disparut. Non... Ne pars pas, pas encore... Il saisit l'elfe, et lui récite les belles paroles qu'elle lui avait promis. " Non... non attends Lysias ! Ne me laisse pas seule... Pas déjà... "

Elle avait déjà dit ça à ses victimes, sur un ton faussement triste et déçu. Mais là, il n'y avait rien de faux, chez la Faux. Cependant, la fin de sa phrase n'avait été qu'un murmure si faible, qu'il n'avait certainement pas entendu. Elle avait essayé de le saisir par l'épaule, mais rien n'y faisait. Elle n'arriva pas à l'attraper. Elle le regarda se diriger vers la porte en soutenant sa captive. Qu'espérait-il ? Pouvoir sortir, avec tous les démons qui trainaient dehors ? Et il s'inquiétait tellement pour elle ? Il ne la connaissait même pas, ou si peu.

" Elle survivra... Je crois. "


Sa voix est quelque peu chancelante. Mais elle secoue la tête et commence à avancer vers eux. Non, elle ne pouvait pas les laisser sortir sans elle. C'était les envoyer à l'abattoir sur-le-champ ! Non, elle allait le prendre quand on ouvrit la porte. Sa mine inquiète se transforma immédiatement en un sourire démoniaque. Elle reconnut cet incube. C'était un noble, descendant d'une famille qui avait toujours été proche de Trône, sans pour autant s'en approcher de trop près. Sieur Kaleos Ematos, le Sanglant. Un incube dont elle avait déjà partagé plus que la table. Il lui faisait la cour depuis qu'elle avait été nommée Général, à la tête du clan de Tarna la traitresse. Elle le gratifia de son plus beau sourire et s'approcha gracieusement d'eux trois. Kaleos lui tend la main, à la manière d'un gentleman pour l'inviter à danser... Sappho la lui prend.

"- Ce sera avec plaisir Sieur Kaleos, cher ami. Mes vermines semblaient plutôt récalcitrantes à y aller. Peut-être pourriez-vous m'aider ?
- Ma Dame Faux, vous êtes trop clémente avec celui-là. Ce chien a l'air en pleine forme !
- Il le sera moins dans peu de temps, ne craignez rien, vous me connaissez assez pour le savoir... Pouvons-nous y aller ?
- Ahah Dame Faux a toujours raison, n'est-ce-pas ? Eh bien, j'ai hâte de voir ce spectacle. "


La discussion était banale ici-bas. Sappho sortit la première, tandis que Kaleos tenait Lysias par le cou, ce dernier supportant Tellana sur lui. En outre, les deux démons avançaient d'un bon pas. Le voyage ne devait pas vraiment être des plus agréables, et bien que Sappho ressente quelques remords à forcer ainsi le nymphe, elle savait que cela était nécessaire. Ils n'avaient pas le choix. Pas vrai ? Elle essayait de se persuader. Bien sûr, voilà belle lurette qu'elle aurait pu lui proposer de s'enfuir sous sa protection. Mais elle voulait qu'il reste, aussi égoïstement que lui voulait partir. Après avoir échangé quelques mondanités, ils arrivèrent à une porte, sur laquelle avait été gravé le mot suivant : "Salle du Contrat". Bel euphémisme pour parler du scellement des pouvoirs des esclaves. Mais les démons aimaient les euphémismes. Sappho ouvrit la porte avec toujours son sourire carnassier et ses yeux avides. Lorsque son regard se posa sur celui de Lysias, ses yeux vacillèrent un instant. Une seconde ou une demi-seconde. Pas assez pour être remarqué. Sans se départir de son humeur joyeuse, elle pénétra dans la salle du "contrat".

La pièce était spacieuse. A l'entrée, un pupitre avait été installé, et un démon mineur notait les esclaves et leur maîtres sur un grand rouleau parcheminé. Les murs étaient à l'origine sûrement beiges. Maintenant, ils étaient grisâtres, avec des tâches de sang partout. Ils arrivaient juste à temps : un soquior était en train de sceller son esclave. Ce dernier était à genoux, par terre, son maitre était dans son dos. Il maintenait une pierre sombre et luisante contre sa peau, qu'un sorcier à ses côtés lui avait donné. L'esclave terrifié, émit un hurlement effrayant lorsque la pierre pénétra dans son corps. Il essaya de se rouler par terre, tant la douleur était forte, mais le soquior lui attrapa la gorge et le maintint ainsi. La pierre était emplie de la magie du maître, et lui permettait de savoir où se trouvait sa propriété. En outre, leur expliqua le démon mineur à son bureau, elle obligeait ledit esclave a répondre aux appels de son maitre. Via la pierre. Elle provoquerait des douleurs intenses et il était possible d'en devenir fou. Mais qui s'en souciait ? Finit-il avec un sourire sadique. Sappho faillit se retourner et emmener Lysias avec elle. Mais comme d'habitude, elle ne pouvait pas le faire. Kaleos la prit de court :


" Que voilà un programme alléchant... Alors Dame Sappho, par lequel commencerez-vous ? "


... Qui ? Celui qu'elle aimait ou celle qu'elle avait torturée des jours durant ? Etait-ce si important ? Dans tout les cas, ils finiraient dans le même lot. Mais elle voulait tellement le protéger. A tel point qu'elle était prête à retarder cet instant douloureux où elle le marquerait comme sien. Comme sa chose, son objet. Il devrait être sa créature, en son pouvoir.

" Commençons donc par ma préférée ! Sieur Kaleos, pouvez-vous le faire lâcher prise ? "


Elle avait l'impression de se retrouver avec Lysias et Caliel. Là, c'était Lysias et Tellana. Mais cette fois-ci, ils n'auraient pas de répit. Elle attendit que l'incube saisisse le nymphe par les deux bras. Il appuyait fortement, on pouvait presque voir des marques de bleues là où il le tenait. L'elfe chut au sol. La petite Faux se précipita sur elle, et malgré le mouvement de recul de sa victime, elle la prit dans ses bras en murmurant qu'elle serait bientôt entièrement sienne. Elle oui. Lysias jamais. Sappho souleva sans ménagement ce tas de chair et surtout d'os, et la traine plus qu'autre chose vers un des sorciers. Kaleos, tenant toujours Lysias, s'approche pour apprécier au mieux le spectacle.

Un démon encapuchonné tendit une pierre inerte à Sappho. Elle devait y insérer sa magie. Sans un mot, elle invoqua les ténèbres pures et les emprisonna dans le caillou. Il se mit à luire d'une noire lumière. Le sorcier recula et baissa sa main en direction de l'esclave, que Sappho avait placée dans la même position que celui du Soquior de tout-à-l'heure. Elle lui avait retiré le haillon qu'elle portait et qui cachait le reste de nudité qu'elle avait. Même là, son corps était meurtri et blessé. Survivrait-elle ? Les yeux de Sappho brillèrent d'un éclat sanguinaire lorsque cette pensée lui vint à l'esprit. Surtout, ne pas le regarder. Car son regard réprobateur et furieux la déstabiliserait plus sûrement que n'importe quelle gêne. Son bras se tendit et plaqua l'insigne ronde sur sa peau. La réaction élémentaire ne se fit pas attendre : quelques étincelles accueillirent l'extrait de ténèbres. Mais son élément était si faible à présent. L'elfe hurla à se briser les cordes vocales, tandis que la pierre pénétrait sa peau. Sappho posa son pied sur le dos de Tellana pour la maintenir de force. Elle exerça une telle pression que la malheureuse ne pouvait plus que pleurer et gémir sur sa douleur.

Le pierre était entrée dans son organisme. Entre ses omoplates. Maintenant, la succube pouvait marquer sa possession comme elle le souhaitait. Avec un petit rire satisfait, elle traça une rune démoniaque dans l'air, avec ses ténèbres, aux courbes trompeuses. Elle signifiait : * Faux *. A la fois l'arme et l'inverse du Vrai. Double sens, quel sens de l'humour, ces démons tout de même ! Le même mage noir saisit les avant-bras de Tellana, et lui fixa deux "bracelets", un à chaque bras, qui étaient faits du métal particulier des Enfers. Ce matériau absorbait les pouvoirs élémentaires. Les "bijoux" étaient plutôt épais et lourds. Pas très commode. Mais il ne s'agissait pas d'un concours de beauté, après tout. Sappho poussa l'elfe du pied et fixa les yeux de Lysias.

