L'aube n'était même pas encore levée.
Un nuage de brouillard entourait encore de ses bras de narcotique les remparts de la cité, comme l'étreinte d'une amante, ou celle d'une mère. Les étoiles picotaient le ciel, ci et là, tel des joyaux sur le revers d'une cape de riche facture, et le froid mordait profond. L'hiver s'installait peu à peu, et les préparatifs pour les fêtes hivernales avançaient doucement. Les maisons se paraient de botte de foin séché, de guirlandes de tissus. Dans cette ambiance morne de la saison froide, c'était comme si les habitants essayaient de faire fuir les ombres par les couleurs criardes de la Haute Saison.
Dans les couloirs de l'école, il ne régnait que comme seul bruit celui de l'agent unique de maintenance, qui dépoussiérait les rembardes des escaliers, nettoyait rapidement les majestueux vitraux, lessivait le sol de marbre. Il devait probablement y avoir des surveillants qui commençaient à ouvrir les portes des différents couloirs de l'école, mais aucun élève n'était présent, cette chose était sûre. Enfin, pour le moment.
Par delà les couloirs sous-terrains et les salles glacées, il y avait la salle de classe des aquas, grand cachot réhabilité, au plafond duquel pendant des chaînes réutilisées en lustres. Les torches n'étaient pas allumées, sauf quelques unes, qui projetaient sur les murs une lueur glauque, blafarde, dans une atmosphère humide et glacée. Sous le lac, il n'y avait pas de pitié pour les corps chauds. Et puis, avec l'hiver qui venait doucement, la puissance des Aquas serait sous peu à son apex. Cette idée mettait en joie une grande partie des Liquideux.
Ruby était assise sur un grand tabouret, sa robe coupée à la grecque (plus courte devant, arrivant juste au dessus des genoux, plus longue derrière, caressant le sol) nouvellement acquise mettant valeur le galbé de ses cuisses d'opale. La blancheur, chez elle, était une nature, qui allait bien au delà de la couleur. Avec la patience des prédateurs, elle attendait que venait ses élèves. Les cours, elle préférait les dispenser quand le froid était encore un calvaire pour une grande partie de la population, et dans le lieu qui était réservé à son enseignement.
Non pas qu'elle critiquait les méthodes de ses collègues, mais les falaises n'étaient pour elle réservées que pour les cours particuliers. De plus, la côté était le théâtre des tempêtes effrayantes en hiver, et la professeur ne voulait pas être responsable de la mort d'élèves. Pas une nouvelle fois.
Des pas d'une discrétion presque troublante se firent entendre en direction du couloir. Une femme. La première de ses élèves arrivait.