Dehors le Nord ouvre ses Portes
Tombeau glacé des choses mortes
Soufflent les vents
Craque la glace
Hurle le clan
Des loups en chasse
Qu'importe, frères
Loin sous la pierre
Bien abrités
Taillez, creusez
Le roc!
Traduction d'un chant de travail des Nains.
* * *
Siddarthâ
De toutes les cités connues à la surface du monde, Siddarthâ est celle située la plus au Nord. On la trouve à l'extrémité septentionales des Terres Glacées. Le climat de cette région est véritablement polaire, l'été, les lieux sont encore vivables, même si le grand lac de glace situé à proximité de la Cité ne fond pas, les températures ne montant jamais au dessus du point de dégel. En revanche, lorsque la longue nuit hivernale s'étend sur la contrée, durant six mois, simplement sortir devient réellement dangereux. Personne ne sait jusqu'où peuvent descendre les températures, mais il est impossible de survivre longtemps sans abri, même muni d'un équipement complet. Et tout imprudent qui se trouve dehors lorsque le terrible blizzard se met à hurler, est condamné à mourir gelé en quelques minutes ...
Comme aucune construction ne saurait abriter d'intempéries aussi extrêmes, Siddarthâ est une cité souterraine. Plus exactement, elle fut bâtie à l'intérieur d'une montagne, que ses habitants nomment le Pic du Grand Hiver. Un seul peuple avait le talent de bâtisseurs et la résistance physique nécessaire à cette tâche : les Nains. Siddarthâ n'est pas la plus grande de leurs cités, mais elle demeure leur dernier sanctuaire, détentrice de leurs oeuvres les plus anciennes et de leurs plus grands trésors.
De l'extérieur, on ne voit de la Cité que deux immenses parois de pierre sculptées dans les falaises, traçant les contours d'une porte titanesque, de plus de quatre cent mètres de haut. En réalité, celle-ci n'est qu'un ornement et ne s'ouvre pas, car le vent s'y engouffrant suffirait à anéantir la ville. D'autres portes plus petites, réparties sur les flancs de la montagne, donnent accès à l'intérieur. Devant elle, plusieurs pans de rochers ont été taillés en forme d'habitations et de sculptures. Mais cette cité n'est qu'un fantôme, destiné à leurrer d'éventuels assaillants le temps que le blizzard survienne et les engloutisse. La véritable Siddarthâ s'etend à l'intérieur du Pic. Voûtes ouvragées, forges, ateliers, salles de vie commune, champs entiers entretenus par le génie industriel qui caractérise les Nains...
Les Nains du SeptentrionSi les habitants de cette ville on un nom, ils le gardent pour eux. De toute façon, la plupart des gens ne les distinguent pas de leurs cousins. Simplement un peu plus grands que ceux de leur peuple vivant dans des terres plus clémentes, ils sont des Nains - ni plus, ni moins. Avec leurs défauts et leurs qualités : souvent un peu rustres, d'abord pas toujours très facile, alliés fidèles quoiqu'un peu rancuniers, leur isolement ne les a pas conduit à se méfier des autres peuples. Ils accueillent chaleureusement les rares caravanes pacifiques arrivées jusqu'à eux, mais surveillez vos bourses, car ils feront tout pour vous vendre (fort cher) les produits de leur industrie! Moins cupides que les Nains du Sud, ils partagent cependant le même sens du commerce ...
Sporadiquement, des guerres secouent la Cité naine et la maintiennent en état de vigilance. En effet, de nombreuses tribus orques vivent dans les environs, habitant des villages troglodytes. Leurs hordes surgissent parfois et mènent des raids sur les mines secondaires des Nains, même si jamais elles ne s'attaquent à l'inexpugnable masse de Siddarthâ. Plus vives et mobiles que les lourds guerriers du Petit Peuple, les Orques sont vaincus à chaque bataille rangés, mais infligent de lourds dégâts à leurs adversaires quand la guerre vire à la guérilla. Tous les points précieux de la région sont l'objet d'affrontements longs et sanglants : sources d'eaux chaudes, dépôts de minerai, fjords naviguables, cavernes propices, zones de terre arables durant l'été boréal. Mais comme le disent eux-mêmes les Nains, cela fait des siècles "qu'on a une bonne bagarre chaque été, et y'a pas de raison pour que ça s'arrête."
Leur société semble très cohérente, avec assez peu de castes. Chaque individu participe à la vie commune à la mesure de ses forces et de son talents. Le rythme de vie des Nains favorise ce mode de vie, car les jeunes atteignent très vite leur stature d'adulte, tandis que les anciens gardent leur vigueur jusqu'à peu de temps avant leur mort. Deux particularités culturelles sont à noter chez eux. Les femmes naines sont invisibles, peu nombreuses et vivant recluses. Elle semblent toutefois jouir d'un certain statut, plutôt qu'être soumises - mais leurs tâches sont différentes de celles des hommes et les conduisent rarement en-dehors de la cité. On notera aussi que les Nains n'entretiennent pas de sépultures : leurs morts sont brulés dans les grands fours de la mine. Les cendres, selon le désir du défunt ou de sa famille, sont alors épandues au vent ou conservés dans d'admirables objets d'art.
Histoire
La fondation de Siddarthâ remonte seulement à neuf siècles : âge avancé pour une ville, mais jeune pour l'une des grandes civilisations de ce monde. Les documents et chroniques qui y sont conservés ne remontent guère au-delà d'un millénaire, mais leur étude permet de renseigner un érudit assez persévérant. Les Nains sont ravis d'accueillir des gens disposés à étudier leurs manuscrits, mais eux-mêmes ne portent pas grand intérêt à ce genre d'activités. Les écritures, ça ne sert à rien, excepté bien sûr à faire les comptes à la fin du mois.