"- Maintenant... C'est à ton tour mon précieux esclave... Si ma Tellana n'est pas morte sur le coup, vous aurez l'honneur de partager vos chaînes ! " Kaleos lui envoya le nymphe d'un geste brusque, en disant :
" - Et que diriez-vous de fêter cela en ma compagnie ? Nous pourrions nous occuper d'eux ce soir chez vous... Par ailleurs, il semblerait que peu de gens aient vu vos quartiers ces derniers temps, je serais curieux de pouvoir y pénétrer... Si vous me le permettez ? " Le misérable ! Si elle continuait à refuser à tous les mâles de venir chez elle, on finirait par se poser des questions. Trop de questions. Elle ne pouvait pas refuser.
" - Ce serait un honneur et un plaisir Sieur Kaleos... "

Pendant qu'elle parlait, elle arrachait ce qui couvrait le torse de son Lysias. Elle observa apparemment avec satisfaction ce corps si peu touché ou blessé, qu'elle s'apprêtait à obtenir. Mais elle désirait tellement lui éviter cela. Sous les gémissements et les sanglots d'une elfe agonisante, Sappho, évitant l'éventuel regard de Lysias, l'obligea à se retourner et à s'agenouiller. C'était pire que si elle l'amenait à l'échafaud. Elle ne voulait pas entendre son cri. Non, surtout pas ça. Elle ne trembla pas en prenant la pierre, ni en y emprisonnant ses ténèbres. Elle se mit en position de la lui poser. Mais elle hésita une seconde. Une seconde suspendue, durant laquelle elle fixa son dos sans comprendre ce qui lui arrivait. Quoi ? Elle ne pouvait pas le sauver autrement, devait-elle se persuader. Comment le lui faire comprendre ? Pouvait-il seulement le comprendre ? Elle lança son bras contre son dos. La pierre heurta la chaire, et l'ombre ou les ténèbres engloutirent le vent qui se leva en réponse. Elle se détesta à cet instant. Pour le mal qu'elle lui faisait. Si bien qu'à cet instant, elle haït les démons, elle haït son être profond.

Ô mère des ténèbres, faites que ce cri cesse !

La rune qu'elle lui posera ne sera pas la même que celle de Tellana. Il y avait deux runes qu'elle graverait à l'emplacement de la pierre. Deux runes. Deux mots. Qu'elle ne laisserait personne voir. On lui poserait ses chaînes à lui aussi. Sous les rires et les remarques de l'incube et de la succube. On attendrait qu'ils se remettent avant de sortir d'ici, et au passage, de noter les noms des esclaves signés et leur maitresse. On n'aura pas oublié de redonner quelques choses s'approchant de vêtements aux vermines. Après, ils devraient retourner chez Sappho, avec Kaleos. La journée serait un calvaire sûrement. Et pendant toute cette journée, la démone ne pourrait rien dire de vrai à Lysias. Elle lui mentirait tout du long. Mais comment pouvait-il le savoir, lui qui était si plein de rancœur maintenant ? Toute la journée, les deux démons burent de l'alcool et mangèrent tandis que les deux esclaves ... étaient traités comme tels. Sappho était ivre. Elle préférait s'enfuir dans le nectar plutôt que d'affronter ses yeux haineux. Alors elle se conduisit pour une fois envers Lysias comme elle aurait dû se comporter avec lui si les choses étaient différentes. Elle le baffa, le frappa, le blessa et le ridiculisa, aidée par l'incube. Ses mots étaient crus et sonnaient si vrais.

Le soir venu, elle les enferma dans son cachot privé, les jetant pèle-mêle comme des objets sur le sol. Les attachant chacun à l'autre bout de la salle. Puis fermant sans un regard cette porte grinçante. Privant de lumière les deux êtres à l'intérieur. La nuit venue, elle fit ce qu'elle faisait de mieux en tant que succube avec Kaleos. Que c'était banal. Une nuit longue et sombre. L'alcool embrumait son esprit. Apaisait son sentiment de culpabilité. Voilà bien longtemps qu'elle ne s'était pas comportée en succube, en vrai. Elle pensa que c'était peut-être le dernière fois avant un long moment, en se réveillant. Seule. L'incube devait avoir un conseil familial ce matin, sûrement.

L'alcool mit un certain temps avant de se dissiper. Mais lorsque les souvenirs revinrent petit à petit sur la journée d'hier, un haut-le-cœur la prit. Cruelle qu'elle était, de vouloir se faire pardonner. Elle était impardonnable. La pire qui soir d'entre les démones. D'entre les femmes. Traitresse. Lorsqu'elle ouvrit la porte du cachot, ses yeux étaient rouges de larmes, qui coulaient à flot sur son visage. Y avait-il une seule chose qu'elle pouvait dire ? Elle s'approcha de Lysias, comme dans un rêve, s'agenouilla devant lui et défit ses liens. Elle plongea ses yeux dans les siens. En quête de rédemption peut-être. Mais c'était un espoir vain sans doute. Elle voulut poser sa main sur sa joue. Mais elle avisa la marque bleuté qui la couvrait. Ce coup, c'était elle qui lui avait donnée. Elle laissa sa main en suspend, son visage était suppliant. Elle pleurait silencieusement. C'était si facile ! S'excuser ? Lâche ! Mais que faire d'autre ?


" Lysias je... je ne... "


Elle n'y tenait plus. Elle remua la tête en signe de négation à ses propres paroles, et se jeta sur le nymphe en l'embrassant, de tout son cœur de ténèbres. Elle se plaqua contre lui, l'entoura de ses bras. Même s'il la repoussait, elle s'en fichait. Elle ne bougerait pas et l'embrasserait jusqu'à ce qu'elle se pardonne. Qu'il la pardonne. Ses jambes et ses bras l'entouraient, son corps sensuel le gardait près d'elle. Pardon, Lyly.

* Amour Faux *
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyJeu 8 Avr 2010 - 17:29

-Cœurs torturés-

…et quand on arracha les guenilles de Tellana, Lysias détourna les yeux. Un simple regard peut prendre parfois, une horrible tournure humiliante. Alors il fixa son attention vers la fenêtre, parce que c’était la seule chose qu’il pouvait faire. Elle se mit alors à hurler, laissant entendre au nymphe, le son de sa voix pour la première fois, et c’est aujourd’hui, une souffrance qui reste encore gravé dans sa mémoire. Quant il arrive à Lysias d’y repenser, des frissons ne peuvent s’empêcher de traverser son échine.

Ensuite, les pleurs continuent à s’extirper de la gorge de l’elfe, pendant qu’on oblige le second à aller signer son contrat. Quant à la suite… elle n’appartient qu’à celui qui l’a vécu.



Au moment venu, fais ce que tu as à faire.
-



Furieux et blessé dans son amour-propre, il l’avait insultée, et elle l’avait humilié puis usé de la violence comme jamais elle n’avait levé la main sur lui jusque là. Et pour finir, Lysias et Tellana avaient fini au cachot, ou plutôt, l’antichambre qui avait servi de prison lugubre à l’elfe. Pendant que le couple de démons, se livraient à une fin de diner réussi, qui quelques heures plus tard, aboutira probablement comme il se doit, dans l’ivresse et la gaieté d’ébats joyeux. A quelques mètres de là, plongés dans le silence et l’obscurité, Lysias, colérique et profondément humilié se tenait coi, et ce ménage avait continué, une éternité durant.

Le plus dur avait été cette nuit là ; car, si au début, le silence pesait lourd entre les deux prisonniers désormais réduits à l’esclavage, ce fut la souffrance de l’Igni qui fut le plus dur à supporter. Vers les alentours de minuit, elle commença à geindre de paroles incompréhensibles, incapable de faire autre chose que de laisser la douleur submerger son frêle corps. Elle commença à grelotter dans son coin, puis son corps fut parcouru de spasmes, de plus en plus violents. Etaient ce là les symptômes provoqués par les seaux ou bien ces maudites chaînes ? A force de vouloir l’ignorer et rester dans son coin à lui, Lysias finit tout de même par s’en approcher, pour tenter de faire quelque chose, la faire taire, apaiser sa douleur, tout mais que cette souffrance disparaisse.

-Tellana ?

Son supplice est insupportable à soutenir, à regarder et à subir indirectement. Un corps usé et fatigué qui ne mérite pas de suinter autant de maux. Et même si le nymphe ne ressent pas grand-chose depuis cette vive douleur qui lui a brulé le haut du dos, sous la nuque, il a l’impression que les gargouillements qui sortent de la gorge de l’elfe ravive la pierre s’est glissée sous sa peau. Dis Tellana, arrête de hurler, j’en ai marre de t’entendre, est il sur le point de dire, pourtant, la seule chose qu’il trouve à faire, c’est lui tendre la main, et la relever, contre lui. Il se rappelle alors Caliel, l’ange parti dans un silence serein… a-t-il autant souffert lui aussi ? Car si lui est parti dans la discrétion, Tellana, elle, semble s’éloigner dans un repos torturé. Est-elle seulement consciente de ce qui lui arrive ? Lysias en doute, mais elle semble l’être.

-Eh, Tellana. Attends... Attends un tout petit peu encore, et je t’amène… de l’eau. Des fruits. Tu sais, comme ce matin.
-Fini… fini…ssons. Finissons-en,
murmure-t-elle, toujours saisies de violent tremblement. Ses maigres doigts cherchent à entourer ceux, longilignes du nymphe, mais c’est un effort qui semble hors de sa portée.
-Tu vas t’en sortir. On va s’en sortir… et demain, on reverra plus tout ça. Alors tiens le coup. S’il te plait.
-S’il… s’il te plait…


Des prières silencieuses, des espoirs qui s’anéantissent et des lumières qui s’éteignent. Ce ne sont plus des larmes de tristesse qui macule le visage émacié de l’igni, mais de pur calvaire. Egoïste ne veut pas dire sans-cœur et c’est une souffrance qui glace les trippes de Lysias. Sa main se glisse dans les cheveux emmêlées de la suppliciée, dans un simple geste de douceur bien maigre comparé à une si grande douleur.

-… Je n’en peux plus…
-Dis pas ça Tellana, c’est pas le moment
-J’ai assez résisté, assez subi… il n’y a plus que le feu qui me maintient en vie. Un élémentaliste privé de son élément… tu sais de quoi je parle Lysias.
-Tu es plus mal en point que moi, c’est pire que ce matin.
-Je maitrise sans doute mieux mon pouvoir que toi… Avec plus d’années d’expérience, et plus d’habileté à me rendre compte de mon énergie… Mais ces chaînes sont en train de me priver de mes dernières ressources.


A chaque fois que Tellana mobilise ses pensées pour parler, Lysias a l’impression qu’elle va tout lâcher d’un coup. Et ils parlent, autant qu’une conversation est possible dans cette situation, autant que Tellana supplie Lysias de mettre fin à sa vie, incapable de se mouvoir seule, incapable de ne plus rien faire sans l’assistance d’un autre. Et au petit matin, une raie de lumière fuse dans la chambre alors que le nymphe se tient là, droit comme un i, les bras ballants qui se terminent en des mains entachées de sang. C’est Sappho. C’est encore Sappho, avant même qu’elle se jette sur lui, il la reconnait. Il retrouve son odeur alors que c’est la dernière présence avec qui il voudrait avoir affaire, et la laisse faire, extenué par les cris d’agonie de Tellana qui résonnent encore dans sa tête. Exténué de captivité. La succube l’embrasse, et c’est pourtant un contact qui le laisse impassible, et il la repousse, bien qu’elle cherche à rester près de lui. Et la colère accumulée de ces derniers jours s’anime de plus bel, tandis qu’il finit par lui laisser faire ce qu’elle veut, puisqu’au final, c’est ce qu’elle fait. Seulement, le pire dans cette histoire, c’est qu’il aurait pu partir les jours précédents. Il aurait pu partir de son propre chef avant… aujourd’hui. S’en aller, loin, loin d’ici, en cessant de repousser la date de sa fuite. Terrible erreur, erreur doucereuse, et brûlante colère.

-…Tiens donc, finit-t-il par lâcher, d’une voix brisée, -avec le sieur Kaleos, ça ne t’a pas suffi ? Tu t’en prends à tes… ton esclave maintenant ?

Il la fixe, d’un regard haineux, sans ciller.

-L’autre, ton esclave Tellana, et ben elle est morte. Je l’ai tuée.

Il l’annonce, d’un ton neutre, aussi impassible que s’il parlait de la pluie et du beau temps. Et, profitant d’un moment furtif de liberté dans cette étreinte forcée, Lysias repousse entièrement Sappho, et se relève. Ce faisant, il ne réalise même pas à demi que la minimini a grandi entre temps, et que la minimini de ses souvenirs, est en réalité, une femme qui se livre à des festivités nocturnes qui dépassent largement l’ère enfantine. La seule chose qui l’aveugle à cet instant, c’est le reflet de sa propre colère et humiliation d’être réduit à un rang d’esclave, alors qu’hier encore, la liberté était si palpable du bout des doigts. Porter ces chaînes et seaux en lui, anéantiront pendant longtemps ce sentiment de ne dépendre de personne d’autre que de soi-même. Or, à mesure qu’une rage grouille en son être, un étirement sur les muscles de sa nuque se fait ressentir.

-Regarde, je l’ai tuée tout à l’heure ! prouve-t-il ses dires en ouvrant ses mains souillées du sang de ses confrères. -Tu vois ?

Au début, il ignore royalement cette gêne infime au creux de ses omoplates.

-Haha, ça se trouve, ces trucs, ça me rend démon, ricane-t-il sans rire.

Et c’est une gêne qui devient de plus en plus encombrante à mesure qu’il a envie de recraché sa haine envers le monde entier. Alors qu’il raconte encore tout ce qui lui passe par la tête –tu vois, je vais pouvoir faire comme toi, museler tous ceux que j’ai envie de museler, les frapper et les assener de coups. Peut être qu’en fait, je devais en mourir d’envie, hein, tu crois pas ? Bon et maintenant, on va danser une danse macabre pour fêter une nouvelle mort, où est ce qu’on balance le cadavre par la fenêtre ? Bah oui, c’est qu’un escla…- Puis il se crispe des épaules, avant de se taire, par le tiraillement aigu que provoque la pierre. –Ah oui, tiens, c’est quoi le mode d’emploi, pour la Chose avec quoi t’as scellé l’accord ?- laisse-t-il échapper une dernière fois avant de se taire définitivement.

La pierre donne la même sensation d’avoir une crampe, qui s’intensifie. Lysias est bien obligé de ravaler ses paroles et s’appuyer à l’entrée de l’antichambre, pour finalement se laisser assoir au sol, mâchoire crispée.

-Si tu t’excuse… murmure-t-il, soudain blafard, sans pour autant perdre cette lueur noir dans les yeux. -Le fais pas c’est tout. Parce que si tu t’excuses, je crois que je serai capable de te tuer, Sappho.

Tout au moins de mourir en tentant de le faire.
Des paroles crues, sincères et tellement aiguisées, de la bouche d’un élémentaliste.



Au moment venu, fais ce que tu as à faire.
Et je ferai de même.


-Pourquoi au final, tu t’acharnes à me garder en vie, si c’est pour mieux détruire après. Je ne comprends pas les ténèbres.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 9 Avr 2010 - 9:04

Elle a du mal à le reconnaitre. Il lui semble lointain, son Lysias. Non, il n'a jamais été "son" Lysias, c'était juste... celui d'avant. Maintenant qu'il la voyait comme elle était vraiment, et malgré ce qu'il lui avait promis, il lui jeta ce regard empli de haine. Ce regard qu'elle détestait presque autant que lui la détestait à ce moment. Et il tente toujours de la repousser, pourtant, elle s'accroche. Elle ne veut pas le laisser. Elle sent que si elle le lâche maintenant, elle le perdra. Mais elle n'y peut rien : il lui dit qu'il a tué. Il a tué l'autre captive. Elle jette un coup d'œil et voit son corps, en effet, étendu sur le sol sale. Il profite de cet instant de relâchement pour quitter son étreinte. Elle se relève un peu après lui. Ses yeux sont grands ouverts, mais ce n'est pas l'étonnement ou encore l'horreur, c'est presque de la peur. Non pas qu'il la tue, mais qu'il ait tué. Lysias... Qu'avait-elle fait au final ? Elle avait transformé un nymphe en un meurtrier ? Elle avait essayé de l'aimer pour mieux le détruire ? Elle aimerait se montrer compatissante et le rassurer. Elle aimerait se montrer calme pour ne rien envenimer. Mais elle trouve encore qu'il est injuste. Était-ce sa faute vraiment ? Elle ne faisait que ce qu'elle devait faire. Elle était un Général, la dirigeante du deuxième clan des Enfers ou du Palais des Feux. Elle aurait pu le tuer lui, et l'oublier. Mais malgré le danger que cela représentait, elle le gardait dans sa cage dorée.