Bref, on peut conclure avec certitude que les Nains qui fondèrent la ville virent de Magyar et d'Erestrée. L'exode se produisit lors de l'une des Grandes Guerres de l'époque. Plutôt que de combattre les armées démoniaques qui multipliaient les attaques, ainsi que les détachements Drows qui vouent aux Nains une haine féroce, ceux-ci choisirent de mettre leur peuple à l'abri. Ils évacuèrent la plupart de leurs anciennes cités, à l'exception de leur capitale, Nidavellir. En lieu et place, ils fondèrent une poignée de colonies autour du globe, souvent en des lieux isolés. La plupart furent oubliées, soit détruites, soit vivant en autarcie. On compte aujourd'hui les emplacements Nains sur les doigts d'une main, et Siddarthâ en fait partie. Pourquoi est-elle encore si connue, malgré son isolement - la raison en est sans doute des coutumes de son peuple.
En effet, bien qu'ils aient choisi la retraite pour protéger les leurs, les Nains ne renièrent pas leurs liens d'amitié avec d'autres peuples souffrant de la guerre. Chaque fois qu'une guerre secouait Magyar, et que les grottes vomissaient leurs hordes de créatures infâmes, Siddarthâ respectait ses engagements. Plusieurs contigents de Nains de Guerre étaient envoyés, habitués à la guerre en conditions hostiles, et prêtaient assistance à plusieurs reprises à Luxania et Elament. Toutefois, il y a deux siècles, après une sinistre année ou un convoi entier sombra avant d'arriver à destination, les Nains préfèrèrent ne plus construire leurs propres navires et louèrent leur passage vers les Terres du Sud sur ceux des Andoriens.
Leurs relations sont plutôt fraîches avec la plupart des royaumes Elfes. Cela n'est pas dû à une réelle animosité (les elfes se rendant rarement sur le continent glacé de Kalmastre), mais plutôt que les habitants de Siddarthâ calquent leur politique étrangère sur celle de Nidavellir, la capitale nanesque. Le paroxysme de ces tensions fut atteint en -480, lorsqu'une expédition commerciale dégénéra en début de bataille avec le Royaume d'Heldalotë. Heureusement, la présence de nombreux magiciens empêcha que le sang ne soit versé entre les deux parties. L'affaire termina en quelques plaies et bosses, qui furent réparées grâce à l'arbitrage d'Elament. Depuis, les deux peuples affectent de se mépriser par tradition, mais la plupart des vieilles rancunes ont fini par s'éteindre. Les deux dernières guerres démoniaques les trouvèrent d'ailleurs dans le même camp, ce qui permit aux Nains d'inventer une variante à un célèbre proverbe : "l'ennemi de mon ennemi n'est pas si moche, finalement." De même, ils évitent les clans de Cristalléens. Nulle animosité entre ces deux peuples, mais un fossé sépare leurs deux cultures. Les Clans ne vouent pas grande estime aux travailleurs du métal cloîtrés dans leur montagne. Quand à ceux-ci, ils conservent une obscure méfiance envers ces habitants aux cheveux blancs, aux moeurs étranges, qui chassent la proie sur la glace et semble vivre sans crainte au coeur de l'hiver.
A l'inverse, les Nains sont depuis longtemps les alliés fidèles de Kalmastre et Nakkohr, les deux autres cités de leur continent. Connus sous le nom de la Coalition, ces trois peuples ont pour l'instant fait face sans aide à leurs diffrentes crises. La rudesse du climat les rapproche, en mobilisant leur énergie à autre chose qu'à se disputer, et leur permet de se défendre contre tout attaquant inexpérimenté. Une vieille amitié les lie également au village de Labourr et à ses sympathiques habitants. Amitié due à un intérêt commun : la bonne nourriture! Chaque été, une expédition arrive de Siddarthâ, transportant objets et minéraux de prix. Sur la côte, ils rencontrent un convoi venu de Labourr, chargé d'excellente bière, de légumes préparés avec art et de divers autres produits de la gastronomie. Après plusieurs jours de marchandages et de libations, les deux peuples repartent fort satisfaits l'un de l'autre ...
Le reste du temps, isolé par les glaces, le royaume du nord fonctionne en autarcie. Alors que l'hiver fait rage au-dehors, les habitants occupent leur temps aux arts de la guerre et de l'artisanat, à l'extraction de minéraux précieux, au travail du métal et de la pierre. On dit également qu'ils tentent de découvrir ce qui s'étend au-delà de Siddarthâ, dans la nuit des étendues infranchissables qui barrent l'accès au Pôle.
Siddarthâ et la MagieLes Nains de Siddarthâ adorent essentiellement Igna et Terra, convaincus que les deux divinités existent encore au coeur de la magie. Ils nomment d'ailleurs celle-ci "Arâd", ce qui signifie "âme divine". Ils révèrent également tout un panthéon de demi-dieux liés au feu et au métal. Mais aucun clergé n'imposant de règle, ce culte relève surtout de la tradition et des rituels polis par l'habitude. Ceux qui naissent avec un don de magie sont envoyés à Elament, et sont acceptés sans en faire beaucoup d'embarras. Une de leurs plaisanteries est restée célèbre à Elament, lorsque l'un d'eux déclara à un Igni que chez eux, "on n'avait pas besoin d'étudier deux ans pour faire des étincelles". Il faut néanmoins être un Nain, dit-on, pour saisir ce que la citation a d'hilarant...