Ainsi, elle était... un mur. Une tombe au mieux. Elle le regardait comme si elle le voyait pour la première fois. Parce qu'il avait tué Tellana. Elle s'en fichait royalement de cette esclave, elle n'avait pas d'importance. Mais le fait que lui... Lui avec ces blessures si fraîches datant de la veille... Ces blessures qui venaient d'elle. Cependant, face à sa colère sourde, elle ne savait répondre que par le même chemin. Et ses yeux brulèrent d'un éclat supérieur.


" Et bien ? tu t'étonnes de me voir tel que je suis vraiment ? Tu ne sais pas ce que je peux faire. Tu as peut-être achevé cette vermine, tu as stoppé ses souffrances, t'en es fier ? N'oublie pas qui l'a mise dans cet état pitoyable. Qui a réduit cette elfe en une créature tremblante et effrayée ! Hier... hier tu m'as vue tel que je suis vraiment. Moi... Sappho des ténèbres. "

Et que dit-il maintenant ? Qu'il devient un démon ? Fadaises ! Il lui récite ses quatre vérités, tout ce qu'elle a fait, tout ce qu'ils font. Elle ne cille pas et maintient son regard planté dans le sien. Elle l'écoute lui donner son programme habituel. Sans broncher. Que pouvait-elle dire ? Rien, car tout était vrai. Mais elle voit son regard vaciller, sa crispation soudaine. Elle s'inquiète, tout en sachant très bien d'où vient sa douleur. A force de s'énerver contre le possesseur de la magie dont la pierre était marquée, elle s'activait, et provoquait des douleurs et autres spasmes. Elle le regarda choir dans l'encadrement de la porte, debout et insensible. Il ne voulait pas de sa compassion ou de sa pitié pour l'instant. C'était si faux pour l'instant. Il ne veut même pas qu'elle s'excuse... Il est si pâle. Encore un caprice de sa part ? Il ne veut plus de ses excuses... Soit. Elle céderait encore. Rien, elle ne s'excuserait plus pour rien.

Elle le regarda un instant, lui qui souffrait à ses pieds. Elle pouvait lui enlever cette pierre. Elle pouvait... Elle avait donc encore un pouvoir sur lui ? Mais donc, elle pouvait l'empêcher de s'enfuir ? A cette pensée, son esprit s'anima. Qu'il reste encore...


" Je ne suis pas désolée. Je suis peut-être impardonnable, et ce serait hypocrite de ma part : on ne s'excuse pas de ce que l'on est. " Il parla et révéla ce qu'elle pensait en des mots clairs et cruels. Pourquoi s'acharnait-elle à le maintenir en vie, si c'était pour le garder prisonnier ou pour en faire son esclave ? Et de dire qu'il était libre ? " ... Je ne te demande pas de comprendre les ténèbres. Comme tu l'a rappelé, j'ai dit que tu étais libre de partir. Maintenant, ce n'est plus le cas. Je te protégerai, que tu le veuilles ou non, car je veux que tu vives. Cependant... "

Elle s'arrêta, se retourna, et se posta devant le corps sans vie de Tellana. Elle s'accroupit devant elle, et la tourna sur le ventre, de manière à voir son dos. Elle arracha le tissu de son vêtement pour atteindre sa peau. Le glyphe de ténèbres était toujours là.

" ... cependant, si tu veux tellement quitter cet endroit, alors... je t'aiderai à trouver des survivants hors de la Cité -car il y en a. Mais pour cela, il faudra d'abord que je te débarrasse de cette pierre et de ces chaînes. "

Elle posa ses mains dans le dos de l'elfe, là où hier elle avait placé la pierre. Elle ferma les yeux et marmonna quelque formule dans une langue oubliée, utilisée par les sorciers. Un halo noir apparut sous ses mains. La chair du cadavre sembla tanguer et bouger, puis une forme ronde et sombre pointa le bout de son nez. C'était la pierre, la signature. Dans un crissement sombre, elle s'échappa du corps de l'esclave pour se nicher dans les mains de Sappho. L'instant en suspend qui avait accompagné ce sortilège disparut et retomba. La succube prit la pierre noir dans une main, et de l'autre en retira la magie de ténèbres qu'elle y avait scellée. Cette magie prit la forme d'un amas condensé d'obscurité. De ses ténèbres. La succube regarda un instant cette friandise pour elle, et la goba, aussi sûrement qu'elle avait gobé les bonbons apportés autrefois par Lysias. La pierre n'était plus qu'un caillou presque ordinaire. Elle le jeta en direction du nymphe.

Elle allait encore commettre quelque chose d'impardonnable, mais elle ne pouvait guère faire autrement. Elle retourna une dernière fois le corps de la jeune femme morte, et plaça sa main au-dessus. Elle allait faire tomber ce corps dans les ténèbres, pour l'éternité. Elle n'avait pas le choix, si elle voulait la faire disparaitre rapidement. Elle évita le regard de Lysias et agit vite : une porte noire s'ouvrit à l'horizontal, sous le corps, qui se retrouva happé par les ténèbres. Presque dévoré ou englouti. Non, elle ne lui laisserait pas le temps de lui dire au revoir. Car ici-bas, il n'y avait plus de tels sentiments qui comptent. Maintenant, seul importait qu'il survive, par tous les moyens, même si c'était contre sa volonté ou si pour cela, il devait la haïr. Même si pour cela, il devait avoir envie de la tuer. C'était presque son but au final. Qu'il vive, et quand le monde à l'extérieur sera suffisamment organisé, elle le ferait sortir. Alors, il pourrait se venger librement. Qu'il revienne même pour la tuer, si le cœur lui en dit ! Mais qu'il sache se défendre, enfin. Elle leva ses yeux vers lui. Elle se releva complètement, et se planta juste devant lui.


" Ne me dis pas que tu ne veux toujours pas te venger, maintenant ? " Elle soupira un coup " Tu serais bien capable de ne même pas vouloir la venger... Tant pis. " Elle força les appels de la pierre. Elle sentait la concentration de ténèbres dans son corps, qu'elle pouvait repérer ou faire réagir. La douleur s'intensifia, dépassant le stade de la crampe. " ... Dis Lyly, tu veux que je t'enlève ta pierre, pas vrai ? Tu penses pouvoir l'enlever seul ou à l'aide d'une autre vermine ? Mais c'est impossible. Seule moi peut te soustraire à cette souffrance. Alors... "

Ses yeux s'animèrent. Elle lui proposerait un nouveau contrat. Flexible. Qui correspondrait à leur situation. Qui permettrait à Sappho de le garder encore. Étrangement, ce pacte n'était pas vraiment à son avantage. Il était tourné vers les intérêts de Lysias, dirait-on.


" Alors, je vais te proposer un pacte avec moi. "

Son sourire s'élargit, et ses dents pointues brillèrent autant que ses yeux. Si les beaux sentiments et les promesses dans un lagon ne suffisaient pas à le protéger, alors ... alors il y avait toujours d'autres moyens.

" Écoute bien ses termes : laisse moi... sept cycles de lune de ta vie ici. Après ces sept lunes pleines, je te conduirai à l'extérieur, près d'autres vermines, et t'enlèverai ta pierre et tes chaînes. Pendant le temps que tu passeras ici, tu auras le droit de te venger de tout ce que tu verras, sur moi, car tu m'accompagneras partout. A l'extérieur, tu seras avec moi, mon faux esclave. Entre ces murs, tu pourras me faire ce que tu veux. Et moi... je ne te ferai plus rien. "


C'était dit. C'était ce qu'elle voulait lui imposer, mais avouez que tout cela n'était pas bien grave, par rapport à ce qu'il endurerait vraiment s'il était son esclave. D'ailleurs, et s'il refusait, hein ? Dans son égoïsme et sa fierté, il pouvait toujours se croire au-dessus de ça, même après tout ce qu'il avait vu et vécu. Sappho s'éloigna un peu, et retourna dans sa chambre. Elle semblait réfléchir. Elle tourna sa tête pour lui lancer un regard glacial.

" Si tu penses que ce contrat ne convient pas, si tu ne supportes pas un de ses termes, sache qu'il n'y a pas de changement possible. En outre, si tu venais à refuser mon offre aujourd'hui... tu ne serais pas mieux traité que toutes les autres vermines qui sont passées entre mes mains. " Elle avança pour aller s'asseoir sur son lit, lui refaisant plus ou moins face. " Mais tu es libre après tout, non ? Tu préféreras sans doute être logé à la même enseigne que tes frères ? Plutôt que de subir un traitement de faveur de ma part... Quelle humiliation... Avant de répondre définitivement, pense à tous ceux qui sont déjà morts, pense à ceux qui sont à l'agonie et à ceux qui crèveront bientôt... Peux-tu les entendre ? "

Elle maitrisait la même magie que Senector. Et c'était plus facile d'invoquer les voix des trépassés dans des lieux emplis de morts. Des voix suppliantes, hurlantes, haineuses, malheureuses... Des enfants, des femmes ou des vieillards. Tous répondaient à l'appel des ténèbres. Il entendait leurs plaintes dans sa tête.

* Noir, noir... Je ne vois plus que les ténè... * * Où sont nos dieux ? Qu'ils nous sauv... * * Mère... je ne te vois pl... * * Puis-je m'échapper ? Il n'y a que des murs si somb...* * Tous, nous sommes tous des vermines ici... *

Son sourire s'élargissait à chaque phrase. Si bien qu'elle eut, au final, ce rictus qui lui sciait sa face en deux, séparé par un mince trait pourvu de dents aiguisées. Elle se mit à rire, toutes ces suppliques lui paraissaient si amusantes. Quelle farce ! Elle s'allongea tranquillement sur le dos. De toute façon, quoi qu'il réponde, tous les jours, elle lui re-proposerait son marché.
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyVen 9 Avr 2010 - 20:17



-De toute façon, sept lunaisons ou pas, je ne te demande pas ton aide.


Sur le moment, Lysias avait tout simplement ignoré la proposition de dame Faux. Il l’avait bien vite compris, que tout contrat à Elamant la Ténébreuse, ne se résolvait désormais, que dans des conditions douteuses. Sappho lui avait clairement dit son entière liberté dans ses quartiers. Y compris sur sa personne, sans autre motif sous-entendu. Pour autant, le nymphe n’avait nul envie d’aller ne serait-ce poser le doigt sur la succube, qu’il se mit à se détourner, maintenant que la tête de Kaléos s’affichait automatiquement à côté d’elle. Les jours passèrent dans cette ambiance froide, où pendant le long moment, une douleur aigue s’étalait dans tout son dos, et bientôt il se mit à ignorer la démone, du tout au tout. Ne prenant plus la peine de lui répondre, et passant la majeur partie de son temps, dans l’antichambre réaménagée. Refusant jusqu’à aller répondre à la faim insatiable qui creusait son estomac. Et c’est dans ce silence d’amertume que l’aera finit par oublier la présence de son entourage, même lorsqu’il se retrouvait à accompagner la succube pour quelconque motif, dans les rues sinueuses de la ville.

Pour occuper son temps, il s’essaya par plusieurs fois de faire jouer son élément entre ses doigts, comme la dernière fois qu’il avait réussi à le manipuler. Finalement agacé par l’absence de signe quelconque, il abandonna finalement, en déduisant que si ses chaînes bloquaient son pouvoir, elles ne l’aspiraient pas. En souvenir d’un de ses rêves mouvementés où il revoyait les supplications de Tellana, il finit par en conclure que si elle avait tant souffert, c’était peut-être parce que ses bracelets lui bloquaient la seule et unique énergie à laquelle elle faisait appel, et qui la maintenait « en vie », pendant que Lysias, lui, n’avait jamais vraiment compté sur son élément pour s’en sortir. Pour une fois, il put s’attribuer les mérites à ne pas avoir à faire des pieds et des mains avec son air. Seulement voilà, si l’elfe défunte s’est servie de son feu pour survivre, au-delà de la soif, la faim, et la torture, le nymphe finit par se rendre compte que son élément lui fait subsister des jours et des jours entiers sans daigner toucher à un repas.

Une lunaison entière, puis une autre passent.

-Vis, bon sang ! Tu dois vivre si tu ne veux pas avoir subi tout ce temps pour rien !
-Lysias… tu ne comprends pas.
-Qui le voudrait ?
-Ecoute moi… même si je m’en sors, mon corps est trop affaiblie pour pouvoir vivre ne serait-ce qu’une lunaison entière. Je suis dans mes derniers retranchements, et je n’ai plus rien à soutirer de cette vie.
-Tais-toi ! Si tu veux mourir, meurs dans ton coin au lieu de me le demander à moi !
-Je m’en vais dignement, en ayant tenu tête aux démons et c’est une fierté qui me suffit. Mon rôle se termine ici, Lysias… regarde moi. Je suis couverte de cicatrices qui ne s’en iront probablement jamais. Comment je pourrais supporter ce corps, à jamais marqué par ces êtres ? J’ai donné tout ce que j’avais dans ce combat. Je suis fatiguée… vraiment. Ton énergie est encore intacte et tu as la possibilité de sortir d’ici. Crois-y.


Elle n'est qu'une voix malade et faible, là, dans cette sombre pièce.

-Mais je t’ai dis que j’allais nous sortir de là, bordel !
-…Je ne te serai d’aucune utilité. Fuis, et vis une vie de nymphe libre. Fais ça pour ceux qui tombent au combat. Pour ceux qui se battent pour nous tous. Apprends à manier ton air, et ne vis jamais à ses dépends. Car la mort la plus atroce, est celle où tes derniers jours dépendent de ton élément, et non l’inverse. Les éléments que nous avons en nous sont notre meilleure arme et notre pire faiblesse…


Son corps se révulse encore et elle suffoque.

-Lysias… fais ça pour moi.

Tellana a conscience que son vœu n’est pas des plus faciles.
Que Lysias ne la comprend pas. Mais qu’il finira par réaliser son dernier souhait : mourir dans les bras d’un frère, plutôt que dans ceux de l’ennemi. Merci Lysias.

-

[2 mois ont passé, depuis que les seaux ont été apposés sur les victimes]
Lysias se réveille en sursaut, en pleine journée. Son cycle de vie se retrouve complètement bouleversé, quand bien même ses activités ne sont pas des plus variés. Tantôt il vit la nuit, tantôt le jour, mais cette faim aux creux des tripes… Puis un jour, poussée par ce besoin intarissable, il finit par sortir de lui-même de cette chambre, pour aller grignoter, les fruits secs restés là, secs d’on ne sait trop quand, vu qu’il n’y en a plus depuis quelques temps, face à son absence totale de réactivité. Et alors qu’il grignote un morceau, il jette enfin un coup d’œil à Sappho, affairé dans il ignore quoi.

-Tu connais Alouqua ? demande-t-il à tout hasard, mâchonnant le fruit tranquillement. Imprévisible.

Haussant des épaules, il finit par vider l’assiette d’un air pensif. Le pacte que Sappho lui a proposé ne lui vient même pas en tête et de toute façon, même s’il y faisait attention, il ferait exprès encore de l’ignorer. Son regard s’attarde vers la fenêtre où il avait l’habitude de se poser, avant d’habiter l’antichambre et il s’y dirige un moment, pour observer ce qu’il s’y passe. Pas grand-chose qui change, à ses yeux, au final. Aussi, reporte-t-il son attention sur la démone.

-Et au fait, si on est tous bien surveillé avec vos dispositifs là, lança-t-il en levant son poignet « muselé ». –Les démoneux, ils peuvent bien nous laisser au moins errer dans la ville, non ? Franchement, c’est quand même inouï que de tels objets existent. ‘Faut sacrément manquer de quel chose pour ne pas arriver à maintenir tous les captifs à leur place. Enfin bon, alors, c’est possible d’au moins trainer dans les rues ?

Lysias s’adossa contre la fenêtre.
A vrai dire, il n’a croisé que très peu d’esclaves dans ses excursions. Et lorsque les occasions se sont présentées, le nymphe s’était juste contenté de les ignorer de sa superbe. Jouer les bons saints Maritain ne s’était franchement pas couronné de succès et finalement, le plus simple était bien de sauver sa vie puis après celle des autres. Or, au cœur de cette ville sombre, sa vie n’était pas à l’abri de quelconque menace, au bon vouloir de ses nouveaux dirigeants.

Lysias s’étira de tout son long, réveillant ses muscles ankylosés.

-Non mais c’est sympa les sorties avec toi, mais je vais devenir une momie, si je reste cloitré ici, moi. Et puis, si on te respecte dans cette ville, on me tuera pas, et si je m’enfuis, tu n’oublieras pas que je dois revenir ici. argumente-t-il. –ça ne fera guère plus qu’un mort supplémentaire. Bah, trouve-toi un motif pour m’envoyer faire une commission, et ça justifiera mes allées et venues dans les rues.

Le nymphe soupira.

–Ou tu peux aussi avoir envie de m’accompagner, ce que je doute fort, puisque j’imagine qu’aller rendre visite à Kaleos sera plus divertissant, par exemple.

Il l’avait dit sur un ton où on ne dénotait plus aucune pointe colérique, simplement. Franchement. A la Lysias.

–Bon, je t’explique quand même où je vais, au cas où tu me croirais pas, sait-on jamais, rajoute-t-il balayant l’air de la main. –Je veux aller aux archives de la cité. Bah, tu sais bien, celle qui a été décimée.

Savoir. Comprendre des choses.
Retrouver un semblant d’ouvrage, même si abimé. Des runes, des traces, n’importe quoi.

–C’est que… je voudrais m’informer. Y a aucun mal à avoir un semblant d’esclave intelligent, à ce que je sache, finit-t-il, sur un ton moqueur. –Puisque les démons réfléchissent avec leurs ténèbres, je peux bien faire pareil avec le cerveau qui me reste ?
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptySam 10 Avr 2010 - 10:13

Deux lunaisons entières sans un mot plus tard.

Où qu'elle l'ait trainé, où qu'elle aille, quoi qu'elle fasse, il n'avait parlé. Rien, un silence insupportable. Tout du long, elle s'était demandé s'il se moquait d'elle ou s'il était à ce point buté... Une vraie mule, avait-elle conclu. Elle ne lui avait pas donné la satisfaction de s'inquiéter apparemment. Puisqu'il acceptait sa proposition par un silence obstiné, après tout, c'était son choix. Non, là n'était pas vraiment le problème. Car si Lysias s'enfermait dans son antichambre sans manger ni boire, tant qu'il vivait, elle s'en fichait. Elle ne le laisserait pas mourir. Encore, là n'était pas son problème. Ce qui commençait à devenir légèrement embêtant, c'était sa soif de sang. Elle n'était plus l'enfant qui, autrefois, avait besoin de carnage pour vivre, elle pouvait s'en passer un certain temps. En outre, elle s'occupait encore de quelques mises à mort publiques et autres festivités. Mais elle était en manque de... torture à sa sauce. Elle n'acceptait plus d'autres esclaves parce qu'il était là. Elle ne voulait pas que le scénario avec Tellana se reproduise malgré tout, et de fait, elle devait ronger son frein en essayant de ne pas porter un regard de prédateur sur une proie à sa merci. Mais ça commençait franchement à la démanger.

Ce matin là, comme tous les autres depuis deux lunes, elle lisait les rapports des patrouilles qui quadrillaient l'extérieur de la Cité. On avait repéré des survivants, qui se révoltaient contre les démons. Des "résistants". Ils semblaient peu organisés pour le moment, et on ne s'en inquiétait pas outre mesure. C'était de futurs esclaves, non ? Comment pouvaient-ils penser résister à leur domination ? Elle ne s'attendait en tout cas pas à entendre le grincement de la porte de sa salle de torture. De fait, elle tourna brusquement la tête, sortant de ses pensées de stratège. Elle le regarda, amusée, prendre un fruit et le manger. La faim justifie les moyens, non ? ... Ah, c'était pas ça ? Tant pis. Mais lorsqu'il lui demanda si elle connaissait Alouqua, elle ne put s'empêcher d'éclater d'un grand rire. Vraiment, elle était bonne, très bonne.


" Et moi qui croyait t'avoir arraché la langue ! ... T'es drôle si je connais Alouqua... C'est ma mère mon chou ! Ahah, t'es vraiment trop, Lysias... Enfin, je devrais dire, c'était ma mère. Elle est morte il y a... hum... ça fait trois hivers déjà ? Mon père et elle se sont entretués. "

Nulle trace de tristesse dans sa voix, simple constat. Seth et Alouqua s'étaient vraiment entretués. Mais son rire lui, était vrai et clair. Vraiment, elle avait bien fait de ne pas le tuer, il arrivait à la faire rire à tous moment, même après deux lunaisons de froideur et de distance. Elle reprit vaguement la lecture du parchemin tandis qu'il lui expliquait son désir. Elle l'écouta apparemment distraitement, confortablement installée sur son fauteuil velouté. Elle ne prononça pas un mot pendant sa tirade mi-désespérée mi-fière. Une fois qu'il eut fini, elle posa son coude sur son bureau et sa tête au creux de sa main. Ses yeux étaient mi-clos, vaguement ennuyés. Elle réfléchissait à sa demande. Il voulait y aller seul, c'était évident, sa proposition de l'accompagner était purement oratoire, comme sa petite blague l'explicitait. Mais à présent, Kaleos était l'équivalent de la roture pour elle...

Elle le jaugea de la tête aux pieds : gracile, si fragile, ce nymphe, grand et harmonieux toujours. Pourtant son regard est peut-être moins indifférent qu'avant, plus... farouche devrait-elle dire, tout en restant Lysias. Ses cheveux flamboyants étaient toujours les mêmes en revanche. Il pouvait passer inaperçu, normalement, peut-être. Fallait voir. Elle attrapa un parchemin vierge, et d'une encre mêlée au sang et aux ténèbres, elle écrivit... bah pourquoi je vous le dirais ?


Spoiler:

Ahem, Sappho griffonna donc un message, et y apposa le sceau de ténèbres, de feu et de sang, symbole du Haut-Roi. Elle plia et replia le mot en quatre, en un petit carré de parchemin. Elle se leva en soupirant. Elle portait de ces vêtements qui étaient censés montrer qui elle était du premier coup d'œil : filée d'or et incrustée d'améthystes, sa robe violacée moulante au décolleté ravageur et aux bretelles tombantes descendait au-dessus de ses genoux, et laissait voir sa jambe droite à travers une ouverture qui commençait à la taille. Pour une fois, ses cheveux étaient parfaitement coiffés, lisse et encadrant son visage sans épis. Maquillée, ses yeux étaient mis en valeur. Pourquoi donc ces artifices, me demanderez-vous ? Aujourd'hui avait lieu une cérémonie, une fête en l'honneur du Roi, naturellement, d'elle aussi, et des autres généraux. En fait, c'était presque tant mieux qu'il choisisse ce jour là pour aller se promener : les démons étaient si occupés avec les préparatifs qu'ils ne remarqueraient pas un esclave trainant seul dans le Palais.

Elle s'approcha de Lysias, dont elle n'avait pas été aussi proche depuis longtemps. Mais elle ne gâcherait pas son retour parmi les êtres doués de paroles. Elle se plaça devant lui, et remarqua qu'elle faisait désormais pratiquement sa taille. Elle levait à peine les yeux pour le regarder. Elle frôla sa joue guérie et sa peau encore chaude. A ce toucher, elle prit un air songeur, un brin nostalgique. Puis elle prit la main de Lysias prestement et y fourra le bout de parchemin. Elle se retourna et attrapa sa cape couleur de nuit qui couvrait ses épaules. Elle lança au nymphe, tandis qu'elle se dirigeait vers la porte :


" Quel dommage, tu vas rater mon heure de gloire ! Bah, essaie de pas faire ton Lysias et ça devrait aller... Si on te pose trop de questions, montre ce que je t'ai donné, ça devrait les calmer... Les Archives... Pff ramène moi un livre mon chou, d'accord ? "

Pourquoi ce désir maintenant d'apprendre ? Elle ne le savait pas. Peut-être que perdre son élément était plus profond que ce que Sappho pensait. Ce ne pouvait pas être comme perdre ses ténèbres se disait-elle, car elle était née avec. Alors que l'élément se manifestait plus tard si ses souvenirs étaient justes. Elle ajouta :

" Bonne chance, sois prudent, etc. Et si tu as vraiment un problème, essaie d'utiliser ton pouvoir, d'accord ? Je te retrouverai comme ça. Hum j'oublie quelque chose... Ah je reviens demain, alors t'es pas obligé d'aller d'enfermer dans ce trou à rats. "

Elle parlait en riant à moitié. Mais qu'importe, elle déverrouilla la serrure ensorcelée et disparue comme dans un rêve, sans lui laisser le temps de répondre, volatisée parmi les ténèbres. Une nouvelle manière de se déplacer, plus rapide que par des portes de ténèbres, mais qu'elle ne pouvait utiliser que pour elle. Sa voix résonna encore dans la chambre.

" Et me dis pas merci surtout, ça pourrait t'arracher la langue sale vermine... "

Ainsi se retrouva-t-elle dans la salle du Trône où siégeait le Roi rétabli à peu près. Elle inclina rapidement la tête devant lui et s'approcha pour causer. Une journée pareille, de fêtes et de massacres, chez sa Majesté, c'était pas tous les jours ! ... Dès qu'elle s'éloigna un tant soit peu de l'Effrit, un incube pas si inconnu s'approcha d'elle. Arg Sieur Kaleos. A quel point voulait-il devenir Roi, celui-là ? Difficile à dire. Elle s'en détourna pour rejoindre d'autres Généraux. Au moins là, il la laisserait tranquille, c'était pas franchement son fiancé idéal. Mais malgré l'ambiance de fête, malgré sa tranquille assurance, ses rires clairs et les tortures infligées à quelques esclaves par ci par là, elle veillait sur l'extrait de sa magie qui circulait en Lysias. A chaque fois qu'elle fermait les yeux, elle sentait cette pierre et son porteur. Au moindre tiraillement, elle se serait retrouvée à ses côtés, prétextant une excuse bidon auprès des siens, pour aller secourir celui qu'elle penserait en danger. Au moindre petit mouvement ou flux inhabituel... Elle arriverait à ses côtés, qu'importe qu'elle ait laissé sa sucette dans ses appartements ! De toute façon, les fêtes, s'il n'y avait pas de petit grain de sables, c'était vraiment pas drôle.

Spoiler:
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MessageNuit, mère des ténèbres EmptyDim 11 Avr 2010 - 11:04

Après ça, l’épisode avec Tellana, ne revint plus dans les sujets de conversation de Lysias, pendant très longtemps.
Lysias ignora l’humeur étrangement hilare de la démone. Que pouvait-il y faire après tout ? Haussant des épaules il l’observa un moment en silence. Alouqua était donc la mère à Sappho. Alouqua, que Tyrol avait mentionné lors de son dernier cours… Quoiqu’il en soit, les parents de l’autre succube devait être singulièrement « singulier » pour s’entretuer entre eux. Et voilà où mène une vie de couple réussie. Et alors que Sappho lui prête une oreille discrète après s’être marée, Lysias lui jette un regard dubitatif. Il est où le mini tout décoiffé d’avant, qui mesure deux pommes et demie ? Fronçant les sourcils, il la fixe, toujours aussi sceptique, enfiler sa cape et disparaître sans plus attendre.

-Tss, parce qu’en plus il faut que je te remercie ! jura-t-il en dépliant le carré de papier signé, pour y jeter un coup d’œil. Vermine, qu’il y avait clairement marqué ! Agacé, Lysias manqua de rouler le parchemin en boule et le lancer par là où la démone s’était éclipsée. –Et d’où elle m’appelle le chou, celle là !

Se rattrapant de justesse, il ne fit que balancer le papier de l’autre côté de la pièce et tourna en rond dans la chambre un moment durant, assenant tous les noms d’oiseau possible et imaginable à celle qui n’était plus là. Fais attention, prend soin de toi, fais pas ton Lysias. Bon sang, de bonsoir, et elle continuait à le sermonner ainsi. N’importe-quoi, s’exclama-t-il, d’un pas rageur, il ne suffit pas d’avoir beaucoup de pouvoir pour vivre, il vivait très bien lui, sans son élément. Alors pourquoi s’obstinait-elle à le regarder comme une chose trop frêle qu’on briserait aussi simplement que du verre. Vraiment.

Vision tordue des faits, Lysias s’agace tout seul du comportement de Sappho envers lui, et finit par sortir de la chambre d’un air farouche, claquant la porte avec satisfaction. Cet égoïste a gardé son habitude à transformer la vérité telle qu’il la perçoit, et à ce moment là, il n’y voit que ce qu’il ressent lui : un agacement et une exaspération générale. Evidemment, on n’en fait pas deux, des égocentriques comme ça. Au fait, qu’est-ce qu’elle avait dit, là ? Son heure de gloire ? Encore des choses louches, pas nettes, et démoniaques, en somme. Et, tout en s’énervant tout seul encore, il finit par arrêter le cours de ses pensées lorsqu’un tiraillement au dos lui rappelle que ses colères n’en seront pas plus récompensées. Un tiraillement aussi futile qui disparut aussitôt qu’il se manifesta. Il lui semblait que la pierre avait des effets étranges et différentes selon les porteurs, à en entendre parler les autres prisonniers…

-Hé toi, là !

Lysias hésite une seconde, entre ignorer son interpellant et se retourner. Il n’aura pas besoin d’en faire plus, qu’il le sent s’approcher. Ah génial, c’est Urgen, son super pote, après Kaléos. La totale, en fait. Ils sont encore plus désagréables que Sappho. Quoiqu’en y revenant dessus, elle n’était pas « désagréable » avec Lysias, la Dame faux. Enfin, peut être que si, la dernière fois… En réalité, la violence qu’elle lui avait offert deux lunaisons auparavant lui reste encore au travers de la gorge. Le nymphe a beau eu l’ignorer, de toute sa vie, il n’en retiendra que les faits qui l’ont marqué. Et voilà qu’il sent qu’on tente de le secouer.

-Tu m’écoutes quand je te parle, sale vermine ?
-La Vermine t’écoute.
-Qu’est ce que tu trainailles ici ! Espèce de misérable ?
-Le Misérable n’a que faire de… ||Ne fais pas ton Lysias.||


Agacé, Lysias lui colle la missive sur le pif.

-Tu le vois ça, le misérable en question est légèrement occupé.

Des yeux rageurs se posèrent sur lui.

-Et je n’ai pas besoin d’assistance, merci Urgen.
-Sale crapaud ! Tu perds rien pour attendre…


Crapaud ! Lysias lève les yeux au ciel et sent l’envie irrésistible de l’autre démon, de le dégommer d’un coup de patte. Le nymphe passe sans plus perdre son temps, observant les nouveaux bâtiments de la ruelle. Les ruelles qu’il connait presque comme sa poche pour y avoir traîné dans tous les coins avec Selectys. Et Thanis. Qu’est-elle devenue depuis l’autre soir. De ce fait, il passa devant la boutique où il avait acheté des sucreries pour ensuite les éparpiller partout autour de la cité. Il ralentit ses pas, nostalgique et bifurque au croisement de la rue. Sappho lui manque.


[Archives d’Elamentdixit du Palais des Feux]

Sappho, d’avant Caliel, Sappho d’avant guerre.
Sans se rendre compte que lui aussi a changé. Et alors qu’il parcourt l’ancienne Bibliothèque de la cité, ses yeux jaugent les vestiges détruits, les œuvres préservées depuis des siècles décimés. Ecrasés, brulés, pillés, comme il s’en doutait. Le spectacle est déplorable : la majestueuse salle de jadis n’est plus que bris de verres et de feuilles de parchemins abimés. Tant de mémoires saccagés, c’est un crime. Certaines étagères ont pourtant plus ou moins résisté à ce pillage sans merci. Lysias soupire, et repousse la porte qui donne dans les sous sol. La cage d’escalier sombre, qui avant était illuminé d’éléments, repose aujourd’hui dans un lourd sommeil glauque et profond. L’antre est resté tel dans ses souvenirs, gravé d’anciennes runes le nymphe ne sait décrypter. La seule chose qu’il sait, c’est qu’autrefois, l’accès était interdit d’accès aux élèves.

La porte cède aisément à la pression, et laisser découvrir un panel de meubles restés intactes à la grande surprise du nymphe. Lorsqu’il essaye d’ouvrir la vitrine qui protège les ouvrages, elle ne s’ouvre pas, et il sent un picotement autour de son poignet, -sensation distinctive de lorsqu’il utilise son pouvoir-. C’est une étrange sensation de sentir son pouvoir se réveiller à l’approche de ces meubles… Malgré tout, ses autres tentatives pour forcer la vitre se résolvent en un échec, si bien que, sans songer à forcer davantage, l’aera finit par faire le tour de la pièce avant d’en ressortir. Et soudain, là, une voix résonne, le faisant sursauter, comme s’il était fautif. L’oreille aux aguets, Lysias cherche du regard une forme, une silhouette dans cette pénombre, n’importe quoi qui pourrait en être à l’origine. Puis la voix disparait aussi soudain qu’elle apparait. Surpris, Lysias remonte les marches, lorsqu’une deuxième vague de voix l’assaille. Et parmi elles, la voix de Sappho. Quel est ce nouveau délire, le nymphe ne comprend rien, et s’attarde dans la pièce par où il est rentré tout à l’heure. Les voix se font plus claires et distinctes, mais il ne comprend pas très bien ce qui se dit. Ça parle et ça parle, comme s’il se tenait dans une pièce remplie d’autres gens, et à plusieurs reprises, le nymphe fait volte face, croyant avoir entendu une voix juste là, derrière lui. Dans son incompréhension la plus totale, il esquisse un autre mouvement en arrière, renversant une étagère vitrée qui vient se briser derrière les œuvres déjà étalées au sol.

-…Sappho ? Sappho !

Où est-elle, pourquoi entend-il la tonalité de sa voix, Lysias l’ignore.
Dans la volonté d’émerger de ce tumulte de voix qu’il prend pour une folie, l’aera s’assied contre le mur le plus proche, prêtant attention à ce que perçoivent ses oreilles. Alors qu’il se concentre davantage, les conversations se font plus brouillées et indistinctes. A-t-il touché quelque chose qu’il ne fallait pas ? Suspicieux, le nymphe repose le bouquin qu’il vient de saisir, et se décale sur le côté. Pour autant, les picotements de son poignet ne s’apaisent pas et l’impression que des baies piquantes s’enfoncent à même la peau à cet endroit là, l’oblige à vérifier pour voir si cette sensation n’est pas réelle. Elle semble l’être, mais sans fondement.

La réalité dans cette histoire, c’est que la salle défendue ne s’ouvre qu’aux élémentalistes. Quand à ses archives sous-terraines, elles n’appartiennent qu’à ceux dont les éléments sont purs. On dit que ceux qui pénètrent la salle sentent leur pouvoir s’animer, comme si réveillé par tous ces héritages, que les ancêtres ayant légué leur mémoire. Or Lysias est en ce moment scellé sous la magie démoniaque… Petit à petit, Lysias découvre jour après jour, le fonctionnement des objets qui entravent à sa liberté : la chaine bloque tout pouvoir élémentaire, et la pierre l’aliène à celle dont il doit allégeance, au fur et à mesure que le temps passe. Et les deux objets démoniaques réunis, se synchronisent dans leurs effets. Mais à cet instant là, il ne le sait pas.

-

Finalement, Lysias revient au logis, perplexe des voix qu’il a entendu exploser dans sa tête. C’est au sol qu’il commence tout de même à feuilleter son premier livre de démonologie, avant de piquer du nez dessus sans même s’en rendre compte. Il entend alors de nouveau la voix de Sappho, qui parle avec d’autres qu’il ne reconnait pas forcément. Ah si, peut être celle de Kaleos, parmi elle ? Va savoir. Et puis dans ces perceptions singulières, Sappho est coiffée, pas comme d’habitude avec ses cheveux en bataille, et ses airs de garçonnet. En la reconsidérant par deux fois, il faut admettre qu’ils ont poussés ses cheveux. Et qu’elle-même a poussé… à moins que ça soient l’imaginaire nocturne qui déforme la réalité. Ah la voilà qui arrive, de sa robe pourpre taillée courte. Il manque un doigt à sa main. Tiens donc ? Mais pas le temps de s’y attarder qu’il l’aperçoit avec un décolletée outrageant, robe fendue à outrance aussi. Dans son rêve, Lysias pense que c’est scandaleux qu’elle se pavane ainsi. Ah non bien sûr qu’elle n’a pas le droit de se pointer ainsi devant les autres, cette inconsciente. A coup sûr, Kaleos va encore se rameuter, lui et sa détestable allure de noble, et tous ceux qui n’arrêtent pas de chercher les convoitises de la Faux. Tss… et ce n’est qu’une Faux idiote et aveugle, parce que pour lui trouver des atouts à cet incube, elle doit sacrément avoir des goûts singuliers. Une Faux stupide qui pense qu’il est incapable de vivre seul à ses dépends, qui le prend pour une Vermine, et qui lui apporte la becquée tous les jours. Qui sourit quand ils sont seuls et qui se moquent lorsqu’elle croise d’autres démons. Une Faux qui ne fait rien comme il faut. Là, soudain, une douleur envahit le dormeur, qui se réveille en sursaut coupant court à ce rêve machiavélique. Quand il se lève, son poignet est poisseux, et la douleur disparait comme le silence après la tempête.


REFLETS DE LA REALITE

Dans la salle de bain, Lysias utilise les onguents ramenés par la succube l’autre fois. Il ne comprend pas pourquoi la peau s’est écaillée et ciselée de part en part, là où il porte la chaîne. Ce sont des plaies qui brûlent, mais qui ne sont plus grand-chose pour ceux qui ont déjà frôlé la mort. Ce faisant, son regard s’attarde devant le reflet que lui renvoie la glace, où un nymphe le détaille à son tour. Il a les cheveux écarlates et pivoines, un regard ombrageux envers sa propre image. Les deux tâches oranges bordent un côté de sa joue guérie et il finit par tirer une mine aigrie devant son visage fatigué. Quant à son dos… il n’a même pas essayé de regarder à quoi ressemble la pierre qu’on lui a inséré entre les omoplates, ni le seau qu’on lui a apposé, comme on tatoue le bovin avant de le bouffer. Dans la continuité de sa pensée, Lysias tilte sur le mode de vie des démons et commence à y réfléchir, tout en éliminant la couleur pourpre de son poignet. Mais alors qu’il pense, l’image de Sappho altère l’ordre de ses réflexions, agaçant partiellement le nymphe.

Depuis quelques temps, tantôt il se surprend à être abruti de silence, face à une absence totale d’émotion, tantôt, il sent une énergie étrange qui anime ses accès de colère, déformant alors un simple agacement en une fureur incompréhensible. Seulement à chaque excès d’états, la pierre le lancine sans ménagement, le forçant à revenir dans un état second pour oublier ses effets. Or, contrôler ses sensations, ses troubles, ses colères et tout ça, ce n’est pas du ressort de la volonté du nymphe. Ce qui revient, à l’agacer d’autant plus. Donnant un coup de pied nonchalant à la porte, il commence à tourner en rond dans la pièce avec la douleur qui cette fois, le tiraille clairement au dos. Et ce qui le contrarie en cet instant-là, c’est encore Sappho.
Sappho et Kaléos.
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